Daigneault c. Kevin Auto Lux inc. |
2020 QCCQ 179 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TERREBONNE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-JÉRÔME |
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« Chambre civile » |
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N° : |
700-32-701313-189 |
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DATE : |
Le 16 janvier 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
LA JUGE |
JOHANNE GAGNON, J.C.Q. |
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Lise DAIGNEAULT |
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Demanderesse |
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c.
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KEVIN AUTO LUX INC. et 9223-0622 QUÉBEC INC., f.a.s.n. 4MK Auto et Kevin SAIF |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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INTRODUCTION
[1] Après avoir pris connaissance d’une annonce parue sur le site de Kijiji, Lise Daigneault se rend chez 9223-0622 Québec inc. (ci-après «4MK») où elle achète un véhicule d’occasion de Kevin Auto Lux inc. (ci-après «Auto Lux»). Elle soutient que le véhicule qu’elle a acheté était affecté de vices cachés au moment de la vente. Elle prétend également avoir été victime de fausses représentations ou de représentations trompeuses lors des discussions ayant précédé l’achat.
[2] Elle réclame à 4MK, Auto Lux et au représentant de cette dernière, le défendeur Kevin Saif, solidairement, la somme de 5 870,77 $ à titre de compensation pour les réparations qu’elle a dû faire effectuer, les troubles, ennuis et inconvénients qu’elle a subis et la perte de jouissance de son véhicule.
[3] Les défendeurs nient les prétentions de madame Daigneault. 4MK soutient n’avoir aucun lien de droit avec madame Daigneault. Quant à Auto Lux et monsieur Saif, ils nient l’existence des vices cachés et affirment n’avoir fait aucune fausse représentation ou représentation trompeuse afin d’inciter madame Daigneault à acheter le véhicule.
Le contexte
[4] Pour les fins de son analyse, le Tribunal retient les faits suivants.
[5] 4MK et Auto Lux oeuvrent toutes les deux dans le domaine de la vente de véhicules d’occasion. Auto Lux appartient à Kevin Saif alors que 4MK appartient au frère de Kevin Saif, Magid Saif.
[6] Pour entreposer leurs véhicules, les deux entreprises partagent le même terrain situé au 14 100, boul. du Curé-Labelle à Mirabel. Elles adoptent toutes les deux le code d’éthique de l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec (ci-après l’«AMVOQ») et elles utilisent le même site pour annoncer leurs véhicules.
[7] Le 17 juin 2017, madame Daigneault consulte le site de Kijiji et y voit que 4MK annonce un véhicule de marque Chrysler, modèle 300, de l’année 2005, ayant parcouru 168 781 kilomètres, pour la somme de 2 950 $[1].
[8] Le même jour, elle se rend à la place d’affaires de 4MK à Mirabel pour voir le véhicule. Elle affirme qu’un examen visuel lui permet de constater que celui-ci est en bon état. Selon elle, tout fonctionne bien dans le véhicule et la carrosserie est impeccable.
[9] Elle se rend alors chez Canadian Tire pour faire inspecter le véhicule. Elle affirme que le représentant de Canadian Tire lui confirme que le véhicule est en bon état et qu’elle fait une bonne affaire en l’achetant, et ce, malgré certaines réparations à faire au niveau de la barre stabilisatrice de la suspension («os à chien») arrière gauche et de la panne à l’huile de transmission[2].
[10] Le même jour, elle décide d’acheter le véhicule à la condition que l’os à chien soit réparé et que la panne à l’huile soit changée. Elle donne un dépôt de 200 $. Il est convenu qu’elle repassera le 21 juin 2017 pour signer le contrat et prendre possession du véhicule.
[11] Le 21 juin 2017, un contrat de vente d’un véhicule d’occasion est signé entre madame Daigneault et Auto Lux (ci-après le «Contrat»)[3]. Le prix total convenu est de 3 297 $ incluant une garantie prolongée au montant de 200 $.
