COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
242736 |
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Cas : |
CM-2007-4967 |
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Référence : |
2010 QCCRT 0124 |
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Montréal, le |
8 mars 2010 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Louise Verdone, juge administrative |
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Nicole Cadieux
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Plaignante |
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c. |
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Dollarama S.E.C. |
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Intimée |
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DÉCISION |
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[1] Le 14 juin 2007, Nicole Cadieux dépose une plainte selon l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., C. N-1.1 à la Commission des normes du travail (CNT). Elle allègue avoir été victime de harcèlement psychologique de la part de la gérante et de l’assistante-gérante du magasin où elle travaille qui appartient à Dollarama S.E.C. (Dollarama). Dollarama prétend qu’il ne s’agit pas d’une situation de harcèlement psychologique, mais d’un conflit au travail et de malentendus.
[2] Madame Cadieux réclame une indemnité pour perte de salaire à compter du 11 juin 2007, une indemnité pour perte d’emploi équivalente à 9 semaines de salaire, des dommages moraux de 15 000 $, des dommages punitifs de 15 000 $ et un montant pour un soutien psychologique pour faciliter son retour sur le marché du travail.
[3] Au début, Dollarama soulève un moyen préliminaire d’irrecevabilité quant à l’existence d’une transaction dans le cadre d’une conciliation devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) qui aurait l’autorité de la chose jugée pour le présent litige. Par une décision interlocutoire du 27 octobre 2008 ( 2008 QCCRT 0459 ), la Commission rejette l’objection préliminaire.
[4] Madame Cadieux travaille au taux du salaire minimum depuis le 26 juin 2005 au magasin de Dollarama sur la rue Chambly à Longueuil. Son dernier jour travaillé est le 11 juin 2007. Elle commence un congé de maladie le 12 juin 2007. Elle n’est pas retournée au travail depuis. Son nom apparaît toujours au registre des employés de Dollarama.
[5] À l’époque de son embauche, madame Cadieux veut retourner sur le marché du travail après trois ou quatre années d’absence. Comme expérience de travail, elle travaille longtemps comme gérante dans un magasin au détail. Par la suite, elle travaille environ un an sur une chaîne de montage dans une usine et un an et demi dans un dépanneur de sa localité. Elle a fait trois années d’études secondaires.
[6] Madame Cadieux cherche un travail près de celui de son conjoint à Longueuil afin qu’elle puisse voyager avec lui; ils ne possèdent qu’une automobile. Elle pose sa candidature en personne au magasin de Dollarama qui se situe dans un centre commercial près du travail de son conjoint. Elle parle avec la gérante qui l’embauche. Cependant, madame Cadieux lui explique son problème de transport et lui dit qu’elle est disponible de 8 à 17 heures, mais pas les soirs et les fins de semaine. À la suggestion de madame Cadieux, la gérante prend le temps d’y réfléchir et lui confirme par téléphone le lendemain son embauche selon ses disponibilités.
[7] La gérante compte dix années de service chez Dollarama dans trois magasins, dont le dernier, celui où travaille madame Cadieux, depuis 2004. Elle y travaille toujours. Elle s’occupe de confectionner les horaires et elle voit à la gestion et au bon fonctionnement du magasin. Elle embauche madame Cadieux pour le quart de jour, mais elle ne se souvient pas des détails au sujet de son horaire. La gérante confirme qu’elle travaille seulement le jour de 8 à 17 heures du lundi au vendredi, mais elle ne sait pas pourquoi. La gérante la considère comme une très bonne employée.
[8] Le fait que madame Cadieux travaille seulement le jour dérange les employés au début. Cependant, ils se sont adaptés une fois que la gérante leur explique sa décision de l’embaucher sur cette base.
[9] Le magasin compte une vingtaine d’employés. Une dizaine d’employés travaillent le jour en semaine. Quatre ou cinq employés commencent à 7 heures, dont la gérante et l’assistante-gérante. Deux ou trois employées commencent à 9 h 30, soit l’heure d’ouverture du magasin. Trois ou quatre commencent à onze heures et midi. Des employés commencent à 15 ou 17 heures et travaillent le soir. Des employés travaillent les fins de semaine.
[10] Madame Cadieux travaille 40 % du temps comme caissière et 60 % du temps comme commis à l’étalage. Ce dernier travail consiste à prendre les boîtes de marchandises à l’entrepôt à l’arrière du magasin et à les déposer dans un chariot. Ensuite, elle se rend dans les allées où elle ouvre les boîtes et place la marchandise à l’étalage.
[11] L’entrepôt se retrouve à l’arrière des caisses et des allées de marchandises. Il comprend le bureau de la gérante, une cafétéria, les salles de bains et les vestiaires. Le magasin dispose d’un système de microphones et de haut-parleurs.
[12] De 2005 à janvier 2007, tout allait bien au travail, selon Madame Cadieux. La gérante, l’assistante-gérante et les cinq employées plus anciennes que madame Cadieux étaient déjà en poste. D’autres employés se sont ajoutés par la suite. En 2006, on la sollicite pour des postes d’assistante-gérante en 2006, mais elle refuse; cela ne l’intéresse pas.
[13] Toutefois, madame Cadieux raconte que la gérante jure et utilise un vocabulaire vulgaire, surtout lorsqu’elle est en colère contre un employé, comme moyen d’affirmer son autorité. L’assistante-gérante jure davantage pour un tout et un rien et devient agressive et très vulgaire lorsqu’elle est en colère. L’assistante-gérante fait part de sa pensée sans gène et sèchement. Tous ont peur et figent quand elle parle. Personne n’ose argumenter devant sa personnalité forte. Malgré tout, madame Cadieux qualifie de correcte sa relation avec la gérante et l’assistante-gérante pendant cette période, bien qu’elle demeure sur ses gardes et évite tout comportement pouvant les provoquer.
[14] Madame Therrien travaille comme caissière pour Dollarama d’octobre 2002 à juillet 2008, moment de sa démission. Elle travaille dans le même magasin que madame Cadieux depuis juin 2003 et tout allait bien jusqu’en février ou avril 2007. Elle corrobore le comportement de la gérante et de l’assistante-gérante tel que décrit par madame Cadieux.
[15] La gérante reconnaît qu’elle s’exprime en jurant, mais qu’elle ne dirige pas ses propos contre les employés. Elle reconnaît aussi le comportement particulier de l’assistante-gérante. Elle lui en parle, mais celle-ci est déjà en poste à son arrivée au magasin. La superviseure de la gérante lui dit que c’était la façon d’être de l’assistante-gérante. Les employés ne s’en plaignent pas, probablement parce qu’ils s’y sont habitués.
[16] Ce magasin fait partie des neuf sur la Rive-Sud de Montréal qui est sous la responsabilité de la superviseure. Celle-ci constate, dans les mois après sa prise en charge du magasin, vers septembre 2006, un bon climat de travail et que la gérante est proche de son personnel. La gérante lui présente madame Cadieux comme une très bonne employée. La superviseure évalue que la gérante maintient un magasin exemplaire sans besoin de soutien de sa part.
[17] La superviseure travaille pour Dollarama d’avril 2002 jusqu’à son congédiement au début 2009. Elle s’est occupée de divers secteurs comptant de 7 à 15 magasins. Elle voit à la mise en marché et à la gestion et au bon fonctionnement des magasins. Elle visite régulièrement les gérantes qui la tiennent au courant de l’état de leur magasin. Elle analyse les rapports hebdomadaires de ventes et de productivité et conseille les gérantes. Elle relève du directeur régional qui à son tour relève du directeur des opérations. Elle se réfère aussi au directeur des ressources humaines et des relations du travail (le directeur RH).
[18] Le directeur RH est responsable des quelque 300 magasins de Dollarama au Québec et les provinces maritimes qui emploient environ 5 000 personnes. Il travaille pour Dollarama de 1998 à octobre 2008, moment de sa démission. Il conseille les gestionnaires.
[19] Le directeur RH a écrit la politique contre le harcèlement. Selon ce dernier et la superviseure, la politique est affichée dans les magasins depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2004. À cette époque, les superviseurs, les gérantes et les assistantes-gérantes des magasins ont reçu une formation. Mesdames Cadieux et Therrien n’ont pas vu ce document au magasin avant le début du congé de maladie de madame Cadieux.
[20] Un jour au début de février 2007, madame Cadieux travaille à une caisse. Ayant besoin de monnaie, elle appelle au microphone l’employée qui est responsable de la clé pour accéder à la monnaie avec le code correspondant à sa demande. Elle dit : « Madame Patricia, code C. » Cette employée, appelée la « troisième clé » parce qu’elle ouvre et ferme le magasin, assiste l’assistante-gérante. Elle est la troisième responsable au magasin.
[21] L’employée se présente à la caisse de madame Cadieux. Elles font l’échange d’argent et l’employée part. Tout se déroule bien, selon madame Cadieux. Elle a une relation cordiale avec cette employée nouvellement arrivée au magasin depuis quelques mois, qu’elle a surtout appelée « madame Patricia », mais occasionnellement par son prénom seulement. Il lui arrive d’appeler les personnes plus âgées qu’elle, comme cette employée, de cette façon par marque de respect.
[22] Plus tard, madame Cadieux entend la gérante l’appeler à son bureau au haut-parleur du magasin. Par le ton de sa voix, madame Cadieux comprend que la gérante est fâchée.
[23] Au bureau, elle retrouve la gérante et l’assistante-gérante. Celle-ci lui dit en colère: « C’est quoi ton crisse de problème toué de dire madame Patricia? » La gérante lui dit : « C’est quoi tu cherches? » Madame Cadieux est confuse; elle ne comprend pas sa faute et comment cela pourrait avoir blessé cette employée.
[24] Madame Cadieux demande la présence de l’employée pour tirer les choses au clair. À l’arrivée de cette dernière, madame Cadieux lui demande qu’elle fût son erreur. L’employée lui dit qu’elle n’aimait pas se faire appeler « madame ». Madame Cadieux se sent frustrée en constatant le parti pris de la gérante et l’assistante-gérante envers cette employée. Elle leur lance qu’il est illogique de la disputer pour cela alors que cette employée appelle, au microphone, les employées à la pause du dîner en disant : « Menum, menum les filles », de sorte que les clients l’entendent. Cela met ses interlocutrices en colère. Elles lui disent de se taire; elle ne mènera pas les choses au magasin. La gérante lui montre la porte qu’elle ferme fort avec son pied. Ces propos et gestes font peur à madame Cadieux. Elle retourne à son travail et elle est hantée par cette histoire insensée, de son point de vue.
[25] Le lendemain, madame Cadieux parle à l’employée pour dissiper la possibilité d’un froid entre elles et celle-ci l’assure que tout est réglé. Madame Cadieux profite de l’occasion pour lui dire qu’elle n’aime pas sa façon de presser les employées à toujours travailler plus vite. L’employée lui explique qu’elle est nerveuse de tempérament et que sa fonction de « troisième clé » lui donne un certain statut. Elle l’assure qu’elle fera désormais attention. Elles conviennent que l’épisode est terminé.
[26] Selon madame Therrien, le climat change au magasin en février 2007 avec l’arrivée de cette employée qui ne semble que se promener dans les allées en surveillant les employés.
[27] Le même jour, la gérante convoque madame Cadieux par le haut-parleur du magasin. À son ton, madame Cadieux comprend qu’elle est en difficulté. Madame Therrien a aussi entendu le ton agressif de la gérante. Elle aussi sait que madame Cadieux sera disputée.
[28] La gérante et l’assistante-gérante rencontrent madame Cadieux dans la cafétéria vers la fin de son quart. Elles ont l’air très mécontentes. Madame Cadieux s’assit devant la gérante et l’assistante-gérante. La gérante est assise près de la porte et la ferme. Le regard des deux femmes fait peur à madame Cadieux.
[29] La gérante lui demande ce qu’elle a encore fait à madame Patricia et qu’elle était son problème au juste. Madame Cadieux se défend en expliquant qu’elle avait réglé un problème entre elles. La gérante et l’assistante-gérante crient et jurent abondamment de sorte qu’elle n’entend pas tous leurs propos. Elles se mettent en colère lorsque madame Cadieux tente de parler. Elle leur dit qu’il y a beaucoup de chefs au magasin de sorte qu’elle ne sait pas où donner la tête sans rendre quelqu’un mécontent. La gérante lui dit : « Si tu penses faire la loi icite! Crisse, c’est moi qui mène! » en tapant sur la table et en lançant des objets, qui s’y retrouvaient, sur le mur et sur la table. L’assistante-gérante se comporte de la même manière. La gérante prend une posture intimidante. Madame Cadieux craint qu’on lui fasse mal. Elle est prise de panique parce que la gérante bloque la sortie et que la porte est fermée. Elle pleure et cherche à comprendre ce qu’elle a fait de mal.
[30] La gérante dit à madame Cadieux que la superviseure veut qu’elle coupe les heures de travail. Elle lui dit : « Attends-toi! Tu vas te faire couper des heures. » Madame Cadieux lui dit qu’elle la pénalise parce qu’elle lui a fait des remontrances, mais qu’elle doit être équitable et respecter l’ordre d’ancienneté.
[31] Madame Cadieux leur dit qu’elle doit partir parce qu’il est 17 h 30 et que son conjoint doit l’attendre. La gérante se lève pour la laisser passer et frappe dans la porte. Madame Cadieux quitte la cafétéria en peine et en épouvante et la gérante ferme la porte avec son pied. Les employés la regardent en silence. Par leurs regards, elle se doute qu’ils ont tout entendu. Elle baisse sa tête en humiliation et quitte le magasin.
[32] Madame Therrien est à la salle de bain quelques minutes au cours de cette rencontre. Elle entend la gérante et l’assistante-gérante crier et jurer. Elle entend trois ou quatre bruits sur le mur. Elle entend la gérante dire : « Ma tabarnac, arrange-toi pas pour qu’elle me rend les clés, ça va coûter cher. » Madame Therrien sort et retourne travailler. Plus tard, elle voit madame Cadieux, qui est bouleversée, quitter le magasin.
