Décision

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Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Giroux

2025 QCCDBQ 053

CONSEIL DE DISCIPLINE

BARREAU DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Nos :

06-24-03466

 

DATE :

3 juin 2025

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me GEORGES LEDOUX

Président

Me JULIE BOURDUAS

Membre

Me DAVID ROBITAILLE

Membre

______________________________________________________________________

 

Me FRANÇOIS ROBILLARD, en sa qualité de syndic ad hoc du Barreau du Québec

Plaignant

c.

Me MARIE-HÉLÈNE GIROUX

Intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 C. PROF., LE CONSEIL A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DES NOMS DES CLIENTS DE L’INTIMÉE MENTIONNÉS LORS DE L’AUDIENCE, DANS LA PREUVE DOCUMENTAIRE AINSI QUE DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE ET LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL.

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 C. PROF., LE CONSEIL A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DE LA DEMANDERESSE D’ENQUÊTE, ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE SA VIE PRIVÉE.

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 C. PROF., LE CONSEIL A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DE TOUT RENSEIGNEMENT CONCERNANT LES PROCÉDURES DE DIVORCE IMPLIQUANT L’INTIMÉE, ET CE, AFIN D’ASSURER LA PROTECTION DE SA VIE PRIVÉE.

  1.                Le 16 janvier 2024, le plaignant, en sa qualité de syndic ad hoc, porte une plainte contre l’intimée comportant quatre chefs.
  2.                Suivant ces quatre chefs, il est reproché à l’intimée, dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte déposée à l’encontre de l’honorable Manlio Del Negro, j.c.q., (le juge Del Negro, j.c.q.) devant le Conseil de la magistrature du Québec (le CMQ), d’avoir :
  • Manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux (chef 1);
  • Manqué à son devoir d’agir en tout temps avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie (chef 2);
  • Transmis des commentaires faux ou qu’elle devrait savoir faux (chef 3);
  • Induit ou tenté d’induire en erreur le tribunal, en transmettant ou communiquant des commentaires qu’elle savait faux ou devait savoir faux (chef 4).
  1.                Les auditions sur culpabilité ont lieu les 12, 13 et 14 mars 2025 et le dossier est pris en délibéré le 14 mars 2025.

QUESTION EN LITIGE

  1.                Le Conseil doit répondre à la question en litige suivante :
  • Le plaignant s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels des chefs 1 à 4 de la plainte portée contre l’intimée ?

PLAINTE

  1.                Dans le présent dossier, la plainte portée contre l’intimée est libellée en ces termes :
  1. À Montréal, entre le ou vers le 17 octobre 2020 et le 19 octobre 2021, dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte déposée à l’encontre de l’Honorable Manlio Del Negro par l’Intimée devant le Conseil de la magistrature du Québec, a manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux, en s’attaquant gratuitement à l’intégrité dudit juge, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 111 du Code de déontologie des avocats;
  2. À Montréal, entre le ou vers le 17 octobre 2020 et le 19 octobre 2021, dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte déposée à l’encontre de l’Honorable Manlio Del Negro par l’Intimée devant le Conseil de la magistrature du Québec, a manqué à son devoir d’agir en tout temps avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 4 du Code de déontologie des avocats;
  3. À Montréal, entre le ou vers le 17 octobre 2020 et le 19 octobre 2021, dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte déposée à l’encontre de l’Honorable Manlio Del Negro par l’Intimée devant le Conseil de la magistrature du Québec, a transmis des commentaires faux ou qu’elle devrait savoir faux, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 19 du Code de déontologie des avocats;
  4. À Montréal, entre le ou vers le 17 octobre 2020 et le 19 octobre 2021, dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte déposée à l’encontre de l’Honorable Manlio Del Negro par l’Intimée devant le Conseil de la magistrature du Québec, a induit ou tenté d’induire en erreur le tribunal, en transmettant ou communiquant des commentaires qu’elle savait faux ou devrait savoir faux, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 116 du Code de déontologie des avocats;

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions;

[Transcription textuelle]

CONTEXTE

  1.                Le plaignant témoigne et produit une preuve documentaire[1].
  2.                L’intimée témoigne et produit aussi une preuve documentaire[2].
  3.                Il est admis par l’intimée que celle-ci était inscrite au tableau du Barreau du Québec (le Barreau) aux dates visées par la plainte et qu’elle est actuellement inscrite au tableau. L’intimée est avocate depuis novembre 1989.
  4.                Le 4 juin 2022, une demanderesse d’enquête transmet une demande d’enquête au Bureau du syndic du Barreau à l’endroit de l’intimée, concernant sa conduite à l’égard du juge Del Negro, j.c.q., lors des auditions des 28 juin, 5 juillet et 17 décembre 2019 ainsi que relativement aux commentaires formulés à son endroit dans le cadre d’une enquête menée par le Comité d’enquête du Conseil de la magistrature du Québec (le CECMQ).
  5.            Me Nicolas Bellemare, syndic adjoint du Barreau, après enquête, décide de ne pas porter plainte à la suite de la demande d’enquête précitée[3].
  6.            Le 20 décembre 2022, la demanderesse d’enquête demande la révision de cette décision auprès du Comité de révision des plaintes du Barreau[4].
  7.            Le 13 mars 2023, le Comité de révision des plaintes rend une décision concluant qu’il y a lieu de porter plainte contre l’intimée et de nommer un syndic ad hoc à cette fin.
  8.            Le 14 avril 2023, le Conseil d’administration du Barreau du Québec désigne le plaignant à titre de syndic ad hoc[5].
  9.            Il décide de porter une plainte comme mentionné précédemment.
  10.            Le 23 novembre 2023, le plaignant en informe la demanderesse d’enquête[6] ainsi que l’intimée[7].
  11.            Le Conseil reprend les principaux éléments de la preuve administrée dans le cadre de son analyse pour chacun des quatre chefs de la plainte disciplinaire portée contre l’intimée, chefs qui découlent essentiellement de la même trame factuelle.

ARGUMENTATION DU PLAIGNANT

  1.            Le plaignant est d’avis qu’il a fait la démonstration que l’intimée a commis les manquements reprochés dans le cadre des quatre chefs de la plainte portée contre elle.
  2.            Par la plainte portée contre le juge Del Negro, j.c.q., au CMQ ainsi que par les commentaires qu’elle formule lors de la rencontre du 9 juillet 2020 avec Me Emmanuelle Rolland (Me Rolland), avocate qui assiste le CECMQ, le plaignant plaide que l’intimée attaque l’intégrité et la réputation du juge. Le plaignant ajoute que les reproches adressés par l’intimée au juge Del Negro, j.c.q., sont graves et sérieux.
  3.            Tout en ne partageant pas l’avis de Me Bellemare, syndic adjoint du Barreau, concernant le caractère privé des commentaires formulés par l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021[8], le plaignant laisse au Conseil le soin de décider si ces commentaires ont un caractère public ou privé[9].
  4.            Le plaignant produit des autorités au soutien de sa position[10].

