Décision

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Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Gluck

2024 QCCDCPA 27

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

47-24-00449

 

DATE :

29 novembre 2024

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me ISABELLE DUBUC

Présidente

M. MICHELIN BÉLISLE, CPA auditeur

Membre

M. ANDRÉ VINCENT, FCPA auditeur

Membre

______________________________________________________________________

 

JOSÉE MÉLANÇON, CPA, en sa qualité de syndique de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

Plaignante

c.

RONALD STEVEN GLUCK, CPA AUDITEUR

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DU NOM DES SOCIÉTÉS CLIENTES MENTIONNÉES DANS LA PLAINTE ET DANS LES DOCUMENTS DÉPOSÉS EN PREUVE AINSI QUE TOUTES LES INFORMATIONS PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, ET CE, POUR ASSURER LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL.

INTRODUCTION

  1.                La plaignante, Mme Josée Mélançon, alors syndique adjointe de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre), dépose une plainte disciplinaire contre l’intimé le 28 mars 2024.
  2.                Les parties annoncent qu’à la suite de sérieuses discussions et négociations, elles ont conclu une entente qui consiste en la modification de la plainte, l’enregistrement du plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des chefs de la plainte modifiée et la présentation d’une recommandation conjointe sur sanction.
  3.                À cet effet, elles déposent une Plainte amendée et un Énoncé conjoint des faits – Audience sur culpabilité et sanction (l’Énoncé conjoint des faits).

Modification de la plainte

  1.                Ainsi, la plaignante demande l’autorisation de modifier sa plainte afin de fusionner deux chefs en un, soit les chefs 2 et 3 sous le chef 2 et les chefs 5 et 6 sous le chef 5, faisant en sorte de retirer les chefs 3 et 6, puis de faire les adaptations nécessaires et d’ajouter aux chefs 1, 7 et 8 la référence à la nouvelle disposition déontologique entrée en vigueur le 9 mai 2024. Elle dépose la « plainte amendée » communiquée à l’intimé et au greffe du Conseil de discipline le 12 novembre 2024.
  2.                Considérant les explications de la plaignante et le consentement de l’intimé, le Conseil autorise la modification de la plainte conformément à l’article 145 du Code des professions.
  3.                La plainte modifiée est ainsi libellée :
  1. À Montréal, depuis le 30 avril 2023 et à ce jour, l’intimé omet de suivre le cours de perfectionnement « Dossier modèle en mission d’examen – Avancé », conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6, à l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c C-48.1, r. 6.1 et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;
  2. À Montréal, le ou vers le 31 mars 2023, l’intimé a délivré les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société A pour l’exercice terminé le 31 décembre 2022, et ce, alors que ses dossiers à l’appui de l’opinion émise auxdits rapports n’avaient pas été préalablement révisés et approuvés par sa surveillante conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6 et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;
  3. (…)
  4. À Montréal, depuis le ou vers le mois de mars 2023 et jusqu’aux environs du 6 février 2024, l’intimé a omis de transmettre à sa surveillante les dossiers des missions d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société A pour l’exercice terminé le 31 décembre 2022, conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6 et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;
  5. À Montréal, le ou vers le 30 août 2023, l’intimé a délivré les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société B pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, et ce, alors que ses dossiers à l’appui de l’opinion émise auxdits rapports n’avaient pas été préalablement révisés et approuvés par sa surveillante conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6 et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;
  6. (…)
  7. À Montréal, depuis le ou vers le mois d’août 2023 et jusqu’à ce jour, l’intimé omet de transmettre à sa surveillante les dossiers des missions d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la société B pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6, à l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c C-48.1, r. 6.1 et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26;
  8. À Montréal, depuis le ou vers le 20 septembre 2023 et à ce jour, l’intimé entrave le travail de Josée Mélançon, syndique adjointe, en omettant de répondre aux demandes formulées dans sa lettre du 29 août 2023 et réitérées à de nombreuses reprises depuis, contrairement à l'article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c. C-48.1, r. 6, à l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, RLRQ c C-48.1, r. 6.1 et à l’article 114 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[Transcription textuelle]