[12] Le Contrat indique, à la section 3.2, que le véhicule est vendu tel quel et que les futures réparations sont aux frais du client. À la section 4, il est mentionné :
«Le client a fait inspecter le véhicule chez Canadian Tire. Suite à l’inspection, le commerçant a changé à ses frais l’os à chien arrière gauche et la panne à l’huile à transmission. Reste des réparations aux frais du client.»
[13] Madame Daigneault explique que lorsqu’elle quitte au volant du véhicule ce jour-là, le tableau de bord s’illumine comme un sapin de Noël et l’odomètre, la climatisation et le chauffage ne fonctionnent plus. Elle constate également que le véhicule est déséquilibré ce qui rend la conduite difficile. Elle revient sur ses pas et en avise Auto Lux. Un rendez-vous est convenu pour le 26 juin prochain afin de procéder aux vérifications du système de ventilation et à l’alignement du véhicule.
[14] Le 23 juin 2017, madame Daigneault fait faire une seconde inspection chez Canadian Tire. À cette occasion, elle apprend que l’os à chien a été changé, mais du côté droit au lieu du côté gauche[4]. Elle en informe immédiatement Kevin Saif.
[15] Madame Daigneault rapporte le véhicule chez Auto Lux non pas le 26 juin tel que convenu, mais vers 13 h 30 le 27 juin 2017.
[16] Elle le récupère le soir même, vers 19 h. Bien que plusieurs réparations ont été effectuées par Auto Lux afin d’assurer une conduite sécuritaire du véhicule, l’os à chien n’a pu être remplacé en raison du fait que le fournisseur n’a pas livré la bonne pièce à Auto Lux. De plus, le système de ventilation n’a pu être vérifié, faute de temps.
[17] Il est convenu que madame Daigneault rapportera son véhicule le 29 juin pour que les réparations soient finalisées.
[18] Le 29 juin, le véhicule est rapporté chez Auto Lux. L’os à chien arrière gauche est remplacé. Quant au système de ventilation, les vérifications qu’Auto Lux effectue en après-midi lui permettent de constater qu’une pièce n’est plus utilisable et doit être changée[5]. Cependant, Auto Lux n’a pas cette pièce en inventaire et elle n’est disponible que chez le concessionnaire Chrysler. Compte tenu du congé du 1er juillet 2017, la pièce en question ne pourra être livrée que le 4 juillet 2017.
[19] Excédée, madame Daigneault fait appel à l’assistance routière de CAA Québec pour faire remorquer son véhicule le 30 juin 2017 compte tenu que la conduite de celui-ci n’est pas sécuritaire vu la pièce manquante.
[20] Madame Daigneault soutient qu’elle a été victime de fausses représentations de la part des défendeurs quant au véritable état du véhicule au moment de l’achat et sur la véritable identité du vendeur.
[21] À l’audition, madame Daigneault affirme avoir découvert, le ou vers le 25 juillet 2017, que le véhicule qu’Auto Lux lui a vendu a, dans le passé, servi comme véhicule d’urgence par la Ville de Montréal.
[22] Elle explique également que le véhicule a été annoncé par 4MK alors que c’est Auto Lux qui lui a vendu.
[23] Elle soupçonne les défendeurs d’avoir utilisé le véhicule pendant la période où elle le leur a confié. Selon elle, ils ont enlevé une pièce de l’odomètre pour ne pas qu’elle se rende compte de leur utilisation du véhicule et lorsqu’ils ont replacé la pièce, ils l’ont replacée dans le mauvais sens.
[24] Elle soupçonne également les défendeurs d’avoir endommagé le véhicule pendant leur utilisation et d’avoir remplacé la batterie par une vieille batterie, par vengeance.
[25] Elle leur réclame la somme de 3 370,77 $ pour les réparations au véhicule, 1 000 $ pour les troubles, ennuis et inconvénients subis et 1 500 $ pour la perte de jouissance de son véhicule.
