Bétie et Commission d'accès à l'information |
2016 QCCFP 2 |
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COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIER N° : |
1301434 |
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DATE : |
11 février 2016 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Louise Caron |
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CHRISTIANE BÉTIE |
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Appelante |
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et |
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Commission d'accès à l'information |
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Intimée |
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DÉCISION |
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(Article 35, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1) |
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L’APPEL
[1] Madame Christiane Bétie dépose un appel devant la Commission de la fonction publique (ci-après la « Commission ») en vertu de l’article 35 de la Loi sur la fonction publique[1] (ci-après la « LFP »). Cet appel est déposé à la suite de son échec au concours de promotion de cadre, classe 3[2], tenu par la Commission d’accès à l’information (ci-après la « CAI ») pour pourvoir un emploi de directrice ou de directeur à la Direction de la surveillance. Ce concours vise également à pourvoir d’éventuels emplois réguliers de cadre, classe 3, à la CAI.
[2] La candidature de Mme Bétie n’a pas été retenue au motif que son résultat à l’examen oral est inférieur au minimum requis. Mme Bétie a obtenu une note de 38 sur 120, alors que le minimum requis est de 66 sur 120. À la suite de l’appel de Mme Bétie, le comité d’évaluation a révisé les réponses fournies par celle-ci et des éléments de réponse supplémentaires lui sont accordés, portant son résultat à 46.
[3] À la suite d’une séance d’échanges et d’information, tenue le 23 juillet 2015, Mme Bétie précise ses motifs d’appel.
[4] Mme Bétie prétend alors :
1. qu’il y a une irrégularité au niveau des rôles et responsabilités des différents intervenants au concours, le responsable du concours qui a rendu la décision n’ayant ni supervisé ni orienté les travaux nécessaires à la réalisation de l’examen oral;
2. que la question 4 de l’examen oral doit être annulée puisqu’elle est inapplicable dans le contexte particulier de la CAI;
3. que la correction de l’examen oral a été faite de manière inadéquate et que des éléments de réponse supplémentaires doivent lui être accordés aux questions 2, 3, 5, 6 et 7.
[5] Le 7 janvier 2016, Mme Bétie transmet un courriel à la Commission pour compléter ses motifs d’appel. Après discussion avec les parties et en tenant compte des articles 4.4 et 10.1 du Règlement sur les appels à la Commission de la fonction publique[3], la Commission accepte exceptionnellement d’entendre Mme Bétie concernant les deux nouveaux motifs d’appel soumis, à savoir :
4. le comité d’évaluation n’a pas respecté, lors de l’examen oral, le devoir d’écoute et d’assistance qui s’imposait;
5. l’absence d’un guide d’évaluation rend la procédure d’évaluation illégitime.
[6] Lors de l’audience, à la lumière des témoignages entendus et des documents déposés, Mme Bétie se déclare satisfaite des informations et des éclaircissements obtenus concernant la personne responsable du concours et le guide d’évaluation fourni aux membres du comité d’évaluation. Elle abandonne ainsi ses premier et cinquième motifs d’appel.
LES FAITS MIS EN PREUVE
[7] Les parties déposent des documents, dont plusieurs sous ordonnance de confidentialité. La Commission émet de plus des ordonnances de confidentialité visant les procès-verbaux et les enregistrements des 18, 19 et 20 janvier 2016, en ce qui concerne les témoignages et l’argumentation se rapportant aux questions d’examen, aux réponses attendues et aux réponses données, de même qu’une ordonnance visant les notes personnelles prises par Mme Bétie, celles-ci portant sur les questions et les réponses de l’examen.
[8] La CAI fait entendre plusieurs témoins :
1. M. Sébastien Drouin, coordonnateur des activités et éducateur de l’attraction et de la logistique au Centre de services partagés du Québec;
2. M. Alain Gingras, directeur de l’administration au Bureau du coroner. Au moment du concours, en janvier 2015, M. Gingras est directeur de l’administration à la CAI;
3. Mme Martine Lapierre, directrice des ressources humaines au ministère de la Famille;
4. M. Jean-François Pinard, directeur général des réclamations régionalisées Est, à la vice-présidence à l’indemnisation aux accidentés, à la Société de l’assurance automobile du Québec;
5. Mme Kristelle Pralow, conseillère en gestion des ressources humaines à la CAI.
[9] La Commission ne retient des documents déposés et des témoignages entendus que ce qui concerne les trois motifs d’appel conservés par Mme Bétie, à savoir le devoir d’écoute et d’assistance, la question 4 de l’examen et les éléments de réponse supplémentaires réclamés.
[10] Pour faciliter la compréhension de sa décision, la Commission résume les témoignages entendus en les abordant par sujet.
[11] Avant d’aborder ces sujets, la Commission souligne qu’il appert du témoignage de Mme Bétie que celle-ci occupe par intérim depuis quelques années le poste à pourvoir immédiatement par le concours de promotion contesté, soit celui de directrice à la Direction de la surveillance de la CAI.
1. La constitution du comité d’évaluation et l’élaboration de l’examen oral
[12] Mme Pralow est la responsable du concours, M. Drouin n’exerçant que des tâches administratives. Mme Pralow décrit son rôle dans les différentes étapes du concours et explique notamment la constitution du comité d’évaluation, le choix des questions et des réponses de l’examen oral ainsi que le déroulement de l’examen.
[13] Ainsi, Mme Pralow mentionne que le concours est tenu à la demande du président de la CAI. Elle rédige l’appel de candidatures et procède à la constitution du comité d’évaluation.
[14] Elle témoigne concernant les critères qui ont guidé le choix des membres du comité d’évaluation, notamment : leur connaissance du niveau d’un emploi de cadre, classe 3, leur connaissance en gestion, la présence de deux membres de l’externe et d’un membre appartenant à la CAI.