[33] La gérante ne se souvient pas de rencontres au sujet de madame Patricia ou de plaintes de celle-ci au sujet de madame Cadieux.
[34] Par la suite, la relation entre madame Cadieux et madame Patricia est correcte sur le plan professionnel. Madame Cadieux n’a pas de problèmes avec le fait que celle-ci est la « troisième clé ».
[35] Le climat de travail devient lourd et pénible pour madame Cadieux après ces rencontres. Elle se sent surveillée. Elle voit deux fois l’assistante-gérante la surveiller à travers les étalages ajourés. Des clients l’informent qu’on la surveille. Madame Cadieux en perd la tête et devient méfiante. Elle croit que la gérante et l’assistante-gérante sont devenues folles.
[36] Un jour, au début de son quart, madame Cadieux est dans l’entrepôt en train de déposer des boîtes de marchandises dans un chariot. Elle entend la gérante et un employé d’entretien, le partenaire de vie de la gérante, parler et rire ensemble. Il s’agit d’une conversation à connotation sexuelle pendant laquelle on utilise le mot « salope ».
[37] Madame Cadieux est appelée au haut-parleur pour se rendre à une allée du magasin. Elle s’y rend et un client régulier âgé s’y retrouve. Il lui demande un produit qu’il n’a pas pu trouver. N’en trouvant pas à l’étalage, elle dit au client qu’elle va aller voir à l’entrepôt. Cependant, elle voit en se retournant la gérante et l’employé d’entretien avec sa tête appuyée sur l’épaule de celle-ci. Ils regardent le client. La gérante lui dit : « Ben voyons Monsieur! Vous le demandez à Nicole, pas à une autre? » Le client explique que madame Cadieux est gentille et l’aide d’habitude. La gérante lui dit en riant : « C’est pas plutôt parce qu’elle a l’air d’une salope! » Le client reste figé. Madame Cadieux est mortifiée et incapable de répondre. Elle baisse sa tête en signe de honte et part en direction de l’entrepôt. Elle tente de se calmer. Rendue à l’entrepôt, elle voit le livreur de pains. La gérante et l’employé d’entretien sont toujours derrière elle. La gérante répète au livreur : « Trouvez-vous qu’a l’air d’une salope? » Madame Cadieux dit à la gérante qu’elle est folle et d’arrêter. La gérante se calme. Le livreur est figé et quitte précipitamment le magasin. Madame Cadieux est confuse et honteuse. Le reste de la journée, elle s’isole pour dissimuler sa peine.
[38] Madame Cadieux ne dit pas à la gérante que ces remarques l’ont blessée; la gérante dit toujours qu’elle fait des blagues. Toutefois, elle devait nécessairement voir qu’elle l’avait blessée. Madame Cadieux refoule ses émotions.
[39] La gérante donne une version différente. Pendant une pause du matin, madame Cadieux raconte une histoire intime à connotation sexuelle entre elle et son conjoint en langage cru, comme cela arrive souvent entre les employées au travail. À la fin de la pause, la gérante lui dit, à la blague : « Viens travailler, ma petite salope. » Voyant que cela l’avait blessée, elle lui offre ses excuses et madame Cadieux les accepte. La gérante note que madame Cadieux jure aussi.
[40] Madame Cadieux nie la version de la gérante et qu’elle jure. De plus, la gérante ne s’est pas excusée au sujet de l’incident avec le client. Au travail, elle parle de sa vie personnelle comme tous le font, mais elle nie raconter les détails de sa vie intime. Elle reconnaît qu’elle aime faire la conversation avec ses collègues de travail et les clients, mais pas au-delà de la norme. Elle reconnaît que sa façon d’exprimer souvent comment les choses devraient fonctionner selon sa propre logique peut en indisposer certains.
[41] En mars 2007, madame Cadieux ne signale pas d’autres événements semblables. Cependant, elle se sent isolée au magasin.
[42] Le directeur RH explique que le nombre d’heures de travail allouées par magasin est distribué en premier aux employés à temps plein qui travaillent 30 heures et plus par semaine. Le reste des heures est distribué aux autres employés, selon leur rang d’ancienneté. Le magasin où madame Cadieux travaille est un gros magasin à haut rendement. L’embauche peut être gelée après la période des fêtes, mais, en cas de vacances, les postes sont pourvus.
[43] La superviseure explique qu’il y a normalement une baisse des ventes après la période des fêtes de sorte que les heures de travail du personnel y compris les gestionnaires sont réduites. La pratique est de donner le plus d’heures possible aux meilleurs employés et à ceux comptant le plus d’ancienneté.
[44] Selon la gérante, les heures du personnel à temps partiel, ceux embauchés pour travailler les fins de semaine, sont coupées en premier. Si les heures de travail en semaine sont coupées, le travail de la fin de semaine est offert aux employés réguliers. Les heures de madame Cadieux et d’autres employés ont été coupées de janvier à avril 2007, mais des employés ont accepté de travailler les fins de semaine. Elle ne fait jamais l’horaire selon l’ordre d’ancienneté. Elle affiche l’horaire le jeudi pour la semaine suivante et elle y apporte des modifications au jour le jour.
[45] Selon madame Cadieux, la gérante affiche l’horaire le vendredi et le retire rapidement le lundi suivant pour cacher sa façon de distribuer les heures. Les horaires de la gérante ne sont pas fiables parce que des employées lui disent que la gérante les appelle au travail alors que leur nom n’y apparaît pas.
[46] Il arrive souvent que les heures de travail soient réduites à la demande de la superviseure, explique madame Cadieux. Celle-ci évalue que la gérante distribue et réduit les heures de travail selon son humeur et ses préférences sans égard à l’ancienneté, contrairement à la politique de Dollarama. En ordre d’ancienneté, on retrouve, au premier rang, l’assistante-gérante qui est suivie de la gérante, madame Arrelle, madame Therrien, madame Doré, madame Charbonneau, madame Daraîche et madame Cadieux. Les autres employés comptent moins d’ancienneté que madame Cadieux.
[47] Madame Cadieux travaille normalement 39 ou 40 heures par semaine. Selon ses talons de paie de la fin décembre 2006 au 11 juin 2007, elle travaille surtout 38,5 à 40 heures par semaine. Elle travaille une semaine de 32 heures en février, une semaine de 34 heures en mars, trois semaines de 30 heures et une de 22,5 heures de la mi-avril à la mi-mai et 30 heures au début juin, sa dernière semaine complète de travail.
[48] Madame Cadieux produit l’horaire de trois semaines où elle travaille quatre jours au lieu de cinq. Elle était disponible pour travailler les jours qui lui ont été coupés. On lui enlève ces journées pour la punir, selon elle.
[49] Le lundi 19 mars 2007, des employés comptant moins d’ancienneté qu’elle ont travaillé le jour : madame Corbeil qui travaille trois jours cette semaine; le commis d’entrepôt qui ne fait pas le même travail que madame Cadieux; l’employée avec le moins d’ancienneté qui travaille deux jours cette semaine. Au cours de cette semaine, la gérante, l’assistante-gérante, madame Therrien et madame Daraîche travaillent le même nombre d’heures que madame Cadieux ou moins.
[50] La semaine du 23 avril 2007, madame Cadieux travaille quatre jours de 8 à 16 heures pour un total de 30 heures. La gérante ne lui donne pas du travail le mercredi 25 avril 2007. Toutefois, trois employées comptant moins d’ancienneté que madame Cadieux travaillent le jour : madame Corbeil, qui travaille un total de 29 heures cette semaine; la troisième employée moins ancienne, qui travaille six jours (selon la gérante, elle est une « troisième clé »); une nouvelle employée, qui travaille quatre jours (selon la gérante, il s’agit d’heures de formation).
[51] La semaine du 4 juin 2007, madame Cadieux travaille quatre jours de 8 à 16 heures pour un total de 30 heures. La gérante ne lui donne pas du travail le mardi 5 juin 2007. Trois employés comptant moins d’ancienneté que madame Cadieux travaillent le jour alors que deux employées avec plus d’ancienneté que celle-ci ne sont pas au travail : une est en vacances et l’autre a démissionné. Les personnes qui travaillent le jour et qui comptent moins d’ancienneté que madame Cadieux sont : madame Corbeil, l’employée embauchée en avril et une autre embauchée par la suite.
[52] Madame Cadieux demande à la gérante pourquoi elle réduit ses heures alors qu’elle embauche du nouveau personnel depuis février 2007. La gérante la dispute pour poser cette question.
[53] Madame Therrien travaille au magasin le jour du dimanche au jeudi. Elle travaille ailleurs le vendredi et la gérante est au courant. Parfois, celle-ci l’inscrit délibérément à l’horaire le vendredi pour la punir. En ce qui concerne les trois horaires produits en audience, le nom de madame Therrien apparaît le vendredi 23 mars 2007.
[54] Le 2 avril 2007, la gérante appelle, au haut-parleur, mesdames Cadieux, Therrien et Arrelle et le commis d’entrepôt pour qu’ils prennent leurs pauses de l’après-midi. Madame Cadieux prend normalement sa pause de l’après-midi avec ces personnes. Ils vont fumer une cigarette à l’extérieur du centre commercial.
[55] À leur retour de la pause, la gérante et l’assistante-gérante les attendent de pied ferme. Elles les accusent en criant d’un retard d’une ou deux minutes, d’être des profiteurs et qu’elles minuteront leur temps à la salle de bain désormais, s’il le faut. Mesdames Cadieux et Therrien disent qu’elles ne sont pas en retard. La gérante crie et jure en disant qu’elle mène au magasin. Madame Therrien se dirige vers le magasin et madame Cadieux la suit. Le cœur lui battant fort, madame Therrien dit à madame Cadieux que la gérante et l’assistante-gérante sont folles et des clients leur font la remarque : « Ça crie! » Elles retournent à leur poste de travail. Madame Cadieux n’y comprend rien. Elle vit cela comme une injustice; elle croit qu’il s’agit d’un coup monté pour rire d’eux.
[56] Madame Cadieux reconnaît qu’elle a pris des pauses allongées le matin en 2006. Madame Therrien dit qu’on crie après elle de temps en temps à cause de retards.
[57] Au cours de la première semaine d’avril 2007, la superviseure rencontre la gérante et le commis d’entrepôt. Vers la fin janvier 2007, la gérante et l’assistante- gérante lui ont parlé de gestes et de propos inappropriés à connotation sexuelle du commis d’entrepôt envers l’assistante-gérante. Celle-ci en avait parlé à la gérante en impliquant une autre employée. Selon la gérante, tous pouvaient constater la conduite inappropriée du commis d’entrepôt. La gérante demande à la superviseure de prendre le dossier en charge. La gérante n’avait pas parlé au commis. La superviseure ne croit pas que d’autres employés en sont au courant avant ou après la fin janvier 2007, mais elle ne le sait pas.
[58] Après ce signalement, la superviseure fait un suivi hebdomadaire et la situation semble se calmer. À la fin mars 2007, la gérante l’informe que la situation perdure et qu’elle veut parler au commis. La superviseure l’autorise. La gérante rencontre le commis en présence de l’assistante-gérante pour l’aviser de cesser son comportement. La gérante informe la superviseure que le commis ne prend pas la situation au sérieux.
[59] Ainsi, la superviseure intervient au début avril. Elle rencontre la gérante et le commis d’entrepôt et avise ce dernier de cesser son comportement. Le commis dit qu’il cessera.
[60] La superviseure est certaine que les employés sont au courant de la situation à compter de la fin mars ou du début avril 2007. Mais, elle n’est pas sur place pour le constater. La gérante l’informe au cours de nombreux appels téléphoniques à cette époque que l’information a coulée et que cela suscite du commérage : l’assistante-gérante voit des employés, dont madame Cadieux, qui la regardent en jasant et riant ou qui cessent de parler en la voyant.
[61] Selon la gérante, elle communique avec la superviseure après avoir avisé elle-même le commis d’entrepôt à deux reprises de cesser son comportement. La superviseure le rencontre avec l’assistante-gérante, mais le commis nie tout. La superviseure le rencontre une autre fois pour l’aviser de cesser et il acquiesce.
[62] Le 6 avril 2007, à l’arrivée de madame Cadieux au travail, la gérante la convoque à son bureau par le haut-parleur du magasin. Par le ton de la gérante, madame Cadieux sait qu’elle est en difficulté. Au seuil de la porte du bureau, elle s’inquiète davantage de son sort en voyant l’attitude de la gérante et l’assistante-gérante. La gérante lui dit de signer un avis écrit parce que sa caisse de la veille manquait 7 $ et qu’un avis est signifié à partir d’un manque de 5 $. Madame Cadieux, qui n’a jamais reçu de tel avis, refuse de le signer parce qu’elle ne le croit pas.
[63] La gérante lui dit qu’elle et l’assistante-gérante ont compté la caisse. L’assistante-gérante monte le ton en l’accusant de ne pas leur faire confiance. La gérante se met en colère et l’ordonne de signer l’avis. Madame Cadieux refuse. La gérante dit qu’elle appellera la superviseure. Madame Cadieux est d’accord et demande à la gérante comment elle sait que le manque de 7 $ est dû à son erreur et pas celle des autres employées qui ont utilisé cette caisse la veille. La gérante se met en colère parce que madame Cadieux ne les croit pas. Elle pointe madame Cadieux du doigt en lui disant qu’à l’avenir il n’y aura plus deux personnes sur la même caisse. Madame Cadieux lui signifie son accord. La gérante appelle la superviseure, mais ne la joint pas. La gérante dit à madame Cadieux de retourner au travail sans lui remettre l’avis.
[64] Selon la gérante, la rencontre se déroule dans le calme. Elle dit simplement à madame Cadieux, après son refus de signer l’avis, qu’il sera versé tout de même dans son dossier. Elle ne se souvient pas si madame Cadieux s’explique. Elle ne se souvient pas d’une intervention de la superviseure. Elle ne se souvient pas d’une question de resserrement de la gestion à cette époque ou avant.