ARGUMENTATION DE L’INTIMÉE

  1.            L’intimée plaide qu’elle doit être acquittée des quatre chefs de la plainte portée contre elle.
  2.            Elle estime que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir qu’elle a commis les infractions qui lui sont reprochées. Elle demande au Conseil de considérer que les commentaires qu’elle a formulés concernant le juge Del Negro, j.c.q., ne constituent pas une faute revêtant une gravité suffisante pour constituer une faute disciplinaire[11].
  3.            Sur le premier chef de la plainte, l’intimée plaide que tout avocat peut contester la décision rendue par un juge en estimant qu’il a fait preuve de partialité, et ce, nonobstant la forte présomption d’impartialité reconnue aux juges et aux décideurs par les tribunaux supérieurs.
  4.            Un avocat peut faire une plainte au CMQ, et ce, sans contrevenir à son obligation de soutenir l’autorité des tribunaux. Jugeant mal fondés les propos tenus à son endroit par le juge Del Negro, j.c.q,[12], elle décide de contester ce jugement en déposant une requête en certiorari et en prohibition.
  5.            L’intimée rappelle qu’elle fournit des réponses aux questions de Me Rolland et qu’elle a agi de bonne foi et sincérité comme elle le relate au syndic adjoint du Barreau[13].
  6.            Elle collabore à l’enquête du CECMQ comme le prévoient les articles 263 à 268 de la Loi sur les tribunaux judiciaires[14].
  7.            L’intimée rejette les prétentions du plaignant suivant lesquelles elle s’est attaquée gratuitement à l’intégrité du juge.
  8.            Quant au second chef de la plainte, l’intimée juge que ce reproche n’est pas fondé puisque la preuve ne démontre pas qu’elle a manqué à son devoir d’agir avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie à l’endroit du juge Del Negro, j.c.q.
  9.            Elle souligne de nouveau que l’avocat ne contrevient pas à l’article 4 du Code de déontologie des avocats en déposant une requête en certiorari contestant une condamnation aux frais et ensuite une plainte au CMQ.
  10.            En regard du chef 3 de la plainte, l’intimée plaide qu’elle n’a pas transmis des commentaires faux ou qu’elle devait savoir faux. Par ailleurs, les commentaires formulés en réponse aux questions de Me Rolland ne constituent pas des commentaires publics visés par l’article 19 du Code de déontologie des avocats. Ils ont été formulés dans un contexte privé et non dans un contexte public.
  11.            Enfin, concernant le chef 4 de la plainte, l’intimée soutient qu’elle n’a jamais induit en erreur ou tenté d’induire en erreur le CECMQ dans le cadre de la plainte portée contre le juge Del Negro, j.c.q., ou par les commentaires formulés aux questions posées par Me Rolland. Considérant le libellé de l’article 116 du Code de déontologie des avocats, et que cette disposition est invoquée sur le chef 4 de la plainte, une preuve d’intention est requise, ce que le plaignant n’a pas démontré.
  12.            Par ailleurs, elle ajoute que les commentaires qu’elle formule ne sont pas faux. Elle reconnaît que ces commentaires représentent ou constituent une hypothèse, une façon de répondre aux questions posées par Me Rolland ou de trouver une réponse à celles-ci.
  13.            Ce chef d’infraction doit donc être rejeté et elle doit être acquittée.
  14.            L’intimée produit des autorités au soutien de sa position[15].

ANALYSE

  1.            Le Conseil doit répondre à la question en litige suivante :
  •        Le plaignant s’est-il déchargé de son fardeau de preuve concernant les éléments essentiels des chefs 1, 2, 3 et 4 de la plainte portée contre l’intimée ?

Les dispositions légales

  1.            Les dispositions invoquées dans le cadre des quatre chefs de la plainte sont les suivantes :

Code de déontologie des avocats[16]

Chef 1

111. L’avocat sert la justice et soutient l’autorité des tribunaux. Il ne peut agir de manière à porter préjudice à l’administration de la justice.

Il favorise le maintien du lien de confiance entre le public et l’administration de la justice.

Chef 2

4. L’avocat agit avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie.
Chef 3

19. L’avocat ne doit pas, directement ou indirectement, publier, diffuser, communiquer ou transmettre un écrit ou des commentaires faux ou qu’il devrait savoir faux ou aider quiconque à agir ainsi.

Chef 4

116. L’avocat ne doit pas induire ou tenter d’induire le tribunal en erreur.

Fardeau de la preuve

  1.            Le Conseil doit décider si le plaignant s’est déchargé du fardeau de preuve qui lui incombe, à savoir de présenter une preuve claire et convaincante de la culpabilité de l’intimée relativement aux quatre chefs de la plainte disciplinaire modifiée portée contre elle.
  2.            La Cour d’appel[17] nous rappelle l’étendue de ce fardeau de preuve :

[66]  Il est bien établi que le fardeau de preuve en matière criminelle ne s’applique pas en matière civile. Il est tout aussi clair qu’il n’existe pas de fardeau intermédiaire entre la preuve prépondérante et la preuve hors de tout doute raisonnable, peu importe le « sérieux » de l’affaire. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, a explicitement rejeté les approches préconisant une norme de preuve variable selon la gravité des allégations ou de leurs conséquences.

[67]  Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.

[68]  Comme le rappelle la Cour suprême, « [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités.

[Références omises]

  1.            Le Conseil doit également tenir compte de l’arrêt de la Cour d’appel dans Tremblay c. Dionne[18], qui souligne que les éléments essentiels d’un chef d’une plainte disciplinaire ne sont pas définis par son libellé, mais par les dispositions du Code de déontologie ou des règlements auxquels le professionnel aurait contrevenu. Le Conseil devra, par conséquent, décider de la culpabilité ou de l’acquittement de l’intimée en fonction de chacune des dispositions invoquées.

[84]  D'une part, les éléments essentiels d'un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions du code de déontologie ou du règlement qu'on lui reproche d'avoir violées (Fortin c. Tribunal des professions, 2003 CanLII 33167 (QC CS), [2003] R.J.Q. 1277, paragr. [136] (C.S.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Béchard c. Roy, précité; Sylvie POIRIER, précitée, à la p. 25).

  1.            Par ailleurs et comme le Tribunal des professions l’enseigne, la partie plaignante n’a pas à prouver toutes les allégations d’un chef d’infraction pour que la partie intimée soit trouvée coupable de ce chef d’infraction[19].

La gravité suffisante de la faute disciplinaire

  1.            Dans son jugement rendu dans Gruszczynski[20], le Tribunal des professions écrit concernant la qualification de la faute commise ce qui suit :

[47]  Il faut distinguer le comportement souhaitable du comportement acceptable, comme l’écrit le Tribunal des professions dans Architectes (Ordre professionnel des) c. Duval :

[11] Comme le soulignait le procureur de l'intimée, il faut distinguer en droit disciplinaire entre le comportement souhaitable et le comportement acceptable. La faute déontologique naît d'un comportement qui se situe en dessous du comportement acceptable. Un professionnel peut avoir une conduite qui s'éloigne du comportement souhaitable sans être inacceptable. Dans ce cas, il ne commet pas de faute déontologique.

  1.            Dans Florea c. Baldassare[21], le conseil de discipline du Barreau a appliqué ce principe en précisant :

[…] qu’étant donné qu’une plainte risque d’entacher ou de nuire à la réputation d’un professionnel, il faut que les reproches formulés par le plaignant soient sérieux et présentent une certaine gravité.

  1.            Il faut donc distinguer le comportement souhaitable du comportement inacceptable ainsi que celui qui revêt un certain critère de gravité[22].
  2.            Dans une décision rendue en 2019 par le conseil de discipline du Barreau du Québec dans l’affaire Goldwater[23], ces principes ont été repris et sont résumés ainsi :

[50]  Dans Clément-Ball c. Heft, le conseil de discipline du Barreau a également rejeté une plainte portée contre un avocat tout en jugeant qu’il avait mal jugé la situation :

[52]  L’incident est regrettable. L’intimée a très mal jugé la situation : le plaignant n’est pas un tiers étranger, mais la partie adverse dans deux (2) dossiers très chauds.

[53]  Ce faisant, a-t-il commis un geste dérogatoire?

[54]  La faute dérogatoire doit avoir un certain caractère de gravité. Or, l’intimée a posé un geste que l’huissier déclare habituel, même si la signification est irrégulière. C’est pourquoi, si l’interlocuteur accepte la procédure, il la lui laisse en écrivant « sur instruction de l’avocat ».

[55]  Il pourrait à la rigueur s’agir d’un cas limite, mais le Comité ne croit pas que le geste rencontre les critères de la faute déontologique tels qu’établis par le Tribunal des professions.

[Références omises]

