Section des affaires immobilières
En matière de fiscalité municipale
Référence neutre : 2023 QCTAQ 07146
Dossier : SAI-Q-265531-2211
Devant le juge administratif :
JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER
c.
et
APERÇU
[1] Par requête introductive d’instance, Michel Auclair conteste la valeur inscrite au rôle d’évaluation foncière de 2022-2023-2024 pour l’unité d’évaluation foncière située au [...][1], laquelle appartient à Oscar Auclair, le mis en cause.
[2] La Ville de Trois-Rivières (Ville) dépose une requête en irrecevabilité dans laquelle elle prétend que le recours est irrecevable, car la demande de révision pouvait porter uniquement sur le changement visé par le certificat de l’évaluateur et avis de modification et que la demande de révision contestant la valeur inscrite au rôle est, par conséquent, déposée hors délai.
[3] L’audience se tient par visioconférence le 14 juin 2023 devant le Tribunal administratif du Québec, Michel et Oscar Auclair sont absents, mais le procureur qui les représente tous les deux est présent. Toutes les parties ont l’opportunité de faire leurs représentations et le délibéré débute le même jour.
[4] Le Tribunal doit décider si la demande de révision du requérant a été déposée dans les délais prévus et conformément à la Loi sur la fiscalité municipale[2] (LFM), et ainsi déterminer si le recours est irrecevable.
[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal décide que le recours est irrecevable, car la demande de révision portant sur la contestation de la valeur inscrite au rôle est déposée hors délai.
CONTEXTE
[6] Le 29 août 2021, M. Oscar Auclair signe une promesse d’achat pour l’immeuble situé au [...], Trois-Rivières, laquelle est acceptée par le vendeur le 30 août 2021.
[7] À la suite de cette promesse d’achat, le notaire de M. Oscar Auclair lui indique que le vendeur ne détient pas un bon et valable titre sur la propriété et que le vendeur doit corriger la situation. Le processus de correction du titre est enclenché, mais devant les insuccès du vendeur, ce dernier et M. Oscar Auclair conviennent d’une baisse du prix de vente. Une modification de la promesse d’achat est finalisée le 28 décembre 2021.
[8] En réalisation de la promesse d’achat, M. Oscar Auclair devient propriétaire de l’unité d’évaluation lors de la signature de l’acte notarié de vente le 4 mai 2022.
[9] La Ville reçoit une copie de l’acte notarié et, le 31 mai 2022, conformément à l’article
[10] Une demande de révision de la valeur inscrite au rôle est transmise à la Ville le 25 juillet 2022 par M. Michel Auclair.
[11] Mme Jennifer Lacasse Linteau, évaluatrice agréée de la Ville, conclut que la demande de révision est non fondée, car la modification avait pour objet un changement de propriétaire et qu’il n’est pas possible de contester la valeur inscrite au rôle. Elle transmet sa réponse au requérant le 28 septembre 2022.
[12] Insatisfait de la réponse de l’évaluatrice de la Ville, M. Michel Auclair dépose une requête introductive de recours le 21 novembre 2022.
PREUVE ET ANALYSE
[13] L’article
[14] En fiscalité municipale, l’immuabilité du rôle d’évaluation foncière est un principe reconnu et très important, car il permet la stabilité des finances municipales durant un rôle triennal. Pour cette raison, le délai prévu à l’article
[15] Aucune demande de révision n’a été déposée avant le 1er mai 2022 par l’ancien propriétaire de la propriété, alors qu’aucune disposition légale ne l’empêchait de le faire.
[16] M. Oscar Auclair a reçu le certificat de l’évaluateur et avis de modification de la part de la Ville et l’article
[17] L’avis numéro M220520827 ne modifie pas la valeur de l’unité d’évaluation, et ainsi il ne permet pas la contestation de la valeur inscrite au rôle.
[18] Malgré cela, le 25 juillet 2022, M. Michel Auclair, agissant à ce moment comme mandataire de M. Oscar Auclair, dépose une demande de révision portant sur la contestation de la valeur de la propriété de M. Oscar Auclair.