ANALYSE ET DÉCISION
[26] Rappelons d’entrée de jeu que pour que le Tribunal conclue à l’application de la garantie contre les vices cachés prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec (ci-après «C.c.Q.»), la preuve doit établir que :
i. le bien est affecté d’un vice grave, c’est-à-dire un vice qui rend le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou qui en diminue de beaucoup l’utilité;
ii. le vice existait au moment de la vente;
iii. le vice est caché; il s’agit là d’une notion qui s’évalue objectivement et qui est accompagnée de l’obligation d’information à laquelle l’acheteur est tenu; et
iv. le vice est inconnu de l’acheteur.[6]
[27] En ce qui concerne le fardeau de preuve, il repose sur les épaules de madame Daigneault. Elle doit prouver que le véhicule était affecté de vices cachés au moment où elle l’a acquis, selon les critères établis ci-devant. Elle doit également faire la preuve des fausses représentations ou représentations trompeuses dont elle se prétend victime, des autres reproches formulés à l’égard des défendeurs ainsi que des montants qu’elle réclame.
[28] Madame Daigneault doit convaincre le Tribunal du bien-fondé de ses prétentions selon la règle de la prépondérance[7]. Cette règle prévoit qu’un fait sera considéré prouvé si le Tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence. Il ne s’agit donc pas de démontrer qu’un fait est possible, mais plutôt de démontrer qu’il est probable[8].
[29] Lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou si la preuve est contradictoire et qu’il est impossible pour le juge de cerner la vérité, celui sur qui reposait le fardeau perdra[9].
[30] En l’espèce, le Tribunal conclut que Madame Daigneault ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve.
[31] Tout d’abord, l’inspection que Canadian Tire a effectuée le 17 juin 2017[10] révèle qu’avant l’achat, les témoins «Check Engine» et «!» pour les freins sont allumés. Le rapport d’inspection indique également que des réparations ou interventions sont requises au niveau des items suivants :
(a) la lumière du moteur;
(b) les autres lumières;
(c) la direction assistée;
(d) la transmission;
(e) les freins;
(f) l’os à chien arrière gauche;
(g) l’angle de poussée des 4 roues;
(h) l’entretien des étriers;
(i) le silencieux; et
(j) la panne à l’huile de transmission.
[32] Le Tribunal conclut que les items visés par la réclamation de madame Daigneault découlent de l’un ou l’autre des problèmes constatés par Canadian Tire dans son inspection du 17 juin 2017. Madame Daigneault n’a pas convaincu le Tribunal que sa réclamation vise d’autres items, résultant de vices cachés.
[33] Le Tribunal conclut également qu’Auto Lux a fait les réparations qu’elle s’est engagée à faire aux termes du Contrat, et même plus.
[34] Le Contrat indique que seules les réparations au niveau de l’os à chien et de la panne à l’huile seront effectuées par Auto Lux et que toute autre réparation sera à la charge de madame Daigneault.
[35] Malgré ce qui précède, Auto Lux a remplacé plusieurs pièces (disques et plaquettes des freins avant[11], deux link arrière[12], control arm avec ball joint en bas à gauche[13] et wheel ABS sensor arrière gauche[14]) alors que ces réparations n’étaient pas prévues au Contrat. Aucun montant n’a été chargé à madame Daigneault.
[36] Dans les faits, Auto Lux a effectué des réparations, à ses frais, pour une somme totale de 1 449,37 $[15], incluant l’os à chien et la panne à l’huile.
[37] Alors qu’Auto Lux était sur le point de compléter les réparations, à la fin juin 2017, madame Daigneault a choisi de reprendre possession du véhicule alors qu’elle savait que le véhicule ne pouvait circuler en raison de l’absence d’une pièce essentielle. Elle affirme qu’elle était excédée et qu’elle avait besoin de son véhicule.
[38] Or, bien que madame Daigneault ait repris possession de son véhicule le 30 juin 2017, ce n’est que le 12 septembre 2017, soit plus de deux mois plus tard, qu’elle a fait ajouter la pièce manquante qui lui aurait permis d’utiliser son véhicule[16].
[39] En tout et partout, Auto Lux a eu le véhicule pour des réparations le 27 juin 2017 de 13 h 30 à 19 h et le 29 juin 2019 de 10 h 30 à 19 h. Compte tenu de l’état du véhicule, de la nature des réparations à effectuer, des jours fériés des 24 juin 2017 et 1er juillet 2017 et des délais pour l’obtention des pièces, le Tribunal conclut qu’Auto Lux a rempli ses obligations de commerçant envers madame Daigneault.
