[1] La Ville de Mont-Saint-Hilaire se pourvoit contre un jugement rendu le 22 mai 2020 par l’honorable Pierre-C. Gagnon de la Cour supérieure, district de Saint-Hyacinthe, lequel déclare que ses Règlements nos 1230 et 1235 sont inopérants envers les intimés en ce qui concerne la densité résidentielle s’appliquant à leurs biens-fonds, et permet à ces derniers de procéder diligemment à la présentation de leur réclamation en dommages-intérêts contre l’appelante.
[2] Pour les motifs de la juge Lavallée, auxquels souscrivent les juges Mainville et Rancourt, LA COUR :
[3] REJETTE la requête pour preuve nouvelle;
[4] ACCUEILLE partiellement l’appel;
[5] INFIRME en partie le jugement de première instance à la seule fin de biffer le paragraphe 296 du jugement entrepris et de le remplacer par les paragraphes suivants :
[296] ANNULE les articles 320 et 376 du Règlement no 1235 (Règlement de zonage) à l'égard de la zone A-16;
[296 a] ANNULE l’article 8.1.2 du Règlement no 1230 (Plan d’urbanisme) à l'égard de la zone A-16;
[6] SUSPEND l'exécution de ces paragraphes [296] et [296 a] pour une période de 270 jours à compter de la date de l’arrêt de la Cour à la seule fin de permettre à l'appelante de compléter de bonne foi l'exercice de concordance exigé par les articles 59 et suivants de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme à l’égard de la zone A-16.
[7] LE TOUT avec les frais de justice en faveur des intimés, tant en première instance qu'en appel.
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MOTIFS DE LA JUGE LAVALLÉE |
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[8] Ce pourvoi met en lumière le processus formel auquel les municipalités sont assujetties lorsqu’elles exercent leurs pouvoirs en matière d’aménagement et d’urbanisme. Ces derniers ne sont pas sans limites, mais sont tributaires du régime général d’aménagement mis en place par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU)[1]. Par conséquent, ils doivent être exercés en respectant la finalité et la portée normative que leur confère cette loi.
[9]
Les intimés sont propriétaires de lots situés dans la zone A-16 de la
Ville de
Mont-Saint-Hilaire (« Ville »). Le Plan métropolitain d’aménagement
et de développement (« PMAD ») adopté par la Communauté
métropolitaine de Montréal (« CMM ») prévoit une affectation résidentielle pour
la zone A-16, laquelle est une zone située à l’extérieur des aires dites
« transport oriented development » (« TOD ») du PMAD[2].
Dans ce type d’aires, le PMAD prévoit une densité moyenne de 21 logements par
hectare pour la période 2011-2031. Les intimés souhaitent développer le secteur
en respectant ces seuils. Il appert qu’ils en ont été empêchés par certaines
dispositions réglementaires de la Ville qui ont eu pour effet de geler le
développement dans la zone A-16. En effet, l’article 8.1.2 de son plan
d’urbanisme (Règlement no 1230) et les articles 320 et 376 de son
règlement de zonage (Règlement no 1235) font en sorte qu’aucune densité
d’occupation résidentielle du sol n’est applicable dans cette zone.
[10] Le résultat de cette réglementation est que la zone A-16 est soumise à un zonage agricole ne permettant que des usages non agricoles restreints à ceux autorisés dans les zones agricoles de son territoire (article 320 du règlement de zonage), et où le seuil de densité résidentielle applicable est de zéro (article 376 du règlement de zonage).
[11] La Cour supérieure a examiné les agissements du conseil de la Ville et de son maire, à la lueur du régime législatif de la LAU. Ayant fait cet examen, elle a conclu dans le jugement entrepris[3] que le conseil municipal et le maire avaient agi de mauvaise foi en adoptant ces dispositions réglementaires. Elle a conséquemment déclaré que les prescriptions de celles-ci qui concernent la densité minimale dans la zone A-16 étaient inopposables aux intimés.
[12] Il faut comprendre que le présent dossier s’inscrit dans le cadre d’un débat plus large portant sur le PMAD du territoire métropolitain de Montréal. Le législateur a confié à la CMM le soin d’adopter un PMAD pour l’ensemble de son territoire, qui comprend celui de la Ville. La CMM a choisi d’adopter un plan favorisant le développement de quartiers à haute densité d’habitation, afin de limiter l’étalement urbain. Ce choix, qui se veut environnemental, vise également à favoriser l’usage et la rentabilité des infrastructures régionales de transport en commun et des autres infrastructures municipales et régionales. Plusieurs villes-banlieue et villes périphériques, dont la Ville, ont contesté au plan politique ce choix pour l’ensemble ou une partie de leur territoire. Cette question a fait l’objet de vigoureux débats à l’échelle municipale.
[13] Il n’y a pas lieu pour la Cour de s’immiscer dans ces débats. La question qui nous est présentée, en l’espèce, est de nature strictement juridique. Il s’agit plus particulièrement de décider si une municipalité peut écarter l’application du PMAD sur une partie de son territoire par des mesures dilatoires, en agissant de manière abusive et non transparente équivalant à de la mauvaise foi. Cette question relève du strict contrôle par les tribunaux de la légalité des décisions des autorités municipales à la lumière de la législation applicable.
1. LA TRAME FACTUELLE
[14] La trame factuelle est particulièrement importante dans ce pourvoi. En appel, les parties s’entendent sur les faits de l’affaire, s’en remettant à cet égard au récit qu’en fait le juge de première instance[4]. Elles divergent toutefois sur la qualification juridique à leur apporter.
1.1 La situation de la zone A-16
[15] Le litige, dont l’origine remonte à 2013, concerne la zone A-16. Les intimés sont propriétaires de lots situés dans cette zone. Ils détiennent environ une trentaine d’hectares sur les cinquante hectares qui la composent[5].
[16] Deux quartiers résidentiels de la Ville - soit les Hauts du Flanc-Sud et la Pommeraie - bordent respectivement le nord et le sud de la zone A-16.
[17] La zone A-16 est essentiellement composée d’une artère principale, le chemin de la Montagne, sur laquelle on retrouve une trentaine d’habitations unifamiliales isolées, un verger et quelques commerces, tels un centre de détente (spa), une pépinière et quelques ateliers de production artisanale. Le chemin de la Montagne débouche sur le chemin Ozias-Leduc, qui représente la frontière ouest de la zone A-16.
[18] Ainsi, pour fins de visualisation[6], en partant du nord vers le sud, se trouve le mont Saint-Hilaire lui-même, puis, immédiatement sur son flanc sud, le quartier résidentiel les Hauts du Flanc-Sud. Au sud de ce dernier se trouve la zone A-16, et au sud de cette dernière, le quartier la Pommeraie. La zone A-16 est donc prise en étau entre ces deux quartiers résidentiels principalement composés d’unités unifamiliales. Au sud de la Pommeraie débute l’actuelle « zone verte », le territoire agricole protégé.
[19] En janvier 1989, la Ville cherche à faire retirer certaines portions de son territoire de la zone agricole protégée (« zone verte ») par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles[7] (LPTAA). Elle propose donc à la municipalité régionale de comté de la Vallée-du-Richelieu (« MRC ») une nouvelle délimitation de son périmètre d’urbanisation sur un horizon temporel de quinze à vingt ans. Il est alors question de « consolider le tissu urbain » entre les deux quartiers résidentiels existants.
[20] Le 1er octobre 1990, le conseil municipal de la Ville adopte son plan d’urbanisme (Règlement no 820)[8]. Dans ce dernier, le périmètre « C » - correspondant grosso modo à l’actuelle zone A-16 - est alors inclus dans le périmètre d’urbanisation[9]. Le 14 mars 1990, la MRC délivre le certificat de conformité pour ce plan d’urbanisme[10].
[21] Le 16 septembre 1991, le conseil municipal de la Ville adopte la Résolution no 91-408, laquelle décrète que la zone A-16 demeurera agricole pour les dix prochaines années (« moratoire 1991-2001 »). Le 8 juillet 1992, le gouvernement du Québec décrète la révision de la zone agricole des municipalités de la MRC et le périmètre « C » est désormais officiellement exclu de la « zone verte »[11], notamment parce que le secteur dans lequel il se trouve est doté de sols « comportant des limitations importantes pour l’agriculture »[12].
[22] En 2001, alors que le moratoire 1991-2001 vient à échéance, aucun changement significatif ne survient. Il faut attendre la création de la CMM pour constater un certain développement dans le dossier[13].
[23] En 2008, à la demande de la Ville, les intimés se regroupent et créent l’intimée 9193-4463 Québec inc. À cette époque, les discussions vont bon train entre les intimés et la Ville, et tous s’entendent pour développer la zone A-16 en un secteur urbain. Les intimés formulent alors des propositions de développement au comité consultatif d’urbanisme (« CCU »). De plus, la Ville mandate alors une société afin de réaliser des études sectorielles relatives à la planification du développement de la zone A-16.
1.2 L’entrée en vigueur du Plan métropolitain d’aménagement et de développement
[24] Le 8 décembre 2011, la CMM adopte son premier PMAD, lequel entre en vigueur le 12 mars 2012. Ce dernier impose des seuils de densité minimaux pour les zones se situant à l’extérieur des aires dites TOD, telles que la zone A-16. Pour cette dernière, le PMAD prescrit un seuil de densité résidentielle minimal situé entre 18 et 24 logements par hectare, pour une moyenne de 21 logements par hectare pour la période 2011-2031. Autrement dit, cette orientation préconise une densification des zones à l’intérieur des périmètres urbains afin de limiter l’étalement[14].
[25] Compte tenu de l’entrée en vigueur du PMAD de la CMM, la MRC doit, en vertu de la LAU[15], adapter son schéma d’aménagement et de développement (« SAD ») afin de le rendre conforme aux orientations du PMAD et faire approuver la conformité de ce dernier par la CMM. Dans la même veine, la Ville devra subséquemment modifier sa réglementation afin qu’elle se conforme au nouveau SAD de la MRC[16].
[26] C’est dans ce contexte que, le 16 mai 2013, le maire de l’époque, Michel Gilbert, convoque les citoyens à une séance de consultation publique ayant pour objet de discuter de l’avenir de la zone A-16, laquelle est désormais visée par l’augmentation des seuils de densité minimaux. En prévision de cette séance, la Ville distribue un dépliant dans lequel est présenté un début de projet de développement de la zone A-16[17].
[27] Les 28 et 29 mai 2013 se tiennent des assemblées consultatives publiques présentant les grandes lignes du projet de développement envisagé. Rapidement, le développement de la zone A-16 devient un enjeu électoral. De nombreux citoyens, résidant principalement dans le quartier des Hauts du Flanc-Sud, s’opposent farouchement à la densification et au développement de la zone A-16[18].
1.3 L’opposition à l’urbanisation de la zone A-16
[28] Lors des élections municipales de 2013, le candidat Yves Corriveau et l’ensemble des conseillers de son équipe se font élire, en adoptant notamment comme engagement électoral de geler tout développement dans la zone A-16[19].
[29] Afin de respecter les nouvelles normes édictées par le PMAD, la Ville crée un comité consultatif relatif à l’évaluation des orientations de développement et l’intégration du PMAD (« CC-PMAD »)[20].
[30] Le 7 février 2014, le maire Corriveau et Bernard Morel, le directeur du Service de l’aménagement du territoire et de l’environnement de la Ville, rencontrent des dirigeants de la CMM afin de faire diminuer le seuil de densité de la zone A-16, réclamant une extension des délais afin de permettre au CC-PMAD de proposer une vision alternative de développement pour la zone A-16. La CMM est peu réceptive[21].
[31] Le 9 avril 2014, le CC-PMAD rédige une note, dans laquelle il souligne qu’il serait possible de contourner l’imposition des seuils de densité minimaux du PMAD en tirant avantage d’une exception contenue dans ce dernier, qui est accordée lorsqu’un secteur présente des caractéristiques environnementales ou patrimoniales particulières[22]. Puis, le 9 mai 2014, la Ville adopte la Résolution no 2014-183, qui permet de comprendre qu’elle entend justement utiliser cette exception prévue au PMAD.