Culpabilité

  1.                L’intimé enregistre alors un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des chefs de la plainte modifiée.
  2.                Après s’être assuré auprès de l’intimé que son plaidoyer est libre et volontaire et qu’il comprend que le Conseil n’est pas lié par la recommandation conjointe sur sanction, le Conseil le déclare coupable, séance tenante, à l’égard de chacun des chefs de la plainte modifiée, comme plus amplement décrit au dispositif de la présente décision.

Recommandation conjointe sur sanction

  1.                Les parties recommandent au Conseil d’imposer à l’intimé une période de radiation de deux mois sous chacun des chefs 1, 2, 4 et 8 et une période de radiation de trois mois sous chacun des chefs 5 et 7.
  2.            Elles recommandent que les périodes de radiation imposées sous les chefs 1, 2, 4, 5 et 7 soient purgées de façon concurrente entre elles, mais que la période de radiation imposée sous le chef 8 leur soit consécutive. Ainsi, au total, l’intimé sera radié pour une période de cinq mois.
  3.            Elles demandent au Conseil d’ordonner à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre de publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où il a son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions.
  4.            Les parties demandent au Conseil de prendre acte de l’engagement de l’intimé signé le 14 novembre 2024 et qui prévoit de :
    1.        Remettre à la surveillante au plus tard le 25 novembre 2024 les dossiers des missions d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la Société B pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022;
    2.        Répondre au plus tard le 25 novembre 2024 aux demandes formulées par la plaignante dans sa lettre du 29 août 2023;
    3.        Contacter la direction de l’Inspection professionnelle au plus tard le 29 novembre 2024 afin de mettre à jour les conditions du stage énoncées à la lettre datée du 25 novembre 2022;
    4.        Suivre la formation Dossier modèle en mission d’examen – Avancé, ou toute autre formation équivalente déterminée par la Vice-présidence, Encadrement de la profession, et ce, d’ici le 15 décembre 2024;
  5.            Puis, finalement, elles demandent que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions.

QUESTION EN LITIGE

  1.            La recommandation conjointe présentée par les parties est-elle contraire à l’intérêt public ou susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?
  2.            Pour les motifs qui suivent, le Conseil, après avoir délibéré, répond par la négative à la question en litige et donne suite à la recommandation conjointe sur sanction.