Chefs 1, 2, 3 et 4

  1.            Le Conseil examine la preuve administrée par le plaignant sur chacun des chefs 1 à 4 de la plainte disciplinaire portée contre l’intimée.
  2.            Le Conseil constate, suivant le libellé des quatre chefs de la plainte disciplinaire, que ceux-ci visent la période comprise entre le 17 octobre 2020 et le 19 octobre 2021, soit entre la date du dépôt de la plainte de l’intimée au CMQ et la décision du CECMQ qui a rejeté la plainte portée par l’intimée contre le juge Del Negro, j.c.q.
  3.            Suivant ces quatre chefs, il est reproché à l’intimée :
  • D’avoir manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux (chef 1, Code de déontologie des avocats, art. 111);
  • D’avoir manqué à son devoir d’agir en tout temps avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie (chef 2, Code de déontologie des avocats, art. 4);
  • D’avoir transmis des commentaires faux ou qu’elle devrait savoir faux (chef 3, Code de déontologie des avocats, art. 19);
  • D’avoir induit ou tenté d’induire en erreur le tribunal, en transmettant ou communiquant des commentaires qu’elle savait faux ou devait savoir faux (chef 4, Code de déontologie des avocats, art.116).
  1.            Le Conseil analyse de façon globale la preuve applicable aux quatre chefs de la plainte afin de déterminer si celle-ci démontre que l’intimée a commis les infractions qui lui sont reprochées.
  2.            Dans les jours précédents le 28 juin 2019, soit le ou vers le 25 ou 26 juin 2019, l’intimée accepte le mandat de représenter un accusé contre qui pèsent plusieurs accusations.
  3.            À cette occasion, elle doit prendre la relève de Me Stéphanie Bisaillon-Auclaire (Me Auclaire) qui doit cesser d’occuper. À cette fin, cette dernière doit présenter une demande devant le juge Del Negro, j.c.q.
  4.            L’intimée demande à une stagiaire de son bureau de se présenter à la Cour le 28 juin 2019 devant le juge Del Negro, j.c.q.
  5.            En raison d’un imbroglio qui est expliqué lors de l’audition ainsi que lors de l’enquête menée par Me Nicolas Bellemare, syndic adjoint du Barreau, l’intimée croit à tort que les dossiers de l’accusé inscrits sur le rôle du 28 juin 2019 sont fixés pro forma et non pour procès.
  6.            En raison de l’absence de Me Auclaire qui est l’avocate représentant l’accusé et de l’intimée, le juge Del Negro, j.c.q., doit reporter ce procès. Au passage, le juge Del Negro, j.c.q., constate que ce procès a déjà été remis à trois reprises.
  7.            Le juge Del Negro, j.c.q., informe la stagiaire de cette situation et demande que l’intimée se présente devant lui.
  8.            Une fois informée de la position du juge Del Negro, j.c.q., et pour les motifs expliqués à Me Bellemare, syndic adjoint du Barreau, l’intimée se présente devant ce dernier seulement à 14 h 30 et tente de lui fournir des explications.
  9.            Se déclarant insatisfait des explications fournies par l’intimée concernant son absence ou sur le fait qu’elle déclare qu’elle n’est pas prête à procéder, le juge Del Negro, j.c.q., statue qu’elle est en partie responsable de cette remise et fixe au 5 juillet 2019 la tenue d’une audition pour déterminer s’il doit la condamner au paiement de frais de 1 000 $[24].
  10.            Il formule aussi des commentaires concernant la conduite de Me Auclaire qui représente l’accusé et fixe aussi au 5 juillet 2019 la tenue d’une audition pour déterminer si cette dernière doit être condamnée pour outrage au tribunal en raison de son absence entraînant la remise de l’audition fixée le 28 juin 2019.
  11.            Lors de l’audition du 5 juillet 2019, le juge Del Negro, j.c.q., entend les représentations de Me Auclaire qui est citée pour outrage au tribunal[25] et de l’intimée pour la citation pour frais[26].
  12.            Le juge Del Negro, j.c.q., reporte au 17 décembre 2019 son jugement concernant les citations précitées.
  13.            Le 17 décembre 2019, l’intimée se présente à la salle où siège le juge Del Negro, j.c.q. Ce dernier préside un procès qui a débuté la veille et qui se poursuit. Elle attend à l’arrière de la salle d’audience. Ne souhaitant pas interrompre les débats, elle quitte la salle avec l’intention d’y revenir au début de l’après-midi[27].
  14.            Au cours de l’avant-midi du 17 décembre 2019, le juge de la Cour du Québec décide de la citation pour outrage à l’endroit de Me Auclaire qui représente l’accusé avant qu’elle ne dépose une requête pour cesser d’occuper. Il l’acquitte d’outrage au tribunal.
  15.            En après-midi, l’intimée se présente devant le juge pour fournir ses explications.
  16.            Après avoir entendu les explications et les représentations de l’intimée au cours de l’après-midi du 17 décembre 2019, le juge Del Negro, j.c.q., fixe la date du 19 avril 2020 pour rendre son jugement concernant la condamnation aux frais de l’intimée. Cette audition pour rendre jugement est reportée au 4 juin 2020[28].
  17.            Le 4 juin 2020, le juge Del Negro, j.c.q., condamne l’intimée au paiement de frais de 1 000 $[29].
  18.            Lorsque ce jugement est rendu, l’intimée n’est pas présente. Elle déclare à Me Bellemare, syndic adjoint du Barreau, qu’elle ne souhaite pas être présente pour ainsi « ne pas donner satisfaction au juge » de prononcer cette condamnation pour frais en sa présence[30], car elle savait que ce jugement serait rendu contre elle.
  19.            Le 15 juin 2020, l’intimée dépose devant la Cour supérieure une Requête en certiorari et en prohibition à la Cour supérieure contestant le jugement rendu par le juge Del Negro, j.c.q.[31].
  20.            Dans cette requête, l’intimée allègue notamment que le juge décrit sa conduite le 28 juin 2019 comme de « l’irresponsabilité professionnelle »[32] et elle formule divers reproches du juge critiquant sa conduite[33].
  21.            Les principaux griefs de l’intimée se retrouvent au paragraphe 45 de cette requête dans laquelle elle allègue que le juge Del Negro, j.c.q., a mené contre elle une procédure de citation pour frais sans respecter les garanties procédurales applicables. Plus spécifiquement, elle affirme que le juge a excédé sa compétence en la privant de son droit à une audition impartiale[34].
  22.            Le juge Del Negro, j.c.q., précise qu’il est en présence d’une faute contributive de l’intimée et de Me Auclaire, avocate de l’accusé[35]. Il ajoute que des fautes ont été commises à l’égard de l’administration de la justice[36].
  23.            Le 23 septembre 2020, le juge Marc-André Blanchard, j.c.s., accueille la Requête en certiorari et en prohibition déposée par l’intimée et casse le jugement rendu par le juge Del Negro, j.c.q.
  24.            Dans son jugement du 23 septembre 2020, le juge Blanchard, j.c.s., écrit notamment ce qui suit concernant la position de l’avocate du DPCP[37]:

[…]

[24] Cependant, elle reconnaît à l’audience que cette façon de procéder du juge d’instance constitue un accroc à l’équité procédurale.

[25] Elle ajoute que l’octroi d’un remède par la voie du bref de prohibition demeure discrétionnaire et que la jurisprudence justifie d’écarter ce moyen.

[26] Le Tribunal ne peut en convenir.

[27] Avec égards, de tout cela une seule conclusion s’impose d’emblée : la conduite du juge d’instance constitue un manquement clair et sérieux aux règles de justice naturelle. Point besoin d’épiloguer longuement pour conclure que le fait de décider de procéder dans un dossier où le magistrat cite lui-même à comparaître deux avocates devant lui pour savoir s’il doit les condamner à payer des dépens pour leurs comportements dans un dossier qu’il préside, alors qu’il débute l’audition, entend la preuve d’une des deux parties, en l’occurrence celle d’Auclaire en l’absence de Giroux, et qu’il se sert ensuite de ce témoignage pour évaluer la conduite et la crédibilité de cette dernière, constitue un manquement à la règle audi alteram partem et à l’équité procédurale.

[…]

[41] Cependant, celle-ci requiert du Tribunal qu’il émette une ordonnance à l’endroit de celui-ci pour lui interdire de continuer d’agir dans ce dossier à son égard. Il n’apparaît pas utile d’y donner suite. Le jugement du Tribunal casse le jugement en cause et le juge d’instance se trouve functus officio à tous égards à l’endroit de Giroux dans ce dossier.

[42] En conclusion, le Tribunal croit nécessaire d’ajouter que le présent jugement ne porte pas sur le comportement de Giroux, mais uniquement sur des constatations à l’égard de la procédure suivie en première instance.

[Références omises]

  1.              Le 17 octobre 2020, l’intimée dépose une plainte contre le juge Del Negro, j.c.q., au CMQ[38].
  2.              Le 28 octobre 2020, elle transmet une lettre au directeur exécutif du CMQ[39].
  3.              Le 27 janvier 2021, le CECMQ statue quant à la recevabilité de la plainte déposée par l’intimée et décide qu’une enquête doit être conduite[40].
  4.              À la demande de Me Rolland qui assiste le CECMQ, l’intimée la rencontre le 9 juillet 2021[41]. Diverses notes sont prises par Me Rolland durant cette rencontre[42].
  5.              Le Conseil y revient ultérieurement dans son analyse puisque ces notes comportent les commentaires formulés par l’intimée qui lui sont reprochés par le plaignant.
  6.              Me Rolland confirme dans une lettre transmise à Me Bellemare, syndic adjoint du Barreau, que les notes prises lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec l’intimée n’étaient pas destinées à être produites devant le CECMQ[43].
  7.              Elle précise qu’à la suite d’une décision rendue le 27 mai 2021 par le CECMQ sur une demande préliminaire de l’avocat du juge Del Negro, j.c.q., les notes de la rencontre du 9 juillet 2021 sont transmises à ce dernier[44].
  8.              Me Rolland ajoute que ces notes sont produites devant le CECMQ à la demande de l’avocat du juge Del Negro, j.c.q.[45].