[32] Le 18 septembre 2014, la MRC modifie son SAD afin qu’il soit conforme au PMAD[23]. Ce dernier prescrit une affectation de type résidentielle pour la zone A-16, avec une exception pour deux boisés dont l’affectation prévue est « conservation type 3 », ce qui signifie essentiellement qu’ils peuvent faire l’objet d’un développement immobilier s’ils sont conservés à 50 %. Conformément à l’art. 5 al. 2 (3) de la LAU, le SAD est composé d’un document principal et d’un document complémentaire (« Document complémentaire »). Dans ce dernier se trouvent les normes minimales auxquelles la Ville doit se conformer strictement en adoptant sa réglementation. Comme mentionné précédemment, ce dernier impose des seuils de densité minimaux pour des périodes quinquennales dont la moyenne est de 21 logements par hectare, conformément au PMAD, seuils auxquels chacune des municipalités du territoire de la MRC doit se conformer en modifiant son SAD.
[33] À la demande de la Ville, la MRC introduit alors l’article 1.8.3 dans ce Document complémentaire. Cet article prévoit la seule exception permettant à une municipalité locale de soustraire un secteur visé par le PMAD au seuil minimal de densité d’occupation du sol que ce dernier prévoit. Les passages pertinents de cette disposition du SAD sont libellés ainsi :
1.8.3 Cas d'exception et situations particulières
[…]
Par ailleurs, pourraient être exclus du calcul des seuils minimaux de densité demandés au tableau 11.3
[…]
Un secteur qui présente des caractéristiques environnementales ou patrimoniales particulières et exceptionnelles. La reconnaissance d'un tel secteur vise sa protection et sa mise en valeur. Un tel secteur devra être justifié et cartographié par la municipalité puis soumis à la MRC pour analyse et approbation. Pour être reconnu et conséquemment soustrait de l'application des seuils de densité, le secteur devra être identifié comme tel au Schéma d'Aménagement de la MRC ainsi qu’y être assujetti au respect d'un seuil minimal de densité et à l'élaboration d'une planification détaillée par l'entremise d'un PAE, d'un PIIA, d'un PPU ou tout autre outil réglementaire reconnu par la LAU.
[Soulignements ajoutés]
[34] Le 9 octobre 2014, la CMM délivre un certificat de conformité approuvant le SAD de la MRC, ce qui permet son entrée en vigueur. En novembre, le CC-PMAD dépose un rapport d’avancement comportant 179 recommandations afin que la Ville se conforme au PMAD. Ce rapport recommande d’utiliser les mesures d’exception prévues au PMAD afin de réduire le seuil de densité résidentielle minimal dans cette zone. Ces mesures d’exception sont celles que la MRC a prévues à l’article 1.8.3 du Document complémentaire de son SAD.
[35] En juin 2016, la Ville dévoile l’avant-projet de son plan d’urbanisme. Au mois d’août, l’Association des citoyens de Mont-Saint-Hilaire (« l’Association ») remet à la Ville un mémoire commentant cet avant-projet,[24] dans lequel elle s’oppose au développement de la zone A-16 et à la densification résidentielle aux abords du chemin de la Montagne. Elle recommande à la Ville d’envisager l’acquisition des lots situés dans la zone A-16. Toujours selon l’Association, la zone A-16 devrait servir à l’exploitation d’une agriculture urbaine favorisant l’agrotourisme.
[36] Le 12 octobre 2016, François Sénécal, le coordonnateur de l’aménagement du territoire de la MRC, écrit un courriel à Bernard Morel. À la lecture de ce courriel, il est possible de comprendre que les deux hommes ont récemment discuté de la réglementation que la Ville entend adopter pour se conformer au SAD et que Bernard Morel aurait évoqué l’idée d’utiliser une « concordance différée » pour la zone A-16. François Sénécal lui répond que cette approche n’est pas envisageable sur le plan juridique dans un courriel qui mérite d’être reproduit en entier :
Bonjour Bernard
Je voudrais faire un petit suivi de notre conversation d'hier, à la fin du CCRA. Pour notre rencontre prévue le 21 octobre, j'aimerais que tu valides ton hypothèse de « concordance différée » de la zone A-16, avec toute la rigueur que cela implique. En réfléchissant et allant consulter la Jurisprudence, je crois personnellement que cette « technique » ne tient pas la route sur le plan juridique. Je ne suis pas un juriste, donc je ne peux pas l'affirmer avec certitude. Cependant, il est évident que la Loi ne possède pas de mécanisme permettant de procéder à une concordance partielle. Il serait intéressant de vérifier la jurisprudence sur ce sujet.
Dans l'hypothèse où nous délivrerions les certificats de conformité, sans tenir compte de la zone A-16, nous n'aurions aucune « garantie » formelle que les principes d'aménagement du schéma seraient respectés. De plus, il n'y a aucun échéancier qui engagerait l'obligation de réaliser la planification détaillée de la zone concernée, après une hypothétique approbation. Sommes toutes, ce que tu proposes, ne comporte aucune mesure contraignante qui oblige l'atteinte des objectifs fondamentaux associés au PMAD. D'ailleurs, les discours que nous entendons et lisons dans les médias, sont orientés dans une direction totalement opposée. Seule la bonne foi et un accord parfait de toutes les parties impliquées permettraient d'aller de l'avant avec diligence. Selon l'historique de ce dossier, il y a beaucoup trop d'inconnus et d'écueils potentiels auxquels nous n'avons aucun contrôle. Nous naviguons en plein brouillard ...
À titre d'exemple, la ville d'Otterburn Park a d'abord « réglé » le dossier des Quatre-Terres, avant de compléter l'exercice de concordance. Il n'aurait pas été permis de faire l'inverse. Saint-Mathieu-de-Beloeil a dû faire preuve d'une grande créativité pour atteindre les objectifs de densité, puisque le principal secteur vacant en 2011 avait été presque tout développé à 8 logements/hectare. De plus, qu'arriverait-il si après la délivrance des certificats de conformité, le MAMOT et/ou la CMM refusent d'approuver un règlement de la MRC modifiant le schéma d'aménagement pour retirer la zone A-16? Pouvons-nous « annuler » ces certificats en cas d'échec? Je ne le pense pas.
Il ne faut pas oublier que plusieurs propriétaires de terrains de la zone A-16, veulent justement concrétiser leurs plans à plus ou moins brève échéance. J'ai des doutes sur la validité juridique de la stratégie de « gel » du développement dans cette zone, établie de facto par la ville depuis quelques décennies. Cela ne tiendra pas encore bien longtemps. D'après moi, la pression des pros et des antis développement va aller en s'accentuant au cours de l'année prochaine et je ne crois pas qu'il soit opportun que MRC prenne sur elle cette « pression », dans la mesure où le délai de concordance au schéma d'aménagement est échu depuis bientôt huit ans. Je reçois des courriels en faveur du développement et j'entends des personnes qui prônent le statuquo. Je crains que la MRC soit mise en cause dans un imbroglio juridique auquel elle ne serait pas responsable. La MRC n'est pas un paratonnerre et mon rôle est de m'assurer que les mesures prises le seront dans le respect des règles établies. L'improvisation n'a pas sa place dans ce dossier.
Je réitère donc les 6 étapes telles que formulée dans le document intitulé « propositions de feuille de route pour l'exemption de l'application des seuils minimaux de densité pour la zone A-16 à Mont-Saint-Hilaire » car cela comporte moins de risques. On pourra discuter des éléments relatifs aux mesures de contrôle intérimaire à prendre.
[Reproduction textuelle; soulignements et caractère gras ajoutés]
[37] Le 31 octobre 2016, la porte-parole des intimés, Dominique Nègre, écrit à François Sénécal. Elle cherche à comprendre comment la Ville peut maintenir l’affectation agricole de la zone A-16 malgré l’existence du SAD. Monsieur Sénécal semble déjà avoir changé d’idée puisqu’il lui répond, le lendemain, que cette affectation est temporaire en attendant l’élaboration d’un programme particulier d’urbanisme (« PPU ») par la Ville.
[38] Le 3 novembre 2016, le maire Corriveau écrit à madame Nègre pour lui faire part des intentions de la Ville. Il l’informe qu’il y aura confection d’un PPU et la formation d’un comité consultatif qui aura comme mandat de préparer ce même PPU. Il affirme que « les propriétaires de la zone A-16 y seront bien représentés ».
1.4 La stratégie de la ville pour « geler » le développement dans la zone A-16
[39] Lors du conseil municipal du 5 décembre 2016, le maire réaffirme la volonté du conseil de réduire le seuil minimal de densité dans la zone A-16 et annonce que le développement dans cette zone sera « gelé » jusqu’à l’adoption du PPU. Puis, il explique les deux options qui s’offrent à la Ville, soit l’acquisition et la conservation des terrains ou leur développement encadré par un PPU. Du même souffle, il annonce la création prochaine d’un comité qui sera chargé d’élaborer ce PPU, lequel sera formé de citoyens, d’élus et de fonctionnaires municipaux.
[40] La Ville publie alors un numéro spécial de son bulletin d’information Horizon Express portant spécifiquement sur la zone A-16, dans lequel il est mentionné que cette dernière « possède des caractéristiques patrimoniales et naturelles qu’il convient de protéger et mettre en valeur ». Le bulletin reprend les deux options envisagées par la Ville et affirme que le conseil municipal rendra disponible l’ensemble des informations provenant de futures études à leur sujet.
[41] Le 9 janvier 2017, le conseil municipal adopte la Résolution no 2017-012 créant officiellement le comité CAZA-16, lequel dispose d’un mandat d’une durée d’un an à partir du 10 janvier 2017 pour formuler ses recommandations. Ce comité est composé de cinq citoyens, de trois conseillers municipaux et de Bernard Morel. Aucun des propriétaires de la zone A-16 n’est membre du comité, contrairement à ce que le maire Corriveau avait confirmé dans la lettre qu’il avait auparavant adressée à madame Nègre[25].
[42] Le 24 février 2017, Jacques Renaud, urbaniste, transmet à la Ville, au nom de l’intimée 9193-4463 Québec inc., une lettre dont le juge de première instance résume ainsi le contenu :
• l’élaboration d’un PPU est une forme d’expropriation, qui contrecarre plus de dix ans de discussions en vue d’une planification adéquate. L’article 8.1.2 doit être retranché du Plan d’urbanisme;
• la création imminente des deux nouvelles zones AF-18 et AF-19, n’autorisant que des activités forestières, n’a pour seul but que de diminuer la superficie bâtissable de la zone A-16. Ce rezonage doit être abandonné;
• la réglementation municipale doit se conformer au Règlement de concordance de la MRC, et respecter les seuils minimaux de densité prescrits par le Schéma d’aménagement.[26]
[43]
Le 1er mai 2017, le conseil municipal adopte son plan
d’urbanisme (règlement no 1230), son règlement de zonage (no
1235) ainsi que son règlement sur les usages conditionnels (no
1237) (collectivement, « la réglementation »). Le plan d’urbanisme
prévoit alors que le seuil de densité résidentielle minimal ne s’applique pas
dans la
zone A-16. L’article 376 du règlement de zonage va dans le même sens et ne
prescrit aucune densité pour la zone A-16. Quant à son article 320, il ne
permet l’usage résidentiel de type « unifamilial isolé » que le long
des voies publiques déjà existantes, soit uniquement le long du chemin de la
Montagne.
[44] À cet usage unique se greffent les usages conditionnels prévus dans le Règlement sur les usages conditionnels. Celui-ci permet sept usages conditionnels autorisés dérogeant à l’agriculture dans la zone A-16, qui s’appliquent seulement aux « propriétés adjacentes au chemin de la Montagne »[27]. Il s’agit a) d’un atelier artisanal, b) d’une galerie d’art, c) d’un atelier d’expression artistique et culturel, d) de gîte champêtre (B & B), e) d’un restaurant style table champêtre, f) d’un spa (avec bistro), et g) d’un usage complémentaire de service à l’usage résidentiel. Des critères supplémentaires d’évaluation s’appliquent également à la zone A-16[28].
[45] Le 10 mai 2017, Bernard Morel répond, enfin, à la lettre de l’urbaniste Jacques Renaud mandaté par les intimés. Il réitère essentiellement le désir de la Ville d’élaborer un PPU pour la zone A-16 afin d’obtenir, comme le prévoit l’article 1.8.3 du Document complémentaire du SAD, une dérogation au seuil de densité résidentielle minimal, en faisant valoir les caractéristiques environnementales et patrimoniales exceptionnelles de la zone.