[15] Mme Pralow indique que le comité d’évaluation a décidé que les candidats doivent réussir deux examens pour se qualifier, soit un examen écrit et un examen oral. Les compétences évaluées dans le cadre de ce concours sont déterminées par le comité en fonction de l’appel de candidatures et des descriptions d’emploi de cadres, classe 3. Ces compétences sont celles élaborées dans le Référentiel de compétences du gestionnaire-leader de la fonction publique québécoise[4] produit par le Secrétariat du Conseil du trésor en collaboration avec l’École nationale d’administration publique.
[16] Six compétences sont évaluées dans le cadre de l’examen écrit et trois dans le cadre de l’examen oral. Sont ainsi évalués, lors de l’examen oral, la collaboration, le sens politique ainsi que l’agilité et la prise de décision.
[17] Seuls les candidats qui réussissent l’examen écrit sont convoqués à l’examen oral. En l’espèce, il ressort des témoignages que sur les 26 personnes qui ont soumis leur candidature, neuf ont été convoquées à l’examen écrit et sept l’ont réussi. Sur ces sept personnes, quatre ont réussi l’examen oral.
[18] Mme Pralow mentionne que le président de la CAI ne peut participer au choix des questions ni être membre du comité d’évaluation puisqu’il est le supérieur immédiat de l’une des candidates, en l’occurrence Mme Bétie, laquelle occupe par intérim l’un des postes devant être pourvus par le concours. Au surplus, c’est le président de la CAI qui l’a nommée à ce poste. S’il avait participé au choix des questions, elle soumet qu’il y aurait eu, à tout le moins, apparence de conflit d’intérêts.
[19] Relativement au choix des questions de l’examen oral, qui sont des mises en situation, et des éléments de réponse possibles, Mme Pralow explique qu’elle ne décide pas elle-même des questions et des réponses. Elle fait une sélection de questions et de réponses à la suite de consultations auprès de ses collègues œuvrant dans différents ministères. Elle soumet par la suite à une conseillère du Secrétariat du Conseil du trésor la sélection, puis elle propose les questions et les réponses aux membres du comité d’évaluation. Par la suite, le comité d’évaluation choisit les questions, les modifie ou les complète et modifie ou complète les éléments de réponse. Plusieurs éléments de réponse attendus sont retenus pour chaque mise en situation.
2. Les rôles et les responsabilités des membres de comité d’évaluation dans le cadre de la tenue du concours
[20] Les trois membres prennent connaissance et signent le document « Rôle et responsabilités du membre de comité d’évaluation dans le cadre de la tenue d’un concours » qui leur est remis dans le cadre de la préparation du concours sous étude. Concrètement, les membres du comité :
· Procèdent à l’analyse de l’emploi;
· Procèdent à l’élaboration du guide d’évaluation;
· Déterminent les critères d’évaluation et leur pondération;
· Déterminent les moyens d’évaluation (si les membres choisissent un moyen déjà développé, ils doivent s’assurer de la pertinence de tous les critères évalués au regard de l’emploi et de la pertinence du contenu de l’examen);
· Élaborent les examens (s’ils n’utilisent pas les moyens d’évaluation existants);
· Déterminent les seuils de passage;
· Procèdent, le cas échéant, à l’administration de l’examen oral;
· Si requis, agissent comme témoin devant la Commission de la fonction publique.
[21] Il est aussi rappelé dans ce document les principes fondamentaux d’équité et d’impartialité énoncés dans la LFP :
[…] Le comportement des membres du comité d’évaluation doit s’appuyer sur les deux principes énoncés dans la Loi sur la fonction publique : l’équité et l’impartialité. Le respect de ces principes et les règles de fonctionnement du processus d’évaluation exigent que les membres du comité d’évaluation possèdent les qualités suivantes : intégrité, respect de la confidentialité, objectivité, non-discrimination et capacité d’écoute. […]
[La Commission souligne]
[22] À la fin de l’administration de l’examen oral, lorsque tous les résultats sont connus, le comité d’évaluation détermine le seuil de passage. Les résultats demeurent anonymes pour le comité d’évaluation.
3. Le déroulement de l’examen oral
[23] Mme Pralow agit à titre de secrétaire du comité d’évaluation et elle décrit son rôle pendant l’examen oral. Elle mentionne qu’elle accueille les candidats à l’examen et, après leur avoir présenté les membres du comité d’évaluation, elle leur donne des consignes verbales. À cet égard, Mme Pralow renvoie la Commission aux consignes déposées à l’audience, lesquelles indiquent les informations devant être données aux candidats dont :
2. Informations destinées aux candidats
[…]
· Vous êtes convoqué à un examen oral (deuxième et dernier moyen d’évaluation dans le processus d’évaluation) dans le cadre de ce concours de promotion de cadre classe 3 à la CAI;
· La valeur de cet examen est de 120 points;
· Le rôle du comité est d’évaluer certaines compétences à l’aide de 7 questions;
· « À tour de rôle, les membres du comité vous poseront les questions contenues au guide d’entrevue »;
· « N’hésitez pas à demander que l’on répète une question »;
· « Au cours de l’examen, si vous désirez revenir sur une question, vous n’avez qu’à nous en faire mention »;
· « Prenez note que nous n’évaluerons que ce que vous direz. Seuls les éléments que vous aurez mentionnés seront pris en compte. Il faut donc vous assurer de fournir une réponse la plus complète possible pour chaque question ».
· « Finalement, il peut arriver que le contact visuel soit interrompu à l’occasion, mais soyez assuré que nous vous écoutons avec attention! »
[…]
[La Commission souligne]
[24] Mme Pralow ajoute que du papier et un crayon sont remis aux candidats afin qu’ils puissent prendre des notes durant l’examen et structurer leur réponse au besoin.
[25] Elle indique qu’elle prend en note les éléments de réponse fournis par les candidats au cours de l’examen et met ses notes en commun avec celles prises par les membres du comité d’évaluation. Elle ne participe toutefois pas aux décisions du comité quant aux éléments de réponse pour lesquels des points peuvent être accordés.