Chef 1– Avoir manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux en s’attaquant gratuitement à l’intégrité du juge Del Negro, j.c.q., dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte à l’encontre dudit juge (Code de déontologie des avocats, art. 111)

  1.              Le Conseil rappelle que la preuve administrée par les parties est commune sous les quatre chefs de la plainte portée contre l’intimée quoique chacun des chefs prend appui sur une disposition de rattachement différente.
  2.              Les commentaires qui sont reprochés à l’intimée au chef 1 de la plainte sont ceux formulés lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland. Parmi ces commentaires, l’intimée mentionne que le juge Del Negro, j.c.q.[46] :
  • Était un ami de son ex-mari (tous deux étaient criminalistes et membres de la communauté italienne);
  • Aurait de l’animosité à son égard, notamment en raison d’un divorce difficile entre Me Giroux et son ex-mari;
  • A tenté de la piéger et l’a prise par surprise et ne lui a pas donné l’occasion de faire les vérifications qui s’imposent à son agenda;
  • L’avait déjà jugée avant même de l’entendre le 17 décembre 2019;
  • La décision était déjà prise;
  • Le 17 décembre 2019, il a tout fait pour l’ignorer;
  • A procédé en son absence et n’a fait aucune démarche pour qu’elle soit présente devant lui pendant le témoignage de Me Auclaire;
  • Lorsque Me Giroux se présente en après-midi, il était agressif et arrogant à son égard et lui coupait la parole;
  • Elle ne s’est pas présentée à la lecture du jugement du 4 juin 2020, car elle savait qu’elle serait condamnée et ne voulait pas donner cette satisfaction au juge;
  • Lors de la lecture du jugement le 4 juin 2020, il aurait été très méprisant dans sa lecture des motifs.
  1.              Sur le premier chef de la plainte, le Conseil procède à une analyse pour déterminer le contexte des propos tenus par l’intimée et si ceux-ci constituent une faute disciplinaire. Cette analyse s’applique aussi pour les chefs 2, 3 et 4 de la plainte.
  2.            Il importe aussi de souligner que dans notre système de justice, le droit à une audition devant un juge impartial est d’une importance fondamentale. Ce droit est en lien avec le maintien du respect et de la confiance des justiciables dans l’administration de la justice.
  3.            Les tribunaux, notamment la Cour suprême, soulignent qu’une allégation de crainte de partialité met en cause non seulement l’intégrité de la personne du juge, mais également celle de l’administration de la justice dans son ensemble[47].
  4.            Dans l’arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada[48], la Cour suprême enseigne que l’impartialité d’un juge doit être présumée. Il appartient à la partie qui demande sa récusation d’établir que les circonstances permettent de conclure à la nécessité de sa récusation.
  5.              Cela dit, un avocat peut, pour des motifs jugés suffisants, déposer une demande de récusation ou même déposer une plainte contre un juge au CMQ.
  6.              Le plaignant plaide que les commentaires de l’intimée lors de sa rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland peuvent être qualifiés de gratuits et qu’ils attaquent l’intégrité du juge. De surcroît, il estime que ces commentaires ou propos peuvent être qualifiés de choquants.
  7.            Il ajoute que ces commentaires ont acquis un caractère public lorsque les notes prises par Me Rolland ont été produites devant le CECMQ.
  8.              Le Conseil juge que de façon générale, les allégations contenues dans la Requête en certiorari et en prohibition[49] déposée par l’intimée le 15 juin 2022 comportent des motifs qui sont soulevés de façon légitime dans le cadre d’une plainte invoquant la partialité du juge Del Negro, j.c.q., et le remède recherché, soit l’annulation de la condamnation aux déboursés de 1 000 $. Il ne s’agit pas d’allégués ne soutenant pas l’autorité des tribunaux.
  9.              On peut affirmer que les explications fournies par l’intimée devant le juge Del Negro, j.c.q., lors de l’audition du 5 juillet 2019 concernant son absence le 28 juin 2019 sont pour le moins ambiguës et imprécises. Celles-ci expliquent en grande partie la réaction du juge Del Negro, j.c.q. En effet, l’intimée éprouve des difficultés à fournir des explications claires et non équivoques sur son emploi du temps le 28 juin 2019.
  10.              Afin de statuer sur la culpabilité ou l’acquittement sur le chef 1 de la plainte portée contre l’intimée, le Conseil juge important de procéder à une analyse de la liberté d’expression pouvant être exercée par tout avocat, et ce, avec les limites qui ont été définies par les tribunaux supérieurs.
  11.              Le rappel des principes concernant la liberté d’expression pouvant être exercée par un avocat s’avère utile pour déterminer si les commentaires de l’intimée formulés à une réponse de Me Rolland constituent un manquement de l’intimée à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux.
  12.              Le Conseil rappelle que la liberté d’expression d’un avocat comporte le droit de faire une plainte au CMQ contre un juge et de formuler des motifs au soutien de celle-ci.
  13.              Dans l’arrêt Doré[50], la Cour suprême a établi que la liberté d’expression d’un avocat doit s’exercer dans le contexte de ses obligations professionnelles tout en ajoutant qu’elle n’est pas illimitée.
  14.                Dans Harrison[51] et sur la même question, le Tribunal des professions résume l’analyse du conseil de discipline en ces termes :

[14] Le Conseil estime devoir tenir compte des enseignements de la Cour suprême dans les arrêts Doré et Groia dans le cadre de son analyse de l’infraction reprochée à l’appelant.

[15] Il décrit brièvement le contexte de ces deux arrêts et leur incidence sur l’évaluation de la conduite de l’appelant.

[16] En ce qui concerne l’affaire Doré, le Conseil écrit :

[59] La Cour suprême conclut que la liberté d’expression d’un avocat doit s’exercer dans le contexte de ses obligations professionnelles tout en ajoutant qu’elle n’est pas illimitée.

[60] Par ailleurs, le conseil de discipline conserve le pouvoir discrétionnaire d’évaluer la conduite d’un avocat, mais doit l’exercer dans une mise en balance raisonnable de la liberté d’expression de l’avocat et de ses obligations déontologiques.

[17] Pour le Conseil, la méthode d’analyse proposée par la Cour suprême dans l’arrêt Groia permet la pondération entre le respect des obligations déontologiques et le droit à la liberté d’expression. Il s’exprime ainsi :

[75] Malgré ces conclusions, les instances disciplinaires ont le pouvoir d’apprécier et d’évaluer la conduite d’un avocat et cela ne restreint en rien « l’importance de la civilité dans l’exercice de la profession juridique et le besoin correspondant de cibler les comportements qui nuisent à l’administration de la justice et à l’équité des procès».

[76] Suivant l’arrêt de la Cour suprême dans Groia, le Conseil peut utiliser la méthode appliquée par les instances disciplinaires du Barreau de l’Ontario qui a été jugée adéquate pour déterminer la responsabilité déontologique de l’intimé, méthode qui est qualifiée de souple et précise.

[77] Selon la Cour suprême, cette méthode d’analyse permet une mise en balance proportionnée du mandat de l’ordre professionnel de déterminer et faire respecter les règles de civilité et le droit à la liberté d’expression de l’avocat.

(Références omises)

[18] Il analyse les précédents soumis par les parties afin de déterminer si les propos reprochés à l’appelant « s’écartent fortement des valeurs fondamentales inhérentes à cette liberté d’expression dont bénéficient les avocats ».

[19] À la lumière de l’étude de ces précédents et de la méthode d’analyse souple et précise suggérée dans Groia, le Conseil conclut de la façon suivante :

[107]  Même en accordant un seuil suffisamment élevé de marge de manœuvre à l’intimé pour défendre les intérêts de son client comme le propose la Cour suprême, le Conseil est d’avis que les remarques adressées par l’intimé au juge Claude Champagne, j.c.s., accusant directement le Tribunal, en salle d’audience, de manquer à son devoir d’impartialité, constituent une attaque injustifiée envers l’intégrité du juge et de l’institution judiciaire.

[108] Cette conclusion tient compte du climat tendu qui existait au moment des faits sans toutefois relever l’avocat de son obligation déontologique de soutenir l’autorité des tribunaux et d’afficher en tout temps une conduite respectueuse envers la magistrature et les avocats.