[46] L’urbaniste Renaud réplique alors, relevant notamment, comme le souligne le juge de première instance :
• les manœuvres du comité pour influer à la baisse sur la valeur marchande des lots en vue que la Ville puisse les acquérir à bas prix;
• la présence au sein du comité de M. Jean-Yves Héroux, membre actif de l’Association des citoyens de Mont-Saint-Hilaire, à l’origine d’une pétition contre les développements de la zone A-16;
• l’appui officiel de la Ville à cette pétition, placée sur le site Internet de la Ville avec une invitation aux citoyens à signer la pétition;
• la présence au sein du comité de M. Louis Toner, Mme Isabelle Thibault et M. François Paradis, trois membres actifs de l’Association des citoyens, qui avait déposé en août 2016 un volumineux mémoire défavorable au développement de la zone A-16;
• la recherche active par le comité CAZA-16 d’appuis politiques externes en faveur de la conservation de la zone A-16, ce qui excède le mandat conféré le 9 janvier 2017.[29]
[47] Le 16 août 2017, les intimés mettent la Ville et la MRC en demeure. Le conseil de la MRC doit, le lendemain, adopter des résolutions approuvant la réglementation visant la délivrance des certificats de conformité. Cette mise en demeure vise à convaincre le conseil que les conditions pour approuver l’exception énoncée à l’article 1.8.3 du Document complémentaire du SAD ne sont pas respectées et que, dès lors, le règlement de zonage élaboré par la Ville n’est pas conforme au Document complémentaire du SAD puisqu’il ne respecte pas les seuils de densité minimaux. De plus, dans la mise en demeure, les intimés reprochent à la Ville et à la MRC d’être de mauvaise foi[30].
[48] Le même jour, l’avocat de la MRC répond en soulignant la tardiveté de la démarche des intimés et en précisant ceci :
• D'une part parce que la zone A-16 est à vocation agricole où l'usage résidentiel n'est pas autorisé, de sorte que les seuils minimaux prescrits aux fins d'une densité résidentielle ne s'appliquent pas; dans les faits, cette affectation pourrait s'apparenter à une mesure de temporisation du développement de type holding by-law reconnu par la Cour suprême du Canada depuis 1975; il n'y a donc pas lieu de fixer des seuils pour un secteur non-constructible;
• Par ailleurs, et comme le prévoit le PMAD, si une demande de développement à des fins résidentielles de cette zone vient qu'à être déposée, elle sera alors analysée à son mérite, ce qui pourrait mener à un amendement au règlement de zonage par PPU, et de l'étude de sa conformité au SADR à cette seule fin; les seuils de densité seront alors considérés et pourraient être écartés, distingués ou assouplis, pour tenir compte des particularités du secteur, du type de développement et des autres objectifs de développement établis tant par al MRC que la Ville.
1.5 La délivrance de certificats de conformité par la MRC
[49] Finalement, la MRC adopte les résolutions qui entraîneront la délivrance, le 20 septembre 2017, des certificats de conformité de la réglementation de la Ville.
[50] Le 25 août 2017, les procureurs des intimés font parvenir une deuxième mise en demeure à la Ville et à la MRC, soutenant essentiellement que le zonage différé ne peut autoriser la validation du règlement de zonage.
[51] Le 15 septembre 2017, les intimés introduisent leur recours devant la Cour supérieure.
[52] Lors des élections municipales de novembre 2017, Yves Corriveau est réélu maire de la Ville.
[53] Le 23 février 2018, l’intimée 9193-4463 Québec inc. dépose à la Ville une proposition de développement pour la zone A-16, que la firme d’urbanisme Groupe Lemay inc. a préparée pour elle. Celle-ci prévoit la construction de 663 unités résidentielles, ce qui correspondrait à une densité de 22,3 logements par hectare.
[54] Le 3 avril 2018, la Ville y répond par la voix de Bernard Morel, lequel leur oppose une fin de non-recevoir, affirmant attendre l’élaboration du PPU avant d’examiner toute proposition dans la zone A-16[31].
[55]
Le 8 août 2018, la MRC produit une « Proposition de Feuille de
route pour l’exemption de l’application des seuils minimaux de densité pour la
zone A-16 à
Mont-Saint-Hilaire ». On comprend cependant du courriel de François
Sénécal reproduit ci-haut que ces étapes avaient déjà été discutées, voire même
établies précédemment. Cette feuille de route, rédigée par monsieur Sénécal,
prévoit que six étapes doivent être suivies afin que la Ville puisse se
prévaloir de l’exception énoncée à l’article 1.8.3 du Document complémentaire
du SAD :
1) Rédaction, par la ville, d'un document justificatif comprenant une caractérisation cartographique du site visé.
2) Formulation, par la ville et par voie de résolution, d'une demande de modification au schéma d'aménagement.
3) Analyse et, le cas échéant, approbation des documents par la MRC, ainsi que la demande de modification du schéma d'aménagement.
4) Si acceptation par la MRC, adoption, par la ville, de mesures de contrôle intérimaire (résolution et règlement), conformément aux articles 111 et suivants de la LAU, afin d'interdire le développement incompatible avec les objectifs de maintien du cadre patrimonial du secteur.
5) Amorce, par la MRC, d'une modification du schéma d'aménagement, afin d'exempter la zone A-16 de l'application du tableau 11.4 du schéma d'aménagement. Retrait de la zone A-16 du calcul global hors-TOD des seuils minimaux à atteindre dans l'ensemble de la ville. Imposition d'un seuil minimal propre à la zone A-16 et qui respecte les caractéristiques patrimoniales observée et à maintenir.
6) Si approuvé par la CMM et le MAMOT, entrée en vigueur de l'amendement au Schéma et introduction des normes particulières applicables pour la zone A-16, dans la règlementation locale (concordance).
[56] Le 14 mars 2019, le comité CAZA-16 tient sa 38e rencontre. Lors de celle-ci, une spécialiste du paysage exprime son opinion au sujet de la zone A-16, laquelle est ainsi résumée dans le procès-verbal de cette rencontre :
·
Les membres demandent à la spécialiste en paysage : est-ce que la
zone
A-16 est un lieu d'exception ou non? Rép. Il manque d'harmonie pour la
consolider dans ce qu'elle est et nécessite plus de travail pour l'amener vers
sa fonction agricole, le cas échéant. Elle s'inscrit dans un continuum, mais il
manque un petit quelque chose (avec la suite du chemin de la Montagne). Il
faudrait redynamiser le secteur.
[57] Le 15 décembre 2019, soit moins d’un mois avant le début de l’audition en première instance, le comité CAZA-16 dépose un bilan de ses travaux dans lequel il souligne s’être réuni à 53 reprises depuis janvier 2017 et avoir transmis 17 recommandations au conseil municipal. En résumé, trois scénarios sont envisagés par le comité :
· l'acquisition des terrains non développés par la Ville;
· le développement encadré par un Programme particulier d'urbanisme (PPU);
·
un changement du statut et/ou du contexte juridique applicable à
la zone
A-16.
[58] En novembre 2019, au moment où Bernard Morel quitte son emploi de directeur du Service de l’aménagement du territoire et de l’environnement de la Ville, cette dernière n’a toujours pas présenté à la MRC une demande d’exemption fondée sur l’article 1.8.3 du Document complémentaire du SAD, pour la zone A-16. De plus, le comité CAZA-16 n’a toujours pas formulé une recommandation finale sur les divers scénarios envisagés.
[59] Enfin, lors de l’audition en première instance, la Ville n’a toujours pas complété la première étape de la feuille de route proposée par la MRC afin de pouvoir bénéficier de l’exception énoncée à l’article 1.8.3 du Document complémentaire du SAD.
2. LE JUGEMENT ENTREPRIS
[60] Le juge précise qu’à la suite de l’arrêt Vavilov[32], l’arrêt Catalyst[33] conserve sa prédominance en droit municipal, de sorte que la norme de la décision raisonnable doit guider le pourvoi en contrôle judiciaire dont il est saisi[34].
[61] Il conclut que, bien que les intimés soulèvent l’absence de conformité de la réglementation aux normes relatives à la densité d’occupation du sol du SAD et du PMAD, ce moyen ne peut être retenu puisque la MRC a délivré des certificats de conformité à son sujet. En vertu de l’article 137.15 de la LAU, la réglementation est conséquemment réputée conforme au SAD. La constitutionnalité de cette disposition législative n’étant pas contestée, la Cour supérieure ne détient pas la compétence pour trancher un débat qui devait être mené sur le front de la conformité[35].
[62] Toutefois, puisque le conseil municipal a agi d’une manière non transparente et abusive, ses agissements ne sont pas ceux d’un conseil municipal se comportant raisonnablement au sens de l’arrêt Catalyst. Voici, à cet égard, les passages pertinents de son analyse :
[258] La Ville a pensé qu’il lui serait facile de se prévaloir de l’exception de l’article 1.8.3. La MRC lui a opposé une attitude plus conforme à l’intention du législateur.
[259] La Ville a cru qu’elle convaincrait aisément qu’on trouve à la zone A-16 des caractéristiques environnementales ou patrimoniales particulières. Mais l’article 1.8.3 exige que ces caractéristiques soient à la fois particulières et exceptionnelles.
[260] La Ville est, à ce jour, incapable d’identifier quoi que ce soit d’exceptionnel dans la zone A-16.
[261] C’est ainsi qu’il faut décoder les tergiversations du comité CAZA-16, après 53 rencontres échelonnées sur 36 mois, alors que son mandat initial était censé se limiter à un an.
[262] La Ville n’a pas encore commencé à franchir les six étapes de la Feuille de route de la MRC, car elle sait que ce serait en vain.
[263] La Ville se rabat plutôt sur une autre option : l’inertie. Elle prétend faussement qu’elle travaille activement sur une solution, alors qu’elle se satisfait pleinement du statu quo, qui, selon elle, peut continuer tant que son PPU ne sera pas conçu, discuté, adopté et mis en vigueur.
[264] Troisièmement, la Ville se comporte de façon abusive, arbitraire et discriminatoire envers les demandeurs, traités en parias tout en payant des taxes municipales pour des immeubles dont le développement est gelé capricieusement.
[265] Le conseil municipal a, depuis janvier 2017, remis le sort de la zone A-16 entre les mains d’un comité municipal noyauté par des citoyens opposés au développement, qui filtrent les informations divulguées aux autres contribuables.
[266] Au départ, le maire Corriveau a manifesté une attitude élémentaire d’équité et de fair play en écrivant que « bien entendu, les propriétaires de la zone A-16 y seront bien représentés » , pour ensuite honorer la volonté des membres du comité qui, manifestement ne voulaient pas que des importuns épient leurs discussions.
[…]
[274] Or, le régime d’urbanisme municipal élaboré par l’Assemblée nationale ne peut raisonnablement tolérer qu’une municipalité crée de la sorte une zone franche qui échappe indéfiniment aux règles d’occupation du territoire.
[275] En agissant de la sorte de façon arbitraire et sans discernement, la Ville agit déraisonnablement au sens dégagé par le juge Beetz dans l’arrêt Arcade Amusements.
[276] Le Tribunal ne peut laisser persister telle situation de non-droit.
[63] Pour les motifs qui suivent, j’estime que le juge de première instance a appliqué la bonne norme de contrôle dans son analyse et que cette dernière est exempte d’erreurs de fait ou de droit.
3. L’ANALYSE
3.1 L’incompétence de la Cour supérieure sur la question de la conformité régionale
[64] Le juge était saisi d’une demande en nullité de certaines dispositions de la réglementation de la Ville découlant de l’exercice d’un pouvoir que le législateur lui a délégué à l’article 113 al. 2 (3e) de la LAU[36].
[65] À grands traits, on peut dire que le régime prévu par la LAU prévoit « (…) une planification régionale avec une participation gouvernementale assez importante et une mise en application locale »[37]. L’exigence de conformité assure une cohérence d’ensemble entre les orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire, le PMAD, le SAD et la réglementation d’urbanisme.
[66] Les intimés affirmaient, en première instance, que le seul recours disponible pour un groupe de citoyens désirant soulever la non-conformité au SAD d’un règlement municipal est le contrôle judiciaire, puisqu’en vertu de la LAU, seule la municipalité locale peut saisir la Commission municipale du Québec (CMQ) de la question de la conformité régionale d’un règlement de zonage.
[67] Or, contrairement à ce qu’ils plaidaient, le juge de première instance affirme que la Cour supérieure n’est pas compétente pour trancher un débat sur la conformité régionale. Aucun appel incident n’a été déposé à l’égard de cette conclusion et la Cour n’est donc pas saisie de ce débat.