[26] Concernant plus particulièrement le comité d’évaluation, Mme Pralow leur donne aussi des consignes, lesquelles apparaissent sur le même document où sont indiquées celles destinées aux candidats :
1. Informations destinées aux membres
[…]
· Laisser le temps aux candidats de réfléchir et répondre à la question posée;
· Juger les faits et non des impressions;
· Garder une certaine uniformité dans le déroulement des rencontres;
[…]
· Suggéré [sic] au membre qui lit la question de prendre moins de notes et garder un contact visuel avec le ou la candidate;
[…]
[La Commission souligne]
[27] Il ressort des témoignages des membres du comité d’évaluation que lors de l’examen oral de Mme Bétie, M. Pinard s’assure qu’elle n’a aucun malaise à ce que M. Gingras lui pose des questions, puisqu’ils travaillent tous deux à la CAI et se connaissent très bien. Mme Bétie répond qu’elle est à l’aise.
[28] Les membres du comité posent à tour de rôle les questions d’examen à Mme Bétie, prennent en note ses réponses et les mettent en commun à la fin pour s’assurer que tous les éléments de réponse donnés par Mme Bétie ont été notés. D’ailleurs, il ressort des témoignages qu’à quelques reprises les membres du comité d’évaluation ont complété leurs notes, lors de la mise en commun, pour ajouter un élément de réponse.
[29] Après cette mise en commun, les membres du comité, par consensus, apparient les éléments de réponse donnés par les candidats avec les éléments de réponse attendus.
[30] Il ressort des témoignages entendus que, pour ce faire, les membres du comité d’évaluation bénéficient de toute la latitude nécessaire. Ils ne recherchent pas le mot à mot. De plus, à chaque question posée, il existe l’élément de réponse attendu suivant : « Tout autre élément jugé pertinent ». La pertinence d’un élément de réponse est déterminée en fonction de la question posée et de la compétence évaluée par cette question.
[31] Tous les membres du comité d’évaluation mentionnent que, pendant l’examen oral, Mme Bétie est très « exécutive dans ses réponses » et qu’elle apparaît confiante. À aucun moment elle n’a semblé « en panne ». Bien qu’ils ne se rappellent pas la durée de son examen, tous l’évaluent entre « 25 et 35 minutes », alors que le temps alloué est de 60 minutes.
[32] Tous les membres du comité déclarent avoir demandé régulièrement à Mme Bétie si elle désire que la question soit répétée, si elle a des éléments à ajouter ou si sa réponse est complète.
[33] Mme Bétie déclare pour sa part qu’aucune discussion ne s’est installée entre elle et les membres du comité lors de son examen oral et qu’aucune demande de précision ou d’éclaircissement ne lui a été formulée. Mme Bétie mentionne qu’elle s’attendait, dans le cadre de cet examen oral, à un échange, à une conversation avec les membres au sujet du poste à pourvoir qu’elle occupait déjà, sur le travail qu’elle exécutait. Elle est confiante, car elle excelle dans son travail.
4. La question 4 de l’examen oral
[34] Compte tenu des ordonnances de confidentialité rendues lors de l’audience, la Commission ne peut rapporter explicitement le contenu ni des questions de l’examen oral ni des éléments de réponse attendus ni des réponses données par Mme Bétie.
[35] Mme Bétie a obtenu 2 points sur 14 à la question 4. Elle explique la réponse qu’elle donne par le fait qu’elle croit que c’est une question piège. Selon elle, il s’agit d’une question qui ne respecte pas l’indépendance nécessaire aux fonctions de la CAI. Elle déclare avoir commencé à donner une réponse puis s’être reprise afin de respecter dans sa réponse cette indépendance.
[36] Les membres du comité d’évaluation mentionnent que la question 4 a été développée sous les conseils de M. Gingras qui est directeur à la CAI, cadre, classe 3.
[37] Ils justifient le choix de cette question de par son lien avec le critère de la collaboration. Pour eux, il s’agit d’une question plausible étant donné que la collaboration est importante entre les organismes gouvernementaux et compte tenu des fonctions reliées au poste de cadre, niveau 3. Il est nécessaire, compte tenu de sa petite taille, que la CAI collabore avec d’autres organismes et ministères ayant plus de moyens pour atteindre leurs propres objectifs.
[38] Mme Lapierre souligne pour sa part qu’il était essentiel de voir, dans la réponse de Mme Bétie, sa « mécanique de réflexion ».
[39] M. Pinard ne se souvient pas que Mme Bétie ait mentionné que la mise en situation de la question 4 n’était pas plausible dans le contexte de la CAI.
5. Les questions 2, 3, 5, 6 et 7 de l’examen oral
[40] La Commission entend d’abord les membres du comité d’évaluation de même que Mme Pralow quant aux éléments de réponse fournis par Mme Bétie lors de l’examen oral. Ils témoignent à partir des notes prises lors de cet examen, le 28 janvier 2015, et à partir de leur mémoire.
[41] Ces notes ne sont ni détaillées ni précises; il s’agit de phrases ou de mots qui traduisent en style abrégé et simplifié, une idée, un concept et qui en réalité servent d’aide-mémoire aux membres du comité lors de leurs discussions. En s’appuyant sur une jurisprudence majoritaire, la Commission n’en exige pas le dépôt[5].
[42] En effet, les notes personnelles n’ont de signification que pour les personnes qui les ont prises et elles peuvent leur servir d’aide-mémoire lors de leur témoignage. Comme le déclarait la Commission dans la décision Jolicoeur[6] :
[…] Ce n’est pas en examinant lesdites notes que l’on pourra déterminer si elles sont complètes ou incomplètes, mais à travers l’interrogatoire des membres du comité dont les réponses permettront d’apprécier le caractère raisonnable ou non de l’évaluation faite par le comité.
[43] Mme Bétie ne fait aucune objection à cet égard. Les membres du comité et Mme Pralow lisent donc leurs notes devant la Commission.
[44] Dans leur témoignage, les membres mentionnent qu’à la suite de l’appel de Mme Bétie, son examen a été révisé et, comme il est démontré, que certains éléments de réponse supplémentaires lui sont accordés.