[19] Cette demande de révision est déposée après le 1er mai 2022 et par conséquent, elle est déposée hors délai.
[20] Mais l’article
[21] C’est à celui qui invoque la situation de force majeure de prouver celle-ci. La jurisprudence constante est à l’effet que la situation de force majeure doit remplir quatre conditions : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité, la non-imputabilité et l’impossibilité d’exécution.
[22] M. Pierre Thiboutot, courtier immobilier et témoin de M. Oscar Auclair, témoigne que ce dernier devient propriétaire le 4 mai 2022. Il précise que l’acte notarié n’a pu être signé avant cette date dû à la procédure complexe pour obtenir une correction du titre du vendeur et aux difficultés pour fixer une date de signature de l’acte notarié.
[23] Selon la preuve, dès le 28 décembre 2021, il est évident que le problème de titre du vendeur ne se règlera pas et, en contrepartie, une réduction du prix de vente et la souscription à une assurance-titres ont été accordées par le vendeur. Ce qui laisse près de quatre mois à M. Oscar Auclair, au vendeur et au notaire pour fixer une date de rendez-vous avant le 1er mai 2022. D’ailleurs, la clause 11.1 de la promesse d’achat[4] indique que la vente devait se conclure initialement le ou avant le 8 octobre 2021. Dans son témoignage, M. Thiboutot précise que, à la suite de la modification du prix, l’acte notarié de vente est censé se signer en avril 2022. Ainsi selon la preuve, dès août 2021, M. Oscar Auclair envisage de signer l’acte de vente avant le 1er mai 2022.
[24] Dès le 28 décembre 2022, M. Oscar Auclair peut finaliser l’acte de vente et devenir propriétaire avant le 1er mai 2022. Il n’était donc pas dans l’impossibilité d’agir.
[25] Aucun élément ni motif contenu dans le témoignage de M. Thiboutot ne s’apparente à une situation de force majeure. Les décisions constantes du Tribunal sont à l’effet qu’un changement de propriétaire n’est pas une situation de force majeure[5].
[26] Son offre d’achat et la modification de celle-ci étant signées avant l’entrée en vigueur du rôle, M. Oscar Auclair pouvait déposer une demande de révision de la valeur inscrite au rôle pour sa nouvelle propriété qu’il était en voit d’acquérir et ce à tout moment entre le 1er janvier 2022 et le 1er mai 2022.
[27] La jurisprudence[6] reconnait qu’une promesse d’achat donne au promettant-acquéreur un intérêt suffisant pour contester la valeur[7]. Il ne l’a pas fait et sa méconnaissance de cet aspect n’est pas une situation de force majeure.
[28] Concernant l’argument subsidiaire de la partie intimée, si par hypothèse nous étions en présence d’une situation de force majeure, ce qui n’est pas le cas en l’espèce selon l’état actuel du droit et de la jurisprudence, M. Oscar Auclair aurait eu 60 jours suivant la signature de l’acte notarié[8] pour déposer sa demande de révision[9]. Cette demande est déposée 82 jours après la signature de l’acte de vente et ainsi, elle demeure hors délai.
[29] En conséquence, en l’absence de situation de force majeure, le Tribunal conclut que la demande de révision a été déposée hors délai et que, par conséquent, le recours est irrecevable.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE la requête en irrecevabilité de l’intimée ;
REJETTE le recours du requérant ;
LE TOUT sans frais de justice.
| JEAN-FRANÇOIS LÉCUYER, j.a.t.a.q. |
[1] Matricule 7936-58-3328.
[2] RLRQ, chapitre F-2.1.
[3] Article
[4] Pièce RI-001.
[5] Charlotte Morin c. Bouchette (Municipalité de)
Heights (Municipalité de)
[6] Marc-Aurèle Sylvain c. Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu
[7] Article
[8] Dans cette hypothèse, la signature de l’acte notarié de vente est la fin de la situation de force majeure.
[9] Article
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.