[68] Compte tenu de cette conclusion, la Ville soutient, en appel, que le juge ne pouvait par la suite rendre inapplicable sa réglementation au motif que celle-ci ne permettait pas d’atteindre les objectifs régionaux de densification prévus dans le SAD.
[69] Elle se trompe.
[70] Comme le juge l’a conclu, l’arrêt Catalyst permettait d’intervenir puisque la réglementation fut adoptée par la Ville de mauvaise foi et en dérogation flagrante à la loi. Dans ce contexte, le comportement illégal de Ville est clairement sujet au contrôle judiciaire.
[71] La juge en chef McLachlin s’exprime d’ailleurs comme suit dans Catalyst :
[15] Contrairement au Parlement et aux législatures provinciales, qui jouissent d’un pouvoir législatif inhérent, les organismes de réglementation ne peuvent exercer que les pouvoirs législatifs qui leur ont été délégués. Leur pouvoir discrétionnaire n’est pas sans limites. La primauté du droit exige que le contrôle judiciaire de la législation déléguée s’assure que celle-ci est bien conforme à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée. Il faut présumer que le législateur qui délègue un pouvoir s’attend à ce que celui-ci soit exercé de manière raisonnable. Il a été reconnu dans de nombreux cas que les tribunaux peuvent réviser le contenu des règlements municipaux afin d’assurer l’exercice légitime du pouvoir conféré aux conseils municipaux et à d’autres organismes de réglementation (Bell c. La Reine, [1979] 2 R.C.S. 212; O’Flanagan c. Rossland (City), 2009 BCCA 182, 270 B.C.A.C. 40; Westcoast Energy Inc. c. Peace River (Regional District) (1998), 54 B.C.L.R. (3d) 45 (C.A.); Canadian National Railway Co. c. Fraser-Fort George (Regional District) (1996), 26 B.C.L.R. (3d) 81 (C.A.); Hlushak c. Fort McMurray (City) (1982), 37 A.R. 149 (C.A.); Ritholz c. Manitoba Optometric Society (1959), 21 D.L.R. (2d) 542 (C.A. Man.)).
[72] Cela suffit pour rejeter le premier moyen d’appel soulevé par la Ville.
3.2 Le manque de transparence et le caractère abusif des agissements du conseil municipal et de son maire
[73]
Dans ce second moyen d’appel, la Ville affirme qu’en déclarant la
réglementation ultra vires parce qu’abusive et déraisonnable, alors que
celle-ci était réputée conforme au SAD, le juge a fait indirectement ce que
l’article 137.15 LAU lui interdisait de faire. Elle soutient que les
dispositions du règlement de zonage relatives aux usages dans la
zone A-16 constituent un zonage différé et que la Cour supérieure devait faire
preuve d’une grande déférence à l’égard des décisions du conseil municipal qui
s’inscrivaient dans les « issues possibles acceptables pouvant se
justifier au regard des faits et du droit »[38]. Elle plaide qu’en tenant
compte de l’intérêt public, l’utilisation de ce zonage différé était non
seulement légale, mais également raisonnable compte tenu de la nécessité pour
la Ville de finaliser son exercice de concordance rapidement, tout en prenant
le temps de modifier la réglementation devant s’appliquer à la zone A-16.
Enfin, plaide-t-elle, l’honnêteté des membres du conseil municipal n’étant pas
en cause en l’espèce, la réglementation est donc raisonnable et le juge ne
pouvait la déclarer inopérante.
[74] À l’analyse, il ressort plutôt du jugement dont appel que le juge a correctement appliqué l’arrêt Catalyst[39], qui demeure l’arrêt de principe applicable en la matière même depuis Vavilov[40], dans lequel la Cour suprême précise que les décisions et les règlements d’une municipalité peuvent être révisés de deux manières :
[12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons. D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures. Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire. Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.
[Soulignement ajouté]
[75] Dans les cas où, comme en l’espèce, les règlements sont attaqués pour le motif qu’ils sont déraisonnables, l’analyse se fait en considérant le processus suivi et en vérifiant si le résultat s’inscrit dans l’éventail des issues raisonnables possibles, compte tenu du régime législatif applicable et des facteurs contextuels pertinents entourant l’exercice du pouvoir[41].
[76]
En ce qui a trait à ces « issues possibles », puisque les municipalités,
lorsqu’elles réglementent, ne peuvent exercer que les pouvoirs délégués par le
législateur, et que leur pouvoir discrétionnaire n’est donc pas sans limites,
l’analyse pourra dans certains
cas mener à la conclusion que le pouvoir a été exercé illégalement, puisque de
façon déraisonnable[42] :
[10] La primauté du droit pose comme principe fondamental que le pouvoir de l’État doit être exercé en conformité avec la loi. Ce principe protégé par la Constitution a pour corollaire que les cours supérieures peuvent être appelées à examiner si un exercice particulier du pouvoir de l’État est conforme à la loi ou non. C’est ce que nous appelons le « contrôle judiciaire ».
[11] Les municipalités ne jouissent d’aucun pouvoir leur étant directement accordé par la Constitution. Elles n’ont que les pouvoirs que leur délèguent les législatures provinciales. Cela signifie qu’elles doivent s’en tenir aux contraintes législatives que la province leur impose, à défaut de quoi leurs décisions et leurs règlements peuvent être annulés à l’issue d’une procédure de contrôle judiciaire.
[12] Les décisions et les règlements d’une municipalité, à l’instar de tout acte administratif, peuvent être révisés de deux façons. D’abord, les exigences en matière d’équité procédurale et le régime législatif qui régit la municipalité peuvent l’obliger à respecter certaines exigences de nature procédurale, notamment en matière d’avis ou de vote, et sa décision ou son règlement peut être jugé invalide si elle néglige de suivre ces procédures. Mais en plus de pouvoir être annulés au motif que ces exigences légales minimales n’ont pas été respectées, il se peut que les actes d’une municipalité le soient parce qu’ils outrepassent ce que le régime législatif permettait de faire. Cette révision sur le fond est fondée sur la présomption fondamentale, découlant de la primauté du droit, selon laquelle le législateur ne peut avoir voulu que le pouvoir qu’il a délégué soit exercé de façon déraisonnable, ou, dans certains cas, incorrecte.
[…]
[15] […] La primauté du droit exige que le contrôle judiciaire de la législation déléguée s’assure que celle-ci est bien conforme à la raison d’être et à la portée du régime législatif sous lequel elle a été adoptée. Il faut présumer que le législateur qui délègue un pouvoir s’attend à ce que celui-ci soit exercé de manière raisonnable. Il a été reconnu dans de nombreux cas que les tribunaux peuvent réviser le contenu des règlements municipaux afin d’assurer l’exercice légitime du pouvoir conféré aux conseils municipaux et à d’autres organismes de réglementation.
[…]
[24] Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.
[25] La norme de la décision raisonnable restreint les conseils municipaux en ce sens que la teneur de leurs règlements doit être conforme à la raison d’être du régime mis sur pied par la législature. L’éventail des issues raisonnables est donc circonscrit par la portée du schème législatif qui confère à la municipalité le pouvoir de prendre des règlements.
[…]
[32] En résumé, il faut déterminer en définitive si le règlement contesté s’inscrit dans un éventail raisonnable d’issues possibles en suivant l’approche que les tribunaux ont adoptée au fil des ans en matière de révision des règlements adoptés par des conseils municipaux. Les conseils municipaux ne sont pas tenus, dans le cadre du processus d’adoption de règlements, de s’en remettre aux seules considérations objectives ayant une incidence directe sur l’affaire; ils peuvent aussi prendre en compte des enjeux plus généraux d’ordre social, économique et politique. Pour apprécier le caractère raisonnable d’un règlement, il convient donc d’examiner le processus qui a mené à son adoption ainsi que sa teneur.
[Soulignement ajouté; renvois omis]
[77] À mon avis, le juge a procédé avec justesse à l’examen du caractère raisonnable de la réglementation, à l’aune du régime législatif en vertu duquel elle a été adoptée. Il a, avec raison, conclu que le processus ayant mené à l’adoption de la réglementation était empreint de mauvaise foi et avait donné lieu à l’adoption de dispositions sur les usages permis dans la zone A-16 qu’un conseil municipal se comportant raisonnablement au sens de l’arrêt Catalyst n’aurait pu adopter.
[78] En effet, comme mentionné précédemment, la mauvaise foi vise également les actes « qui se démarquent tellement du contexte législatif dans lequel ils sont posés qu’un tribunal ne peut raisonnablement conclure qu’ils l’ont été de bonne foi »[43].
[79] En l’espèce, les agissements de la Ville n’ont eu qu’un seul et véritable objectif : geler tout développement résidentiel dans la zone A-16. Or, ce faisant, ils ont contourné les mécanismes du régime législatif québécois en matière d’aménagement et d’urbanisme : la LAU.
3.2.1 Un zonage différé illégal
[80] La Cour suprême a reconnu la légitimité de la technique du zonage différé en 1974[44]. Selon Marc-André LeChasseur, le zonage différé consiste à « retarder l’adoption de normes réglementaires détaillées pour une portion du territoire municipal »[45].
[81] Ainsi, lorsqu’une municipalité procède par zonage différé, « seuls des usages ordinairement peu rentables et à faible incidence sur le territoire sont autorisés » et la municipalité attend qu’un entrepreneur lui soumette un projet intéressant[46]. Pour autoriser un tel projet, la municipalité doit alors procéder par une modification à sa réglementation d’urbanisme. Au Québec, cette technique a été reconnue pour la première fois en 1985 par la Cour supérieure[47], qui la décrivait ainsi :
Le "zonage différé" peut se caractériser comme étant un règlement temporaire dont le seul but est de limiter le développement dans certaines zones où l'état du développement ne permet pas de définir avec exactitude la nature, laissant à la municipalité le pouvoir de disposer de chaque demande d'amendement au profit d'un aménagement ultérieur répondant davantage à la réalité urbaine et à l'intérêt public.[48]
[82] La pertinence du recours à une telle technique s’explique par l’impossibilité pour un conseil municipal d’adopter des normes réglementaires objectives et inévitablement prospectives pour l’ensemble du territoire, cela relevant carrément d’un « véritable exercice de divination »[49].
[83] Au Québec, « [l]a technique du plan d’aménagement d’ensemble est en vérité une codification du zonage différé dont elle reprend les principes de fonctionnement »[50]. Elle a fait son introduction dans la LAU lorsque le législateur québécois y a ajouté, en 1987, les articles 145.9 à 145.14 relatifs à l’adoption d’un plan d’aménagement d’ensemble (« PAE »)[51]. En effet, comme l’écrivait cette Cour :
[48] Généralement désigné sous l'appellation PAE, le plan d'aménagement d'ensemble est né de l'initiative des municipalités. La réglementation détaillée d'une portion d'un territoire non encore aménagé peut être parfois ardue, voire irréaliste. Afin de s'adapter à ce type de besoins, les municipalités ont développé un remède, soit le zonage différé.
[49] Pratique reconnue en territoire québécois depuis 1984, le PAE permet de contourner les rigueurs des autres règlements d'urbanisme en offrant un outil flexible à l'égard de territoires dont la vocation n'est pas encore déterminée.
[50] Cela dit, l'utilisation d'un PAE n'est possible que dans le cas d'une zone pour laquelle une modification aux règlements d'urbanisme est envisagée. En d'autres mots, il s'agit d'une condition préalable au changement de zonage.
[51] Un PAE est constitué d'un plan détaillé illustrant les utilisations du sol, les voies de circulations, l'implantation au sol des bâtiments, l'aménagement des accès et des stationnements, l'aménagement paysager, le drainage, etc. Il doit être préparé pour l'ensemble du territoire délimité plutôt que pour les seuls terrains requis pour la réalisation d'un projet.[52]
[Soulignement ajouté; renvois omis]
[84] Considérant ce qui précède, j’estime que le juge n’a pas erré en concluant que le gel de tout développement, découlant de l’adoption d’un zonage agricole « temporaire » établi par la Ville, ne constitue pas un zonage différé permis par la LAU.