CONTEXTE

  1.            De l’Énoncé conjoint des faits déposé par les parties, le Conseil retient ce qui suit.
  2.            L’intimé est inscrit au Tableau de l’Ordre des comptables agréés du Québec le 25 février 1993 et le demeure jusqu’au 16 mai 2012, date à laquelle il devient automatiquement membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec.
  3.            Le 16 mai 2012, il devient titulaire d’un permis de comptabilité publique délivré par l’Ordre.
  4.            Le 31 mai 2022, l’intimé fait l’objet d’une inspection professionnelle.
  5.            Le 12 juillet 2022, la secrétaire du Comité d’inspection professionnelle (CIP) transmet à l’intimé le rapport de cette inspection professionnelle qui fait état de nombreuses déficiences en matière de présentation des états financiers et d’examen. Elle l’invite à remplir un plan d’action, ce qu’il fait le 18 août 2022.
  6.            Le 14 septembre 2022, le CIP propose de recommander au Comité exécutif de l’Ordre d’imposer à l’intimé un stage de perfectionnement et en informe l’intimé.
  7.            Le 24 novembre 2022, le Comité exécutif ratifie la recommandation du CIP et précise comme suit le stage de perfectionnement imposé à l’intimé :
    1.        Le stage consiste en une supervision d’une période de 12 mois par Mme Monique Papineau, CPA auditrice (« surveillante »), et ce, aux frais de l’intimé. La surveillante devra s’assurer que les dossiers à l’appui de toute opinion qui sera émise sur des états financiers à l’égard des mandats de certification durant cette période sont constitués de façon à justifier l’expression d’une opinion;
    2.        L’intimé ne sera autorisé à délivrer ses rapports à l’égard des mandats de certification que lorsque les dossiers auront été révisés et approuvés, au préalable, par la surveillante;
    3.        Le stage, qui débute le 9 janvier 2023, doit être complété avec succès à la satisfaction de la surveillante et de la vice-présidence, Encadrement de la profession. À la suite du stage, CPA devra faire l’objet d’une réinspection dans un délai raisonnable;
    4.        L’intimé doit suivre le cours de perfectionnement « Dossier modèle en mission d’examen – Avancé », et ce, avant le 30 avril 2023, sauf si ce cours n’est pas offert pendant la période s’étalant jusqu’au 30 avril 2023. Dans ce cas, l’intimé doit en informer, dans les meilleurs délais, la vice-présidence, Encadrement de la profession afin que celle-ci puisse sélectionner un autre cours;
  8.            Le 25 novembre 2022, la secrétaire du CIP transmet à l’intimé une correspondance dans laquelle elle l’informe de la décision du Comité exécutif et lui demande de :
  1.       Faire parvenir pour le 9 janvier 2023 une liste montrant les dates de fin d’exercice de ses clients, le type de rapport émis ainsi que les dates auxquelles il prévoit émettre les déclarations portant sur les états financiers de ces derniers;
  2.       Transmettre le plus rapidement possible la date d’inscription pour les cours de perfectionnement qu’il suivra;
  1.            Le 9 janvier 2023, le stage de perfectionnement de l’intimé débute.
  2.            Or, malgré la demande du 25 novembre 2022, il ne transmet pas la liste à jour de ses clients et mandats. De plus, il n’informe pas le CIP de la date à laquelle il suivra le cours imposé.
  3.            Les 1er février, 7 et 30 mars 2023, la surveillante communique avec l’intimé. Ce dernier lui indique d’une part être en désaccord avec son inspection professionnelle, puis ajoute qu’il lui transmettra son dossier plus tard, celui-ci n’étant pas prêt.
  4.            Le 31 mars 2023, l’intimé délivre à la société A les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis la concernant pour l’exercice terminé le 31 décembre 2022, alors que ses dossiers à l’appui de l’opinion émise auxdits rapports n’ont pas été préalablement révisés et approuvés par sa surveillante contrairement aux exigences du stage de perfectionnement imposées (chef 2).
  5.            Le 12 avril 2023, la surveillante communique avec l’intimé. Il lui indique de nouveau que ses dossiers ne sont pas prêts et l’informe qu’il s’est cassé le bras.
  6.            Le 30 avril 2023, l’intimé n’a toujours pas suivi la formation « Dossier modèle en mission d’examen – Avancé » contrairement aux conditions du stage de perfectionnement imposées par le Comité exécutif le 24 novembre 2022 et d’ailleurs, c’est toujours le cas lors de l’audition (chef 1).
  7.            Les 4 et 18 mai et le 6 juin 2023, la surveillante communique par téléphone et par courriel avec l’intimé pour obtenir ses dossiers pour les réviser et l’avise qu’un rapport de mission d’examen ne peut être produit sans son approbation.
