Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Brien c. Service piscine Pat-Rick inc.

2022 QCCQ 3435

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

JOLIETTE

« Chambre civile »

 :

705-32-702172-203

 

 

 

DATE :

2 mai 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU

JUGE PATRICK

 CHOQUETTE, J.C.Q.

 

 

 

______________________________________________________________________

 

KARINE BRIEN

ET

JEAN-GUY BRIEN

Demandeurs

c.

SERVICE PISCINE PAT-RICK INC.

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Invoquant la garantie légale de qualité, Karine Brien et Jean-Guy Brien (les demandeurs[1]) réclament la somme de 4 143,34 $ à la suite de la rupture de la toile de leur piscine et l’affaissement de sa structure, moins de deux ans après son installation.

[2]                Service piscine Pat-Rick Inc. (la défenderesse) conteste la demande au motif que le bris est survenu « en raison d’un dégât naturel causé par l’hiver ».

Les questions en litige

  1. Quelle est la cause du bris de la piscine?
  2. Les demandeurs ont-ils droit aux sommes réclamées?

Le contexte

[3]                En avril 2018, Jean-Guy Brien et sa fille, Karine Brien, constatent que la toile de la piscine hors terre de la résidence familiale doit être remplacée. La piscine compte environ 10 ans d’usure.

[4]                Ils achètent une toile de remplacement chez la défenderesse pour la somme de 769,18 $.

[5]                Lors de la livraison de la toile, l’installateur constate que la structure de la piscine a atteint sa durée de vie et doit être remplacée. Jean-Guy Brien et Karine Brien retournent chez la défenderesse pour y faire l’acquisition de toutes les autres composantes de la piscine, sauf le moteur et le filtreur, au coût de 3 511,34 $[2].

[6]                Le 6 avril 2020, Karine Brien constate que la toile est fissurée à sa base sur presque toute la longueur[3]. Elle envoie des photos de la toile Patrick Dinelle, le dirigeant de la défenderesse[4].

[7]                Après quelques relances téléphoniques, un représentant de la défenderesse vient visualiser l’état de la piscine le 16 avril 2020. Il suggère à Karine Brien d’aviser ses assureurs et que la défenderesse lui vendra une nouvelle piscine, la toile et la structure étant hors d’usage.

[8]                Karine Brien demande à ce que la défenderesse remplace la piscine à ses frais.

[9]                Invoquant le contexte de la COVID-19 et la fermeture des installations du fournisseur, la défenderesse n’est pas en mesure d’accéder à sa demande.

[10]           Dans la mise en demeure du 15 mai 2020, les demandeurs somment la défenderesse de procéder au remplacement de la piscine par une piscine neuve équivalente ou, à défaut, de payer la somme de 3 511,34 $[5].

[11]           Dans sa réponse du 22 mai 2020, Patrick Dinelle, pour la défenderesse, expose que la toile est sectionnée sur plusieurs pieds en raison de la pression de la glace. Il s’agit de déchirures et non de joint mal soudé, ce qui n’est pas couvert par la garantie.

[12]           Selon la défenderesse, « c’est un dégât naturel causé par l’hiver »[6].

[13]           Dans les jours suivants, Karine Brien demande l’opinion d’un représentant de Piscines Rive-Nord inc., qui, au vu des photographies confirme que la piscine n’est pas récupérable et doit être remplacée.

[14]           Le 29 mai 2020, les demandeurs achètent une nouvelle piscine équivalente pour installation vers la mi-juillet au prix de 4 129,90 $.

Analyse

[15]           Les demandeurs ont le fardeau d’établir le bien-fondé de leur réclamation par une preuve prépondérante[7] :

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

[16]           En matière de recours basé sur la garantie de qualité, l’article 1729 du Code civil du Québec prévoit :  

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de mêmes espèces; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

[17]           Service piscine Pat-Rick inc. est un vendeur professionnel selon la loi.

[18]           S’agissant en l’espèce de contrat de consommation entre les parties, la Loi sur la protection du consommateur [8] (la LPC) facilite l’établissement de cette preuve en ajoutant aux dispositions du Code civil du Québec relatives à la garantie des qualités la règle suivante :

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[19]           Ces dispositions allègent le fardeau du consommateur qui n’est pas tenu de faire une preuve directe d’un vice caché, mais doit plutôt démontrer que le bien n’a pas servi pendant une durée raisonnable compte tenu des critères énumérés à l’article 38 de la LPC[9].

[20]           Selon Patrick Dinelle, la garantie du manufacturier sur la toile est un remplacement complet pour la première année et d’une durée de cinq ans au prorata alors que la garantie pour la structure est de 25 ans.

[21]           À ce sujet, la Cour d’appel écrivait dans Association pour la protection des automobilistes inc. c. Toyota Canada inc.[10]:

[34] Finalement, le Code civil permet aux parties de modifier la garantie légale ou d'en moduler l'exécution (art. 1732 C.c.Q.). La garantie légale est alors supplantée par une garantie conventionnelle dans la mesure prévue par les lois applicables; ainsi, le vendeur professionnel ne peut exclure sa responsabilité pour les vices de titre ou de qualité qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer (art. 1733 C.c.Q.).