[85] Premièrement, l’objectif du zonage différé est d’établir un zonage répondant aux exigences minimales de la loi en « contexte opérationnel d’indétermination »[53]. Autrement dit, le conseil municipal peut utiliser ce type de zonage en attendant d’avoir des précisions quant aux orientations et au développement d’une zone pour laquelle il ne lui est actuellement pas possible de prévoir l’utilisation. Le « Plan 9 : Affectation du sol » se trouvant dans le Plan d’urbanisme de la Ville du 1er mai 2017 affecte la zone-16 à un usage « habitation agricole » et n’y prévoit aucune densité d’occupation du sol. Il en va de même de l’article 376 qui ne prévoit aucun seuil de densité applicable à la zone A-16 alors que les terrains vacants s’y trouvant sont visés par les seuils de densité applicables aux aires hors TOD. En effet, la zone A-16 se trouve à l’intérieur du périmètre urbain et fait déjà l’objet d’une affectation dans le SAD et ces espaces vacants[54] (ou « résiduels » selon les termes du SAD) sont affectés au développement résidentiel[55]. L’article 1.8 du Document complémentaire du SAD impose des « seuils minimaux de densité brute applicable pour la fonction résidentielle, dans les secteurs vacants […] ». En effet, dans cette disposition du Document complémentaire du SAD, il est prévu que :
[…] chaque municipalité de la MRC doit appliquer, dans son plan et ses règlements d’urbanisme, le ou les seuils minimaux de densité brute édités au tableau suivant, par secteur. Ces seuils minimaux sont applicables pour les espaces vacants et à redévelopper actuels et à venir.
[Soulignements ajoutés]
[86] Considérant ce qui précède, le zonage différé ne peut être utilisé pour repousser aux calendes grecques l’application du cadre normatif d’un SAD et il doit se justifier « au niveau aménagement »[56], surtout lorsque l’affectation de la zone visée est déjà « cristallisée »[57].
[87] Deuxièmement, un véritable zonage différé permet à des promoteurs de soumettre, lors d’une demande de modification d’un règlement d’urbanisme, des propositions de développement à une municipalité qui leur exige alors de fournir un PAE de cette zone (art. 145.9 LAU). Une municipalité adoptant une disposition de zonage différé adopte elle-même une attitude attentiste, mais ouverte à la négociation[58]. Ainsi, une municipalité adoptant une disposition de zonage différé doit analyser les propositions des promoteurs. À l’article 145.10 LAU, le législateur a d’ailleurs précisé qu’une municipalité doit inclure dans son règlement sur les PAE (lequel peut permettre un zonage différé), les critères qui seront utilisés pour évaluer les projets soumis.
[88] Or, en l’espèce, l’article 8.2 du Plan d’urbanisme de la Ville met littéralement fin aux PAE, en prévoyant que « [t]outes les zones pour lesquelles un plan d’aménagement d’ensemble (« PAE ») s’applique sont déjà construites ou les plans ont été approuvés. Ainsi, afin de faciliter les interventions sur les bâtiments, la Ville souhaite éliminer les zones de PAE et les assujettir à la réglementation sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (« PIIA ») »[59].
[89] Cet article du plan d’urbanisme n’ouvre la porte à aucune proposition de développement. Ainsi, comme le soutiennent les intimés, tout développement dans la zone A-16 est donc tributaire de l’adoption d’un PPU, laquelle dépend de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Ville et n’est soumise à aucun délai. Cette dernière prétend attendre patiemment le résultat des tergiversations du comité CAZA-16 qu’elle a elle-même créé et qui a depuis longtemps dépassé le délai lui ayant été accordé pour formuler ses recommandations.
[90] Comme mentionné précédemment, lorsque les intimés ont déposé une proposition de développement dans la zone A-16[60], la Ville, par la voix de Bernard Morel, a opposé une fin de non-recevoir. En effet, le 3 avril 2018, la Ville a refusé d’analyser le projet de ces derniers, se cachant derrière le comité CAZA 16 et prétextant l’attente d’un éventuel PPU.
[91] La conclusion qui s’impose est qu’en agissant de la sorte, la Ville démontrait qu’il ne s’agissait pas d’un véritable zonage différé, mais plutôt d’une stratégie pour soustraire la zone A-16 au seuil de densité minimal lui étant imposé par l’exigence de conformité stricte au Document complémentaire du SAD. Force est de constater que c’est exactement ce que l’avocat de la MRC mentionnait dans la lettre qu’il a fait parvenir aux intimés le 16 août 2017.
[92] La Ville a annoncé ses couleurs il y a déjà longtemps : elle désire soustraire la zone A-16 aux seuils de densité minimaux imposés par le SAD et le PMAD. En soi, cela n’est pas un problème, mais elle doit toutefois le faire en toute légalité, en utilisant l’exception énoncée à l’article 1.8.3 du Document complémentaire du SAD. En effet, la « concordance différée » dont parle le procureur de la MRC dans sa lettre précitée ne peut clairement s’inscrire que dans le cadre de cette exception.
[93] Là où le bât blesse à cet égard, c’est que plus de six ans se sont écoulés depuis le moment où la Ville connaît l’existence de cette exception, adoptée en avril 2014. Or, elle est toujours, au moment de l’audition devant la Cour supérieure, incapable d’identifier quoi que ce soit d’exceptionnel aux plans environnemental ou patrimonial dans la zone A-16 pour s’en prévaloir, mais elle persiste à expliquer qu’elle y parviendra certainement un jour. En effet, comme le souligne le juge de première instance, « [l]a Ville n’a pas encore commencé à franchir les six étapes de la Feuille de route de la MRC », qu’elle connaît au moins depuis l’envoi du courriel de François Sénécal à Bernard Morel, daté du 12 octobre 2016.
[94] Les tergiversations du comité CAZA-16 ne peuvent être analysées qu’à la lumière de ce fait. En effet, comme le juge le souligne, le mandat initial de ce comité est depuis longtemps dépassé :
[200] Premièrement, la résolution P-14 qui, le 9 janvier 2017, constitue le comité CAZA-16, confère un mandat d’un an. A priori, c’est une durée logique et raisonnable compte tenu que la Ville puis la MRC s’apprêtent à adopter les instruments réglementaires régissant les usages dans la zone A-16.
[201] Mais en date du procès, trois ans plus tard, le comité CAZA-16 est toujours constitué, sans résultats concrets après 53 rencontres.
[202] Il est clair, aux yeux d’un observateur objectif, que la procrastination est l’outil le plus performant du comité CAZA-16 et du conseil municipal puisque tant que l’on tourne en rond, le statu quo est indéfiniment préservé.
[203] Deuxièmement, trois ans après sa constitution, le comité CAZA-16 n’a pas encore accompli son mandat, tel que circonscrit dans la résolution P-14 :
Que ce comité procède à l’analyse des scénarios suivants, soit l’acquisition par la Ville des terrains non développés dans la zone A-16, soit l’adoption d’un plan particulier d’urbanisme pour cette zone.
[204] En janvier 2020, il n’y a nulle part de trace d’un processus d’acquisition des terrains, encore moins d’un PPU[61].
[95] Mais il y a plus. La démarche de la Ville, dont fait partie la création de ce comité CAZA-16, manque de transparence et est empreinte de mauvaise foi. Cette conclusion du juge prend appui dans la preuve, comme le montre l’analyse qui suit.
3.2.2 La mauvaise foi du maire et du conseil municipal
[96]
La crainte de partialité, le manque d'équité, de franchise et de
transparence sont des facteurs permettant de conclure à la mauvaise foi d’un
conseil municipal dans l’exercice de ses pouvoirs délégués de réglementation[62].
En effet, comme le soulignait la
Cour supérieure de l’Ontario, retenant les enseignements de la Cour d’appel de
la même province :
Two of the most important indicia of good faith are “frankness and impartiality”. Not inviting input from affected persons before passing a By-law may militate against a finding of frankness and impartiality but is not determinative.[63]
[97] Appliquant ces critères en l’espèce, le juge de première instance a conclu que le maire et son conseil ont fait preuve de mauvaise foi à l’égard des intimés.
[98] Voici les passages pertinents du jugement, qu’il convient de reproduire dans leur intégralité :
[124] Il faut à cette étape vérifier si les demandeurs parviennent à démontrer que la Ville agit dans l’illégalité, au sens de l’arrêt Catalyst, par l’adoption du Règlement no 1230 et du Règlement no 1235, en ce qui concerne la zone A-16.
[125] L’analyse requiert une rétrospective chronologique, pour cerner l’évolution des décisions et positions de la Ville quant à la zone A-16. Une attention particulière doit être portée au comité CAZA-16 et aux prises de position du maire Corriveau.
[…]
[205] (…) dans son courriel P-26 du 3 novembre 2016, le maire Corriveau s’engageait envers Mme Nègre (porte-parole reconnue des demandeurs), à ce que les propriétaires de la zone A-16 soient représentés au sein du comité CAZA-16, « bien entendu ».
[206] Or, le conseil municipal a veillé constamment depuis trois ans à ce qu’aucun des demandeurs ne soit membre du comité, ni même convoqué à exprimer son point de vue durant une réunion du comité.
[…]
[210] Durant son interrogatoire préalable du 24 août 2018, le maire Corriveau explique la volonté initiale du conseil municipal de nommer un des propriétaires de la zone A-16 au comité CAZA-16, mais « le comité a recommandé, à ce moment-ci, de ne pas inclure un propriétaire, ce que les membres du conseil ont accepté ».
[211] Le conseil municipal porte la responsabilité juridique de ce refus, car le comité n’est que son mandataire.
[…]
[213] On pourra plaider qu’un courriel du maire ne lie pas légalement le conseil municipal. N’empêche que la position du maire entendait refléter un minimum d’équité procédurale, qui ne s’est jamais matérialisée. Ceci est une indication de la mauvaise volonté du conseil municipal, qui en tout temps a désigné les membres du comité CAZA-16, à sa guise.
[214] De fait, le conseil municipal a veillé à nommer au comité CAZA-16 des opposants notoires au développement, soit à titre d’individus opiniâtres, soit à titre de représentants de l’Association des citoyens de Mont-Saint-Hilaire.
[215] Il est vrai qu’au départ, certains membres du comité ne sont pas d’irréductibles opposants au développement. Mais plusieurs démissionnent éventuellement en réaction au caractère biaisé de son fonctionnement.
[216] Le 28 juillet 2017, l’urbaniste Renaud au nom des demandeurs, se plaint dans sa lettre P-35 de la partisannerie du comité CAZA-16. Toutes ses allégations ne sont pas prouvées au procès. Cependant, l’ensemble de la preuve révèle que le comité CAZA-16 est l’instrument conçu par le conseil municipal pour tenter, coûte que coûte, d’accomplir un engagement électoral du maire Corriveau, soit de préserver le statu quo dans la zone A-16 en dépit des contraintes du Schéma d’aménagement.
[217] Quatrièmement, le comité CAZA-16 agit dans l’opacité et non dans la transparence.
[218] Pourtant, le conseil municipal indiquait dans la résolution P-14 du 9 janvier 2017 :
Que le comité voit à s’assurer de la transparence et de l’intégrité de la réflexion sur l’avenir de la zone A-16.
[219] Or, le comité CAZA-16 a publié des comptes rendus au contenu sélectif et ce, souvent après des délais révélateurs de plusieurs semaines après la tenue des réunions.
[220] Témoignant à l’audience, le directeur Morel peine à expliquer, encore plus à justifier, pourquoi il a cessé de rédiger les comptes rendus de réunions. Pourtant, il a longtemps été le seul fonctionnaire municipal désigné membre (à part entière) du comité, ainsi mandaté d’office selon les usages locaux à rédiger les avis de convocation et les procès-verbaux. Le Tribunal infère que ses fonctions officielles exigeaient de lui des écrits beaucoup trop objectifs et transparents aux yeux des autres membres du comité, plus préoccupés de soutenir leur point de vue à sens unique.
[221] Un épisode est particulièrement révélateur. Rappelons que le comité CAZA-16 a reçu mandat d’examiner l’option d’acquérir les terrains (de gré à gré ou par expropriation).
[222] Le témoignage à l’audience de Mme Marie Sullivan et de M. François Jauvin (deux des propriétaires concernés) indique qu’à une époque qui n’est pas précisée, deux urbanistes ont été mandatés par le groupe de propriétaires pour évaluer le coût probable d’une expropriation des terrains litigieux, ainsi que le manque à gagner en taxes foncières pour la Ville en raison de leur non-développement.
[223] La preuve ne procure pas les détails de leurs calculs. Cependant, le maire Corriveau dit savoir qu’une expropriation coûterait entre 20 et 40 millions de dollars.