[109] Un avocat peut évidemment présenter une requête en récusation d’un juge s’il estime nécessaire ou opportun de le faire, mais en formulant les allégations d’une telle requête dans le respect de ses obligations déontologiques.

[…]

[113] Sans ignorer les réalités propres à ces procès criminels, tout plaideur doit cependant garder à l’esprit son devoir de respecter toutes ses obligations déontologiques.

[114] Le Conseil est d’avis que l’intimé devait adopter un comportement d’une civilité transcendante et utiliser des mots différents pour exposer son point de vue au juge Claude Champagne, j.c.s., ce qu’il n’a pas fait. Même dans les circonstances où il se trouvait, l’intimé pouvait défendre les intérêts de son client et faire valoir son point de vue sans porter atteinte à l’autorité des tribunaux.

[Références omises]

  1.              Le Tribunal des professions conclut en ces termes[52] :

[43]  En l’espèce, le Conseil a correctement appliqué la grille d’analyse énoncée dans l’arrêt Groia en fonction du contexte particulier du dossier et en lien avec l’infraction déontologique reprochée à l’appelant. Il a également soupesé les enjeux liés à la liberté d’expression et à l’importance de défendre avec vigueur l’intérêt de son client.

  1.                Dans la décision récemment rendue dans Fradette[53], le conseil de discipline du Barreau énonce ce qui suit concernant la liberté d’expression de l’avocat, analyse qui s’avère pertinente pour les fins du présent débat :

[101] Suivant l’analyse de la Cour suprême dans l’affaire Groia, afin de déterminer si par leur nature les propos de l’intimé sont potentiellement constitutifs de faute déontologique, le Conseil doit évaluer s’ils ont été dits de bonne foi et sont raisonnablement fondés.

[102] Dans l’affaire Groia, la Cour suprême établit que la norme relative au fondement raisonnable n’est pas un critère exigeant. Ainsi, les allégations qui contestent l’intégrité d’un avocat, mais qui sont basées sur une opinion juridique sincère, bien qu’erronée, ne constituent pas un manquement professionnel, pour autant que cette contestation repose sur un fondement factuel suffisant, de telle sorte que si l’opinion juridique avait été correcte, la contestation aurait été justifiée.

[103] Le Conseil doit situer dans le temps la déclaration de l’intimé faite le 12 octobre 2021, et plus précisément, l’étape du dossier à laquelle elle survient.

[Références omises]

[Soulignements ajoutés]

  1.                Le Tribunal des professions rappelle que le conseil de discipline conserve le pouvoir discrétionnaire d’évaluer la conduite d’un avocat, mais doit l’exercer dans une mise en balance raisonnable de la liberté d’expression de l’avocat et de ses obligations déontologiques[54].
  2.              Comme le soulignent les autorités commentées précédemment par le Conseil, l’avocat bénéficie d’une liberté d’expression, laquelle est cependant balisée comme l’a décidé la Cour suprême dans les arrêts Doré et Groia.
  3.          Le Conseil souligne qu’une justice de qualité et l’indépendance des tribunaux doivent être préservées par la possibilité pour un avocat, de déposer une demande de récusation ou une requête en certiorati pour contester le jugement d’un juge.
  4.          Lorsque la liberté d’expression de l’avocat est exercée avec cette réserve, le Conseil est d’avis que l’avocat peut exercer son droit à la liberté d’expression et formuler une plainte contre un juge au CMQ lorsqu’il a des motifs raisonnables de le faire.
  5.       Il en serait autrement d’une plainte portée à des fins vexatoires, dans l’intention de nuire, de mauvaise foi ou si elle est faite de façon frivole ou gratuite, ce qui n’est pas le cas en l’espèce selon le Conseil.

Le caractère public ou privé des commentaires de l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland

  1.          Le Conseil doit déterminer le caractère public ou privé des commentaires formulés par l’intimée aux questions qui lui sont posées par Me Rolland lors de la rencontre du 9 juillet 2021.
  2.          Le Conseil juge qu’il faut tenir compte du contexte prévalant au moment où ces commentaires sont formulés en réponse aux questions posées par Me Rolland.
  3.          Devant le Conseil, l’intimée indique que lors de cette rencontre avec Me Rolland, elle répond à des questions de cette dernière et que ses réponses constituent une hypothèse pour tenter d’expliquer la conduite du juge Del Negro, j.c.q., à son endroit, puisqu’elle ne trouve aucune autre explication.
  4.            L’intimée déclare qu’elle ne sait pas, à ce moment, que ses commentaires peuvent être utilisés dans un contexte public ou éventuellement être produits lors d’une audition devant le CECMQ.
  5.          Ces notes sont transmises au juge Del Negro, j.c.q., dans le cadre de l’examen de la plainte portée contre lui, et ce, considérant l’obligation de divulgation de la preuve. Elles sont ensuite produites lors de l’audition devant le CECMQ.
  6.          Selon la preuve, Me Rolland écrit à Me Bellemare, syndic adjoint du Barreau, que les commentaires de l’intimée formulés lors de la rencontre du 9 juillet 2019 ne sont pas une « communication publique »[55].
  7.          À la lumière de la preuve résumée précédemment, il appert que les commentaires formulés par l’intimée contenus dans les notes du 9 juillet 2021 préparées par Me Rolland n’étaient pas destinés à être produits ni à devenir publics[56].
  8.          Que ces notes aient ensuite été rendues publiques lors de l’audition devant le CECMQ par l’avocat du juge Del Negro, j.c.q., ne changent ni ne modifient pas la nature et le contexte où ces commentaires sont formulés par l’intimée en présence de Me Rolland.
  9.          L’intimée explique que le jugement rendu le 28 septembre 2020 par le juge Blanchard, j.c.s., constitue le fondement de la plainte qu’elle dépose ensuite, soit le 17 octobre 2020 au CMQ contre le juge Del Negro, j.c.q.
  10.          Vu la preuve retenue et analysée, le Conseil décide qu’il n’est pas en présence de commentaires publics formulés par l’intimée. Ils ont été formulés dans un contexte privé comme l’a d’ailleurs décrit Me Rolland[57].
  11.          Pour ce premier motif, le Conseil juge que la preuve administrée par les parties ne permet pas de conclure que l’intimée a fait défaut de soutenir l’autorité des tribunaux en répondant aux questions posées par Me Rolland.
  12.          Un autre motif conduit aussi à l’acquittement de l’intimée sous le premier chef de la plainte.
  13.          Le Conseil doit analyser soigneusement les commentaires formulés par l’intimée concernant le juge Del Negro, j.c.q., lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland.
  14.          Le Conseil examine certaines autorités en lien avec l’article 111 du Code de déontologie des avocats pour évaluer si, par ses commentaires, l’intimée n’a pas soutenu l’autorité des tribunaux.
  15.          À première vue, les commentaires de l’intimée formulés lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland ne sont pas de la même gravité que ceux tenus par l’avocate Blais comme ils sont rapportés dans une décision rendue par le Conseil de discipline du Barreau du Québec où celle-ci est déclarée coupable d’avoir manqué à son devoir de servir la justice et de soutenir l’autorité des tribunaux, le tout contrairement à l’article 111 du Code de déontologie des avocats[58], comme libellé ci-dessous :

Chef 1 :

[…] Je vais me permettre de dire, et je l’assume, je l’ai écrit avant de… et j’ai consulté mon client sur le dernier propos, nous assumons, et j’ai reçu le mandat de vous le dire, votre comportement, en tant que juge de la Cour supérieure du Québec, ne sert ni l’intérêt de la justice, ni la confiance du justiciable que vous vous devez de préserver.

Si vous voulez – mais, là, c’est moi qui rajoute une phrase – si vous voulez me condamner à un outrage au Tribunal, comme vous l’avez indiqué dans un courriel le vingt-trois (23) juin, et qui est passible d’emprisonnement, ça sera votre choix. (Pages 22 et 23 de la transcription de l’audition)

Chef 2

Dans une demande d’autorisation d’appel à la Cour Suprême du Canada (dossier numéro 39592), Me Blais a manqué à son devoir de servir la justice et de soutenir l’autorité des tribunaux et agi de manière à porter préjudice à l’administration de la justice en écrivant plusieurs commentaires

Le premier commentaire est le suivant : Nous sommes ici devant un juge de première instance qui a retiré du jugement de la Cour supérieure du Québec (de son jugement) des éléments importants et même cruciaux de la preuve qui fut soumise au procès; ce faisant, il rendait injustice. […] (Page 67, paragraphe 2)

[7 extraits de commentaires sont omis]

  1.            En regard du premier chef de la plainte, le conseil de discipline du Barreau du Québec décide que Me Blais a agi de manière à miner le lien de confiance entre le public et l’administration de la justice.
  2.          Le conseil de discipline du Barreau du Québec en arrive à la même conclusion dans la décision Robert-Blanchard[59] où l’avocate formule des commentaires concernant un juge. Elle publie sur la page Facebook du groupe « Amis criminalistes » ce qui suit à propos d’un membre de la magistrature:

J’ai toujours su qu’il n’allait pas bien, mais cette fois-ci le Conseil de la magistrature doit demander un examen psychiatrique.

