Décision

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Hamel et Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

2025 QCCFP 14

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

2000182

 

DATE :

2 juillet 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Nour Salah

______________________________________________________________________

 

 

MANON HAMEL

Partie demanderesse

 

et

 

MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES, DE LA FAUNE ET DES PARCS

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 127, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

 

  1.                Le 24 février 2025, Mme Manon Hamel dépose un appel à la Commission de la fonction publique (Commission), en vertu de l’article 127 de la Loi sur la fonction publique (Loi), à l’encontre de son employeur, le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (Ministère).
  2.                Elle conteste le fait que son employeur lui rembourse les jours excédentaires de sa réserve de congés de maladie en fonction d’un traitement calculé à partir d’un horaire de 35 heures par semaine alors qu’elle travaille 40 heures par semaine.
  3.                Le 12 mai 2025, le ministère indique à la Commission qu’il soulève un moyen préliminaire fondé sur la prescription et demande le rejet du recours introduit par Mme Hamel. Selon lui, il a été soumis au-delà du délai de 30 jours prévu à l’article 3 du Règlement sur un recours en appel pour les fonctionnaires non régis par une convention collective[1] (Règlement).
  4.                Le 13 mai 2025, la Commission informe les parties qu’elle rendra une décision sur dossier relativement au moyen préliminaire et leur demande de lui soumettre, par écrit, leur argumentaire.
  5.                Le 26 mai 2025, la Commission reçoit les arguments du ministère et, le 9 juin 2025, ceux de Mme Hamel.
  6.                Cette dernière indique notamment qu’elle s’oppose au moyen préliminaire puisque personne ne la renseigne quant au délai applicable.
  7.                La Commission doit statuer sur la question en litige suivante :
  1.                La Commission répond positivement à la question et accueille le moyen préliminaire soulevé par le ministère. Elle rejette donc le recours de Mme Hamel.

CONTEXTE

  1.                Le 25 novembre 2020, Mme Hamel est embauchée au ministère. Le 10 mars 2022, elle est promue au poste d’agente de secrétariat, classe principale.
  2.            Elle travaille au bureau du sous-ministre adjoint à l’expertise et aux politiques du milieu terrestre et au développement durable. À ce titre, elle est une fonctionnaire non syndiquée.
  3.            Or, malgré le fait qu’elle ne soit pas syndiquée, les dispositions de la Convention collective de travail des fonctionnaires 2023-2028 (convention collective) s’appliquent à elle, conformément aux articles suivants de la Directive concernant les conditions de travail des fonctionnaires[2] :

1. La présente section s'applique au fonctionnaire :

[…]

classé dans l’une des classes d’emplois de la catégorie des emplois du personnel de soutien;

[…]

13. La présente section s'applique au fonctionnaire non syndiqué mentionné à l'article 1

[…]

14. S'appliquent, en les adaptant, au fonctionnaire visé à la présente section, à l'exception du régime syndical et de la procédure de règlement des griefs et d'arbitrage, les dispositions des dernières conventions collectives liant le gouvernement du Québec et :

[…]

5° le Syndicat de la fonction publique du Québec pour les unités "fonctionnaires" et "ouvriers";

[…]

  1.            L’article 9-38.30 de la convention collective permet, une fois par année, à Mme Hamel d’obtenir le paiement des journées de sa réserve de jours de congés de maladie qui excèdent vingt jours au 30 septembre de l’année en cours :

9-38.30  Le sous-ministre procède au paiement des jours à la réserve qui excèdent vingt (20), dans les situations suivantes :

a) Au 30 septembre, si la réserve de l’employé excède vingt (20) jours, cet excédent est retiré et ne peut plus être utilisé et l’employé peut, à son choix :

- recevoir une indemnité équivalant au nombre de jours de congés de maladie retirés de sa réserve. Cette indemnité est calculée sur la base du traitement applicable à l’employé au moment du paiement, lequel est effectué au cours du mois de décembre; ou

- convertir un maximum de deux (2) jours retirés de la réserve en jours de congés personnels et recevoir, le cas échéant, pour les jours résiduels retirés de la réserve, l’indemnité prévue ci-dessus. Les jours de congés convertis en congés personnels sont non monnayables, non reportables et non cumulables. Ils doivent se prendre au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre suivant leur conversion, en jour ou demi-jour, à la discrétion de l’employé. Le sous-ministre doit autoriser ce congé à l’employé dont la présence n’est pas essentielle à la bonne marche du service. Les jours ne peuvent avoir pour effet de modifier la liste des vacances au préjudice des autres employés et, si le sous-ministre ne peut autoriser la totalité des jours demandés vu les multiples demandes reçues des employés, le sous-ministre donne priorité aux employés ayant le plus d’ancienneté.[…]