[45] Concernant la question 2 qui évalue le sens politique, les membres du comité expliquent l’appariement qu’ils ont fait entre les éléments de réponse donnés par Mme Bétie et ceux attendus. Ainsi, l’élément h) lui est accordé. Son résultat est de 3,5 points sur 18. Mme Bétie réclame les éléments a), b), et j). Les membres expliquent pourquoi ces éléments ne sont pas reconnus et Mme Bétie expose ses arguments pour démontrer pourquoi ils doivent être retenus. Mme Bétie indique de plus ne pas avoir bien compris cette question.
[46] Concernant la question 3 qui évalue l’agilité et la prise de décision, les membres du comité expliquent pourquoi seul l’élément c) a été reconnu à partir des éléments de réponse fournis par Mme Bétie. Son résultat est de 2,5 points sur 18. Mme Bétie réclame les éléments a), b) et d). Les membres expliquent pourquoi ces éléments ne sont pas accordés et Mme Bétie explique pourquoi elle estime qu’ils devraient l’être.
[47] Concernant la question 5 qui évalue le sens politique, les membres expliquent pourquoi les éléments a) et b) lui sont accordés. Mme Bétie réclame les éléments g), j) et n). Après révision, les membres expliquent que l’élément g) est accordé à Mme Bétie mais qu’ils ne peuvent lui octroyer les éléments j) et n). Son résultat, initialement de 6 points sur 22, est augmenté à 9 points grâce à la reconnaissance de l’élément g). Mme Bétie explique pourquoi ces éléments doivent lui être reconnus.
[48] Concernant la question 6 qui évalue l’agilité et la prise de décision, les membres expliquent l’appariement fait entre les éléments de réponse fournis par Mme Bétie et ceux attendus. Ainsi, ils ont reconnu les éléments a), c) et g). Mme Bétie réclame les éléments d) et j). Les membres indiquent que lors de la révision, l’élément j) est accordé à Mme Bétie et ils expliquent pourquoi l’élément d) ne peut être reconnu. Mme Bétie expose pourquoi elle considère que cet élément devrait lui être accordé. Son résultat, initialement de 8,75 points sur 22, est augmenté à 12,25 points grâce à la reconnaissance de l’élément j).
[49] La Commission pose plusieurs questions aux membres du comité d’évaluation concernant les distinctions entre les différents éléments de réponse attendus à la question 6.
[50] Enfin, concernant la question 7 qui évalue la collaboration, les membres expliquent que les éléments e), i) et j) sont retenus en fonction des réponses fournies. À la suite de la révision, l’élément m) a été accordé, augmentant son résultat initial de 6 points à 8 points sur 15. Les membres expliquent pourquoi les éléments f), d) et l) réclamés par Mme Bétie, ne sont pas accordés. Mme Bétie fournit pour sa part les motifs qui, selon elle, démontrent qu’ils doivent être accordés.
L’ARGUMENTATION
de la CAI
[51] La CAI rappelle tout d’abord les articles 35, 48 et 49 de la LFP. L’article 35 permet à un candidat d’interjeter appel devant la Commission s’il estime que la procédure d’évaluation des candidats, lors d’un concours de promotion, est entachée d’une illégalité ou d’une irrégularité.
[52] L’article 48 de la LFP prescrit que l’évaluation des candidats se fait sur la base des critères de connaissances, d’expériences ou d’aptitudes qui sont requises pour l’emploi ou les emplois à pourvoir. Pour sa part, l’article 49 établit que l’évaluation doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats.
[53] La CAI rappelle de plus les paragraphes 3° et 4° du premier alinéa de l’article 3 de la LFP qui établissent que la loi instaure un mode d’organisation des ressources humaines destiné à favoriser l’égalité d’accès de tous les citoyens à la fonction publique, de même que l’impartialité et l’équité des décisions affectant les fonctionnaires.
Le devoir d’écoute et d’assistance
[54] La CAI fait une revue jurisprudentielle de nombreuses décisions de la Commission concernant le devoir d’écoute et d’assistance exigé des membres d’un comité d’évaluation lors d’un examen oral[7].
[55] La CAI distingue les faits particuliers de chacune de ces décisions des faits relatifs au présent appel.
[56] Elle souligne l’importance pour le comité d’évaluation de rechercher si le candidat démontre l’habileté recherchée, sans s’écarter de l’outil d’évaluation et sans suggérer des éléments de réponse.
[57] La CAI soutient qu’il appartient au candidat de se faire valoir. Le comité d’évaluation doit être prudent et n’intervenir que si le candidat apparaît en panne.
[58] La CAI ajoute que l’évaluation des réponses des candidats ne se fait pas au fur et à mesure de chacune des questions, mais plutôt lorsque le candidat a terminé son examen oral, lors de la mise en commun des notes prises par chacun.
[59] La CAI revient sur les témoignages entendus des membres du comité d’évaluation, notamment sur le fait que tous ont constaté que Mme Bétie semblait en pleine possession de ses moyens, que jamais elle n’a semblé en panne. La CAI conclut que la preuve soumise démontre que les membres du comité d’évaluation ont été à l’écoute de Mme Bétie, qu’ils ont noté ses réponses, qu’ils lui ont offert d’ajouter des éléments de réponse, ce qu’elle a d’ailleurs fait à certaines occasions. Il n’y a eu aucun manquement au devoir d’écoute et d’assistance applicable en l’espèce. La durée plutôt courte prise par Mme Bétie pour compléter son examen ne constitue aucunement une preuve indiquant qu’il y a eu manquement à ce devoir.
La question 4 de l’examen oral
[60] La CAI rappelle que la question 4 vise à évaluer la collaboration. Elle analyse soigneusement la question et en fait ressortir les éléments importants.
[61] Elle soumet que Mme Bétie prétend que, après avoir commencé sa réponse, elle croit à un piège et revient sur sa réponse. Toutefois, en aucun temps, Mme Bétie n’a fait part de ce fait aux membres du comité d’évaluation. Jamais elle n’a soumis que la collaboration souhaitée par la mise en situation de la question 4 pourrait nuire à l’indépendance de la CAI et n’était pas possible dans ce contexte.