  8.            Le 13 juin 2023, la surveillante communique avec l’intimé qui l’informe avoir transmis un rapport de mission d’examen signé à sa cliente, la société A. Il s’engage alors à lui transmettre ce rapport et ajoute que le prochain dossier sera bien fait.
  9.            Le lendemain, il lui transmet le rapport de mission d’examen de la société A pour l’exercice financier terminé le 31 décembre 2022, comme promis. Toutefois, il ne lui transmet pas ses dossiers concernant cette société, ce qu’elle lui réitère de faire.
  10.            Par son comportement, l’intimé empêche la surveillante d’effectuer la révision.
  11.            Le 29 juin 2023, la surveillante transmet un courriel à l’intimé lui demandant de lui confirmer par écrit la date à laquelle il lui fera parvenir le dossier d’examen de la société A. Ce dernier s’engage à le faire dans un court délai.
  12.            Il s’ensuit quatre communications entre la surveillante et l’intimé dont l’objet est toujours le même, soit une demande d’obtenir les dossiers de la société A.
  13.            Le 30 août 2023, l’intimé délivre à la société B les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis la concernant pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, alors que ses dossiers à l’appui de l’opinion émise auxdits rapports n’ont pas été préalablement révisés et approuvés par la surveillante conformément au stage de perfectionnement imposé (chef 5).
  14.            Pourtant, la même journée et le lendemain, le 31 août 2023, l’intimé mentionne à la surveillante que ses dossiers ne sont pas prêts.
  15.            Le 28 septembre 2023, la surveillante transmet à l’intimé un courriel lui demandant de lui faire parvenir les dossiers de la société A pour l’exercice financier se terminant le 31 décembre 2022 et ceux de la société B pour l’exercice financier se terminant le 31 mai 2023.
  16.            Le 1er février 2024, le Comité exécutif ratifie la recommandation du CIP de prolonger le stage de perfectionnement de l’intimé pour une période de 12 mois.
  17.            Malgré la première demande formulée au mois de mars 2023 et les multiples rappels, ce n’est que le 6 février 2024 que l’intimé transmet à la surveillante les dossiers de la société A pour l’exercice se terminant le 31 décembre 2022 (chef 4).
  18.            Le 16 février 2024, l’intimé remet à la surveillante les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis pour l’exercice terminé le 31 mai 2023 de la société B.
  19.            Pour ce qui est des dossiers de la société B, malgré l’envoi des rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis à sa cliente le 30 août 2023, et malgré la demande de la surveillante à ce sujet formulée pour une première fois le 28 septembre 2023, l’intimé ne les a toujours pas remis à la surveillante au jour de l’audition (chef 7).
  20.            Le 20 juin 2023, une directrice adjointe à l’Inspection professionnelle fait parvenir au Bureau du syndic une demande d’enquête concernant l’intimé en lien avec son refus de se soumettre au stage de perfectionnement comportant l’obligation d’une supervision avant l’émission du rapport de certification.
  21.            La plaignante prend alors en charge l’enquête concernant l’intimé.
  22.            Le 29 août 2023, elle informe verbalement et par écrit l’intimé de la réception d’une demande d’enquête formulée par l’Inspection professionnelle et lui demande de remplir un questionnaire dans un délai de trois semaines.
  23.            Le 28 septembre 2023, étant sans réponse, la plaignante lui transmet un courriel de rappel. Elle l’avise alors de son obligation de collaborer à l’enquête du syndic, lui accorde un délai jusqu’au 6 octobre 2023 pour lui répondre, à défaut de quoi, une plainte disciplinaire pourrait être déposée contre lui.
  24.            Le 17 octobre 2023, toujours sans réponse, la plaignante lui transmet encore une lettre de rappel et lui indique que son refus de collaborer constitue de l’entrave au sens de l’article 114 du Code des professions, qu’elle pourrait requérir à une demande de radiation provisoire, et qu’à défaut de répondre au plus tard le 25 octobre 2023, une plainte disciplinaire sera déposée.
  25.            La même journée, l’intimé communique avec la plaignante. Il l’informe de ses problèmes de santé et indique qu’il la rappellera la semaine suivante.
  26.            Le 19 octobre 2023, la plaignante est informée par la directrice adjointe de l’Inspection professionnelle que l’intimé refuse de collaborer.