  1.            C’est le ministère de la Cybersécurité et du Numérique du Québec (MCN) qui est responsable de rembourser à la première paie de décembre de chaque année, en un seul versement, au fonctionnaire qui y a droit, ces jours de maladie excédentaires.
  2.            Ainsi, ce versement a été effectué, le 12 décembre 2024.
  3.            Elle a reçu au préalable, le 5 décembre 2024, son bulletin de paie par l’entremise de la plateforme Solutions d’affaires en gestion intégrée des ressources (SAGIR) lui indiquant que ce versement serait effectué .
  4.            D’ailleurs, à la suite de la réception de son bulletin de paie sur SAGIR, elle avait des interrogations auxquelles la Direction générale des ressources humaines du ministère a répondu, par courriel, le 9 décembre 2024 :

Bonjour Mme Hamel,

 

Mme Julie Dubé m’a fait part de votre questionnement concernant le remboursement de l’excédent des 20 jours de maladie.

 

Tel qu’indiqué dans votre convention collective, le remboursement s’effectue de la façon suivante :

 

9-38.30 Le sous-ministre procède au paiement des jours à la réserve qui excèdent vingt (20), dans les situations suivantes :

 

a) Au 30 septembre, si la réserve de l’employé excède vingt (20) jours, cet excédent est retiré et ne peut plus être utilisé.

 

Une indemnité équivalant au nombre de jours de maladie retirés de sa réserve lui est payée. Cette indemnité est calculée sur la base du traitement applicable à l’employé au moment du paiement, lequel est effectué au cours du mois de décembre.

 

b) (…)

Lors du paiement de l’indemnité, le sous-ministre précise à l’employé le nombre de jours et fractions de jours de congé de maladie auquel correspond ce paiement.

 

Quant à votre traitement, celui-ci est défini comme suit à votre convention collective :

 

10-40.01 Aux fins de l’application de la présente convention collective, le traitement de l'employé s'entend de son taux de traitement annuel et, le cas échéant, du montant forfaitaire.

(…)

Le taux de traitement annuel d'un employé est le taux de l'échelle qui correspond à son classement et à son échelon, à l'exclusion de tout montant forfaitaire, majoration de traitement, supplément de traitement, rémunération additionnelle, prime, allocation ou ajustement régional, etc.

Cependant, lorsqu’à la suite de circonstances particulières, le taux de traitement de l'employé est supérieur au taux maximum de sa classe d'emplois, l'employé est hors échelle et ce taux supérieur lui tient lieu de taux de traitement annuel.

 

L'échelle de traitement est constituée par l'ensemble des taux d'une classe d'emplois et est établie sur la base d'une prestation hebdomadaire de travail de trente-cinq (35) heures. […]

[Transcription textuelle]

  1.            Le ministère soumet que Mme Hamel devait déposer son appel à la Commission dans les 30 jours de l’événement y donnant ouverture et que ce délai est de rigueur. Or, puisque l’événement contesté, soit le paiement des jours de congés de maladie, a eu lieu le 12 décembre 2024, elle a dépassé ce délai et son recours est prescrit.
  2.            Mme Hamel rétorque :

Le fait de me payer ces journées de maladie à raison de 7 heures par jour et non 8 heures contrevient à l’article 9.38.30 de la convention collective des fonctionnaires qui s’applique à moi. Il n’y a aucun article de la convention collective qui réfère à l’article 9.38.30 diminuant le nombre d’heures par jour payé. Je travaille sur un horaire de 40 heures par semaine comme inscrit sur mon bordereau de paye.

je m’oppose donc au motif du délai étant donné que de mon côté, je ne peux me référer à mon syndicat puisque je ne suis pas syndiqué, donc également personne ne m’a renseigné sur les délais applicables.

Je trouve cela anormal que des procureurs aiment mieux allez sur le motif du délai déraisonnable que sur le fond de la question.

[Transcription textuelle]

ANALYSE

  1.            L’article 127 de la Loi mentionne qu’un fonctionnaire non syndiqué peut soumettre un recours à la Commission en matière de conditions de travail :

127. Le gouvernement prévoit par règlement, sur les matières qu’il détermine, un recours en appel pour les fonctionnaires qui ne sont pas régis par une convention collective et qui ne disposent d’aucun recours sur ces matières en vertu de la présente loi.

Ce règlement établit, en outre, les règles de procédure qui doivent être suivies.

La Commission de la fonction publique entend et décide d’un appel. Le paragraphe 2° du premier alinéa de l’article 116, en ce qui concerne les règles de procédure, ne s’applique pas à cet appel.

  1.            L’article 2 du Règlement prévoit les matières pouvant faire l’objet d’un tel recours et l’article 3 précise le délai pour le déposer :

2. Un fonctionnaire qui se croit lésé peut en appeler d’une décision rendue à son égard en vertu des directives suivantes du Conseil du trésor, à l’exception des dispositions de ces directives qui concernent la classification, la dotation et l’évaluation du rendement sauf, dans ce dernier cas, la procédure relative à l’évaluation du rendement :

[…]

la Directive concernant les conditions de travail des fonctionnaires;

[…]

3. Le recours d’un fonctionnaire est formé par la transmission d’un avis écrit au sous-ministre ou au dirigeant de l’organisme dans les 30 jours de l’événement qui y donne ouverture. Ce délai est de rigueur.