  1.          Plusieurs autres décisions concernant des propos tenus par un avocat à l’endroit d’un juge ou de la Cour ont été rendues, lesquels statuent quant à la culpabilité d’avocats pour des propos irrespectueux tenus devant le juge, dans des procédures déposées à la Cour ou dans des lettres adressées au juge[60].
  2.          Ces divers cas présentent également une conduite objectivement plus grave des avocats impliqués que dans le dossier à l’étude.
  3.          Qu’en est-il des commentaires de l’intimée ?
  4.          Parmi les commentaires formulés par l’intimée, le Conseil retient notamment son affirmation que le juge Del Negro, j.c.q., est un ami de son ex-conjoint et que le juge a de l’animosité à son endroit en raison de son divorce difficile.
  5.          Il faut aussi citer ses commentaires concernant l’agressivité ou l’arrogance du juge Del Nelgro, j.c.q., ou qu’il était méprisant lors de son jugement du 4 juin 2020, lesquels ne s’avèrent pas fondés à la lumière du rapport du 17 décembre 2021 du CECMQ qui rejette la plainte de l’intimée[61].
  6.          Le Conseil a déjà décidé que tous les commentaires de l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021 sont formulés dans un contexte privé[62].
  7.          Revêtent-ils une gravité suffisante pour constituer une faute disciplinaire et ainsi contrevenir à l’article 111 du Code de déontologie des avocats ?
  8.          Appliquant les enseignements des tribunaux dans les affaires Gruszczynski[63], Duval[64], Malo[65], Bilodeau[66] et Gilbert[67] et mêmes si ces commentaires formulés dans un contexte privé sont inopportuns, mal avisés ou imprudents et qu’ils ne constituent pas le comportement souhaitable d’un avocat, le Conseil décide qu’il n’est pas en présence d’une conduite dont la gravité est suffisante pour constituer une faute déontologique.
  9.          Pour les divers motifs énoncés précédemment, sur le chef 1 de la plainte et à la suite de l’analyse de la preuve, le Conseil décide que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et qu’il n’a pas présenté une preuve prépondérante pour entraîner une déclaration de culpabilité de l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 111 du Code de déontologie des avocats pour avoir manqué à son devoir de soutenir l’autorité des tribunaux.

Chef 2 – Avoir manqué à son devoir d’agir en tout temps avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte à l’encontre du juge Del Negro, j.c.q. (Code de déontologie des avocats, art. 4)

  1.          À la suite de l’analyse de la preuve déjà résumée en regard du premier chef de la plainte qui n’est pas reproduite intégralement, le Conseil retient ce qui suit concernant le chef 2 de la plainte.
  2.          Sous le chef 2 de la plainte, le Conseil reprend la même analyse réalisée sous le chef 1 concernant les commentaires formulés par l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021.
  3.          Le Conseil a déjà décidé que les commentaires de l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021 sont formulés dans un contexte privé[68].
  4.          Revêtent-ils une gravité suffisante pour constituer une faute disciplinaire et ainsi contrevenir à l’article 4 du Code de déontologie des avocats ?
  5.          Appliquant les enseignements des tribunaux dans les affaires Gruszczynski[69], Duval[70], Malo[71], Bilodeau[72] et Gilbert[73] et mêmes si ces commentaires formulés dans un contexte privé sont inopportuns, mal avisés ou imprudents, le Conseil décide qu’il n’est pas en présence d’une conduite dont la gravité est suffisante pour constituer une faute déontologique.
  6.          Conséquemment et sur le chef 2 de la plainte, le Conseil décide que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et qu’il n’a pas présenté une preuve prépondérante pour entraîner une déclaration de culpabilité de l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 4 du Code de déontologie des avocats pour ne pas avoir agi avec honneur, dignité, intégrité, respect, modération et courtoisie.

Chef 3 – Avoir transmis des commentaires faux ou qu’elle devait savoir faux dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte à l’encontre du juge Del Negro, j.c.q. (Code de déontologie des avocats, art. 19)

  1.          À la suite de l’analyse de la preuve déjà résumée en regard du premier chef de la plainte qui n’est pas reproduite intégralement, le Conseil retient ce qui suit concernant le chef 3 de la plainte.
  2.          Le Conseil a déjà décidé que les commentaires de l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021 sont formulés dans un contexte privé[74].
  3.          Revêtent-ils une gravité suffisante pour constituer une faute disciplinaire et ainsi contrevenir à l’article 19 du Code de déontologie des avocats ?
  4.          Appliquant les enseignements des tribunaux dans les affaires Gruszczynski[75], Duval[76], Malo[77], Bilodeau[78] et Gilbert[79] et mêmes si ces commentaires formulés dans un contexte privé sont inopportuns, mal avisés ou imprudents, le Conseil décide qu’il n’est pas en présence d’une conduite dont la gravité est suffisante pour constituer une faute déontologique.
  5.          Il s’agit d’un premier motif pour acquitter l’intimée du chef 3 de la plainte.
  6.          Le Conseil constate que le chef 3 de la plainte comporte comme disposition de rattachement l’article 19 du Code de déontologie des avocats.
  7.          Le Conseil doit donc procéder à l’analyse de la preuve administrée par les parties afin de statuer si la disposition précitée trouve application.
  8.       À cette fin, le Conseil retient la décision rendue dans l’affaire Miller[80] et cite les extraits suivants :

[110] Le mot public est défini dans le Dictionnaire Larousse comme suit : « 1. Relatif à une collectivité, par opposition à privé : Intérêt public. […] 4. Qui est commun, à l'usage de tous, accessible à tous : Jardin public. 5. Qui est manifeste, notoire, qui n'a pas un caractère privé ». Dans le USITO- Le dictionnaire, il est défini comme « 1. Relatif à une collectivité, à une population. Ordre public. Opinion publique. Ennemi public.(…) 4. Connu de tous, notoire. De notoriété publique. Information rendue publique. 5. Accessible à tous, mis à la disposition de la population (…). ».

[111] Le Conseil voit difficilement comment Me J.C. pourrait constituer à lui seul le « public » qui reçoit une communication publique aux termes du titre de la Section III du Code de déontologie des avocats.

[112] Au surplus, les mots précis de l’article 19 du Code de déontologie, qui incluent « publier » et « diffuser », renvoient cet article au titre de la Section III et à la nécessité que le faux écrit ait un caractère public. Or, en l’espèce, le courriel a été transmis à Me J.C. seul, et n’était pas public.

[113] Pour toutes ces raisons, le Conseil acquitte l’intimé sous cet article.

[Références omises]

  1.            La même analyse écartant l’application de l’article 19 du Code de déontologie des avocats est reprise par le conseil de discipline dans la décision Marsolais[81] pour une plainte reprochant deux infractions à une avocate d’avoir transmis à la syndique adjointe une lettre contenant des informations les sachant ou devait les savoir fausses fondées notamment sur la disposition précitée (chefs 5 et 6).
  2.            Le Conseil retient que le libellé de l’article 19 du Code de déontologie des avocats se trouve dans la section III dudit Code Communications publiques et qu’il comporte les motifs « publier » et « diffuser ». Il est donc nécessaire que le faux écrit ait un caractère public.
  3.          Considérant la décision du Conseil concernant la nature privée des commentaires formulés par l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021, l’article 19 du Code de déontologie des avocats ne trouve pas application dans le dossier à l’étude.
  4.          Pour ce second motif, l’intimée doit aussi être acquittée du chef 3 de la plainte portée contre elle.
  5.          Pour ces motifs, le Conseil décide que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et qu’il n’a pas présenté une preuve prépondérante pour entraîner une déclaration de culpabilité de l’intimée sous l’article 19 du Code de déontologie des avocats pour avoir directement ou indirectement, publié, diffusé, communiqué ou transmis un écrit ou des commentaires faux ou qu’il devait savoir faux ou aider quiconque à agir ainsi.