[65] La gérante explique que la politique est d’émettre un avis écrit si une caisse ne balance pas de 5 $ et plus. Chaque caissière entre son code d’identification lorsqu’elle prend une caisse. Les caisses sont comptées à deux tous les jours par elle-même, l’assistante-gérante ou la « troisième clé ». Elle n’a pas compté la caisse de madame Cadieux le jour en question parce qu’elle ne travaillait pas au magasin.
[66] Au cours de la matinée, madame Cadieux parle à madame Therrien dans l’entrepôt de l’avis et qu’il n’y aura plus deux personnes sur la même caisse. L’assistante-gérante est près des vestiaires et les entend. Avec un regard perçant, celle-ci dit à madame Cadieux de se mêler de ses « crisse » d’affaires. Apeurée, madame Cadieux dit qu’elle voulait informer madame Therrien en tant que caissière. Madame Therrien dit que madame Cadieux n’a rien fait de mal. L’assistante-gérante s’avance vers madame Cadieux en frappant le vestiaire. Madame Therrien dit qu’elle ne se sent pas bien et qu’elle doit prendre un médicament pour ses nerfs. L’assistante-gérante s’avance davantage et pointe madame Cadieux du doigt en lui disant encore de se mêler de ses « crisse » d’affaires. Madame Cadieux lui dit : « OK! Va donc parler avec l’employé d’entretien. » L’assistante-gérante s’avance et frappe encore fort sur les vestiaires en disant en colère : « Toi, tu vas le payer cher, très cher, tu comprends! » Madame Therrien dirige madame Cadieux hors de l’entrepôt et vers le magasin. Elle a eu peur.
[67] Madame Cadieux explique que, dans le passé, la gérante ou l’assistante-gérante comptait les caisses avec elle. Elle a eu connaissance d’un incident en 2006 où la gérante inscrit un manque dans une caisse à une autre caisse pour équilibrer le compte. Madame Cadieux lui souligne que cela était inapproprié, mais la gérante lui dit de ne rien dire. C’est pour cette raison qu’elle se méfie de l’accusation portée contre elle. Selon madame Cadieux, on cherche à la piéger. On veut lui faire peur. Tout cela la rend inquiète, songeuse, craintive et méfiante. Ses émotions sont à fleur de peau. La situation l’obsède. Elle veut fondre dans le décor.
[68] Madame Therrien raconte que plusieurs caissières pouvaient utiliser une caisse. Les caissières devaient signer un document dans le cas d’un manque d’argent. Elle ne signe pas ces documents parce qu’elle ne compte pas sa caisse avant de la prendre et à la fin. Pour se protéger, elle fait des marques sur son ruban de caisse.
[69] La superviseure reçoit un appel urgent de l’assistante-gérante pendant un congé (le 6 avril 2007 est le début du long congé de Pâques) parce que madame Cadieux refuse de signer un avis disciplinaire au sujet d’un manque d’argent dans sa caisse. Elle l’informe qu’elle rencontrera madame Cadieux au début de la semaine prochaine.
[70] Vers la fin de l’après-midi, l’assistante-gérante va voir madame Cadieux dans une allée du magasin. Elle lui crie qu’elle a joint la superviseure et que celle-ci est mécontente d’avoir été dérangée pendant son congé à cause d’elle. Elle la rencontrera la semaine prochaine et que l’histoire n’est pas terminée.
[71] Selon la superviseure, elle ou une gérante peut émettre des avis disciplinaires. En cas de problèmes, elle ou le service des ressources humaines peut intervenir. Chaque caissière est responsable d’équilibrer le compte de sa caisse à la fin du quart. Il est possible que plusieurs employés utilisent la même caisse pendant le quart, mais chacun entre son code personnel. Dans le cas de madame Cadieux, elle a vérifié le ruban de caisse avec la gérante avant d’émettre l’avis. Elles ne trouvent pas de justification pour le manque d’argent.
[72] La superviseure explique que Dollarama avait déjà émis un avis aux gestionnaires et au personnel au sujet de sa politique de ne pas tolérer l’utilisation d’une caisse par deux employés en raison de manques d’argent. Selon elle, il y avait des irrégularités dans les caisses au magasin; cela se produit lorsqu’il y a un roulement du personnel. La superviseure évalue que la gérante n’applique pas suffisamment la politique de Dollarama d’émettre un avis écrit pour tout manque d’argent de 3 $ et plus. Ceci est toléré si un magasin ne présente pas de problèmes majeurs, sinon la politique doit être appliquée strictement. Dans le cas d’un manque de 5 $, la politique doit s’appliquer, peu importe.
[73] La gérante et l’assistante-gérante rencontrent le personnel du magasin à 8 heures le 10 avril 2007 dans l’entrepôt. La gérante leur dit qu’elle le fait à la demande de la superviseure. Elle les informe que désormais les employées ne partageront plus les caisses, ne devront plus bavarder ou se parler pendant les heures de travail et devront respecter la durée des pauses. Selon madame Cadieux, la gérante et l’assistante-gérante la fixent continuellement des yeux au cours de la rencontre.
[74] À la fin de la rencontre, madame Cadieux remet à la gérante, devant tous, sa clé et son cadenas de vestiaire en disant qu’elle n’en a plus besoin parce qu’elle n’y mettra plus ses effets personnels. Elle explique, en audience, qu’elle avait peur de ce qu’on pourrait lui faire; la gérante a un double des clés. Madame Cadieux a vu dans les vestiaires de collègues des objets inusités qui ne leur appartenaient pas.
[75] Selon la gérante, elle rencontre le personnel au sujet de la réduction des heures de travail et pour leur offrir des heures pendant les fins de semaine.
[76] Madame Cadieux raconte qu’après la rencontre, la gérante l’informe d’un rendez-vous avec la superviseure au cours de l’après-midi au sujet de l’avis disciplinaire. La gérante et l’assistante-gérante lui disent qu’elle se pense « smatte », mais la superviseure lui expliquera les lois au sujet des caisses. La gérante la pointe du doigt en l’avisant qu’il était dans son intérêt de parler seulement de l’avis avec la superviseure. L’assistante-gérante la pointe du doigt aussi en avançant sur son siège et lui dit : « Toutes les choses personnelles, tu sais ce que je veux dire, ça reste dans le magasin. »
[77] Selon madame Therrien, les directives de la rencontre du 10 avril ne sont pas appliquées. Par la suite, elle voit plusieurs fois deux personnes utiliser la même caisse. Elle en informe la gérante et l’assistante-gérante. De plus, elle voit les membres de la « clique » de la gérante se parler au travail.
[78] Madame Cadieux raconte qu’il existe des « cliques » au magasin depuis un bon moment. La gérante, l’assistante-gérante, madame Charbonneau, madame Doré et madame Corbeil forment la clique du personnel protégé par la gérante. Ils ont le droit de se parler et de rire pendant les heures de travail, de prendre des pauses plus longues et de travailler moins fort. Ces personnes dînent ensemble à la cafétéria à 11 h 30. Le reste des employés doivent travailler sous la pression sans parler et dans le dénigrement.
[79] La gérante explique qu’il y a plutôt des fumeurs et des non-fumeurs. Les non-fumeurs, soit elle-même, l’assistante-gérante et mesdames Doré et Charbonneau, restent à l’intérieur du magasin pendant les pauses. Elle envoie les fumeurs, soit mesdames Cadieux, Therrien et Arrelle et le commis d’entrepôt, en pause ensemble l’après-midi.
[80] Selon madame Cadieux, les personnes avec qui elle prend ses pauses sont des connaissances de travail. Elle ne les fréquente pas à l’extérieur du travail. Madame Therrien, par contre, dit être une amie de madame Cadieux. Elles s’appellent et se fréquentent deux ou trois fois par an.
[81] La gérante informe aussi madame Cadieux le 10 avril, suivant la rencontre, qu’elle n’aura plus de pause le matin à compter d’aujourd’hui sans lui donner de raisons. De plus, dorénavant, elle prendra sa pause du dîner de 30 minutes à 11 h 30. Le fait qu’elle dîne avec son conjoint à midi depuis qu’elle travaille au magasin ne constituait qu’un privilège.
[82] Madame Cadieux est trop triste pour demander les raisons. Elle ne veut plus affronter la gérante par peur de subir davantage de punitions. Son conjoint et elle dînent ensemble dans leur automobile à midi dans le stationnement du centre commercial. Cela ne causait pas de problèmes et personne ne s’en plaignait. Dorénavant, elle dîne seule à l’extérieur du magasin.
[83] Auparavant, madame Cadieux avait droit à deux pauses, une le matin et une l’après-midi. Les employés dont le quart commence à 7 et 8 heures avaient leur pause vers 8 h 30 à la cafétéria, avant l’ouverture du magasin : la gérante, l’assistante-gérante, madame Doré, madame Charbonneau, madame Corbeil et madame Cadieux. Celle-ci est la seule à qui la gérante coupe la pause matinale. Quant aux pauses de l’après-midi, la gérante envoie les personnes du groupe de madame Cadieux en pause individuellement à des intervalles de 15 minutes.
[84] La gérante explique que madame Cadieux était la seule fumeuse en ce qui concerne la pause du matin. Quant à la pause du dîner, un employé du quart de 9 h 30 - elle ne se souvient pas de qui il s’agit - se plaint d’aller dîner à 11 h 30 parce que cela est trop tôt et injuste étant donné que Cadieux dîne à midi bien qu’elle commence à 8 heures. Normalement, les employés qui commencent leur quart à 7 heures prennent leur pause du dîner à 11 h 30 et ceux qui commencent à 9 heures ou à 9 h 30 dînent à midi. Ainsi, elle ne fait qu’uniformiser la situation en donnant à madame Cadieux une pause de dîner à 11 h 30. Elle croit que cela ne lui cause pas de problèmes parce qu’elle ne réagit pas à ce moment.
[85] Madame Therrien raconte qu’elle, madame Arrelle et le commis d’entrepôt fumaient avec madame Cadieux pendant la pause du dîner après le départ de son conjoint. Madame Therrien dînait à midi avec le commis d’entrepôt et madame Cadieux lorsque son conjoint n’était pas disponible. Cela n’était plus possible.
[86] La superviseure connaît les disponibilités de madame Cadieux. Elle instruit la gérante de resserrer les pauses au magasin en raison de conflits invivables. Elle élimine la pause matinale de madame Cadieux parce qu’elle n’aurait jamais dû y avoir droit étant donné que son quart commence à 8 heures. Les employés ont droit à une pause après cinq heures de travail selon la loi. Quant aux pauses du dîner, la gérante avait déjà décidé d’y mettre de l’ordre et elle lui a signifié son accord.
[87] Madame Cadieux rencontre la superviseure dans le bureau de la gérante vers 14 h 30 le 10 avril 2006 en présence de la gérante et de l’assistante-gérante. En constatant leur présence, madame Cadieux ne sait trop si elle aura l’audace de parler à la superviseure de sa situation. En effet, le samedi précédant, madame Cadieux reçoit la visite de son frère chez elle. Il est un délégué syndical où il travaille. Ils sont proches. Les émotions de madame Cadieux sont à fleur de peau et elle pleure. Elle lui raconte enfin ses problèmes au travail. Elle les vivait seule en cachant son angoisse de tous et en se croyant capable de se maîtriser.
[88] Son frère avait déjà constaté qu’elle n’était plus la même, qu’elle était stressée et qu’elle donnait trop d’importance à son travail. En temps normal, madame Cadieux est une personne enjouée et conviviale. Lors de cette visite, elle lui fait part d’idées noires. Il tente de la calmer. Trouvant la situation anormale, il lui suggère d’en parler à la superviseure, de tout noter et de déposer une plainte si son employeur ne fait rien. Madame Cadieux note tout cette fin de semaine.
[89] À la rencontre, la superviseure présente l’avis disciplinaire du 6 avril à madame Cadieux en l’invitant à le signer à deux reprises. Avec hésitation, madame Cadieux refuse autant de fois. La superviseure lui demande pourquoi. Selon la superviseure, madame Cadieux trouve l’avis injuste parce que plusieurs touchent à la caisse y compris les gestionnaires. La superviseure lui explique la politique sur les manques d’argent et madame Cadieux est mécontente et frustrée.
[90] Selon madame Cadieux, elle dit à la supérieure qu’elle a ses raisons de refuser de signer et qu’elle ne fait pas confiance à la gérante et l’assistante-gérante. La superviseure lui dit qu’elle doit leur faire confiance. Paniquée et hésitante, madame Cadieux répète quelques fois qu’elle veut lui parler seule. Enfin, celle-ci accepte et la gérante et l’assistante-gérante quittent le bureau.
[91] Madame Cadieux ferme la porte du bureau et dénonce tout ce qui lui est arrivé depuis février. Elle est fébrile et elle pleure. Elle lui dit qu’elle n’est plus capable de supporter la situation et que d’autres employés en souffrent aussi : mesdames Arrelle et Therrien. Elle lui raconte aussi des agissements de la gérante : briser délibérément de l’équipement pour en obtenir des nouveaux; boire de la boisson au travail; se comporter de façon inappropriée au travail avec son partenaire de vie; pauses prolongées, entre autres. Elle lui dit qu’une enquête démontrera qu’elle dit la vérité. La superviseure lui dit qu’elle s’en occupera et de lui faire confiance. Elle ne doit pas en parler et continuer à travailler comme si de rien n'était en disant qu’elles ont discuté de l’avis disciplinaire. Madame Cadieux se sent soulagée et rassurée. Madame Cadieux sort de la rencontre à 17 h 30. Madame Cadieux et la superviseure quittent le magasin un peu plus tard.