[62] La CAI soutient que la question 4 est plausible. Elle prétend que Mme Bétie s’est elle-même influencée sur la base d’informations qu’elle détenait du fait qu’elle occupait par intérim le poste à pourvoir. Elle s’est elle-même induite en erreur. Or, la CAI indique qu’il serait inconcevable d’élaborer une question d’examen sur la base de connaissances que pourrait détenir exclusivement un candidat. Cela irait à l’encontre des règles d’impartialité et d’équité qui doivent prévaloir dans la fonction publique.
[63] La CAI conclut que la question 4 est adéquate, pertinente et qu’elle permet d’évaluer la compétence recherchée, soit la collaboration. La question telle que formulée permet d’en arriver aux éléments de réponse requis et le nombre d’éléments attendus est raisonnable. Il y a 15 éléments possibles et pour atteindre le maximum de points, seuls 7 sont nécessaires.
[64] Subsidiairement, à l’aide d’un tableau qu’elle a préparé, la CAI souligne que même si la Commission annule ou retire la question 4, Mme Bétie n’atteint pas le seuil de passage requis[8].
Les questions 2, 3, 5, 6 et 7 de l’examen oral
[65] La CAI revient de façon détaillée sur chacune des questions pour lesquelles Mme Bétie réclame des points. Elle analyse les éléments de réponse attendus et ceux fournis par Mme Bétie, et insiste sur le fait que les notes prises par les membres du comité d’évaluation et par Mme Pralow sont presque identiques.
[66] S’agissant d’un concours de promotion pour pourvoir des postes de cadre, classe 3, la CAI explique que les membres du comité d’évaluation attendent des candidats que ceux-ci énoncent dans leur réponse une démarche complète et détaillée. Ils ne peuvent inférer des réponses de Mme Bétie des éléments de réponse qu’elle n’énonce pas, ce que, selon la CAI, Mme Bétie tente de faire dans son appel.
[67] La CAI revient sur le fait que la preuve démontre que Mme Bétie est à l’aise lors de l’examen et qu’elle n’a aucune hésitation. Rien ne laisse croire qu’elle ne comprend pas les questions. Poser des sous-questions à Mme Bétie aurait été lui suggérer des réponses.
[68] Elle rappelle la grande latitude dont jouissent les membres du comité d’évaluation dans l’appréciation des réponses des candidats puisqu’ils peuvent, pour chaque question, retenir tout élément qu’ils jugent pertinents.
[69] Elle démontre par ailleurs à la Commission qu’il n’est pas nécessaire qu’un candidat fasse ressortir tous les éléments de réponse pour obtenir la totalité des points à une question. Ainsi, pour les questions 2 et 3, 8 éléments sur 12 sont nécessaires; pour la question 5, il faut 8 éléments sur 14; pour la question 6, il faut 7 éléments sur 10 et pour la question 7, il en faut 8 sur 12.
[70] Enfin, la CAI rappelle à la Commission qu’elle n’est pas un organisme de révision et qu’elle ne peut se substituer aux membres du comité d’évaluation. La Commission ne peut intervenir qu’en présence d’une décision déraisonnable, discriminatoire, arbitraire ou abusive.
[71] En l’espèce, la CAI soutient que l’évaluation orale tenue dans le cadre du concours de promotion pour pourvoir des postes de cadre, classe 3, est pertinente à l’emploi; les critères retenus sont accessibles pour tous les candidats qui ont été admis au concours et ils permettent de les comparer entre eux.
[72] La CAI demande à la Commission de rejeter l’appel de Mme Bétie et, subsidiairement, elle demande à la Commission, si elle se prononce sur la question 4, d’annuler uniquement cette question et non l’examen oral dans son ensemble.
de Mme Bétie
Le devoir d’écoute et d’assistance
[73] Mme Bétie allègue que les membres du comité d’évaluation n’ont pas rempli leur devoir d’écoute et d’assistance qui s’impose dans le cadre d’un examen oral.
[74] Elle prétend que les membres du comité d’évaluation doivent poser des sous-questions aux candidats lors d’un examen oral. Ainsi, ils doivent ramener et aider un candidat qui s’éloigne de la question.
[75] Selon Mme Bétie, les membres du comité ne pouvaient se contenter de lui demander si elle voulait ajouter des éléments de réponse, sachant qu’elle ne répondait pas adéquatement aux questions.
[76] Elle affirme que la jurisprudence de la Commission est constante à cet égard. Elle renvoie la Commission aux décisions Kirouac, Massicotte, Desgagnés, Lebeau et Desjardins.
[77] Ainsi, dans Desgagnés, la Commission énonce :
J’ai formulé à ce sujet dans ma première décision les commentaires suivants : « C’est là un type de mutisme ou d’abstention qui oublie de faire la distinction entre un examen écrit et le climat d’un examen oral. Celui-ci est la plupart du temps marqué d’un certain brouillage et d’une certaine nervosité qui se manifestent d’une façon naturelle chez un candidat normal au moment où on lui soumet une question. L’appelant, face à cette question, ne s’est pas vu signaler qu’il ne proposait que la moitié de la réponse. Il est à mon sens pour ce motif un candidat qui n’a pas eu une chance raisonnable de se faire valoir. »[9]
[78] Mme Bétie conclut qu’il y a eu irrégularité quant au devoir d’écoute et d’assistance des membres du comité d’évaluation à son égard.
La question 4 de l’examen oral
[79] Mme Bétie soutient que la collaboration dont fait état la question 4 entre la CAI et l’organisme identifié est impossible dans les faits compte tenu de l’indépendance dont doit faire preuve la CAI.
[80] Elle explique qu’elle a répondu à cette question en fonction de l’emploi qu’elle occupe par intérim à la CAI, poste d’ailleurs à pourvoir par le concours de promotion. Elle prétend qu’elle a ainsi agi conformément à ce qui était attendu puisque, dans la lettre d’invitation au concours, il est mentionné en annexe : « Au cours de cet examen, vous aurez à assumer le rôle d’une ou d’un cadre de classe 3. Vous occuperez un poste de direction au sein de la Commission d’accès à l’information (CAI). »
[81] Elle ajoute que si les réponses qu’elle a fournies démontrent un écart complet avec la question et que si elle s’est trouvée à modifier la question, les membres du comité d’évaluation devaient intervenir.