[224] La teneur de cette rencontre et les évaluations des urbanistes n’ont jamais été divulgués aux citoyens dans les comptes rendus du comité. Plutôt, selon le témoignage à l’audience du directeur Morel, le compte-rendu en question a été publié neuf ou dix mois après la réunion en question, après que le segment relatant les propos des urbanistes ait été entièrement retiré du projet de compte-rendu en circulation jusqu’alors.
[225] Les propos que tient le maire Corriveau durant son interrogatoire au préalable du 24 août 2018, sont révélateurs. Son témoignage à l’audience du 8 janvier 2020 est plus réservé, moins désinvolte, mais ce qui a été dit reste dit.
[226] Au départ, il faut revenir qu’au scrutin municipal de 2013, le nouveau maire Corriveau a été élu sur une plate-forme électorale comportant le maintien du gel ans la zone A-16, le temps de consulter les citoyens. La mise en vigueur du PMAD avait causé une onde de choc parmi les citoyens.
[227] Le maire Corriveau est élu avec tous les membres de son équipe. L’une des premières décisions du nouveau conseil municipal est d’ordonner aux fonctionnaires l’interruption de toutes démarches en vue de développer la zone A-16.
[228] L’objectif de l’équipe élue est devenu de trouver, coûte que coûte, un moyen de réduire la densité prescrite pour la zone A-16, selon le maire Corriveau :
On l’a dit haut et fort
[…]
Puis on est encore dans ce mode-là aujourd’hui.
[24 août 2018]
[229] Le maire ajoute :
Actuellement, depuis cinq (5) ans, on est en processus de trouver des moyens pour baisser la densité.
[230] Le directeur Morel explique que la mesure d’exception énoncée à l’article 1.8.3 du Document complémentaire de la MRC, l’a été à la demande de la Ville.
[231] Pourtant, le maire indique durant son interrogatoire préalable que la Ville n’a pas encore fait procéder aux expertises soutenant le caractère particulier et exceptionnel des caractéristiques environnementales ou patrimoniales de la zone A-16. Lui et les autres élus se fient à leur instinct.
[232] Ainsi :
Q. O.K. Quand vous dites « ça va bien », vous n’avez pas de rapport sur les paysages, là?
R. Non, mais…on connaît notre ville. On connaît très bien notre ville, on la connaît assez bien pour savoir que ce chemin de la Montagne là, il y a des paysages…Puis le rapport confirmera ou nous mettra en tort, mais on est…on connaît assez bien notre rue pour savoir qu’effectivement ce rapport-là y va démontrer qu’il y a des paysages à protéger. On est convaincu de ça. Peut-être qu’on se trompera, on verra. Comme la régionalisation, on pense qu’on va y arriver. Ça ne veut pas dire qu’on va y arriver. Peut-être qu’on va…
Q. Mais pourquoi, si vous êtes convaincu, vous avez besoin d’un rapport sur les paysages?
R. Parce que pour faire la demande à la CMM, pour appliquer la clause d’exception sur des paysages, ça nous prend un rapport, pour démontrer à la CMM qu’effectivement, on rencontre cette clause-là. On ne peut pas y aller au pif, là.
[233] Au moment du procès en janvier, la Ville n’a encore commandé ni reçu aucun tel rapport, que ce soit pour satisfaire aux exigences du Schéma d’aménagement, du Document complémentaire et de la Feuille de route, ou que ce soit pour contrer les rapports d’expertise biologique et paysagère qui contredisent l’hypothèse de travail de la Ville.
[234] La Ville n’a pas plus obtenu d’évaluation professionnelle de la valeur des terrains en cause. Le maire fait état de « rumeurs » mentionnant entre 20 millions et 40 millions $, en se basant sur une estimation de 10 $ le pied carré.
[235] La Ville et son maire ne veulent pas savoir.
[236] Pour les motifs énoncés à la présente section, le Tribunal statue qu’il y a lieu de déclare que les Règlements nos 1230 et 1235 sont inopérants envers les demandeurs.
[237] Quant aux usages permis dans la zone A-16, les règles ainsi établies par la Ville sont déraisonnables, injustifiables, injustes et empreintes de mauvaise foi, pour utiliser la terminologie du jugement Kruse c. Johnson, cité par la Cour suprême dans l’arrêt Catalyst.
[238] Pour paraphraser l’arrêt Catalyst lui-même, le traitement que les Règlements nos 1230 et 1235 aménagent à la zone A-16 n’aurait pas été adopté par un conseil municipal se comportant raisonnablement. En effet, ces règlements dérogent à la raison d’être du régime législatif régissant désormais la densification des constructions à l’intérieur des périmètres d’urbanisation.
[Renvois omis]
[99] Le juge de première instance conclut que le maire et le conseil municipal ont fait preuve de mauvaise foi en adoptant la réglementation attaquée. Cette conclusion repose sur les principes juridiques pertinents et est étayée par la preuve. Elle n’est nullement affaiblie par l’argumentaire proposé par la Ville.
[100] La thèse de la Ville, qui nous invite à considérer comme étant légitime la volonté du conseil municipal de protéger la zone A-16, ramène la problématique à la seule question de la conformité. Il n’est d’ailleurs pas anodin que la Ville n’aborde jamais, dans son mémoire d’appel ni à l’audience, l’existence du comité CAZA-16.
[101] Le juge fait plusieurs reproches à la Ville qui découlent, pour beaucoup, de gestes et décisions du maire Corriveau.
[102]
Il estime d’ailleurs « révélateurs » les propos du maire lors
de son interrogatoire préalable. Ceux-ci permettent de comprendre qu’aucun des
propriétaires de la zone
A-16 n’est membre du comité CAZA-16, contrairement à ce qu’avait écrit
Corriveau dans sa lettre à madame Nègre. Ce dernier aurait changé d’avis à la
suite de demandes de citoyens mobilisés contre le développement de la zone A-16
qui siégeaient sur le comité, lesquels ne voulaient pas y voir de dissidents.
En effet, selon les affirmations du maire Corriveau, lors de son interrogatoire,
exclure les propriétaires concernés était « brillant » comme idée[64].
[103] S’ajoute le courriel de François Sénécal à Bernard Morel du mois d’octobre 2016 qui permet de conclure, comme le juge l’a fait, que Bernard Morel et la Ville savaient que leur stratégie de « gel » du développement résidentiel dans la zone A-16 s’inscrivait en dehors des limites permises par le régime législatif de la LAU. Pourtant, ils ont persisté dans cette voie et ont ainsi fait preuve de mauvaise foi.
[104] Force est de constater que nulle part la LAU ne prévoit la création d’un comité ad hoc tel que le comité CAZA-16 pour formuler des recommandations à un conseil municipal visant l’élaboration d’un PPU. Évidemment, en appel, la Ville prend le soin de spécifier que ce comité ne doit formuler que des recommandations et que le conseil municipal n’est pas lié par ces dernières. N’empêche que par moment, elle agit comme si son pouvoir d’élaborer un PPU était lié par les recommandations de ce comité, notamment lorsqu’elle répond au Groupe Lemay.
[105] La LAU habilite toute municipalité locale à créer un comité consultatif d’urbanisme (CCU) et à lui attribuer des pouvoirs d’étude et de recommandation en matière d’urbanisme, de zonage, de lotissement et de construction[65]. Ce CCU doit être constitué par un règlement du conseil. Sa composition ainsi que la durée du mandat de ses membres sont encadrées strictement par la LAU.
[106] Plutôt que de mandater son CCU pour lui donner des avis en matière d’aménagement pour la zone A-16, ce qui aurait été la voie légale et naturelle à suivre, la Ville a créé le comité CAZA-16 par résolution, en prenant soin d’y nommer des membres issus de l’Association des citoyens de Mont-Saint-Hilaire sans s’assurer d’y nommer aussi ne serait-ce qu’un propriétaire de la zone A-16. Il lui est difficile de prétendre, comme elle le fait en appel, qu’elle a mis en place un processus transparent visant la recherche de « l’intérêt public ».
[107] Pour compléter le portrait, si la Ville voulait mettre en œuvre l’engagement électoral de monsieur Corriveau de geler temporairement tout développement résidentiel dans la zone A-16, elle disposait d’un véhicule légal pour ce faire : l’adoption d’un règlement de contrôle intérimaire. L’élaboration d’un tel règlement lui aurait permis de restreindre la réalisation de nouveaux projets de lotissement ou de construction ainsi que les nouvelles utilisations du sol pendant l’élaboration de son PPU. La LAU prévoit que ce pouvoir réglementaire exceptionnel permet au conseil municipal de maintenir un effet de gel de l’aménagement et du développement de tout ou partie de son territoire pendant une période de temps limitée[66].
[108] La Ville n’a pas choisi cette voie, qui aurait ainsi respecté le régime législatif applicable.
[109] Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, je suis d’avis que le juge de première instance n’a commis aucune erreur en trouvant que la violation de l’obligation de la bonne foi était, en l’espèce, indéniable.
[110] La preuve nouvelle que la Ville demande à la Cour de déclarer recevable ne changerait rien à cette conclusion.
3.2.3 La recevabilité de la preuve nouvelle
[111]
Cette preuve que la Ville prétend être « nouvelle » est une résolution
de la CMM du 12 août 2021, intitulée « Groupe de travail concernant la
reconnaissance et la protection des collines montérégiennes ». Elle
prévoit l’intention de la CMM de mettre en place un groupe de travail sur la
protection des collines montérégiennes dont la
zone A-16 fait partie.
[112] D’une part, le procès-verbal visé par la requête en preuve nouvelle indique qu’il « n’a pas été approuvé ». D’autre part, je suis d’avis que cette preuve « nouvelle » n’aurait rien changé au raisonnement et à la conclusion du juge de première instance. Elle ne démontre en rien le caractère exceptionnel de la zone A-16 et ne justifie pas le fait que la Ville a utilisé des méthodes en marge de la loi pour geler tout développement dans cette zone. De plus, une large part du contenu de cette résolution, soit les « dates clés », était déjà connue lors de l’administration de la preuve en première instance. Une fois ces dates retirées de la résolution de la CMM, il ne reste que la partie de celle-ci confiant un mandat à son directeur général de mettre sur pied un groupe de travail concernant la reconnaissance et la protection des collines montérégiennes, ce qui n’est nullement utile pour décider du sort de ce pourvoi.
[113] La preuve nouvelle n’est donc pas susceptible d’entraîner un sort différent pour cet appel et les fins de la justice ne requièrent pas qu’elle soit accueillie[67].
3.2.4 La conclusion déclarant inopérantes certaines dispositions du plan d’urbanisme et du règlement de zonage
[114] La Ville soutient que le juge a erré en déclarant inopérantes certaines dispositions de la réglementation de la Ville au paragraphe 296 du jugement entrepris, comme suit :
[296] DÉCLARE le Règlement no 1230 de Ville de Mont-Saint-Hilaire (Plan durable d’urbanisme) et le Règlement no 1235 de la Ville (Règlement de zonage) inopérants envers les demandeurs quant à toutes leurs dispositions qui dérogent au seuil de densité minimal de 21 logements à l’hectare dans la zone A-16, et notamment, mais non limitativement :
a) les dispositions du Règlement no 1230 traitant d’un plan particulier d’urbanisme (PPU) pour la zone A-16;
b) l’article 320 du Règlement no 1235;
[115] L’article 529 C.p.c. est ainsi libellé :
529. La Cour supérieure saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire peut, selon l’objet du pourvoi, prononcer l’une ou l’autre des conclusions suivantes:
1° déclarer inapplicable, invalide ou inopérante une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, un règlement pris sous leur autorité, un décret gouvernemental ou un arrêté ministériel ou toute autre règle de droit; […] |
529. In a judicial review, the Superior Court may, depending on the subject matter,
(1) declare inapplicable, invalid or inoperative a provision of an Act of the Parliament of Québec or the Parliament of Canada, a regulation made under such a law, an order in council, a minister’s order or any other rule of law; […]
[Soulignements ajoutés] |
[116] Dans l’arrêt Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., la Cour suprême souligne que l’action en nullité ou celle en inopposabilité sont les recours habituels à l’encontre d’un règlement[68].
[117] À ce sujet, notre Cour résumait ainsi le droit applicable :
[25] Règle générale, il n'appartient pas aux tribunaux d'ordonner à un organisme public d'agir dans un sens précis même lorsque celui-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire, injuste ou en fonction d'une considération non pertinente. Cette règle repose sur le principe qu'une cour de justice ne peut substituer sa décision à celle de l'organisme public sans motif sérieux.