[92] La superviseure explique que madame Cadieux lui fait part de sa détresse en se vidant le cœur au sujet du harcèlement psychologique qu’elle vivait. Elle lui dit que les gestionnaires l’avaient prévenue de ne rien lui dire. Elle craint donc leur réaction. Elle lui parle d’heures de travail et de pauses injustement coupées ou modifiées. Elle se dit constamment surveillée par la « clique » de la gérante. Elle lui fait part de manigances de la gérante et l’assistante-gérante, dont la plainte injustifiée au sujet du commis d’entrepôt. Madame Cadieux la prévient qu’elle se fait embarquer à ce sujet; le commis d’entrepôt n’agirait pas de la sorte. La superviseure l’écoute et elle s’engage d’aller au fond de l’affaire. Elle lui offre son soutien en tout temps et lui donne ses coordonnées. Elle explique à madame Cadieux que son rôle et celui de la gérante sont de voir au bon fonctionnement du magasin. Leurs décisions sont prises en ce sens et madame Cadieux doit soutenir la gérante.
[93] À son arrivée au travail le 11 avril 2007, madame Therrien salue madame Cadieux. Un peu plus tard, la gérante vient la voir et lui dit de ne pas parler à madame Cadieux, sinon elle pourrait avoir des problèmes. Elle lui demande de quoi il s’agit et la gérante lui dit que cela ne la regarde pas et qu’elle le verra quand cela arrivera. (La gérante nie avoir tenu ces propos.) Se disant que personne ne pouvait l’empêcher de parler, madame Therrien ne respecte pas cette directive et continue de saluer madame Cadieux.
[94] Quant à madame Cadieux, elle constate des visages longs. Elle travaille dans une allée. L’assistante-gérante et mesdames Corbeil et Doré travaillent dans l’allée adjacente. La gérante se joint à elles et leur dit : « Hé ben, crisse, a pensait téter Karine (la superviseure) hier, a pensait la gagner, a s’est trompée crisse, il faut fêter ça! » L’assistante-gérante dit : « Laisse-moi aller la (madame Cadieux) voir! » Elles se mettent à danser dans l’allée au son de la musique diffusée au magasin. Madame Doré passe devant madame Cadieux en faisant des pas de danse et en riant.
[95] Les espoirs de madame Cadieux s’envolent. Elle présume que la superviseure a tout dit à la gérante. Elle tremble de peur et elle est incapable de se concentrer sur le travail. Elle appelle tout de même la superviseure pour dénoncer cet incident comme convenu.
[96] Madame Cadieux va à l’entrepôt au cours de la matinée et la gérante ferme fortement la porte de la cafétéria où elle prenait sa pause. Madame Cadieux voit madame Therrien. Celle-ci qui lui répète les propos de la gérante, soit qu’elle aurait des problèmes si elle lui parle. Au cours de l’après-midi, Madame Cadieux est en pause avec d’autres employées et la gérante claque la porte de la cafétéria.
[97] Par la suite, la situation au travail se détériore davantage pour madame Cadieux. Elle se sent démolie, défaite et dépassée. Elle n’est plus capable de se concentrer. Elle a perdu sa confiance en elle; son travail est pourtant simple à faire. Elle se sent constamment surveillée. Il y a toujours une employée de la « clique » de la gérante autour d’elle quand un client lui parle. L’employée prétend chercher quelque chose, mais quand le client s’en va, elle part. Cela semble évident pour madame Cadieux.
[98] La superviseure affronte pour la première fois une plainte en harcèlement psychologique et un cas de harcèlement sexuel, et cela, dans l’espace d’une semaine. La situation devient irréelle pour elle de sorte qu’elle communique avec le directeur RH pour l’en informer.
[99] Le directeur considère les deux cas importants, mais il met la priorité sur la plainte de harcèlement sexuel en raison de sa gravité et pour soutenir l’assistante-gérante. Le directeur RH et la superviseure évaluent que les problèmes au magasin, comme la plainte en harcèlement psychologique de madame Cadieux, découlent du cas de harcèlement sexuel.
[100] Le directeur RH informe la superviseure qu’il ira au magasin et qu’il faudra possiblement suspendre avec traitement le commis d’entrepôt. Cependant, le commis a devancé les événements; il démissionne vers le 13 avril 2007 en disant qu’il était innocent et incapable d’affronter une telle situation. Selon mesdames Cadieux et Therrien, tous croient qu’il démissionne en raison d’une dispute avec la gérante. Elles ne le revoient plus.
[101] Le directeur RH se rend au magasin quelques jours plus tard. L’assistante-gérante lui donne sa version et implique une autre employée. Il lui donne le choix, soit une enquête par Dollarama ou une plainte à la police avec l’accompagnement de la superviseure. Il lui donne un temps de réflexion.
[102] Le même jour, le directeur RH rencontre l’autre employée et la gérante. Celle-ci est étonnée de la situation. Elle, tout comme l’assistante-gérante, lui dit que des blagues à connotation sexuelle abondent au magasin. Il apprend que tous au magasin sont au courant du cas parce que l’assistante-gérante s’en est confié et que la nouvelle s’est ébruitée. Il instruit la gérante de prendre les moyens pour faire taire toutes discussions au sein du personnel à ce sujet.
[103] L’assistante-gérante dit à la superviseure une ou deux jours plus tard qu’elle déposera une plainte à la police. La superviseure en informe le directeur RH. La gérante, l’assistance-gérante et l’autre employée vont au poste de police avec la superviseure pour faire leur rapport d’événements.
[104] La décision de l’assistante-gérante a l’effet d’une bombe au magasin, selon la superviseure et la gérante. Cela devient le sujet de commérage et le personnel se concentre difficilement sur le travail. L’assistante-gérante éprouve aussi de la difficulté à travailler parce qu’elle sait que des employés ne sont pas d’accord avec sa décision. La gérante et mesdames Charbonneau et Doré la croient, mais d’autres ne la croient pas. La gérante ne connaît pas la position de madame Cadieux; celle-ci ne lui en a pas parlé.
[105] La superviseure informe le directeur RH de la situation. Il l’instruit de tenir une rencontre avec le personnel pour interdire de parler du sujet afin de ne pas nuire à l’enquête policière.
[106] Après avoir rencontré madame Cadieux, le 10 avril, la superviseure appelle madame Therrien qui lui dit se sentir isolée à la caisse en toute connaissance de la gérante. Par contre, la gérante lui donne ce travail parce qu’elle était la meilleure.
[107] La superviseure parle à la gérante au sujet de madame Arrelle qui avait récemment démissionné. La gérante lui raconte des problèmes de comportement. La superviseure appelle madame Arrelle qui lui parle de réduction d’heures et d’exigences de certificats médicaux. La superviseure ne constate rien qui va dans le sens des propos de madame Cadieux.
[108] Elle communique à la gérante l’information révélée par madame Cadieux. La gérante est estomaquée, selon la superviseure, parce qu’elle a toujours eu une bonne relation avec madame Cadieux. La gérante lui donne les mêmes explications qu’elle donne en audience. La superviseure vérifie auprès de la gérante l’incident de la danse du lendemain de sa rencontre avec madame Cadieux. La gérante lui explique ce qu’elle dit en audience : elle n’était pas présente; les employés s’amusaient, mais cela n’avait aucun rapport avec madame Cadieux.
[109] La gérante explique qu’elle travaille 40 % de son temps en 2007 dans un autre magasin et l’assistante-gérante, madame Doré ou Charbonneau la remplace. L’assistante-gérante et d’autres employés travaillent aussi à cet autre magasin.
[110] La superviseure conclut qu’il s’agit d’une question de perceptions; madame Cadieux fait une mauvaise interprétation des événements. Elle la rencontre vers la fin avril 2007 au magasin pour lui communiquer sa conclusion. Madame Cadieux lui dit qu’elle est malheureuse et qu’elle continue de vivre du harcèlement psychologique au travail.
[111] Madame Cadieux raconte que la superviseure l’informe qu’elle a tout raconté à la gérante et lui demande de mettre de l’eau dans son vin. Madame Cadieux est figée; la superviseure la trahit. Avec difficulté, elle lui dit qu’elle ne comprend pas parce qu’elle est la victime. La superviseure lui dit : « Ben là, Nicole commence pas! Il y a pas juste Dollarama sur la terre! » Madame Cadieux part et retourne travailler sans rien dire. Quant à elle, le message est clair : endure ou démissionne.
[112] Par la suite, le climat de travail s’alourdit pour madame Cadieux; la gérante et sa « clique » se croient victorieuses et leur comportement lui suggère qu’elles l’ont à l’œil.
[113] Selon la gérante, madame Cadieux n’est pas surveillée. Elle sait que celle-ci est mécontente de la gestion du magasin. En dernier, madame Cadieux fait preuve d’enfantillage en regard de la plainte en harcèlement sexuel. La gérante ne lui parle donc strictement qu’au sujet du travail. Les employées du quart de matin ne lui parlent plus depuis un moment. Madame Cadieux parle à madame Therrien et des employés qui travaillent plus tard dans la journée.
[114] La superviseure rencontre le personnel du magasin vers le 24 mai 2007 au sujet du départ du commis d’entrepôt. Elle leur explique qu’une plainte a été déposée contre lui à la police. Elle les avise de ne pas communiquer avec lui sous risques d’entraves à la justice et de ne pas en parler au travail.
[115] Selon mesdames Cadieux et Therrien, après la rencontre, tous retournent travailler et personne ne parle plus de cette histoire. Elles ne connaissent pas la nature de la plainte. On ne leur dit pas lors de la rencontre. Madame Therrien reconnaît qu’il y a des rumeurs d’attouchements inappropriés envers l’assistante-gérante à la fin mai.
[116] Selon la superviseure, madame Cadieux vient lui parler à la fin de la rencontre. Celle-ci est troublée par l’intervention de la police. La superviseure lui dit qu’il s’agit d’un cas sérieux et qu’aucun bavardage à ce sujet ne sera toléré.
[117] Le 25 mai 2007, la photo du fils de madame Cadieux apparaît dans un quotidien à la suite du décès d’un ami. L’employée qui supervise le magasin en l’absence de la gérante et de l’assistante-gérante approche madame Cadieux au sujet de cet incident. Elle lui dit de venir avec elle à l’entrepôt pour regarder un exemplaire du quotidien. Alors que madame Cadieux lui montre la photo de son fils, la gérante et l’assistante-gérante entrent dans l’entrepôt. Madame Cadieux est paniquée à l’idée de se faire prendre en défaut. La gérante crie : « On en profite, crisse, quand on n’est pas là, es-tu en pause! » L’assistante-gérante en rajoute. Madame Cadieux s’excuse. Mal à l’aise, l’employée remplaçante tente en vain d’expliquer la situation. Madame Cadieux retourne à son poste en peine.
[118] Le 4 juin 2007, madame Cadieux travaille à la caisse. Madame Therrien arrive au travail et lui dit, en passant, qu’elle travaille demain même si c’est son anniversaire et que, normalement, les employés ont un congé ce jour-là. Il n’y a pas de clients à la caisse à ce moment. L’assistante-gérante arrive en colère au magasin et se dirige vers l’entrepôt. Madame Cadieux est mal à l’aise parce qu’elle les a vues. Madame Therrien se rend aux vestiaires à l’entrepôt où elle voit et entend l’assistante-gérante dire, en colère contre madame Cadieux : « La maudite, je vais aller y péter la gueule, elle a fini de parler de moi! » Madame Therrien dit à l’assistante-gérante qu’elles ne parlaient pas d’elle, mais celle-ci est tellement en colère qu’elle ne l’entend pas. La gérante tente de la calmer.
[119] À son retour aux caisses, madame Therrien est énervée. Elle dit à madame Cadieux de faire attention parce que l’assistante-gérante crie qu’elle veut la battre et que la gérante tente de la calmer.
[120] Madame Therrien sort fumer pour se calmer. Plus tard, le même jour, la gérante lui dit de faire attention à qui elle parle parce qu’elle pourrait avoir de gros problèmes. Madame Therrien a peur. La gérante nie avoir dit ces propos.
[121] Madame Cadieux est angoissée toute la journée et tente d’éviter l’assistante-gérante. Plus tard, elle la voit avec un chariot vide devant les caisses. Elle pousse le chariot dans les autres avec fracas en regardant madame Cadieux en plein visage et en disant : « Aujourd’hui, je feel pour en tuer une couple! ». Madame Therrien est témoin de la scène. Elle raconte qu’une cliente, qui se retrouve là, demande à l’assistante-gérante à qui elle dit cela. L’assistante-gérante répond : « À personne » et elle part.
[122] Selon la gérante, l’assistante-gérante lui raconte l’incident. Elle lui dit que madame Cadieux croyait, à tort, qu’elle était visée. La gérante n’en fait pas de cas parce que c’est la façon d’être de l’assistante-gérante. De plus, madame Cadieux ne lui en parle pas. Madame Cadieux en parle plutôt à la superviseure qui, à son tour, la tient au courant.
[123] Selon la superviseure, la gérante lui raconte que c’est madame Therrien qui était à la caisse et que madame Cadieux lui parlait alors qu’il n’y avait pas de clients. Lorsque l’assistante-gérante entre au magasin, elle n’entend pas leur conversation, mais elle se sent visée parce qu’elles chuchotent et cessent de parler en la voyant.
[124] Le même jour, la gérante convoque madame Cadieux à son bureau pour lui parler d’un avis disciplinaire pour avoir bavardé avec madame Therrien. Madame Cadieux s’en défend bien et demande la présence de madame Therrien pour le corroborer. Mais, la gérante refuse en disant qu’elle avisera la superviseure.
[125] La superviseure apprend qu’à la suite de la directive du 24 mai, Madame Cadieux continue de dire aux clients et aux employés que la plainte contre le commis d’entrepôt n’est qu’une manigance. Elle en informe le directeur RH qui autorise un avis disciplinaire écrit. La superviseure le rédige sans le soumettre au directeur RH.