[82] Mme Bétie demande donc l’annulation ou le retrait de la question 4.
Les questions 2, 3, 5, 6 et 7 de l’examen oral
[83] Mme Bétie prétend qu’elle a droit aux éléments de réponse réclamés. Elle explique ainsi en quoi ses éléments de réponse s’apparient aux éléments attendus. Selon Mme Bétie, il est évident que, dans ses réponses, on retrouve les éléments attendus.
[84] Mme Bétie reconnaît la compétence des membres du comité d’évaluation. Elle soutient toutefois que pendant la durée de l’examen oral, évaluée entre 25 et 35 minutes, elle a été laissée à elle-même et qu’ainsi elle est passée à côté de certains éléments de réponse. Elle explique qu’elle croyait que cet examen consistait en un échange avec le comité d’évaluation relativement aux fonctions qu’elle occupe par intérim.
[85] Mme Bétie s’en remet à la Commission pour statuer à propos de ses motifs d’appel.
Réplique de la CAI
[86] Concernant le devoir d’écoute et d’assistance, la CAI revient sur les décisions de la Commission qu’elle a déposées et la mise en perspective de ces décisions.
[87] Elle souligne que ce n’est que lorsqu’il est manifeste que le candidat est complètement à côté de la question que le comité d’évaluation doit le ramener. En l’espèce, Mme Bétie passait plutôt à côté des éléments de réponse attendus. Les membres du comité ne pouvaient lui poser des sous-questions jusqu’à ce qu’elle donne ces éléments de réponse attendus.
[88] La CAI note que Mme Bétie a répondu aux questions en fonction des connaissances qu’elle avait de l’emploi; elle s’attendait à un échange sur son travail, ce qui est impossible dans le contexte d’un examen oral. Il ne s’agissait pas d’une entrevue d’embauche.
[89] La CAI revient sur le témoignage de Mme Bétie et insiste sur le fait que les membres du comité d’évaluation ne pouvaient pas déduire la réflexion de Mme Bétie à partir des éléments de réponse donnés. Il appartenait à Mme Bétie de bien faire ressortir sa réflexion, sa démarche.
ANALYSE ET MOTIFS
[90] La Commission doit décider si la procédure d’évaluation des candidats au concours de promotion de cadre, classe 3, tenu par la CAI, est entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité, conformément à l’article 35 de la LFP. Cette décision doit être prise à la lumière de l’article 49 de la LFP qui prévoit que la procédure d’évaluation des candidats doit être de nature à permettre de constater impartialement leur valeur. Au moment du concours, ces articles se lisaient comme suit :
35. Un candidat peut, s’il estime que la procédure utilisée pour l’admission ou l’évaluation des candidats, lors d’un concours de promotion ou lors de la constitution d’une réserve de candidature à la promotion, a été entachée d’une irrégularité ou d’une illégalité, interjeter appel devant la Commission de la fonction publique, par une demande écrite qui doit être reçue à la Commission dans les 15 jours ouvrables de l’expédition d’un avis l’informant qu’il n’est pas admissible au concours, à la réserve de candidatures ou à l’examen ou l’informant des résultats de ceux-ci.
[…]
49. Le président du Conseil du Trésor détermine la procédure d’évaluation; celle-ci doit être de nature à permettre de constater impartialement la valeur des candidats.
[La Commission souligne]
[91] Il appartient à Mme Bétie de convaincre la Commission, selon la prépondérance de la preuve, de l’existence d’une telle irrégularité ou illégalité.
[92] La Commission doit répondre aux questions suivantes :
1. Quel était le devoir d’écoute et d’assistance qui s’appliquait en l’espèce aux membres du comité d’évaluation? Ce devoir a-t-il été respecté?
2. La question 4 de l’examen oral est-elle pertinente?
3. Mme Bétie a-t-elle donné des éléments de réponse attendus, qui ne lui ont pas été reconnus, aux questions 2, 3, 5, 6 et 7 de l’examen oral?
[93] Avant d’aborder ces questions, la Commission souligne qu’elle est convaincue de la compétence des membres du comité d’évaluation à remplir leur mandat conformément à l’article 2 du Règlement sur la tenue de concours[10], compétence qui n’est pas remise en cause par les parties. L’un de ceux-ci, M. Alain Gingras, était lui-même, à l’époque du concours, cadre, classe 3, à la CAI.
[94] La Commission constate aussi, à la lumière de la preuve soumise, que l’examen oral a été bien préparé. Les questions retenues et les éléments de réponse attendus ont été choisis à la suite d’un processus rigoureux en tenant compte des trois compétences évaluées, nécessaires à l’exercice des fonctions d’un cadre, classe 3 : la collaboration, le sens politique ainsi que l’agilité et la prise de décision. Ces compétences sont issues du Référentiel de compétences du gestionnaire-leader de la fonction publique québécoise.
[95] En l’espèce, le concours vise à pourvoir l’emploi de directrice ou de directeur de la Direction de la surveillance, occupé par intérim par Mme Bétie. Ce concours vise également à pourvoir d’éventuels emplois réguliers de cadre, classe 3, à la CAI. Selon les témoignages entendus, il existe actuellement à la CAI deux postes de cadre, classe 3.
Le devoir d’écoute et d’assistance
[96] Mme Bétie prétend que les membres du comité d’évaluation auraient dû lui poser des sous-questions lors de l’examen oral.
[97] En ce qui a trait au devoir d’écoute et d’assistance qui doit se manifester lors d’un examen oral, la Commission a récemment souligné[11] que les propos à cet égard dans la décision Massicotte, qui date de 1985, ont par la suite été nuancés en 1992, dans la décision Kirouac. La Commission y a clairement énoncé qu’il faut voir « dans chaque cas la nature des questions, si elles comportent des zones grises ou des points invitant à d’autres réponses ». La Commission soulignait alors, et elle le rappelle aujourd’hui : l’obligation de poser des sous-questions n’est pas un rituel.