[40] Rappelons qu’à l’achat, le véhicule de madame Daigneault est âgé de plus de cinq (5) ans et qu’il a parcouru plus de 80 000 kilomètres. Selon les articles 159 et 160 de la Loi sur la protection du consommateur[17] (ci-après la «LPC»), ce véhicule ne bénéficie pas de la garantie de bon fonctionnement en raison de son âge et du nombre de kilomètres parcourus.
[41] Il est cependant couvert par la garantie légale prévue par l’article 38 de la LPC selon laquelle un bien qui fait l’objet d’un contrat doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[42] En l’espèce, en prenant en considération le prix payé par madame Daigneault, l’année du véhicule, le nombre de kilomètres parcourus avant l’achat, les constatations effectuées par Canadian Tire le 17 juin 2017 et les réparations effectuées par Auto Lux, le Tribunal conclut que cette dernière a rempli ses obligations aux termes de l’article 38 LPC.
[43] Le Tribunal ne peut retenir la version de madame Daigneault selon laquelle elle a été victime de fausses représentations ou de représentations trompeuses. Aucune preuve ne supporte cette version.
[44] Le fait que ce soit Auto Lux qui ait vendu le véhicule à madame Daigneault alors que c’est 4MK qui a fait l’annonce du véhicule ne constitue pas de fausses représentations ou des représentations trompeuses. D’ailleurs, l’annonce en question indique ce qui suit, sur le côté droit :
«Afficher les autres annonces de cette personne : 9223-0622 QC inc.
Site web : 9223-0622 QC inc.»
[45] Par ailleurs, aucune preuve ne soutient la version de madame Daigneault selon laquelle les défendeurs auraient changé la batterie et utilisé et endommagé le véhicule. Il ne s’agit là que de soupçons qui ne sont aucunement soutenus par la preuve présentée au procès.
[46] Finalement, le Tribunal retient le témoignage de monsieur Magid Saif lorsqu’il affirme qu’il ignorait que le véhicule avait été utilisé comme véhicule d’urgence par la Ville de Montréal. Selon le dossier du véhicule auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec[18], le véhicule a été la propriété de la Ville de Montréal qui l’a acheté neuf, du concessionnaire Des Sources Dodge Chrysler Ltée, le 28 septembre 2004. Il a par la suite été détenu par trois (3) autres propriétaires avant qu’Auto Lux ne l’achète, le 29 juin 2016, de Rive Sud Chrysler Dodge inc.
[47] De plus, la preuve révèle que le rapport d’historique du véhicule émis par Carproof[19] et remis à madame Daigneault avant l’achat est complètement silencieux sur l’utilisation du véhicule comme véhicule d’urgence.
[48] Le Tribunal conclut qu’Auto Lux a rempli son obligation d’information auprès de madame Daigneault.
[49] Par conséquent, le recours de madame Daigneault est rejeté.
[50] Vu les circonstances et la discrétion dont le Tribunal dispose, chaque partie assumera ses propres frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la demande.
LE TOUT, chaque partie assumant ses propres frais de justice.
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__________________________________ JOHANNE GAGNON, j.c.q. |
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Date d’audience : |
19 septembre 2019 |
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[1] Pièce P-8.
[2] Pièce P-19.
[3] Pièce P-23.
[4] Pièce P-20.
[5] La pièce est connue sous le nom de «Cam bolt rear toe link».
[6] Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79.
[7] Articles 2803 et 2804 C.c.Q.
[8] Bell Canada c. Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurance générale, 2015 QCCQ 3730, par. 61 à 64.
[9] Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2005, par. 146.
[10] Pièce P-19.
[11] Pièce D-7.2.
[12] Pièce D-7.4.
[13] Pièce D-7.3.
[14] Pièce D-7.6.
[15] Pièce D-13.
[16] Pièce P-32.
[17] RLRQ c. P-40.1.
[18] Pièce P-17.
[19] Pièce D-4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.