[27] De façon exceptionnelle, notre Cour a passé outre à cette règle et a intimé l'ordre à l'organisme de délivrer le permis recherché alors que la délivrance de ce permis reposait sur un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi. Ce fut notamment le cas lorsque la Cour était en présence d'un organisme dont la partialité ne faisait aucun doute. Le retour du dossier aurait été «l'équivalent de donner à ce dernier [l'organisme] l'occasion de poursuivre sa vendetta».
[28] Il appartient à la partie qui requiert le mandamus d'établir, par une preuve prépondérante, qu'une ordonnance de retour du dossier à l'organisme pour qu'il exerce sa discrétion selon la loi est, notamment, inutile ou inappropriée. L'ordonnance sera inutile si, en fonction des faits de l'espèce, la discrétion est restreinte ou qu'elle fut de fait exercée. Il en sera de même si l'organisme a épuisé sa compétence. L'ordonnance sera inappropriée notamment s'il est peu probable que l'organisme agisse conformément aux règles de justice naturelle ou encore si le retour occasionne un délai indu. Je le répète, ce sont des cas exceptionnels.[69]
[Renvois omis; soulignements ajoutés]
[118] Plus récemment, dans Vavilov, le plus haut tribunal du pays précisait :
[142] Cependant, s’il convient, en règle générale, que les cours de justice respectent la volonté du législateur de confier l’affaire à un décideur administratif, il y a des situations limitées dans lesquelles le renvoi de l’affaire pour nouvel examen fait échec au souci de résolution rapide et efficace d’une manière telle qu’aucune législature n’aurait pu souhaiter : D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, par. 18-19. L’intention que le décideur administratif tranche l’affaire en première instance ne saurait donner lieu à un va-et-vient interminable de contrôles judiciaires et de nouveaux examens. Le refus de renvoyer l’affaire au décideur peut s’avérer indiqué lorsqu’il devient évident aux yeux de la cour, lors de son contrôle judiciaire, qu’un résultat donné est inévitable, si bien que le renvoi de l’affaire ne servirait à rien : voir Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, p. 228-230; Renaud c. Québec (Commission des affaires sociales), [1999] 3 R.C.S. 855; Groia c. Barreau du Haut-Canada, 2018 CSC 27, [2018] 1 R.C.S. 772, par. 161; Sharif c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 205, par. 53-54; Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments), 2017 CAF 45, par. 51-56 et 84; Gehl c. Canada (Procureur général), 2017 ONCA 319, par. 54 et 88. Les préoccupations concernant les délais, l’équité envers les parties, le besoin urgent de régler le différend, la nature du régime de réglementation donné, la possibilité réelle ou non pour le décideur administratif de se pencher sur la question en litige, les coûts pour les parties et l’utilisation efficace des ressources publiques peuvent aussi influer sur l’exercice par la cour de son pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire — tout comme ces facteurs peuvent influer sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de casser une décision lacunaire : voir MiningWatch Canada c. Canada (Pêches et Océans), 2010 CSC 2, [2010] 1 R.C.S. 6, par. 45-51; Alberta Teachers, par. 55.[70]
[119] À la lumière de ces enseignements, il convient d’examiner la conclusion attaquée du jugement entrepris déclarant inopérantes aux intimés les dispositions du plan d’urbanisme et du règlement de zonage dérogeant au seuil minimal de densité prévu dans le SAD qui est de 21 logements par hectare.
[120] Cette conclusion doit être examinée en tenant compte de certaines considérations essentielles, dont la première et non la moindre est que le législateur a délégué aux municipalités le pouvoir d’élaborer et d’adopter la réglementation d’urbanisme sur leur territoire. Le fait que les dispositions d’un SAD ne lient pas les citoyens doit également être rappelé. Il s’agit de dispositions qui, par l’effet de la conformité prévue dans la LAU, sont nécessairement considérées lors de l’exercice du pouvoir législatif délégué des municipalités, mais elles ne lient pas les citoyens.
[121]
En l’espèce, le Document complémentaire du SAD prévoit des seuils
minimaux de densité résidentielle applicables aux espaces vacants se trouvant
dans le périmètre urbain et qui sont identifiés dans ce même Document. La zone
A-16 compte trois de ces espaces vacants identifiés dans le SAD soit les
espaces numéros 19, 30, et 45. Les seuils
minimaux applicables sont annualisés sur une période quinquennale, c’est-à-dire
qu’ils augmentent à chaque cinq ans, partant de 18 logements/hectare pour la
période
2011-2016 pour atteindre 24 logements/hectare pour la période 2027-2031. La
moyenne de 21 logements/hectare n’est donc que théorique.
[122] Les seuils minimaux se trouvant dans le Document complémentaire du SAD de la MRC n’établissent aucun seuil de densité directement opposable aux citoyens dans la zone A-16. Seule la Ville a le pouvoir d’établir de tels seuils, mais elle doit le faire de bonne foi et dans le respect du cadre législatif et réglementaire applicable. Le fait de déclarer inopérantes à l’égard des intimés les dispositions réglementaires ne peut donc avoir pour effet de permettre le développement de la zone A-16 selon les seuils minimaux mentionnés dans le Document complémentaire, comme le juge l’a fait, sans donner une occasion à la Ville de s’amender. Il s’agit d’une conclusion qu’il faut infirmer afin de permettre à la Ville d’établir les seuils de densité conformes au cadre législatif applicable. Cela étant, vu la conclusion du juge voulant que la Ville ait agi de mauvaise foi et de façon dilatoire, il y a lieu pour la Cour d’établir un délai précis au cours duquel la Ville devra procéder avant que la déclaration de nullité de sa réglementation prenne effet.
[25] Règle générale, il n'appartient pas aux tribunaux d'ordonner à un organisme public d'agir dans un sens précis même lorsque celui-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon abusive, arbitraire, injuste ou en fonction d'une considération non pertinente. Cette règle repose sur le principe qu'une cour de justice ne peut substituer sa décision à celle de l'organisme public sans motif sérieux.
[26] En principe, le redressement approprié sera, le cas échéant, une déclaration de nullité de la décision en cause et le retour du dossier à l'organisme pour qu'il rende une décision conforme à la loi. L'ordonnance pourra être assortie de certaines balises devant guider l'organisme dans sa prise de décision sans toutefois lui dicter la décision à prendre.
[27] De façon exceptionnelle, notre Cour a passé outre à cette règle et a intimé l'ordre à l'organisme de délivrer le permis recherché alors que la délivrance de ce permis reposait sur un pouvoir discrétionnaire conféré par la loi. Ce fut notamment le cas lorsque la Cour était en présence d'un organisme dont la partialité ne faisait aucun doute. Le retour du dossier aurait été «l'équivalent de donner à ce dernier [l'organisme] l'occasion de poursuivre sa vendetta».
[28] Il appartient à la partie qui requiert le mandamus d'établir, par une preuve prépondérante, qu'une ordonnance de retour du dossier à l'organisme pour qu'il exerce sa discrétion selon la loi est, notamment, inutile ou inappropriée. L'ordonnance sera inutile si, en fonction des faits de l'espèce, la discrétion est restreinte ou qu'elle fut de fait exercée. Il en sera de même si l'organisme a épuisé sa compétence. L'ordonnance sera inappropriée notamment s'il est peu probable que l'organisme agisse conformément aux règles de justice naturelle ou encore si le retour occasionne un délai indu. Je le répète, ce sont des cas exceptionnels[71].
[124] En l’espèce, l’article 320 du règlement de zonage, qui établit un zonage agricole pour la zone A-16 tout en prévoyant des usages résidentiels très restrictifs n’étant permis que le long des voies publiques existantes (et donc essentiellement le long du Chemin Lamontagne), et l’article 376, qui prévoit les seuils de densité applicables aux espaces vacants, s’appliquent dans d’autres zones du territoire de la Ville que la zone A-16, lesquelles sont des zones agricoles. Or, bien qu’il y ait d’autres zones agricoles où ces deux dispositions réglementaires sont applicables, celles-ci n’ont pas d’espaces vacants identifiés dans le SAD. En effet, A-16 est la seule zone qui est zonée agricole ayant des terrains vacants identifiés comme étant à développer à l’intérieur du périmètre urbain.
[125] La solution s’imposant est donc celle de déclarer nuls, à l’égard de la zone A-16, les articles 320 et 376 du Règlement no 1235 de la Ville (Règlement de zonage). En effet, ces articles s’appliquent dans d’autres zones agricoles de la Ville et il n’y a pas lieu, pour celles-ci, d’annuler entièrement ces dispositions. Il ne convient que d’annuler le lien existant entre ces dispositions du règlement et la grille de compatibilité qui identifie la zone A-16 comme étant assujettie à celles-ci. Cela revient conséquemment à annuler partiellement ces deux articles du Règlement de zonage. Cette déclaration en nullité est nécessaire pour que la Ville fasse ses devoirs en mettant fin, dans les meilleurs délais, au régime exorbitant qu’elle a créé pour la zone A-16.
[126] Les articles 320 et 376 du règlement de zonage ont été adoptés de mauvaise foi. La Ville doit compléter l'exercice réglementaire de concordance, de bonne foi, en respectant les dispositions applicables de la LAU (articles 59 et suivants de la LAU). Il n’est pas ici question de modifications réglementaires donnant ouverture à la possibilité d’une approbation référendaire. La Ville doit ainsi adopter les seuils de densité résidentielle minimaux requis dans son règlement de zonage et les faire approuver par la MRC.
[127] Quant au plan d’urbanisme, bien que ce dernier ne soit pas opposable aux citoyens[72] et qu’il ne soit pas toujours nécessaire ni requis d’en annuler des dispositions, j’estime que, dans les circonstances uniques de l’espèce, en tenant compte de la conclusion de mauvaise foi de la Ville qui entache l’article 8.1.2 de son plan d’urbanisme et de la nécessité pour la Ville de refaire ses devoirs, il convient d’annuler cet article 8.1.2. Ce faisant, le conseil municipal devra inévitablement attribuer un seuil minimal de densité résidentielle dans cette zone.
3.3 L’objet de la scission d’instance
[128] Les intimés plaidaient subsidiairement que, dans l’éventualité où le Tribunal conclurait à la validité de la réglementation de la Ville, il devrait conclure que cette dernière entraînait l’expropriation déguisée de leurs lots.
[129] Compte tenu des conclusions du jugement entrepris et du présent arrêt, ce débat a perdu sa pertinence.
[130] La Ville prétend que la scission d’instance ne visait qu’à permettre de déterminer l’indemnité d’expropriation et que le juge a erré en permettant aux intimés de continuer les procédures dans l’instance scindée sur la base d’un recours en responsabilité civile.
[131] Ce moyen doit être rejeté puisqu’il apparaît clairement de la demande que des dommages n’étant pas liés à l’expropriation déguisée étaient également demandés. En effet, le paragraphe 66 de cette dernière ne laisse aucun doute :
66. Ce faisant, dans l'éventualité où cette honorable Cour ne venait pas à la conclusion que le Plan d'urbanisme durable et le Règlement de zonage de la Ville sont nuls, inopérants et inopposables aux Demandeurs, compte tenu du fait qu'ils ne sont pas conformes aux exigences du Schéma et du PMAD et qu'ils ont été adoptés de manière discriminatoire, déraisonnable et arbitraire, les Demandeurs sont bien fondés de demander à cette honorable Cour de condamner les Défenderesses à leur verser une somme à parfaire, en raison du fait que les Demandeurs subissent notamment des dommages pécuniaires en raison de la perte de jouissance des Lots;
[Soulignement ajouté]
CONCLUSIONS
[132] Pour ces motifs, je propose de statuer sur ce pourvoi en rejetant la requête pour preuve nouvelle et en accueillant partiellement l’appel aux seules fins de biffer le paragraphe 296 du jugement entrepris et de le remplacer par les paragraphes suivants :
[296] ANNULE les articles 320 et 376 du Règlement no 1235 (Règlement de zonage) à l'égard de la zone A-16;
[296 a] ANNULE l’article 8.1.2 du Règlement no 1230 (Plan d’urbanisme) à l'égard de la zone A-16;
[132A] Je propose aussi que la Cour suspende l'exécution de ces paragraphes [296] et [296 a] pour une période de 270 jours à compter de la date de l’arrêt de la Cour à la seule fin de permettre à l'appelante de compléter de bonne foi l'exercice de concordance exigé par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme à l’égard de la zone A-16.