[98] Si un candidat est clairement à côté de la question, les membres du comité d’évaluation doivent le ramener à la question, mais sans lui donner les réponses. Par exemple, dans la décision Desgagnés, un candidat a complètement oublié un volet de la question qui consistait à proposer des définitions. La Commission a alors conclu avec raison que les membres du comité d’évaluation devaient lui signaler « qu’il ne proposait que la moitié de la réponse ».
[99] En l’espèce, à la lumière de la preuve soumise, la Commission ne peut conclure que l’absence de sous-questions constitue une irrégularité.
[100] Tous les membres du comité d’évaluation sont unanimes dans leur témoignage : à aucun moment pendant l’examen oral Mme Bétie ne semble en panne. Elle est « exécutive dans ses réponses » et apparaît confiante. Elle exprimait une démarche. Jamais il n’appert qu’elle ne comprend pas la question ou qu’elle éprouve des problèmes.
[101] Une intervention des membres du comité d’évaluation aurait brisé l’équilibre entre leur devoir et la responsabilité du candidat de faire valoir ses compétences. Les membres du comité ont systématiquement offert à Mme Bétie de répéter les questions et de compléter ses réponses, ce qu’elle a fait à quelques reprises. Ils ont été à son écoute et ont pris note de ses réponses, notes qui sont d’ailleurs concordantes.
[102] Les membres du comité doivent à tout prix éviter de donner des éléments de réponse. D’ailleurs, l’évaluation des réponses ne se fait pas au fur et à mesure de l’examen, mais se fait lorsque le candidat a terminé et que les membres mettent en commun les notes prises individuellement.
[103] La Commission est d’avis que Mme Bétie est passée à côté des réponses et non à côté des questions.
[104] Le témoignage de Mme Bétie révèle qu’elle s’attend à un échange sur son travail, sur ses connaissances. Il s’agit là d’une importante erreur de sa part. D’ailleurs, rien dans la convocation qu’elle reçoit ne laisse croire à un échange sur son travail. Il y est indiqué qu’elle doit répondre « à toutes les mises en situation en faisant ressortir les actions et étapes qu’elle prendrait pour régler les problèmes présentés dans chacune des mises en situation ».
[105] Un échange avec les candidats n’aurait pas permis de constater impartialement leur valeur et aurait mis en péril la règle de la sélection au mérite. Il ne s’agissait pas d’une entrevue d’embauche, mais d’une évaluation orale.
[106] Le temps qu’a pris Mme Bétie pour compléter l’examen oral n’est aucunement pertinent. Il démontre simplement, à la lumière des témoignages entendus, qu’elle a répondu rapidement aux questions, sans faire ressortir toutes les actions et les étapes qu’elle prendrait.
La question 4 de l’examen oral
[107] Mme Bétie remet en cause la validité de la question 4, qui évalue la collaboration, et en demande l’annulation ou le retrait.
[108] Plus précisément, Mme Bétie prétend que la mise en situation proposée n’est pas possible vu l’indépendance de la CAI, puisqu’elle suppose un partenariat avec un organisme.
[109] Les témoins entendus se prononcent tour à tour quant à savoir s’ils croient que la mise en situation de la question 4 est réaliste ou non dans les circonstances particulières de la CAI.
[110] La Commission ne croit pas qu’il soit nécessaire, pour les fins de sa décision, de déterminer le réalisme de la question 4 dans le contexte particulier de la CAI. De toute façon, la preuve soumise ne la convainc pas que cette question est inadéquate.
[111] L’examen oral en cause n’est pas un examen évaluant les connaissances des candidats. D’ailleurs, il est clairement précisé, à l’annexe de la lettre de convocation, que cet examen « ne vise aucunement à vérifier les connaissances propres à un domaine d’activité professionnelle précis ». On y souligne que les candidats doivent fonder leurs réponses « sur les circonstances exposées dans les mises en situation » présentées.
[112] La preuve révèle qu’en aucun temps Mme Bétie ne fait part de son malaise par rapport à cette question. Selon les témoignages des membres du comité d’évaluation, rien dans l’attitude de Mme Bétie ni dans ses réponses ne leur laisse penser qu’elle croit à un piège. Elle souligne même lors de l’examen qu’elle va consulter l’organisme en cause. Rien ne laisse croire par la suite, dans sa réponse, qu’elle recule. Ce n’est qu’à la suite de son appel, dans son témoignage, que Mme Bétie expose ce qu’elle a compris. Or, les membres du comité d’évaluation ne peuvent deviner la réflexion de Mme Bétie.
[113] La Commission reconnaît qu’il est difficile pour Mme Bétie de répondre aux mises en situation sans prendre en compte le poste qu’elle occupait et les dossiers confidentiels qu’elle traitait. Toutefois, c’est ce qu’elle devait faire dans le cadre de l’examen oral. Mme Bétie s’est elle-même induite en erreur.
[114] D’ailleurs, comme le souligne la CAI, il serait inconcevable de prévoir une question à laquelle seule une candidate peut répondre, sans aller à l’encontre des règles d’équité et d’impartialité. Les mises en situation visaient à évaluer certaines compétences clés; ce n’était pas un examen de connaissances.
[115] Enfin, la Commission note que la question 4, corrigée sur 14 points, a été bien réussie, cinq candidats sur sept ayant obtenu entre 8 et 14 points. Un autre candidat a obtenu 3 points et Mme Bétie en a obtenu 2.
[116] La Commission est d’avis que la question 4 a permis d’évaluer la compétence recherchée. Telle que formulée, elle a permis aux candidats de fournir les éléments de réponse attendus.
Les questions 2, 3, 5, 6 et 7 de l’examen oral
[117] Mme Bétie réclame que lui soient reconnus des éléments de réponse aux questions 2, 3, 5, 6 et 7. Certains lui ont été accordés à la suite de son appel, mais plusieurs sont encore réclamés.
[118] La Commission rappelle qu’elle n’est pas un organisme de révision et qu’elle ne peut substituer son opinion à celle des membres du comité d’évaluation, à moins qu’il ne soit démontré par Mme Bétie que ceux-ci ont agi de façon déraisonnable, absurde, discriminatoire ou arbitraire[12].