[126] La superviseure le remet à madame Cadieux, en présence de la gérante, le jeudi 7 juin 2007. L’avis mentionne que, le 4 juin, l’assistante-gérante surprend madame Cadieux en train de discuter avec madame Therrien et qu’elles ont changé de conversation afin qu’elle ne l’entende pas. Madame Cadieux a agi plusieurs fois de la sorte avec différents employés. Le personnel a été avisé le 24 mai de ne pas discuter des accusations criminelles portées contre le commis d’entrepôt pour harcèlement sexuel envers l’assistante-gérante afin de faire taire les jugements portés contre elle. Malgré toutes ces rencontres et avertissements, l’attitude de madame Cadieux est inchangée et inacceptable.
[127] La superviseure lit la lettre. Madame Cadieux refuse de signer l’avis et ne reçoit pas une copie. Elle demande à la superviseure de convoquer madame Therrien pour avoir sa version. Cela lui est refusé. Madame Cadieux lui raconte l’incident des chariots. Après un moment de silence, la superviseure demande à la gérante si cela est vrai. La gérante ne dit rien. Madame Cadieux dit à la gérante de dire la vérité. La gérante le reconnaît, mais dit qu’elle a calmé l’assistante-gérante. Madame Cadieux raconte ce qui s’est passé depuis sa dénonciation. La gérante dit à madame Cadieux qu’on sait quoi faire quand on n’est pas bien quelque part. À bout, madame Cadieux dit à la superviseure qu’elle a une enregistreuse sur elle. La superviseure lui dit de retourner travailler.
[128] Madame Cadieux nie qu’on lui parle de la nature de plainte contre le commis d’entrepôt à cette rencontre.
[129] Environ une heure plus tard, la superviseure convoque encore madame Cadieux en présence de la gérante et de l’assistante-gérante. Le ton est devenu poli. La superviseure lui demande de lui remettre l’enregistreuse ou les enregistrements. Madame Cadieux refuse; elle s’est informée et elle a le droit d’enregistrer pour se protéger. La superviseure lui demande d’enlever son tablier de travail et de déposer l’enregistreuse. Madame Cadieux accepte de ne plus s’en servir et quitte la cafétéria.
[130] La superviseure nie avoir demandé à madame Cadieux les enregistrements. Elle avait consulté le directeur RH entre-temps tout en l’informant du refus de madame Cadieux de signer l’avis. Ils décident de ne pas faire de cas de la question des enregistrements. Madame Cadieux avait déjà dit à la gérante et à l’assistante-gérante pendant une dispute qu’elle les enregistrait pour avoir des preuves.
[131] Madame Cadieux croise madame Corbeil à la sortie de la rencontre. Sachant qu’elle rapporte tout, elle lui montre l’enregistreuse, soit un lecteur portable MP3. En fait, madame Cadieux n’a rien enregistré : elle le dit lors de la rencontre pour que tout cesse. Madame Cadieux porte le MP3 sur elle depuis environ 15 jours, mais elle n’a rien enregistré au travail.
[132] Selon la gérante, elle était la seule qui saluait madame Cadieux depuis la plainte de harcèlement sexuel à la police. Les autres employés ne lui parlaient pas parce qu’elle enregistrait tout.
[133] Après la rencontre, madame Cadieux retourne au travail à bout. Le lendemain, elle fonctionne comme un automate au travail.
[134] Madame Cadieux est au travail le lundi 11 juin. Elle se rend compte qu’elle ne réussit pas à travailler. Elle est épuisée. Elle a la nausée et elle vomit. Elle s’agenouille et pleure. Elle est incapable de se relever. Elle met sa tête dans l’étalage pour se cacher le visage. Deux clientes, qui la connaissent, la voient et lui prêtent assistance. Elles vont avertir sa sœur qui travaille dans le même centre commercial. Sa sœur vient la chercher au magasin. La gérante est témoin de la scène, selon madame Cadieux. Madame Therrien constate l’état dans lequel madame Cadieux se trouve ce jour-là.
[135] Madame Cadieux tentait de se convaincre qu’elle était toujours capable de travailler. Elle tente de cacher sa souffrance à sa famille, mais elle pleure souvent en cachette chez elle.
[136] Selon madame Therrien, le climat de travail était devenu insupportable. Elle conseille à madame Cadieux de partir, mais celle-ci croit que les patronnes vont cesser leurs agissements. Madame Cadieux était heureuse et souriante avant, mais à la fin elle pleurait et elle était démolie.
[137] Le 12 juin 2007, madame Cadieux ne travaille pas. Elle visite la CNT pour s’informer de ses droits. Le 14 juin, elle dépose la présente plainte à la CNT. Son conjoint l’y conduit.
[138] Selon les conseils obtenus à la CNT, elle se rend aussi au service de police le 12 juin pour déposer une plainte contre l’assistante-gérante pour les menaces à son endroit le 4 juin dernier. Elle fait un rapport d’événements, mais, après avoir discuté avec le policier, elle décide de ne pas porter plainte ne voulant pas la faire arrêter.
[139] Elle saisit l’occasion pour discuter avec le policier au sujet des propos de la superviseure lors de la rencontre de mai concernant la plainte contre le commis d’entrepôt. On l’informe que personne ne peut l’empêcher de parler au commis.
[140] Madame Cadieux obtient le numéro de téléphone du commis et lui parle vers le 15 juin. C’est à ce moment qu’elle apprend qu’il a été accusé de harcèlement sexuel criminel et qu’il devrait passer en cours.
[141] Le 13 juin 2007, madame Cadieux téléphone au travail et avise la gérante qu’elle ne rentre pas travailler parce qu’elle ne se sent pas bien. La gérante le note.
[142] Madame Cadieux consulte un médecin en clinique d’urgence vu l’absence de son médecin traitant. Elle lui raconte les événements au travail et que la situation l’obsède. Elle pleure énormément. Elle raconte ses problèmes de sommeil, son angoisse et sa perte d’appétit. Le médecin lui prescrit un arrêt de travail jusqu’au 2 juillet 2007 et lui remet une attestation médicale de la CSST à remettre à son employeur. L’attestation indique un trouble d’adaptation secondaire à du harcèlement en milieu de travail. Son arrêt de travail pour cette même cause sera prolongé par la suite par ce médecin et ensuite par le médecin traitant de madame Cadieux depuis une dizaine d’années.
[143] Le 13 juin 2007, Madame Cadieux se rend au magasin et présente à la gérante l’attestation médicale. La gérante prend le document et téléphone à la superviseure sans succès. Elle lui remet un formulaire de réclamation pour un accident de travail qu’elle doit remplir et lui rapporter. Lorsqu’elle le lui rapporte le lendemain, la gérante lui dit qu’elle avait parlé à la superviseure entre-temps et qu’elle n’avait rien à remplir. Elle lui dit de s’en aller et de sortir du magasin. Madame Cadieux se sent traitée comme une guenille et elle pleure.
[144] Selon la superviseure, la gérante l’informe du congé de maladie de madame Cadieux. Par erreur, elle lui dit de ne rien remettre à madame Cadieux parce qu’elle s’occupera de la paperasse. Elle communique avec le directeur RH. La pratique de Dollarama est de faire une proposition d’assignation temporaire. Étant donné la plainte de harcèlement psychologique de madame Cadieux dans le contexte du dossier de harcèlement sexuel au magasin, le directeur RH propose, même s’il doute de l’acception du médecin, de l’assigner à un autre magasin à Longueuil près du magasin initial. Il demande à la superviseure de la rencontrer au magasin et de lui remettre le formulaire d’assignation temporaire destiné à son médecin.
[145] Le 15 juin, la superviseure appelle madame Cadieux pour fixer un rendez-vous l’après-midi même en lui expliquant la raison. Étant donné le problème de transport de madame Cadieux, elles conviennent de se rencontrer dans le stationnement du magasin Dollarama de sa localité et d’y trouver un restaurant. Madame Cadieux se sent pressée. Le frère de madame Cadieux la conduit au rendez-vous et la retrouve stressée et en pleure.
[146] La superviseure arrive une dizaine de minutes en retard. Il n’y a pas de restaurants autour. Selon le frère de madame Cadieux, celle-ci suggère d’aller dans un bureau au magasin, mais la superviseure refuse parce qu’elle ne veut pas que l’on soit au courant. Madame Cadieux se sent comme on veut la cacher. Elle suggère le camion de son frère. La superviseure décide de lui parler dans son automobile.
[147] La superviseure lui présente le transfert temporaire de magasin et lui explique la procédure et le formulaire. Madame Cadieux le refuse; elle est pénalisée alors que la gérante et l’assistante-gérante ont un comportement fautif. La superviseure ne répond pas, mais elle lui demande de remettre ce document le même jour à son médecin. Madame Cadieux lui dit qu’il est absent et la superviseure lui dit qu’elle attend donc le document dans le meilleur délai. Madame Cadieux retourne au camion de son frère en pleurant et ils vont porter le document à la clinique de son médecin.
[148] Selon le directeur RH, la superviseure lui dit que madame Cadieux a une opinion arrêtée de la situation au magasin et qu’il est impossible d’en discuter avec elle. Madame Cadieux ne soutient pas l’entreprise.
[149] Par la suite, madame Cadieux reçoit plusieurs appels téléphoniques à sa résidence de la superviseure au sujet de son congé de maladie et pour obtenir le formulaire d’assignation temporaire. Ces appels cessent après que le même médecin, que madame Cadieux a vu le 13 juin, refuse l’assignation temporaire et signe le document le 19 juin 2007. Le directeur RH reçoit ce document.
[150] Le directeur RH reçoit la présente plainte au début de la semaine du 18 juin 2007. Il avait été mis au courant de la possibilité du dépôt d’une plainte par madame Cadieux. Il ne comprenait pas son comportement parce que, selon lui, l’avis était justifié. Selon sa pratique, il communique avec la CNT pour signifier son intérêt de participer à une médiation pour tenter de régler à l’amiable
[151] Madame Cadieux a un rendez-vous, le 26 juin suivant, avec son médecin traitant à son retour d’absence. Elle en aura plusieurs autres par la suite. Il émet des attestations médicales de la CSST jusqu’au 15 avril 2008 toujours pour le même trouble de santé. Madame Cadieux prend des médicaments pour se calmer et dormir. Elle n’a pas les moyens de consulter un psychologue comme il le lui suggère. Madame Cadieux envoie ses attestations médicales de la CSST à la gérante de son magasin initial. Elle continue de consulter son médecin après le 15 avril 2008.
[152] Selon la superviseure, la gérante l’informe que le comportement de madame Cadieux au travail ne s’est pas amélioré après l’avis du 7 juin. Elle continue son commérage avec les clients et les employés au détriment du climat de travail. La superviseure ne sait quand cela s’est produit. Elle prend la décision avec le directeur RH de mettre un terme à la situation en la transférant de magasin. Elle rédige l’avis et l’envoie par le courrier étant donné que madame Cadieux est en arrêt de travail.
[153] Selon l’avis, madame Cadieux a informé au travail plusieurs clients des problèmes internes du magasin. Elle a reçu plusieurs avis afin qu’elle change son attitude, sans aucune amélioration. Ainsi, dans le but d’améliorer le climat de travail pour tous, elle sera transférée à un autre magasin à Longueuil immédiatement et devra fournir toute justification d’absence à la gérante de ce magasin. Ces situations ne doivent plus se reproduire sinon d’autres mesures disciplinaires plus sévères seront prises.
[154] La gérante raconte qu’elle n’a rien signalé de tel à la superviseure et qu’elle n’a reçu l’avis qu’après le fait. Personne ne lui a parlé d’un transfert de magasin dans le cas de madame Cadieux.
[155] Madame Cadieux nie aussi le contenu de cet avis. D’ailleurs, depuis la rencontre du 10 avril 2007, elle n’a plus le droit de parler au travail et elle est surveillée.
[156] Le 28 juin 2007, madame Cadieux dépose à la CSST une réclamation en indemnisation pour une lésion professionnelle en raison de harcèlement psychologique sur le conseil de son médecin. À la CSST, on lui conseille de déposer aussi une plainte pour mesures discriminatoires selon l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (LATMP) pour le non-paiement des 14 premiers jours de son arrêt de travail.
[157] Elle se rend au magasin accompagnée de sa sœur pour remettre sa réclamation à la gérante. Celle-ci lance les documents en disant : « Que veut-tu qu’elle fasse avec ça, tu ne travailles plus icite, tu n’as plus d’affaires icite. » Madame Cadieux pleure et sa sœur la dirige hors du magasin.
[158] Le 16 juillet 2007, Nicole Cadieux dépose une autre plainte selon l’article 32 de la LATMP pour un déplacement illégal en réponse au transfert de l’avis disciplinaire du 26 juin 2007.
[159] Le directeur RH reçoit la réclamation et les deux plaintes à la CSST. Il informe la superviseure. Il communique avec l’organisme pour signifier son intérêt à participer à une conciliation. Le directeur RH conteste la réclamation à la CSST de madame Cadieux parce que, selon son analyse, il s’agit d’un conflit de travail, pas de harcèlement psychologique. Il a eu vent d’un problème entre l’assistante-gérante et madame Cadieux. Au sujet du versement des 14 premiers jours, Dollarama a comme pratique de les payer à la fin de la période de paie alors que madame Cadieux aurait voulu se les faire payer plus rapidement.
[160] Une séance de médiation est prévue aux bureaux de la CNT le 21 août 2007. Peu de temps avant la séance, le directeur RH discute avec la gérante et la superviseure de madame Cadieux et de la gestion du magasin. La gérante lui raconte ce qu’elle dit en audience. Elle lui dit que madame Cadieux est une bonne employée et que le problème commence au magasin au début 2007 avec la modification des pauses et la réduction des heures de travail. Il comprend que le dossier de harcèlement sexuel change tout parce que madame Cadieux croit le commis d’entrepôt innocent. Il comprend aussi que les relations entre la gérante et le personnel ne sont pas sans problèmes. La gérante reconnaît ses erreurs, dont sa blague de mauvais goût faite à madame Cadieux en février 2007. Il l’avise de ne plus faire ce genre de blague, peu importe la culture du magasin.