  27.            Le 2 novembre 2023, la plaignante et un conseiller du Bureau du syndic font une visite surprise à l’intimé à son domicile professionnel.
  28.            Lors de cette rencontre :
  1.      L’intimé avoue avoir signé des missions d’examen pour 2 agences de voyages;
  2.      L’intimé admet ne pas avoir respecté les conditions du stage imposé par l’inspection professionnelle, soit de faire approuver les rapports avant émission;
  3.      Ils ont regardé l’avancement de son dossier;
  4.      L’intimé a montré un rapport émis le 31 août 2023;
  5.      La plaignante a offert à l’intimé de copier les dossiers sur clé USB, mais il a refusé en alléguant que ses dossiers n’étaient pas terminés;
  6.        L’intimé a dit comprendre ce qu’était la supervision;
  7.      L’intimé confirme également ne pas avoir suivi la formation imposée;
  8.      Après avoir regardé le questionnaire transmis par la plaignante, l’intimé a demandé un délai supplémentaire jusqu’à la fin du mois et la plaignante a insisté pour un délai plus court;
  9.        L’intimé ne remet donc pas de dossiers durant cette rencontre, mais il promet à la plaignante de les lui transmettre et de répondre à ses questions;
  1.            Le 7 novembre 2023, la plaignante transmet à l’intimé, au moyen de deux courriels, une quatrième correspondance de rappel, le sommant de lui répondre et de remettre les dossiers à la surveillante avant le 20 novembre 2023, à défaut de quoi, une plainte disciplinaire sera déposée accompagnée d’une requête en radiation provisoire immédiate.
  2.            Le 27 novembre 2023, l’intimé communique avec le conseiller du Bureau du syndic pour lui demander un délai additionnel d’une semaine. Cette demande est transférée à la plaignante.
  3.            Le 19 décembre 2023, la surveillante informe la plaignante ne pas avoir reçu de l’intimé les dossiers demandés.
  4.            Le 20 décembre 2023, la plaignante transmet à l’intimé une cinquième lettre de rappel. Il s’ensuit une conversation téléphonique entre les parties sans grand succès.
  5.            Le 18 janvier 2024, la plaignante transmet à l’intimé une sixième lettre de rappel lui mentionnant que le défaut de collaborer constitue de l’entrave pouvant entraîner le dépôt d’une plainte disciplinaire et une demande de radiation provisoire.
  6.            Le 22 janvier 2024, l’intimé tente de joindre la plaignante et le 23 janvier 2024, ils ont une conversation au cours de laquelle l’intimé promet de transmettre son dossier le lendemain ou le surlendemain en plus de transmettre le questionnaire complété le lendemain.
  7.            Le 26 janvier 2024, la plaignante transmet une septième correspondance de rappel à l’intimé.
  8.            Le 29 janvier 2024, l’intimé appelle la plaignante et lui promet de transmettre les dossiers à la surveillante « d’ici la fin de semaine ».
  9.            Le 8 février 2024, la surveillante confirme à la plaignante la réception du dossier concernant la société A.
  10.            Le 12 février 2024, la plaignante transmet une huitième lettre de rappel à l’intimé lui demandant de remettre le dossier de la société B à la surveillante et de répondre à son questionnaire transmis le 29 août 2023.
  11.            Ainsi, depuis le 20 septembre 2023 jusqu’à ce jour, l’intimé entrave le travail de la plaignante (chef 8).
  12.            Le 28 mars 2024, sans réponse de l’intimé, la plaignante dépose la plainte disciplinaire.
  13.            Le 15 novembre 2024, à l’audition, l’intimé n’a toujours pas remis le dossier concernant la société B à la surveillante et n’a pas complété et transmis le questionnaire à la plaignante.
  14.            Toutefois, dans le cadre du processus disciplinaire, l’intimé signe un engagement envers la plaignante à l’effet suivant :
  1.       Remettre à la surveillante au plus tard le 25 novembre 2024 les dossiers des missions d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la Société B pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022;
  2.       Répondre au plus tard le 25 novembre 2024 aux demandes formulées par la plaignante dans sa lettre du 29 août 2023;
  3.        Contacter la direction de l’Inspection professionnelle au plus tard le 29 novembre 2024 afin de mettre à jour les conditions du stage énoncées à la lettre datée du 25 novembre 2022;
  4.       Suivre la formation Dossier modèle en mission d’examen – Avancé, ou toute autre formation équivalente déterminée par la Vice-présidence, Encadrement de la profession et ce, d’ici le 15 décembre 2024;