[133] Le sort de l’appel étant largement favorable aux intimés, je propose que les frais de justice en appel soient alloués à ces derniers.
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SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A. |
ANNEXE
VILLE DE MONT-SAINT-HILAIRE PLAN D’URBANISME DURABLE 2017
Figure 12: Localisation de la zone A-16
8.
SECTEURS DE PLANIFICATION DÉTAILLÉE
8.1.1. SECTEUR DE LA GARE
Le secteur de la Gare fait l’objet d’un programme particulier d’urbanisme (« PPU ») inclus à ce Plan d’urbanisme durable (« PUD ») (voir annexe 5).
Le secteur urbain du chemin de la Montagne, situé dans la zone A-16, conservera une affectation résidentielle jusqu’à ce qu’un PPU soit élaboré. Ce dernier sera élaboré de façon à respecter les valeurs suivantes :
■ La protection des milieux naturels existants, basée sur une caractérisation détaillée du secteur, sans égard aux limites de propriété existantes;
■ La protection et la mise en valeur du chemin patrimonial de la Montagne, de ses abords et de ses vues, basée sur une caractérisation détaillée;
■ Le respect de l’interface résidentielle des quartiers adjacents déjà construits;
■ L’intégration d’une mixité d’usages pour favoriser les commerces de proximité;
■ La fluidité des déplacements tant routiers qu’actifs.
Lors de l’élaboration du PPU, ces valeurs pourront être validées et bonifiées par les citoyens.
Par le biais de la réglementation, les espaces vacants de la zone A-16, identifiés sur la carte de la MRC (voir annexe 2), n’autoriseront que l’usage agricole, à l’exception des constructions projetées le long des voies de circulation existantes à l’entrée en vigueur du présent Plan d’urbanisme durable. Compte tenu de cette réglementation, les seuils minimaux de densité normalement identifiés au Schéma ne s’appliqueront pas.
Lors de l’élaboration
de la planification détaillée de ce secteur, les affectations du sol se
préciseront et la densité tiendra compte des mesures d’exception possibles prévues au Schéma. Le PPU
traitera aussi des modalités de la contribution pour fins de parcs qui sera
transmise à la Ville, tel que prévu par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Ainsi, en plus de conserver
les milieux humides,
les cours d’eau et leurs
rives, 10 % de la superficie développable devra être cédé à la Ville pour fins de parcs.
VILLE DE MONT-SAINT-HILAIRE PLAN D’URBANISME DURABLE 2017
[1] Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, RLRQ, c. A-19.1 [LAU].
[2] Articles 2.23 et 2.24 LAU.
[3] 9193-4463 Québec inc. c. Ville de Mont-Saint-Hilaire, 2020 QCCS 1585, paragr. 280 et 290 [jugement entrepris].
[4] Jugement entrepris, paragr. 13 à 111.
[5] Id., paragr. 2 et 31.
[6] Voir en annexe le croquis de localisation de la zone A-16, de même qu’une image satellite du périmètre d’urbanisation de la Ville.
[7] Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, RLRQ, c. P-41.1 [LPTAA].
[8] Jugement entrepris, paragr. 129.
[9] Id., paragr. 128 et 130.
[10] Id., paragr. 129.
[11] Id., paragr. 131; Décret du gouvernement du Québec numéro 1013-92, 8 juillet 1992.
[12] Jugement entrepris, paragr. 28, 128-131.
[13] Id., paragr. 133-134.
[14] Id., paragr. 137-138.
[15] Article 53.11.17 LAU de l’époque.
[16] Jugement entrepris, paragr. 140-141.
[17] Id., paragr. 143.
[18] Id., paragr. 25 et 144-145.
[19] Id, paragr. 146-147.
[20] Id., paragr. 149.
[21] Id., paragr. 150.
[22] Id., paragr. 151 référant à la pièce P-50.
[23] Règlement 32-12-17.1 de la MRC de la Vallée-du-Richelieu et ses annexes, adopté le 18 septembre 2014 et entré en vigueur le 9 octobre 2014.
[24] Jugement entrepris, paragr. 156.
[25] Id., paragr. 173.
[26] Id., paragr. 174.
[27] Règlement sur les usages conditionnels aux règlements d’urbanisme de la Ville de Mont-Saint-Hilaire numéro 1237, 1er mai 2017, art. 20(2)a).
[28] Id.
[29] Jugement entrepris, paragr. 178.
[30] Id., paragr. 179-181.
[31] Id., paragr. 189.
[32] Vavilov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2019 CSC 65 [Vavilov].
[33] Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5 [Catalyst].
[34] Jugement entrepris, paragr. 104-119.
[35] Id., paragr. 120-123.
[36] Donald J.M. Brown et John M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, Toronto, Thomson Reuters, 2021, (feuilles mobiles, mai 2021) p. 15:1.
[37] Lorne Giroux et Isabelle Chouinard, « Les pouvoirs municipaux en matière d’urbanisme», dans École du Barreau, Collection de droit 2021-2022, vol. 8 « Droit public et administratif », Montréal, Yvon Blais, 2021, p. 325.
[38] Citant Vavilov, paragr. 86.
[39] Catalyst, paragr. 12 et 16.
[40] Vavilov, paragr. 82, 86, 89 et 106; Ville de Québec c. Galy, 2020 QCCA 1130, paragr. 42-45. Voir aussi Koebisch v. Rocky View (County), 2021 ABCA 265, paragr. 22; 1193652 BC Ltd v. New Westminster (City), 2021 BCCA 176, paragr. 60; 1120732 BC Ltd v. Whistler (Resort Municipality), 2020 BCCA 101, paragr. 51; John Mark Keyes, « Judicial Review of Delegated Legislation: The Long and Winding Road to Vavilov », Ottawa Faculty of Law Working Paper No. 2020-14, 18 juin 2020, p. 12-15, en ligne: https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3630636 (page consultée le 25 octobre 2021).
[41] Catalyst, paragr. 13.
[42] Id., paragr. 15. Voir au même effet : Immeubles Port Louis ltée c. Corporation municipale du Village de Lafontaine, [1991] 1 R.C.S. 326, p. 349; Benoît c. Ville de Sutton, 2018 QCCA 1475; Veilleux c. Pièces d’autos Rich Drouin inc., 1999 CanLII 13805 (C.A.); Dollard-des-Ormeaux (Corporation municipale) c. Amusements Pinocchio Inc., [1994] R.J.Q. 895, p. 898 (C.A.); Phaneuf c. Corporation du Village de St-Hugues, (1936) 61 B.R. 83 (B.R.); Chambly Toyota c. Carignan, REJB 2000-19525 (C.S.).
[43] Warwick (Ville de) c. Carrières PCM (1994) inc., 2007 QCCA 1270, paragr. 25. Voir aussi Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61, [2004] 3 R.C.S. 304, paragr. 25-26; RNE Realty Ltd. c. Dorval (Ville de), 2012 QCCA 367, paragr. 28.
[44] Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2016, p. 384 et 528, citant Sanbay Developments Ltd. c. Ville de London, [1975] 1 R.C.S. 485. Voir aussi Soo Mill & Lumber Co. c. La Corporation de la Ville de Sault Ste-Marie, [1975] 2 R.C.S. 78 et Hartel Holdings Co. Ltd. c. Ville de Calgary, [1984] 1 R.C.S. 337.
[45] Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, supra, note 44, p. 382.
[46] François Marchand, « Le zonage différé », 45:3 R. du B. 426, p. 426. Voir aussi Jean-Pierre St-Amour, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec, Cowansville, Yvon Blais, 2006, p. 201-202, paragr. 410-414.
[47] François Marchand, « Le zonage différé », supra, note 46, p. 426, citant St-Romuald d'Etchemin (Corp. mun. de la cité de) c. Bisson, [1985] C.S. 84, AZ-85021048; Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, supra, note 44, p. 386; Frelighsburg (Municipalité) c. Entreprises Sibeca Inc., JE 2003-62, paragr. 48-49 (C.A.), confirmé par Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), supra, note 43.
[48] St-Romuald d'Etchemin (Corp. mun. de la cité de) c. Bisson, supra, note 47, p. 9-10.
[49] Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, supra, note 44, p. 382. Voir aussi François Marchand, « Le zonage différé », supra, note 46, p. 427.
[50] Jean-Pierre St-Amour, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec, supra, note 46, p. 157, paragr. 281 et p. 202, paragr. 415.
[51] Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, supra, note 44, p. 382-384. Voir aussi Jean-Pierre St-Amour, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec, supra, note 46, p. 157, paragr. 281 et p. 202, paragr. 415 : « La technique du plan d’aménagement d’ensemble est en vérité une codification du zonage différé dont elle reprend les principes de fonctionnement ».
[52] Frelighsburg (Municipalité) c. Entreprises Sibeca Inc., supra, note 47, confirmé par Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), supra, note 47.
[53] Jean-Pierre St-Amour, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec, supra, note 46, p. 201, paragr. 410.
[54] Espaces vacants numéros 19, 30 et 45.
[55] Version refondue du Schéma d’aménagement de la MRC de la Vallée-du-Richelieu, Règlement 32-12-17.1 de la MRC de la Vallée-du-Richelieu et ses annexes, adopté le 18 septembre 2014. Entré en vigueur le 9 octobre 2014.
[56] François Marchand, « Le zonage différé », supra, note 46, p. 428.
[57] Marc-André LeChasseur, Zonage et urbanisme en droit canadien, supra, note 48, p. 384.
[58] François Marchand, « Le zonage différé », supra, note 46, p. 426. Voir aussi Jean-Pierre St-Amour, Le droit municipal de l’urbanisme discrétionnaire au Québec, supra, note 50, p. 199-202, paragr. 410-414; St-Romuald d'Etchemin (Corp. mun. de la cité de) c. Bisson, supra, note 47, p. 2.
[59] Plan d’urbanisme durable, 1er mai 2017.
[60] Proposition de développement de la zone A-16 datée du 23 février 2018 et révisée le 19 mars 2018.
[61] Jugement entrepris, paragr. 200 à 204.
[62] La Cour d’appel de l’Ontario parle de l’« apprehension of bias, degree of fairness, frankness, openness, impartiality », Grosvenor v. East Luther Grand Valley (Township), 2007 ONCA 55. Voir aussi City of Ottawa et al. v. Boyd Builders Ltd., [1965] S.C.R. 408, p. 413.
[63] Gammie v. Town of South Bruce Peninsula, 2014 ONSC 6209, paragr. 69, citant Grosvenor v. East Luther Grand Valley (Township), 2007 ONCA 55.
[64] Interrogatoire au préalable du maire Yves Corriveau, 24 août 2018.
[65] Articles 146-148 LAU.
[66] Articles 111 à 112.8 LAU.
[67] Article 380 C.p.c.; Industrielle Alliance c. Marcil, 2019 QCCA 912, paragr. 9 citant Dimanche-Matin Ltée c. Fabien, 1983 CanLII 2712, [1983] R.D.J. 391, p. 394 (C.A.). Voir aussi : Droit de la famille — 171 068, 2017 QCCA 814. Gestions Shilaem Inc. c. Agence du revenu du Québec, 2017 QCCA 1568, paragr. 37-40 et les notes infrapaginales 7 à 11; Côté c. Laforest, 2015 QCCA 684; Caron c. Voyer, 2013 QCCA 1335.
[68] Lorraine (Ville) c. 2646-8926 Québec inc., 2018 CSC 35, [2018] 2 R.C.S. 577, paragr. 35 et 37. Pour un exemple concret, voir Veilleux c. Pièces d'autos Roch Drouin inc., EYB 1999-11934, 1999 CanLII 13805 (C.A.).
[69] Québec (Ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs) c. 9007-5193 Québec inc., 2007 QCCA 667, paragr. 25-28. Voir aussi Mignault Perrault (Succession de) c. Hudson (Ville d'), 2010 QCCA 2108, paragr. 4-6.
[70] Vavilov, paragr. 142.
[71] Québec (Ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs) c. 9007-5193 Québec inc., supra, note 69, paragr. 25-28. Voir aussi Mignault Perrault (Succession de) c. Hudson (Ville d'), supra, note 69, paragr. 4-6.
[72] Cousineau c. Boucherville, [1986] R.J.Q. 318 (C.A.), p. 320-321; Lynch c. Aylmer, [1989] R.D.I. 768, p. 772-773 (C.S.)
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