Chef 4 – Avoir induit ou tenté d’induire en erreur le Tribunal, soit le CECMQ dans le cadre du processus d’enquête d’une plainte à l’encontre du juge Del Negro, j.c.q. (Code de déontologie des avocats, art. 116)

  1.          À la suite de l’analyse de la preuve déjà résumée en regard du premier chef de la plainte qui n’est pas reproduite intégralement, le Conseil retient ce qui suit concernant le chef 4 de la plainte.
  2.          Sous le chef 4 de la plainte, le Conseil reprend la même analyse réalisée sous le chef 1 concernant les commentaires formulés par l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021.
  3.          Le Conseil a déjà décidé que les commentaires de l’intimée lors de la rencontre du 9 juillet 2021 sont formulés dans un contexte privé[82].
  4.          Revêtent-ils une gravité suffisante pour constituer une faute disciplinaire et ainsi contrevenir à l’article 111 du Code de déontologie des avocats ?
  5.          Appliquant les enseignements des tribunaux dans les affaires Gruszczynski[83], Duval[84], Malo[85], Bilodeau[86] et Gilbert[87] et même si ces commentaires formulés dans un contexte privé sont inopportuns, mal avisés ou imprudents, le Conseil décide qu’il n’est pas en présence d’une conduite dont la gravité est suffisante pour constituer une faute déontologique
  6.          Pour le Conseil, il s’agit d’un premier motif pour acquitter l’intimée du chef 4 de la plainte.
  7.          Pour statuer sur le chef 4 de la plainte et suivant plusieurs autorités[88], le Conseil doit analyser la preuve pour l’infraction reprochant à l’intimée d’avoir induit en erreur ou d’avoir tenté d’induire le Tribunal, et ce, en considérant qu’une preuve d’intention blâmable est requise.
  8.          D’autre part, il existe un second motif pour acquitter l’intimée du chef 4 de la plainte portée contre elle.
  9.          Comme mentionné précédemment, le Conseil souligne que l’infraction reprochée à l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 116 du Code de déontologie des avocats requiert une preuve d’intention comme l’a décidé le conseil de discipline du Barreau dans l’affaire Roberge où il exprime l’avis suivant [89]:

[39] L’article 116 du Code de déontologie reprend essentiellement le libellé de l’article 3.02.01 de l’ancien Code de déontologie, libellé ainsi :

3.02.01. Les actes suivants, entre autres, contreviennent à l’obligation d’agir avec intégrité :

[…]

c) induire ou tenter d’induire le tribunal en erreur ou, par des moyens illégaux, créer le doute en faveur du client;

[…]

[40] Dans l’affaire Vaillancourt, le Tribunal des professions (le Tribunal) énonce que le libellé de l’article 3.02.01 c) du Code de déontologie requiert du plaignant la preuve d’un élément intentionnel accompagnant l’utilisation du moyen pris pour induire ou tenter d’induire le tribunal en erreur.

[41] Il revient donc au plaignant de faire la preuve d’un élément intentionnel ou d’une intention blâmable de l’intimé lorsqu’il fait ses représentations devant le TAL.

[42] Comme le rappelle le conseil de discipline dans la décision Argun, il serait imprudent et inapproprié de juger de l’intention malhonnête d’un plaideur en citant une phrase hors contexte.

[Références omises]

  1.          La même analyse est reprise dans l’affaire Rosenberg concernant la preuve d’intention[90] :

[236]  Le chef 1 a pour dispositions de rattachement notamment les articles 3.02.01 c) et 4.02.01 d) du Code de déontologie des avocats (le Code de déontologie).

[237]  Dans l’affaire Vaillancourt, le Tribunal des professions (le Tribunal) énonce que le libellé de l’article 3.02.01 c) du Code de déontologie requiert du plaignant la preuve d’un élément intentionnel accompagnant l’utilisation du moyen pris pour induire ou tenter d’induire le tribunal en erreur.

[Références omises]

  1.          Sur ce chef, la preuve prépondérante retenue par le Conseil ne démontre pas que l’intimée a induit en erreur ou tenté d’induire en erreur le CECMQ en répondant aux questions de Me Rolland qui est chargée d’assister le CECMQ et en fournissant certaines réponses qu’elle qualifie d’hypothèses.
  2.          Faut-il souligner de nouveau que ces commentaires ont été formulés dans un contexte privé et que les réponses sont fournies aux questions de l’avocate qui assiste le CECMQ. L’intimée admet qu’elle formule des hypothèses pour tenter d’expliquer la réaction du juge à son endroit.
  3.          Le Conseil rappelle que la preuve révèle que lors de la rencontre du 9 juillet 2021 avec Me Rolland, l’intimée ignore que les commentaires formulés à cette occasion seront produits devant le CECMQ[91].
  4.          Pour ce second motif, le Conseil décide que le plaignant n’a pas été en mesure d’établir ou de démontrer l’intention blâmable de l’intimée d’avoir induit ou tenté d’induire en erreur le CECMQ.
  5.          Conséquemment, sur le chef 4 de la plainte et à la suite de l’analyse de la preuve, le Conseil décide que le plaignant ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et qu’il n’a pas présenté une preuve prépondérante pour entraîner une déclaration de culpabilité de l’intimée pour avoir contrevenu à l’article 116 du Code de déontologie des avocats pour avoir induit en erreur ou tenté d’induire en erreur le CECMQ en transmettant ou en communiquant des commentaires qu’elle savait faux ou devrait savoir faux.

Remarques finales concernant les quatre chefs de la plainte

  1.          En marge de l’acquittement de l’intimée sur les quatre chefs de la plainte, le Conseil formule certaines remarques.
  2.          Le Conseil estime qu’il importe de préserver le droit des avocats et des justiciables à un système de justice impartial.
  3.          Dans ce contexte, un avocat a le droit de déposer une plainte contre un membre de la magistrature lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire que sa plainte est fondée, pour autant que celle-ci ne soit pas faite dans l’intention de nuire, dans un but vexatoire, de mauvaise foi ou à titre purement gratuit.
  4.          Sous réserve de ces dernières situations, que la plainte soit en définitive non fondée est une tout autre question et ne permet pas de conclure systématiquement à un manquement déontologique. L’inverse pourrait avoir un effet paralysant (ou « chilling effect ») et dissuader un avocat de porter plainte par crainte de représailles, même lorsqu’il a des motifs rationnels et raisonnables de croire que les principes fondamentaux de notre système de justice n’ont pas été respectés.
  5.          En l’espèce, comme le Conseil l’a souligné précédemment, il existait un contexte factuel permettant à l’intimée de croire, de bonne foi, en la partialité du juge Del Negro, j.c.q.
  6.          En effet, la plainte de l’intimée est fondée sur les échanges tendus avec le juge Del Negro, j.c.q. et sur le jugement du juge Blanchard, j.c.s., rendu le 23 septembre 2020, même si, en définitive, cette croyance ne s’est pas avérée fondée à l’issue de l’enquête du CECMQ.


Imposition des déboursés

  1.        Vu l’acquittement de l’intimée sur les quatre chefs de la plainte portée contre elle, le Conseil doit décider si le plaignant doit être condamné au paiement des déboursés.
  2.       À cette fin, le Conseil réitère les principes généraux liés à l’imposition des déboursés.
  3.       Soulignons comme le fait le Tribunal des professions dans un jugement rendu en mai 2016[92], que la règle générale veut que la partie qui succombe assume le paiement des déboursés[93].
  4.       Cette règle générale issue du droit civil s’applique en droit disciplinaire[94].
  5.       Enfin, il y a lieu de rappeler que la condamnation au paiement des déboursés n’est pas une amende ou une pénalité infligée à la partie qui succombe[95].
  6.       Elle doit être vue comme une compensation, totale ou partielle, des déboursés encourus pour l’instruction de la plainte[96].


  1.       En outre, comme le conseil de discipline de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec le souligne à juste titre dans l’affaire Lévesque[97], il n’appartient ni à l’Ordre ni à ses membres de supporter les frais résultant du processus disciplinaire, pour des gestes commis par l’un de ses membres et pour lesquels il a été reconnu coupable.
  2.          Pour le Conseil, il n’existe aucun motif sérieux ou suffisant permettant de déroger au principe que la partie qui succombe doit assumer le paiement des déboursés prévus par le quatrième alinéa de l’article 151 C. prof.
  3.          En conséquence, le Conseil condamne le plaignant au paiement des déboursés prévus par le quatrième alinéa de l’article 151 C. prof.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

SUR LE CHEF 1

  1.       ACQUITTE l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 111 du Code de déontologie des avocats.

SUR LE CHEF 2

  1.       ACQUITTE l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 4 du Code de déontologie des avocats.


SUR LE CHEF 3

  1.       ACQUITTE l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 19 du Code de déontologie des avocats.

SUR LE CHEF 4

  1.       ACQUITTE l’intimée d’avoir contrevenu à l’article 116 du Code de déontologie des avocats.
  2.       CONDAMNE le plaignant au paiement des déboursés prévus par l’article 151 C. prof.