Le fonctionnaire doit aussi transmettre une copie de cet avis à son supérieur immédiat ainsi qu’à la Commission de la fonction publique.

L’avis doit être signé par l’appelant et contenir son nom, son adresse, sa classe d’emplois, la mention de la directive sur laquelle se fonde son recours, ainsi qu’un exposé sommaire des faits, des motifs invoqués et des conclusions recherchées. Il est accompagné, le cas échéant, d’une copie de la décision faisant l’objet de l’appel.

[Soulignements de la Commission]

  1.            Ce délai doit impérativement être respecté, sous peine de perdre le droit de déposer un recours. Il s’agit d’un délai de prescription extinctive, même si Mme Hamel estime qu’il serait plus important de statuer sur le fond du dossier que de « s’attarder sur la procédure », le tribunal est tenu de respecter le délai prévu à l’article 3 du Règlement s’il est invoqué par la partie défenderesse.
  2.            D’ailleurs, dans la décision Bertrand[3], la Commission analyse le délai de prescription imposé par cet article 3 :

[35] La Commission traite d’abord du point de départ du calcul du délai de 30 jours de Mme Bertrand pour introduire son appel devant la Commission. Selon le libellé de l’article 3 du Règlement qui fixe ce délai, celui-ci débute avec l’événement qui donne ouverture au recours. […]

[37] Bien que l’article 3 du Règlement utilise l’expression événement qui donne ouverture à un recours, l’article 2 de ce même Règlement qui accorde ce droit de recours indique qu’un fonctionnaire qui se croit lésé peut en appeler d’une décision rendue à son égard. Selon toute vraisemblance, l’événement réfère généralement à la décision prise à l’endroit du fonctionnaire.

[38] Pour la Commission, il est manifeste que dès que Mme Bertrand prend connaissance de la note datée du 6 février 2012, soit au plus tard le 13 février 2012, selon la preuve administrée, elle est informée de la décision. La note subséquente du 8 mars 2012 ne lui apporte que quelques renseignements supplémentaires sur les codes d’absence inscrits à son dossier qui ne sont pas compilés dans le calcul de ses absences pour déterminer les deux journées de congé pour la prime d’ambiance. Selon l’auteur Pierre Martineau[…], cité récemment par la Cour d’appel[…], le point de départ de la prescription est le premier jour où le titulaire du droit aurait pu agir, le jour où il aurait pu pour la première fois prendre des mesures pour faire valoir son droit. Dans la situation de Mme Bertrand, rien ne l’empêchait, à partir du moment où elle a pris connaissance de la note du 6 février 2012, d’introduire son appel devant la Commission.

[Soulignements de la Commission]

  1.            Conséquemment, la Commission considère que le recours de Mme Hamel est prescrit depuis plus d’un mois.
  2.            En effet, peu importe le point de départ de la prescription qu’utiliserait la Commission, soit le 5 décembre 2024, lorsque Mme Hamel reçoit son bulletin de paie sur SAGIR, ou le 12 décembre 2024, tel que le propose le ministère, ou encore le 9 décembre 2024, lorsqu’elle reçoit des éclaircissements de la part de la DGRH, le délai de 30 jours prévu à l’article 3 du Règlement prend fin en janvier 2025, soit bien avant le dépôt du recours le 24 février 2025.
  3.            De plus, la Commission ne peut pas proroger ce délai, conformément à l’article 120 de la Loi, puisque Mme Hamel n’a pas fait la démonstration qu’elle a été dans l’impossibilité d’agir :

120. La Commission peut proroger un délai fixé par la loi lorsqu’elle considère qu’un fonctionnaire a été dans l’impossibilité d’agir plus tôt ou de donner mandat d’agir en son nom dans le délai prescrit.

  1.            En conséquence, le recours est prescrit et il doit être rejeté.

POUR CES MOTIFS, la Commission de la fonction publique :

ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs;

REJETTE le recours de Mme Manon Hamel.

 

 

 

                                                                      Original signé par :

 

                    

__________________________________

Nour Salah

 

 

Mme Manon Hamel

Partie demanderesse

 

Me Sarto Veilleux et Me Samuel Gendron

Procureurs du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Partie défenderesse

 

 

 

 

 

 

Date de la prise en délibéré : 10 juin 2025


[1]  RLRQ, c. F-3.1.1, r. 5.

[2]  C.T. 203262 du 31 janvier 2006 et ses modifications (R.P.G. 7141).

[3]  Bertrand et Ministère de la Sécurité publique, 2013 QCCFP 14, par. 35 et 37-38.

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