III. L'encadrement des garanties par la LPC :

[35] La LPC contient de nombreuses dispositions en matière de garantie qui complètent le Code civil ou l'écartent.

[36] D'abord, la LPC précise le contenu de la garantie légale et en interdit la réduction (art. 37, 38, 53, 159, 164, 176, 181). La garantie conventionnelle doit donc être au moins aussi avantageuse que la garantie légale; elle est ainsi complémentaire à la garantie légale qui ne peut être écartée (Nicole L'Heureux, Droit de la consommation, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2000, p. 78; Pierre-Gabriel Jobin, précité, p. 259 et 262).

[22]           En l’occurrence, les dommages à la piscine sont survenus après deux saisons d’utilisation soit à l’intérieur de la période de garantie contractuelle. Il ne s’agit certes pas non plus d’un usage normal pendant une durée raisonnable et sa détérioration est survenue prématurément par rapport à des biens de même nature.

  1. Quelle est la cause du bris de la piscine?

[23]           Selon Patrick Dinelle, deux hypothèses peuvent engendrer ce type de dommages soit :

  • une mauvaise procédure de fermeture de la piscine;
  • la présence d’une fissure dans la toile qui abaisse le niveau de l’eau graduellement lors de l’hiver causant l’affaissement du bloc de glace pour ainsi rompre la toile.

[24]           Quant à la procédure de fermeture, Patrick Dinelle a entendu le témoignage du conjoint de Karine Brien, Monsieur Jocelyn Audet, et confirme que cette procédure est tout à fait conforme. Le dommage ne résulte pas d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur (1729 C.c.Q.).

[25]           La possibilité d’une fissure dans la toile demeure une hypothèse qui n’est ni appuyée par la preuve, ni par une expertise.

[26]           Avec respect pour l’opinion de Monsieur Dinelle qui témoigne de façon sincère « qu’il s’agit de dégât naturel causé par l’hiver », ce moyen n’est pas une défense acceptable.

[27]           Les piscines hors terre existent depuis des décennies et les hivers québécois depuis encore plus longtemps. Si elles ne sont pas conçues pour affronter les rigueurs prévisibles d’un hiver canadien et qu’elles deviennent inutilisables après deux saisons, il s’agit alors de biens qui ne respectent pas la garantie de durabilité prévue à l’article 38 de la LPC.

  1. Les demandeurs ont-ils droit aux sommes réclamées?

[28]           Les demandeurs réclament la somme de 4 129,90 $ soit le coût de remplacement et l’installation pour la nouvelle piscine.

[29]           La doctrine et la jurisprudence établissent qu’en cas de perte totale d’un bien, la victime a droit à des dommages-intérêts qui correspondent au coût de remplacement du bien, moins la dépréciation[11].

[30]           Il n’y a pas de preuve directe en lien avec la durée de vie utile d’une piscine hors terre de 21 pieds comme celle vendue par la défenderesse.

[31]           Toutefois, le Tribunal retient de la preuve les éléments suivants :

  • les demandeurs ont eu leur ancienne piscine pour une période d’environ 10 ans;
  • la toile de la piscine vendue par la demanderesse est garantie cinq ans par le manufacturier;
  • la structure de la piscine vendue par la demanderesse est garantie 25 ans par le manufacturier;
  • les demandeurs ont eu l’usage de la piscine vendue par la demanderesse de juin 2018 à la fin de la saison estivale 2019.

[32]           Le Tribunal évalue que dans ces circonstances, et en l’absence de preuve contraire, une dépréciation de 20 % du coût de remplacement est raisonnable et conforme aux principes d’indemnisation à la suite de la perte du bien vendu.

[33]           En conclusion, le Tribunal accorde des dommages-intérêts de 4 129,90 $ - 20% soit la somme de 3 304 $[12].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]           ACCUEILLE en partie la demande;

[35]           CONDAMNE Service piscine Pat-Rick inc. à payer à Jean-Guy Brien et Karine Brien conjointement 3 304 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la demeure soit le 22 mai 2020;

[36]           CONDAMNE Service piscine Pat-Rick inc. au paiement des frais judiciaires limités à la somme de 153,44 $ soit 140 $ représentant les droits de greffe quant au dépôt de la demande et 13,44 $ pour les frais de mise en demeure.

 

 

__________________________________

PATRICK CHOQUETTE, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

14 février 2022

 


[1] La référence au patronyme des parties ou aux termes partie demanderesse/partie défenderesse a pour seul but d’alléger le texte et ne doit pas être considérée comme une marque de discourtoisie.

[2] P-1.

[3] P-2.

[4] P-4.

[5] P-5.

[6] P-6.

[7] Code civil du Québec.

[8] RLRQ c P-40.1.

[9] Fortin c. Mazda Canada inc. 2016 QCCA 31.

[10] 2008 QCCA 761 (CanLII), 2008-04-24.

[11] Deslauriers, P. et Préville-Ratelle, E. L'indemnisation résultant d'une atteinte à un bien Collection de droit 2021-2022, Volume 5, Responsabilité 2021 EYB2021CDD98; Daelman c. Sirois, 2022 QCCQ 110.

[12] Arrondi.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.