[119] Or, en l’espèce, rien dans la preuve ne démontre le caractère déraisonnable des éléments de réponse attendus ni de l’interprétation des réponses données par Mme Bétie. Les témoignages des membres du comité d’évaluation, de même que celui de Mme Pralow, à partir de leurs notes et de leur mémoire, sont concordants et articulés. Les notes individuelles prises par chacun quant aux éléments de réponse donnés par Mme Bétie concordent et ont été complétées lors de leur échange au besoin.
[120] La preuve démontre que les membres du comité d’évaluation ne se sont pas restreints au mot à mot des éléments de réponse attendus. Ils ont plutôt cherché à faire correspondre, lors de leur mise en commun, l’idée émise par Mme Bétie à l’un ou l’autre des éléments attendus. Au surplus, ils jouissaient d’une grande latitude à cet égard puisqu’à chaque question, l’un des éléments de réponse attendus possible est « tout autre élément jugé pertinent ».
[121] Il appert à la Commission que Mme Bétie prétend que les membres du comité d’évaluation devaient comprendre de ses réponses la réflexion et la démarche sous-entendues. Selon elle, il est « évident » que les éléments de réponse attendus se déduisent de ses réponses.
[122] Or, il n’appartient pas aux membres d’un comité d’évaluation d’inférer et de déduire des réponses d’un candidat la réflexion qui se cache derrière. Il appartient plutôt au candidat de faire valoir sa candidature en donnant des réponses complètes quant à sa démarche et à sa réflexion pour démontrer ainsi qu’il satisfait aux compétences recherchées, en l’espèce celles requises pour un cadre de niveau élevé, soit la classe 3. Mme Bétie bénéficiait d’une heure pour réaliser son examen. Du papier et un crayon étaient mis à sa disposition pour prendre des notes personnelles et élaborer sa réflexion. Les informations qui lui ont été données avant l’examen oral sont claires. Il lui a été notamment souligné ce qui suit :
· Prenez note que nous n’évaluerons que ce que vous direz. Seuls les éléments que vous aurez mentionnés seront pris en compte. Il faut donc vous assurer de fournir une réponse la plus complète possible pour chaque question.
[La Commission souligne]
[123] La Commission est d’avis que l’examen oral en cause est constitué de mises en situation objectives qui ne favorisent pas un candidat par rapport à un autre. Cet examen vise à évaluer uniquement les habiletés et non l’expérience ou la connaissance d’un poste occupé par intérim.
[124] La Commission conclut qu’aucune illégalité ni irrégularité n’entache l’examen oral. Cet examen permet de constater impartialement la valeur des candidats.
[125] POUR CES MOTIFS, la Commission rejette l’appel de Mme Christiane Bétie.
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ORIGINAL SIGNÉ PAR : |
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__________________________________ Louise Caron, avocate Commissaire |
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Mme Christiane Bétie |
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Appelante non représentée |
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Me Claire Lapointe |
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Procureure pour la Commission d’accès à l’information Intimée |
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Lieu de l’audience : Québec |
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Date d’audience : |
18, 19 et 20 janvier 2016 |
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[1] RLRQ, c. F-3.1.1; le cadre normatif présenté dans cette décision est celui en vigueur au moment du concours en cause.
[2] Concours de promotion numéro 633D-4083001.
[3] RLRQ, c. F-3.1.1, r. 1.
[4] QUÉBEC, SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR, Référentiel de compétences du gestionnaire-leader de la fonction publique québécoise, Québec, SCT, 2012, 28 p. Ce référentiel de compétences est un répertoire composé de plusieurs compétences génériques associées à un ensemble de postes et pouvant être choisies pour constituer des profils de compétence.
[5] Jolicoeur c. Ministère des Transports, [1989] 6 no 1 R.D.C.F.P. 63; Thauvette c. Commission des normes du travail, [1988] 5 no 1 R.D.C.F.P. 59; Plouffe et al. c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, [1987] 4 no 1 R.D.C.F.P. 115; Beaupré et al. c. Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, [1987] 4 no 2 R.D.C.F.P. 155; Parent et al. c. Office du recrutement et de la sélection du personnel, [1982] 4 no 1 R.D.C.F.P. 3.
[6] Précitée, note 5, p. 6.
[7] Labelle c. Régie du bâtiment du Québec, 2002 CanLII 49192 (QC CFP); Lemay c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2000 CanLII 22148 (QC CFP); Gaboury et al. c. Société de l'assurance automobile du Québec, [1999] 16 no 2 R.D.C.F.P. 225; Desjardins et al. c. Sûreté du Québec, [1999] 16 no 1 R.D.C.F.P. 167; Kirouac et al. c. Ministère du Travail, [1992] 9 no 1 R.D.C.F.P. 141; Lebeau c. Ministère de la Justice, [1991] 8 no 3 R.D.C.F.P. 701; Tremblay et al. c. Ministère du Revenu, [1988] 5 no 1 R.D.C.F.P. 95; Massicotte et al. c. Ministère de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu, [1987] 4 no 1 R.D.C.F.P. 123; Desgagnés c. Office du recrutement et de la sélection du personnel, [1982] 3 no 8 R.D.C.F.P. 745; Plamondon c. Société d'habitation du Québec, [1982] 4 no 2 R.D.C.F.P. 183.
[8] En cas d’annulation de la question 4, chaque candidat se voit attribuer le nombre de points maximal pour cette question; Mme Bétie aurait alors un résultat de 58 sur 120 alors que le seuil de passage serait de 66 sur 120 (55 %). En cas de retrait de la question, Mme Bétie aurait un résultat de 44 sur 106 alors qu’on peut présumer que le seuil de passage serait de 58,3 sur 106 (55 %).
[9] Précitée, note 7, p. 14.
[10] RLRQ, c. F-3.1.1, r. 6.
[11] Ministère de la Sécurité publique et Desjardins, 2014 QCCFP 27.
[12] Fontaine c. Office des ressources humaines, [1990] 7 no 3 R.D.C.F.P. 493; Plouffe et al., précitée, note 5.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.