 

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Me GEORGES LEDOUX

Président

 

 

 

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Me JULIE BOURDUAS

Membre

 

 

 

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Me DAVID ROBITAILLE

Membre

 

Me François Robillard, syndic ad hoc

Plaignant (agissant personnellement)

 

Me Nadine Touma

Avocate de l’intimée

 

Dates d’audience :

12, 13 et 14 mars 2025

 

 

 


[1]  Pièces P-1 à P-30. Les pièces P-21, P-22 et P-30 sont en partie caviardées selon l’entente conclue entre le plaignant et l’intimée.

[2]  Pièces I-1 à I-4.

[3]  Pièces SP-24 et SP-25.

[4]  Pièce P-27.

[5]  Pièce P-29.

[6]  Pièce P-3 (en liasse).

[7]  Pièce P-30 (en liasse).

[8]  Pièce P-25, pages 21 et 22.

[9]  Procès-verbal de l’audition du 14 mars 2025, page 15.

[10]  Grenon c. R., 2023 QCCA 1201; Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12, [2012] 1 RCS 395; Groia c. Barreau du HautCanada, 2018 CSC 27, [2018] 1 RCS 772; A et Juge, Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, 2024 CanLII 109881 (QC CM).

[11]  Barreau du Québec (Syndic) c. Pion, 2022 QCCDBQ 83, paragr. 236 à 238.

[12]  Pièce P-1, R. c. Tapin-Dubois, 2020 QCCQ 2227, paragr. 45, 46, 52, 69, 70, 61, 72, 73, 76, 77, 78, 83 et 88.

[13]  Pièces P-17 et P-12, pages 9 à 14.

[14]  RLRQ, c. T-16.

[15]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Petit, 2014 QCCDBQ 40; Barreau du Québec (Syndic) c. Pion, 2022 QCCDBQ 83; Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Giroux, 2011 QCCDBQ 110; Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Miller, 2023 QCCDBQ 80, décision portée en appel au Tribunal des professions : 505-07-000004-245; Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078; Bédard c. Gagnon, 2021 QCCDBQ 60; Milunovic c. Desîlets, 2018 QCCDBQ 44; R. c. S. (R.D.), 1997 CanLII 324 (CSC), [1997] 3 RCS 484; Paquin c. Avocats, 2002 QCTP 96; Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111.

[16]  RLRQ, c. B-1, r. 3.1.

[17]  Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479.

[18]  Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441.

[20]  Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143.

[21]  2017 QCCDBQ 107.

[22]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144.

[23]  Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Goldwater, 2019 QCCDBQ 10.

[24]  Pièces P-3 et P-4.

[25]  Pièces P-5.

[26]  Pièces P-5 et P-6.

[27]  Pièces P-7, P-8 et P-9.

[28]  Pièces P-4 et P-5.

[29]  Pièces P-1, P-2 et P-3.

[30]  Pièce P-25.

[31]  Pièce I-3.

[32]  Pièce I-3, paragr. 16.

[33]  Pièce I-3, paragr. 21.

[34]  Pièce I-3, paragr. 45.

[35]  Pièce I-3, paragr. 23.

[36]  Pièce I-3, paragr. 24 et 32.

[37]  Pièce P-10 (en liasse) : Giroux c. Del Negro, 2020 QCCS 3006.

[38]  Pièce P-13.

[39] Pièce P-15.

[40]  Pièce P-16.

[41]  Pièce P-17.

[42]  Pièce P-24.

[43]  Pièce P-26.

[44]  Pièce P-24 et décision du CECMQ du 27 janvier 2021, paragr. 21.

[45]  Pièce P-26.

[46]  Pièces P-17 et P-25.

[47]  R c. S. (R.D.), [1997] 2 RCS 484, paragr. 94, 112, 113, 114 et 117.

[48]  Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, paragr. 58, 59 et 60.

[49]  Pièce I-3.

[50]  Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12 (CanLII), [2012] 1 RCS 395.

[51]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Harrison, 2018 QCCDBQ 89. Appel rejeté : Harrison c. Avocats (Ordre professionnel des), 2021 QCTP 72.

[52]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Harrison, supra, note 51. Appel rejeté : Harrison c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 51.

[53]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Fradette 2025 QCCDBQ 10.

[54]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Harrison, supra, note 51. Appel rejeté : Harrison c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 51.

[55]  Pièce P-24.

[56]  Ibid.

[57]  Pièces P-24 et P-25.

[58]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Blais, 2022 QCCDBQ 27; Appel rejeté Blais c. Barreau du Québec (syndic adjoint), 2023 QCTP 12; Pourvoi en contrôle judiciaire rejeté : Blais c. Tribunal des professions et al., 2024 QCCS 980. Appel rejeté : Blais c. Gagnon, 2024 QCCA 330.

[59]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Robert-Blanchard, 2018 QCCDBQ 110.

[60]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Harrison, supra, note 51. Appel rejeté : Harrison c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 51; Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Desjardins, 2016 QCCDBQ 105; Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Audet, 2016 QCCDBQ 46; Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Parent, 2019 QCCDBQ 42.

[61]  Pièce P-19.

[62]  Pièces P-24 et P-25, page 9.

[63]  Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 20.

[64]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, supra, note 22.

[65]  Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2003 QCTP 132.

[66]  Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bilodeau, 2005 QCTP 34.

[67]  Prud'Homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544, paragr. 31 à 41. Voir aussi : Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Goldwater, supra, note 23.

[68]  Pièces P-24 et P-25, page 9.

[69]  Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 20.

[70]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, supra, note 22.

[71]  Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, supra, note 65.

[72]  Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bilodeau, supra, note 66.

[73]  Prud'Homme c. Gilbert, supra, note 67, paragr. 31 à 41. Voir aussi : Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Goldwater, supra, note 23.

[74]  Pièces P-24 et P-25, page 9.

[75]  Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 20.

[76]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, supra, note 22.

[77]  Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, supra, note 65.

[78]  Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bilodeau, supra, note 66.

[79]  Prud'Homme c. Gilbert, supra, note 67, paragr. 31 à 41. Voir aussi : Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Goldwater, supra, note 23.

[80]  Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Miller, 2023 QCCDBQ 80.

[81]  Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Marsolais, 2024 QCCDBQ 40, paragr. 136 à 155. Voir aussi : Bédard c. Gagnon, 2021 QCCDBQ 60, paragr. 80 à 97.

[82]  Pièces P-24 et P-25.

[83]  Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), supra, note 20.

[84]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, supra, note 22.

[85]  Malo c. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, supra, note 65.

[86]  Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Bilodeau, supra, note 66.

[87]  Prud'Homme c. Gilbert, supra, note 67, paragr. 31 à 41. Voir aussi : Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Goldwater, 2019 QCCDBQ 10,

[88]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Roberge, 2022 QCCDBQ 23. Voir aussi : Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126; Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111; Chabot c. Argun, 2018 QCCDBQ 57.

[89]  Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Roberge, 2022 QCCDBQ 23. Voir aussi : Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126; Renaud c. Barreau du Québec, 2003 QCTP 111; Chabot c. Argun, 2018 QCCDBQ 57.

[90]               Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Rosenberg, 2021 QCCDBQ 23.

[91]  Pièces P-17, P-24 et P-25.

[92]  Gagnon c. Prud’homme (Ordre des ingénieurs), 2016 QCTP 97.

[93]  Murphy c. Chambre de la sécurité financière (Syndic) 2010 QCCA 1079; Gagnon c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), supra, note 92.

[94]  Ingénieurs c. Plante [1992] D.D.C.P. 254 (T.P.).

[95]  Chambre des notaires du Québec c. Dugas, 2002 CanLII 41280.

[96]  Québec (Chambre des notaires) c. Dugas, supra, note 95, paragr. 16; Dentistes (Ordre professionnel des) c. Smith, 2016 CanLII 63946 (QC ODQ), paragr. 52.

[97]  Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec c. Lévesque, 2018 CanLII 33495 (QC OTSTCFQ).

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