[161] À la séance de médiation, madame Cadieux rencontre le directeur RH pour la première fois. Elle donne sa version du harcèlement psychologique au travail. La superviseure, qui est aussi présente, apprend de nouveaux éléments. Le directeur prend connaissance de tout pour la première fois et il en est étonné et mécontent à la fois. Il doit faire des vérifications. Il propose à Nicole Cadieux un retour à son magasin d’origine parce que l’assistante-gérante avait démissionné ou à un magasin dans la ville de sa résidence. Elle demande un temps de réflexion avant de donner une réponse afin de prendre en considération ces recours devant la CSST. Madame Cadieux informe le directeur RH que le service de la police avait fermé le dossier de plainte contre le commis d’entrepôt par faute de preuve. Il ne le savait pas.
[162] Quelques semaines plus tard, le médiateur de la CNT signifie au directeur RH que madame Cadieux refuse sa proposition et que la CNT effectuera une enquête au sujet du harcèlement psychologique. Sachant qu’il y aura une autre séance de médiation à la CSST où madame Cadieux acceptera possiblement la proposition de travailler dans un autre magasin, il ne fait pas immédiatement une enquête formelle sur le harcèlement psychologique. Il croit que les plaintes de madame Cadieux sont injustifiées; les gens au magasin, tout comme lui, sont de bonne foi et l’enquête de la CNT lui donnera raison. Selon lui, le problème commence lorsque madame Cadieux s’immisce dans le cas de harcèlement sexuel. Il n’y avait aucun problème avant cela dans son cas.
[163] Le 24 août 2007, la CSST refuse la réclamation en indemnisation de madame Cadieux. Elle ne conteste pas la décision parce que les frais pour les services d’un avocat lui sont prohibitifs.
[164] À la fin de l’automne 2007, la CNT fait son enquête au magasin. Après le départ de l’enquêteur, le directeur RH rencontre les employés, y compris la gérante, en petit groupe pour leur rappeler l’existence de la politique contre le harcèlement. Madame Therrien voit seulement après le départ de madame Cadieux la politique contre le harcèlement. Par la suite, le climat au travail change et la gérante améliore son comportement.
[165] Le 11 décembre 2007, il y a une conciliation à la CSST en présence de madame Cadieux, le directeur RH et la superviseure. À ce moment, le directeur RH avait fait son enquête sur le harcèlement psychologique, mais il n’avait pas encore reçu de nouvelles au sujet de l’enquête de la CNT.
[166] Ils concluent une entente. Madame Cadieux se désiste de ses plaintes. Dollarama s’engage à rembourser à la CSST la somme équivalant au montant des 14 premiers jours du congé de maladie (cela a été fait) et à retirer l'avis du 26 juin 2007. De plus, Dollarama s'engage à une reprise du travail de madame Cadieux, lorsque sa condition le lui permettra, au magasin initial en étant accompagnée par la superviseure.
[167] Peu de temps après l’entente, le directeur RH communique avec madame Cadieux au sujet de l’assurance invalidité de longue durée, entre autres. Selon madame Cadieux, elle ne parle pas de ce sujet avec lui, mais avec d’autres responsables chez Dollarama à l’automne 2007.
[168] Par un avis du 5 octobre 2007, une responsable du service des ressources humaines demande à madame Cadieux le versement de sa part des primes d’assurance salaire pour son arrêt de travail du 11 juin jusqu’au 31 octobre et sa part de la prime au début de chaque mois subséquent. On l’avise de communiquer avec sa gérante pour obtenir le formulaire d’assurance invalidité de longue durée.
[169] Madame Cadieux reçoit des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant 13 semaines. Pour bénéficier de l’assurance invalidité de longue durée chez Dollarama, il faut les écouler. Ensuite, l’employé doit remplir un formulaire pour réclamer des prestations du régime d’assurance-maladie.
[170] Madame Cadieux discute avec les responsables chez Dollarama, après avoir reçu cet avis. Elle leur demande plusieurs fois de lui envoyer directement le formulaire de réclamation parce qu’il était impossible, en raison de ses problèmes, de communiquer avec la gérante de son magasin. Cela lui est refusé. Elle l’obtient à la suite de l’intervention de la procureure de la CNT.
[171] Le directeur RH a dû écrire à la compagnie d’assurances pour justifier le retard de madame Cadieux en raison du contexte particulier. Elle commence à recevoir des prestations d’invalidité de longue durée après l’expertise du 15 juillet 2008 commandée par la compagnie d’assurances. Elle reçoit des prestations rétroactivement, et cela, jusqu’au 21 septembre 2008.
[172] La compagnie d’assurances écrit à madame Cadieux, le 30 juillet 2008, à la suite de l’expertise. Le médecin recommande : le suivi du traitement médical avec son médecin; le transfert de magasin afin d’effectuer une reprise de travail et que Dollarama confirme le 29 juillet 2008 être en mesure de faire; un retour progressif à compter du 1er septembre 2008 et à temps plein, le 22 septembre.
[173] Le directeur RH écrit une lettre à madame Cadieux l’informant qu’elle était toujours inscrite au registre des employés de Dollarama. Il attend qu’elle se rétablisse pour qu’elle reprenne le travail. Elle doit communiquer avec lui ou la superviseure.
[174] Le 8 septembre 2008, le directeur RH écrit à la compagnie d’assurances que Dollarama a offert à madame Cadieux de travailler au magasin de sa localité il y a environ un mois. Dollarama retire cette offre parce que trop de temps s’est écoulé depuis. Dollarama propose qu’elle retourne à son magasin initial en sa présence pour faciliter sa réintégration. Madame Cadieux a engendré les mauvaises relations de travail au magasin en s’immisçant dans une situation délicate qui ne la concernait pas. Ces employés ne travaillent plus au magasin et ce conflit n’existe plus. Ainsi, le retour de madame Cadieux à ce magasin ne nuira pas à la consolidation de sa maladie et Dollarama juge qu’elle est en mesure de recommencer à travailler immédiatement.
[175] Le directeur RH explique que, n’ayant pas reçu de réponse de madame Cadieux à sa lettre, Dollarama a dû embaucher du personnel pour la rentrée scolaire à ce magasin. Il ne communique pas personnellement avec elle en raison du présent litige et de la présence de procureures.
[176] Le 19 septembre 2008, la compagnie d’assurances écrit à madame Cadieux pour l’aviser, notamment, qu’elle doit communiquer avec Dollarama pour prendre des arrangements pour sa reprise de travail ou pour l’informer de son non-retour.
[177] Madame Cadieux ne communique pas avec Dollarama. Selon l’entente, elle devait travailler au magasin de sa localité. Elle s’attendait à ce que Dollarama communique avec elle pour lui confirmer les modalités de sa reprise de travail à ce magasin. Le directeur RH et elle se voient plusieurs fois en 2008. Ils participent avec leur procureur à des séances de conciliation à la Commission et ils discutent toujours avant la première journée d’audience, le 17 septembre 2008.
[178] Le 15 octobre 2008, madame Cadieux dépose des plaintes selon les articles 122 et 124 de la loi alléguant un congédiement le 1er septembre 2008. Elle inscrit cette date parce qu’il n’y a pas eu de retour au travail ce jour-là. Elle les retire le jour de la dernière audience, le 8 décembre 2009.
[179] Après réflexion, madame Cadieux croit que tout change au travail parce qu’elle en savait trop sur les agissements douteux de ses patronnes au magasin. On la tracasse pour lui nuire.
[180] Madame Cadieux est consciente qu’elle n’a qu’un travail non spécialisé au salaire minimum chez Dollarama. Cependant, il lui convient parce qu’elle pouvait travailler 40 heures pendant les jours de la semaine et voyager avec son conjoint. Il serait difficile de trouver cet horaire dans d’autres commerces de détail qui demandent des disponibilités les soirs et la fin de semaine. Elle continue d’y travailler parce qu’elle avait besoin de sa paie et qu’elle croyait que la situation se règlerait. Elle fait tout fait pour rester au travail le plus longtemps possible pour contribuer au revenu familial. Son salaire payait l’hypothèque de la maison et son fils de 20 ans habite chez elle.
[181] Par la suite, madame Cadieux cherche un travail semblable de commis-caissière : même horaire; sa localité ou près du lieu de travail de son conjoint afin de voyager avec lui; dans un centre commercial. Ses problèmes au travail la poursuivent dans sa recherche d’emploi. Elle fait deux demandes d’emploi au début 2009. Elle remet son curriculum vitae dans un restaurant de sa localité. Elle passe une entrevue dans un commerce de détail semblable à Dollarama, mais elle n’obtient pas le travail. Elle ne cherche plus de travail.
[182] Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. Dans le présent dossier, madame Cadieux démontre, de façon prépondérante, qu’elle a été victime de harcèlement psychologique de la part de la gérante et de l’assistante-gérante du magasin de Dollarama. Elle démontre aussi que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations légales envers elle. Du point de vue d’une personne raisonnable, ce qu’elle a vécu à ce magasin va bien au-delà d’un conflit de travail ou de personnalités, de malentendus ou de perceptions non fondées. Elle n’a pas fait l’objet d’un exercice légitime d’autorité, mais d’un abus de pouvoir de la part la gérante et de l’assistante-gérante.
[183] La Commission retient la version de madame Cadieux comme la plus fiable, probante et vraisemblable. Elle l’a racontée à plusieurs intervenants depuis le dépôt de ses plaintes, mais elle revit les événements devant la Commission. D’ailleurs, mesdames Cadieux et Therrien ont peine à dissimuler leur répugnance devant les événements qu’elles ont vécus. Il est difficile de croire que madame Cadieux aurait tout inventé et serait tombée malade sans raison. D’ailleurs, l’expertise médicale de la compagnie d’assurances semble confirmer le diagnostic du médecin traitant de madame Cadieux.
[184] À l’opposé, la version de Dollarama présente des contradictions et des invraisemblances. La mémoire manquante et les négations de la gérante ne convainquent pas la Commission de la véracité de son témoignage qui est plutôt laconique. Les témoins de Dollarama ont une réputation professionnelle à protéger même si certains ont quitté l’entreprise. L’intérêt de madame Cadieux est de regagner sa dignité.
[185] Cela dit, madame Cadieux réussit à démontrer que tous les événements étaient du harcèlement psychologique. Ces événements, pris de façon globale, constituent une conduite vexatoire pendant 5 mois de février à juin 2007. Elle démontre des comportements, des paroles, des actes et des gestes répétés de la part de la gérante et de l’assistante-gérante qui sont nettement hostiles et manifestement non désirés. La conduite vexatoire a, de toute évidence, entraîné pour elle un milieu de travail néfaste qu’elle a enduré le plus longtemps possible avant de craquer. La conduite vexatoire a porté atteinte à sa dignité, à son intégrité psychologique et à son bien-être.
[186] La première manifestation de la conduite vexatoire se produit au début février 2007 avec l’incident au sujet de « madame Patricia ». La gérante dit ne pas s’en souvenir, mais cela ne veut pas dire qu’il ne s’est pas produit pour autant. Il est inconcevable que les propos et les gestes de madame Cadieux envers cette employée et ceux envers la gérante et l’assistante-gérante lors des deux rencontres avec celles-ci puissent lui valoir une telle réaction hostile et de tels gestes violents de ces deux dernières. Madame Therrien a d’ailleurs entendu le bruit d’objets lancés sur le mur lors de la deuxième rencontre.
[187] En supposant que madame Cadieux exaspérait la gérante et l’assistante-gérante avec sa façon de dire comment les choses devraient se dérouler, il n’existe aucune preuve qu’elle le fait de façon irrespectueuse de leur autorité ou pour les provoquer au cours de cet incident ou à tout autre moment. Madame Cadieux leur présente toujours un point de vue raisonnable lorsqu’elle tente de se défendre des accusations portées contre elle. La gérante et l’assistante-gérante ne veulent jamais entendre ni son point de vue ni sa version.
[188] La réaction de gérante et de l’assistante-gérante est toujours déplacée et démesurée par rapport à la nature de l’incident ou des propos de madame Cadieux. Elles ne la traitent pas de façon objective. Leur comportement envers elle est indigne de leur fonction. Il dépasse les normes, peu importe la culture du milieu de travail.
[189] Au sujet de l’incident de la mi-février 2007 en présence d’un client et du livreur de pains, il s’est vraisemblablement produit comme madame Cadieux le décrit. Elle le raconte de façon détaillée. Toute personne raisonnable serait humiliée dans les mêmes circonstances. La Commission ne retient pas la version de la gérante. D’ailleurs, sauf pour l’affirmation de celle-ci, il n’y a aucune preuve que madame Cadieux jure ou tient des propos vulgaires au sujet de sa vie intime.
[190] L’incident du retard de la pause du 2 avril 2007 n’est pas contredit. En supposant que madame Cadieux et ses collègues fumeurs accusent vraiment un retard d’une ou deux minutes ce jour-là ou dans le passé, cela ne justifie pas le comportement hostile de la gérante et de l’assistante-gérante.
[191] L’incident du 6 avril 2007 près des vestiaires est aussi non contredit. Madame Cadieux ne fait que parler à madame Therrien dans l’entrepôt au sujet de son avis disciplinaire du matin même et de la politique des caisses. Le comportement hostile, les propos menaçants et les gestes violents de l’assistante-gérante (frapper sur les vestiaires) sont nettement non mérités.
[192] La gérante et l’assistante-gérante font encore preuve d’un comportement hostile envers madame Cadieux lors de la rencontre du 6 avril 2007 pour la remise de l’avis disciplinaire au sujet du manque d’argent dans sa caisse. La gérante nie le récit de madame Cadieux. Or, si tout s’était bien passé, elle n’aurait sûrement pas fait appel à la superviseure.
[193] L’avis disciplinaire du 6 avril 2007 constitue une conduite vexatoire en soi parce qu’il est manifestement injustifié. Il s’agit d’un coup monté pour nuire à madame Cadieux. En effet, personne n’a entrepris une démarche objective pour s’assurer que le manque d’argent dans la caisse en question provenait de son erreur. Au contraire, tous corroborent le fait que plusieurs personnes peuvent utiliser la même caisse et que cela est un problème. D’ailleurs, il y a une rencontre du personnel, le 10 avril suivant, justement pour mettre fin à cette pratique.
[194] Dollarama prétend que les caissières entrent leur code personnel quand elles prennent en charge une caisse. Dans ce cas, il aurait été facile de présenter à madame Cadieux la preuve de son erreur. Mais, il n’en est pas question au cours des rencontres des 6 et 10 avril 2007 pour lui remettre l’avis.
[195] D’ailleurs, il n’existe aucune preuve probante que des vérifications ont été effectuées par quiconque avant d’émettre l’avis. Selon madame Cadieux, la gérante lui dit qu’elle a compté la caisse avec l’assistante-gérante. Selon la gérante, elle ne l’a pas comptée. Selon la superviseure, elle l’a compté avec la gérante. La gérante ne parle pas de cela et elle dit ne pas se souvenir d’une intervention de la superviseure à ce sujet. Enfin, la superviseure reconnaît que la gestion des caisses au magasin présentait des irrégularités, mais elle ne met pas en doute la parole de la gérante au sujet de l’avis disciplinaire à madame Cadieux.
[196] Dollarama prétend que la réduction des heures de travail et la modification des pauses de madame Cadieux découlent de raisons objectives : une baisse cyclique des ventes et une uniformisation des pauses. Or, il n’en est rien.
[197] En ce qui concerne la réduction des heures, le directeur RH, la superviseure et la gérante avancent qu’il y a normalement une période creuse de janvier à avril. Or, pendant cette période, madame Cadieux obtient moins d’heures pendant seulement une semaine en février et une semaine en mars. Curieusement, c’est après sa dénonciation de harcèlement psychologique à la superviseure le 10 avril 2007 que ses heures sont réduites à 30 heures par semaine ou moins pendant quatre semaines consécutives et pendant deux semaines consécutives après la rencontre du personnel du 24 mai suivant. Ceci est en dehors de la période creuse et il s’agit d’un magasin à haut rendement selon le directeur RH.
[198] Quant à la distribution des heures de travail, madame Cadieux, la superviseure et le directeur RH corroborent qu’elles sont distribuées principalement en fonction du rang d’ancienneté selon la politique de Dollarama. La gérante reconnaît qu’elle ne le fait pas. Cela va dans le sens de l’évaluation de madame Cadieux, soit que la gérante fait ce qu’elle veut en fonction de ses préférences et ses humeurs. Il est facile dans ces circonstances de camoufler bien des choses au détriment de madame Cadieux.
[199] En fonction des trois horaires produits par madame Cadieux, la gérante lui coupe effectivement trois jours en autant de semaines. Chaque fois, la même employée du groupe de la gérante, qui compte moins d’ancienneté que madame Cadieux, ou des employés nouvellement embauchés travaillent le jour. D’autres employés avec plus d’ancienneté que madame Cadieux semblent aussi travailler moins d’heures. Cependant, aucune raison objective n’est présentée pour expliquer la situation dans le cas de madame Cadieux. La perception de cette dernière que la gérante lui coupe des heures pour lui nuire n’est pas sans fondement.
[200] Par ailleurs, de toute évidence, la gérante modifie les pauses de madame Cadieux à compter du 10 avril 2007 pour l’isoler et pour lui nuire. La gérante sait pertinemment avec qui madame Cadieux prend ses pauses et qu’elle dîne toujours avec son conjoint à midi dans leur automobile. La gérante ne donne aucune raison objective pour expliquer sa décision de devancer la pause repas de madame Cadieux à 11 h 30. Elle est incapable de dire qui s’est plaint. La gérante sait aussi que madame Cadieux ne dînera pas avec elle et les autres personnes du quart matinal à 11 h 30. De fait, madame Cadieux prend sa pause repas seule dorénavant.
[201] Auparavant, la gérante envoyait le groupe de fumeurs, dont madame Cadieux fait partie, en pause ensemble l’après-midi. Cependant, elle les envoie désormais de façon séparée. Les membres de ce groupe qui dînait aussi à midi ne peuvent plus aller fumer avec elle pendant une partie de leur pause repas.
[202] Enfin, la pause du matin de madame Cadieux est éliminée. Contrairement à ce qu’avance la superviseure, ceci n’a évidemment rien à voir avec les dispositions de la loi qui prévoit une pause repas après cinq heures de travail. Les personnes qui commencent à 7 heures ont une pause avant l’ouverture du magasin bien qu’elles prennent leur pause repas quatre heures et demie plus tard à 11 h 30.
[203] La superviseure autorise les modifications effectuées par la gérante sans obtenir une explication objective de celle-ci. Elle avance qu’elle demande à la gérante de resserrer les pauses à cause de conflits invivables. Or, on ne présente aucun conflit relativement à la prise de pauses. La superviseure ne parle de conflits au magasin que plus tard en avril 2007, soit après le dépôt par l’assistante-gérante de la plainte à la police au sujet du cas de harcèlement sexuel.
[204] L’incident de la danse du 11 avril 2007, le jour après la dénonciation de madame Cadieux à la superviseure, s’est vraisemblablement déroulé comme elle l’a décrit. Des employées se réjouissent près d’elle de l’échec de sa dénonciation de la veille à la superviseure. La gérante raconte que l’incident n’avait rien à voir avec madame Cadieux. Pourtant, elle dit ne pas être présente ce jour-là et elle ne présente aucun détail sur la façon dont elle s’est informée auprès des personnes impliquées.
[205] L’incident de la photo du fils de madame Cadieux dans le journal du 25 mai 2007 n’est pas contredit. Il s’agit d’un autre exemple d’un mauvais traitement injustifié par la gérante et l’assistante-gérante.
[206] Quant aux incidents du 4 juin 2007, il n’est pas contredit que l’assistante-gérante menace de porter atteinte à l’intégrité physique de madame Cadieux. Madame Therrien et la gérante corroborent les propos que l’assistante-gérante a tenus dans l’entrepôt. Mesdames Cadieux et Therrien sont des témoins directs de l’incident avec les chariots et des propos menaçants que l’assistante-gérante a manifestement dirigés envers madame Cadieux.
[207] L’avis disciplinaire du 7 juin 2007 est aussi injustifié. Madame Cadieux aurait parlé de l’assistante-gérante avec madame Therrien le 4 juin. Or, la gérante et la superviseure n’ont pas été témoins de cette conversation et l’assistante-gérante ne l’a pas entendu non plus, selon la superviseure. La gérante et la superviseure refusent de vérifier auprès de madame Therrien le fait que madame Cadieux ne faisait qu’écouter cette dernière. Il est très étonnant que la gérante et la superviseure se fondent sur une impression de l’assistante-gérante pour émettre cet avis; la gérante venait d’entendre trois jours plus tôt les menaces de l’assistante-gérante envers madame Cadieux. Quant à madame Therrien, elle raconte en détail, en audience, le bref commentaire qu’elle a fait à madame Cadieux en entrant au travail le 4 juin. La Commission la croit quand elle dit qu’il ne concernait pas l’assistante-gérante
[208] On reproche à madame Cadieux, dans cet avis, d’avoir eu plusieurs conversations avec des employés au magasin au sujet du cas de harcèlement sexuel depuis la rencontre du 24 mai 2007. Or, il n’existe pas de preuves probantes en ce sens.
[209] En fait, madame Cadieux est isolée depuis la mi-avril 2007. Personne n’a le droit de se parler au travail depuis la rencontre du 10 avril 2007. Madame Cadieux prend ses pauses seule. La moitié des personnes avec qui elle travaille le jour ne lui parle plus, soit la « clique » de la gérante. Celle-ci reconnaît que cela est le cas depuis un moment. Parmi le groupe des fumeurs de madame Cadieux, le commis d’entrepôt démissionne le 13 avril et madame Arrelle démissionne par la suite. La gérante a vraisemblablement menacé madame Therrien à deux reprises de ne pas parler à madame Cadieux sous peine de graves problèmes : le 11 avril, le lendemain de la dénonciation de madame Cadieux dont la superviseure a informé la gérante; le 4 juin. La plupart du temps, madame Cadieux travaille dans les allées, pas sur les caisses avec madame Therrien.
[210] Les seules preuves de commérage entre les employés présentées à la gérante et à la superviseure sont les impressions de l’assistante-gérante que des employés, dont madame Cadieux, la regardent en jasant et riant ou qu’ils cessent de parler en la voyant.
[211] Par ailleurs, il n’existe aucune preuve probante que madame Cadieux était au courant de la nature de la plainte à la police mettant en cause le commis et l’assistante-gérante avant ou après le départ du commis le 13 avril 2007. La nature de la plainte n’a pas été révélée lors de la rencontre du 24 mai suivant. La superviseure elle-même témoigne qu’à la fin de cette rencontre, elle parle à madame Cadieux pour confirmer qu’il s’agissait d’une plainte sérieuse. Cependant, rien n’indique qu’elle ou madame Cadieux mentionnent la nature de la plainte lors de cet entretien.
[212] De plus, madame Cadieux n’a pas reçu une copie de l’avis du 7 juin qui mentionne la nature de la plainte. On ne sait pas si la superviseure a réellement lu l’entièreté du contenu de l’avis ou si madame Cadieux l’a entendu ou l’a compris dans son état.
[213] La superviseure dit que madame Cadieux lui donne, lors de la rencontre du 10 avril 2007, son opinion voulant que le commis soit innocent et fasse l’objet de manigances de la part de la gérante et de l’assistante-gérante. Par contre, à un autre moment, la superviseure dit que personne n’était au courant de la nature de la plainte, sauf les personnes directement concernées, avant ou après janvier 2007 ou qu’elle ne le savait pas. Plus tard, elle dit être certaine que les employés le sachent vers la fin mars ou le début avril 2007; l’information aurait coulé. Mais, elle ne l’a pas constaté elle-même sur place; c’est la gérante qui lui en parle.
[214] Quant au directeur RH, il est au magasin vers la troisième semaine avril. Il aurait appris à ce moment que tous au magasin étaient au courant du cas de harcèlement sexuel parce que l’assistante-gérante s’était confiée et que la nouvelle s’était ébruitée. Par contre, selon la superviseure et la gérante, c’est après la décision de l’assistante-gérante de déposer une plainte à la police, un ou deux jours après la visite du directeur RH, que le commérage commence et que des groupes se forment : ceux qui croient l’assistante-gérante; ceux qui ne la croient pas. Madame Cadieux ferait partie de ce dernier groupe, mais la gérante reconnaît qu’elle ne connaît pas son opinion. Or, la superviseure et le directeur RH obtiennent leur information de la gérante!
[215] Bref, en toute probabilité, madame Cadieux apprend la nature de la plainte à la police seulement vers la mi-juin 2007 lorsqu’elle joint par téléphone le commis d’entrepôt pour la première fois. Il n’existe aucune preuve probante que le commis d’entrepôt était autre chose qu’un simple collègue de travail avec qui elle prenait ses pauses. Il n’existe pas de preuve qu’elle communique avec lui après son départ le 13 avril.
[216] C’est à la fin de la rencontre du 7 juin que la gérante invite madame Cadieux à démissionner si elle est malheureuse au magasin et que la superviseure y consent par son silence. Plus tard, en juin, madame Cadieux retourne au magasin deux fois pour remettre des documents liés à sa maladie. Sachant que madame Cadieux est malade, la gérante lui répète d’autres propos hostiles voulant que sa présence au magasin soit indésirable.
[217] De février à juin 2007, la gérante et l’assistante-gérante menacent madame Cadieux et utilisent un langage et des propos injurieux, vulgaires et agressifs à son endroit. Elles crient, parlent fort et se mettent en colère. Elles posent des gestes violents : frapper la porte, le mur et les vestiaires; claquer des portes et des chariots; pointer du doigt; lancer des objets, etc. Madame Cadieux est, sans aucun doute, surveillée pendant cette période. Dans ces circonstances, il n’est pas étonnant qu’elle éprouve la peur, la panique, l’angoisse, la confusion, l’inquiétude, l’humiliation, la honte, la perte d’estime de soi, entre autres. Nécessairement, le climat de travail s’alourdit progressivement au cours de ces mois de sorte qu’elle craque le 11 juin 2007 et tombe malade; on l’a démolie.
[218] Madame Cadieux porte à la connaissance de Dollarama la conduite dont elle était victime. Étant donné que les harceleuses sont ses supérieures immédiates, elle avise leur superviseure environ deux mois après le début des hostilités. En effet, la superviseure reconnaît que madame Cadieux lui livre sa détresse et lui raconte, le 10 avril 2007, le harcèlement psychologique par la gérante et l’assistante-gérante. Madame Cadieux réitère à la superviseure qu’elle est victime de harcèlement psychologique lors de leur rencontre à la fin avril 2007 et lors de la remise de l’avis disciplinaire du 7 juin 2007, cette fois-ci devant la gérante.
[219] Dollarama n’a pas pris les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement psychologique dont était victime madame Cadieux. De toute évidence, la superviseure et le directeur RH ne l’ont jamais cru et n’ont jamais envisagé la possibilité qu’elle avait raison. Ils insistent qu’elle était une bonne employée, mais ils ont accepté la parole de la gérante et de l’assistante-gérante sans réserve et sans vérifications. Ils ont choisi de soutenir les gestionnaires du magasin au détriment de madame Cadieux.
[220] La superviseure n’a fait qu’une courte enquête superficielle après la dénonciation de madame Cadieux. Elle appelle deux employées. Il n’existe pas de preuve qu’elle leur explique la raison ou les assure d’une procédure confidentielle, impartiale et objective. Il est évident, dans ces circonstances, qu’elle ne pouvait recevoir de l’information pertinente. Elle parle à la gérante et se fie à sa parole sans vérifications. Selon la superviseure, la gérante s’est montrée étonnée de la dénonciation de madame Cadieux à ce moment parce qu’elles avaient une bonne relation. Ceci est une déclaration renversante de la part de la superviseure; elle venait de vivre l’épisode de l’avis disciplinaire du 6 avril où, manifestement, la relation entre madame Cadieux et la gérante ne pouvait être qualifiée de bonne!
[221] En fait, la superviseure alerte les harceleuses de madame Cadieux dès le lendemain de sa dénonciation. À en juger par la réaction des employées qui dansaient dans l’allée adjacente à celle où travaillait madame Cadieux, la superviseure a nécessairement informé la gérante qu’elle n’avait rien à craindre. De fait, à peine deux semaines plus tard, la superviseure avise madame Cadieux que, somme toute, elle avait mal perçu la situation et qu’elle pouvait démissionner si elle était malheureuse dans son travail au magasin. Ainsi, les harceleuses avaient la voie libre.
[222] Quant au directeur RH, son opinion est faite sur le cas de madame Cadieux dès le départ : les gens au magasin, tout comme lui, sont de bonne foi; il s’agit d’un conflit de travail dû au fait que madame Cadieux s’est immiscée dans le cas de harcèlement sexuel; il n’y avait aucun problème avant cela dans son cas. L’avis du 7 juin 2007 était justifié.
[223] Pourtant, le directeur RH n’a jamais fait d’enquête pour le vérifier. Il parle à la gérante au sujet du cas de madame Cadieux seulement un peu avant la séance de médiation à la CNT à la fin août 2007. Il entend la version de madame Cadieux pour la première fois à ce moment et il dit en être étonné. Cependant, par la suite, il ne fait toujours pas d’enquête. Il attend celle de la CNT qui lui donnera raison, croit-il. Il ne rencontre les employés du magasin qu’après cette enquête et seulement pour leur rappeler la politique contre le harcèlement de Dollarama.
[224] Ne croyant pas que madame Cadieux soit victime de harcèlement psychologique, les représentants de Dollarama se montrent importunés lorsqu’elle tombe malade de sorte que son chemin se remplit de tracasseries. Sachant que madame Cadieux est malade, la superviseure la bouscule pour la rencontrer rapidement le 15 juin 2007 pour lui remettre le formulaire d’assignation temporaire sans s’assurer, au préalable, d’un endroit convenable pour le faire. Dans les jours suivants, elle la bouscule pour obtenir le formulaire signé par son médecin. Dollarama reproche à madame Cadieux d’être intraitable au sujet du transfert de magasin. Or, elle n’était évidemment pas dans un état pour en traiter.
[225] Après le refus de l’assignation temporaire par le médecin de madame Cadieux, Dollarama, de façon tout à fait inconcevable, la sanctionne, le 26 juin 2007, en la transférant de magasin pour un motif non fondé. Selon la superviseure, la signataire de l’avis, la gérante l’informe que le comportement de madame Cadieux au travail ne s’améliore pas après l’avis du 7 juin et qu’elle continue son commérage sur les problèmes internes avec les clients et les employés au détriment du climat de travail. Pourtant, madame Cadieux n’a travaillé que les 8 et le 11 juin. Par la suite, elle est en congé de maladie, comme le sait pertinemment la superviseure. Celle-ci reconnaît qu’elle ne sait pas quand s’est produit le prétendu comportement fautif. La gérante raconte qu’elle n’a rien signalé de tel à la superviseure et qu’elle n’a reçu l’avis qu’après le fait.
[226] Par la suite, Dollarama ne prend aucune mesure particulière pour envoyer directement à madame Cadieux les formulaires pour recevoir les prestations du régime d’assurances collectives. On insiste qu’elle le demande à la gérante, sa harceleuse. Il a fallu l’intervention de la procureure de la CNT pour qu’elle les obtienne. Le directeur RH a dû réparer les pots de sorte qu’elle reçoit tardivement ses prestations.
[227] Dollarama souligne que le nom de madame Cadieux apparaît toujours au registre de ses employés. Pourtant, par sa conduite, Dollarama a rendu la réintégration de madame Cadieux impossible.
[228] La réintégration était impossible à partir du 22 septembre 2008, moment prévu de la reprise définitive du travail à la fin du congé de maladie de madame Cadieux. Rien n’empêchait Dollarama de lui présenter, à partir d’août 2008, suivant le résultat de l’expertise médicale, un travail concret au magasin de sa localité et les modalités de son retour : poste, date et heure de début, horaire, nom de la personne à contacter, etc. Rien n’indique que Dollarama tente de réserver un poste pour madame Cadieux à ce magasin. Le directeur RH ne lui en propose pas un dans sa lettre du mois d’août 2008. Alors que madame Cadieux est encore malade, il attend simplement qu’elle se manifeste et laisse le temps s’écouler. Le 8 septembre 2008, il retire l’offre d’un travail au magasin de sa localité et offre un travail dans le magasin initial alors que la gérante, sa harceleuse, y travaille toujours.
[229] La réintégration est tout autant impossible maintenant. Plusieurs des protagonistes ont quitté Dollarama, sauf pour la gérante du magasin où travaillait madame Cadieux. La Commission n’est pas convaincue que les problèmes qu’elle a vécus ne la poursuivront pas au sein de l’entreprise, peu importe le magasin où elle pourrait être assignée dans sa localité ou à Longueuil.
[230] Madame Cadieux a droit à une indemnité pour perte de salaire du 11 juin 2007 au 21 septembre 2008. Pendant cette période, elle reçoit des prestations du régime d’assurances collectives de Dollarama. Cependant, n’eût été du comportement fautif de Dollarama, elle aurait reçu son salaire. Selon l'affaire Bédard c. Minolta Business Equipment (Canada) Ltd., Minolta Québec, 2008 QCCA 1662 , paragraphe 62 :
[…] soustraire l’indemnité d’assurance collective de l’indemnité de perte de salaire reviendrait à valider le comportement fautif de l’employeur pour la période visée. L’indemnité d’assurance collective n’est pas destinée à réparer le préjudice causé par l’employeur28. En effet, les auteurs Beaudoin et Deslauriers affirment relativement au cumul d’indemnités en matière d’assurance collective, qu’il « nous paraît inéquitable de faire bénéficier l’auteur du dommage de la prévoyance de la victime […] Puisque l’assureur n’est pas légalement subrogé, la victime peut cumuler » 29. Par conséquent, l’indemnité d’assurance collective reçue par l’appelante ne doit pas entrer dans le calcul de l’indemnité pour perte de salaire.
[231] Madame Cadieux n’a pas réintégré son travail chez Dollarama à compter du 22 septembre 2008. Elle était consciente de l’impossibilité de reprendre son travail chez Dollarama. Elle dépose même des plaintes en congédiement le 15 octobre 2008 qu’elle retire par la suite. À compter du 22 septembre 2008, il n’y a aucune preuve qu’elle soit malade ou inapte à travailler ailleurs. Cependant, elle ne fait, depuis, que deux demandes d’emploi au début janvier 2009. Ses paramètres de recherche d’emploi sont tellement étroits, que les probabilités d’en trouver un sont minimes. Il n’existe pas de preuve qu’elle a tenté de chercher un emploi selon ses paramètres. Rien ne démontre qu’elle a eu des problèmes à obtenir un travail à cause de son litige avec Dollarama. Avant son travail chez Dollarama, elle s’était retirée du marché du travail pendant plusieurs années. Rien n’indique que madame Cadieux voulait se trouver un emploi à compter du 22 septembre 2008. Madame Cadieux n’a pas minimisé ses dommages. Elle n’a pas droit à une indemnité de perte de salaire pour cette période.
[232] Pour la période du 11 juin 2007 au 21 septembre 2008, son indemnité de perte de salaire doit se baser sur son horaire normal de 40 heures semaines au taux du salaire minimum. La période de janvier à juin 2007 n’est pas représentative. À cela doit s’ajouter une indemnité de vacances, qui équivaut à 4 % de son salaire, et les intérêts suivant le mode établi dans la décision Laplante c. Les publications Québécor inc., [1979] T.T. 268. Cette méthode, couramment utilisée, tient compte de l’accroissement progressif de la perte de salaire jusqu’à la date de la décision qui fait droit à la plainte. L’intérêt est appliqué à la moitié du total des salaires perdus.
[233] Madame Cadieux a droit à une indemnité de 3 000 $ pour compenser la perte de son emploi. Ce travail non spécialisé de quelques années convenait à madame Cadieux en raison de son horaire le jour en semaine et de la facilité de transport avec son conjoint. En trouver un autre semblable n’est pas évident.
[234] Madame Cadieux a droit à 10 000 $ en dommages moraux. Elle a enduré 5 mois de harcèlement psychologique au travail ce qui l’a rendue malade pendant un an et quatre mois environ. Ses difficultés au travail la poursuivent inévitablement dans sa vie à l’extérieur du travail. Elle a été obligée d’intenter des recours légaux dans le but de regagner sa dignité et de guérir sa blessure psychique qui perdure après sa maladie.
[235] La Commission accorde 5 000 $ en dommages punitifs. Dollarama est une entreprise relativement importante. Elle s’est dotée d’une politique contre le harcèlement, mais cela n’est pas suffisant. Encore faut-il être ouvert à cette malheureuse éventualité et intervenir d’une façon objective, impartiale et confidentielle, peu importe le niveau hiérarchique ou le statut du présumé harceleur.
[236] La gérante et l’assistante-gérante ont suivi une formation en matière de harcèlement psychologique, mais elles n’ont pas affiché la politique dans leur magasin. Elles ont abusé de leur autorité pour nuire à madame Cadieux pendant cinq mois en contravention à une disposition d’ordre public. Elles l’ont harcelé dans l’intention de la forcer à quitter le magasin. La gérante l’invite à le faire le 7 juin 2007. Elles l’associent au commis d’entrepôt. Sa façon d’être semble leur déplaire. Elle sait trop de choses sur ce qui se passe au magasin. Elle sait se défendre.
[237] Les représentants de Dollarama ont été avisés du problème par madame Cadieux, mais leur inaction et leur aveuglement a laissé la voie libre à ses harceleuses. Ils auraient pu agir parce que le cas du harcèlement sexuel est rapidement sorti de leurs mains : départ du commis et plainte à la police. Après le départ de madame Cadieux, leurs actions l’ont tracassée davantage alors qu’elle était malade.
[238] La Commission n’accorde pas de montant pour un soutien psychologique. Il s’est écoulé environ un an et demi depuis la fin de la maladie de madame Cadieux. Après un tel délai, il est difficile d’établir la nécessité de tels besoins sans preuve.
324 $ x 46 semaines et 3 jours = 15 098,40 $
- du 1er mai 2008 au 21 septembre 2008 :
40 heures/semaine x 8,50 $/heure = 340 $/semaine
340 $ x 20 semaines et 2 jours = 6 936,00 $
22 034,40 $
Plus, 4 % de 22 034,40 $ = 881,37 $
Sous-total 22 915,77 $
Plus, intérêts depuis le dépôt de la plainte, 14 juin 2007
- du 14 juin 2007 au 30 juin 2008, 9 % divisé par 2 = 1 079,24 $
- du 1er juillet 2008 au 31 décembre 2008, 8 % divisé par 2 = 459,57 $
- du 1er janvier 2009 au 31 mars 2009, 7 % divisé par 2 = 195,57 $
- du 1er avril 2009 au 30 juin 2009, 6 % divisé par 2 = 169,51 $
- du 1er juillet 2009 au 8 mars 2010, 5 % divisé par 2 = 392,39 $
Sous-total 2 296,28 $
TOTAL 25 212,05 $
Indemnité pour perte d’emploi : 3 000,00 $
Dommages moraux : 10 000,00 $
Dommages punitifs : 5 000,00 $
TOTAL 43 212,05 $
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE la plainte;
FIXE à 22 915,77 $ l’indemnité due à Nicole Cadieux;
FIXE à 2 296,28 $ le montant des intérêts dus à Nicole Cadieux en date de la présente décision;
ORDONNE à Dollarama S.E.C. de verser à Nicole Cadieux la somme totale de 25 212,05 $, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;
DÉCLARE qu'à défaut d'être indemnisée dans les délais prescrits, Nicole Cadieux sera en droit d'exiger de Dollarama S.E.C., pour chaque journée de retard, un intérêt sur l'indemnité due au taux fixé suivant l'article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu;
ORDONNE à Dollarama S.E.C. de verser à Nicole Cadieux, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, la somme de 3 000 $ à titre d’indemnité pour perte d’emploi, le tout portant intérêt au taux fixé suivant l’article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu à compter de la signification de la présente décision;
ORDONNE à Dollarama S.E.C. de verser à Nicole Cadieux, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, la somme de 10 000 $ à titre de dommages moraux, le tout portant intérêt au taux fixé suivant l’article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu à compter de la signification de la présente décision;
DÉCLARE qu'à défaut d'être indemnisée dans les délais prescrits Nicole Cadieux sera en droit d'exiger de Dollarama S.E.C., pour chaque journée de retard, un intérêt sur l'indemnité due au taux fixé suivant l'article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu;
ORDONNE à Dollarama S.E.C. de verser à Nicole Cadieux, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, la somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs, le tout portant intérêt au taux fixé suivant l’article 28 de la Loi sur le ministère du Revenu à compter de la signification de la présente décision.
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__________________________________ Louise Verdone |
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Me Marie-Claude Laberge |
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RIVEST, FRADETTE, TELLIER |
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Représentante de la plaignante |
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Me Suzy Chouinard |
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PRÉVOST, FORTIN, D’AOUST AVOCATS |
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Représentante de l’intimée |
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Date de la dernière audience : |
8 décembre 2009 |
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/cb
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.