ANALYSE

  1. Les principes applicables en matière de recommandation conjointe
  1.            La recommandation conjointe sur sanction constitue un outil important pour le système de justice pénale contribuant à son efficacité[1] et nécessaire à une saine administration de la justice[2]. La Cour suprême du Canada (la Cour suprême) rappelle d’ailleurs, dans l’arrêt Nahanee[3], qu’une recommandation conjointe « procure aux parties une certitude raisonnable que la position dont elles ont convenu constituera la décision ».
  2.            En présence d’une recommandation conjointe, le Conseil l’entérine s’il en arrive à la conclusion que la sanction suggérée ne déconsidère pas l’administration de la justice ou n’est pas contraire à l’intérêt public comme l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Anthony-Cook[4]. Il en arrivera à la conclusion contraire si la sanction proposée est « à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé[5] ».
  3.            Ainsi, le Conseil n’a pas à décider de la sévérité ou de la clémence de la sanction proposée et encore moins de sa justesse ni, par conséquent, décider d’imposer la sanction qu’il juge la plus appropriée[6]. Il doit cependant déterminer si cette sanction s’avère déraisonnable au point d’être contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice[7].
  4.            L’approche préconisée en présence d’une recommandation conjointe sur sanction consiste à procéder à l’analyse de son fondement présenté par les parties, incluant les effets bénéfiques pour l’administration de la justice, et ce, afin de déterminer s’il y a un élément susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public[8].
  5.            C’est à la lumière de ces principes que le Conseil répond à la question en litige.
  1. Les éléments pris en considération par les parties dans leur recommandation conjointe
  1.            Les parties mentionnent avoir pris en considération les facteurs objectifs liés aux infractions commises, les facteurs subjectifs propres à l’intimé, son risque de récidive, les précédents jurisprudentiels ainsi que le principe de la globalité des sanctions.

FACTEURS OBJECTIFS ET SUBJECTIFS

  1. Facteurs objectifs
  1.            Par son plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs 1 et 7 de la plainte modifiée et considérant la suspension conditionnelle des procédures prononcée, l’intimé reconnaît avoir contrevenu aux dispositions de l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[9] (le Code de déontologie) en vigueur jusqu’au 8 mai 2024 et à l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[10] en vigueur dès le 9 mai 2024.
  2.            Par son plaidoyer de culpabilité à l’égard des chefs 2, 4 et 5 de la plainte modifiée et considérant la suspension conditionnelle des procédures prononcée, l’intimé reconnaît avoir contrevenu aux dispositions de l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[11] (le Code de déontologie) en vigueur au moment des infractions.
  3.            Ces dispositions sont libellées ainsi :

60. Le membre doit collaborer avec l’Ordre ou toute personne nommée pour assister celui-ci et répondre, dans les plus brefs délais, à toute correspondance provenant de l’Ordre ou d’une telle personne.

77. Le comptable professionnel agréé doit s’abstenir d’entraver, de harceler, d’intimider, de menacer ou de dénigrer l’Ordre de quelque façon que ce soit.

Il doit collaborer avec l’Ordre et répondre, personnellement et dans les plus brefs délais, à toute communication provenant de l’Ordre, selon le mode de communication que ce dernier détermine.

  1.            Par son plaidoyer de culpabilité à l’égard du chef 8 de la plainte modifiée et considérant la suspension conditionnelle des procédures prononcée, l’intimé reconnaît avoir contrevenu à l’article 114 du Code des professions[12] ainsi libellé :

114. Il est interdit d’entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l’inspection professionnelle nommée conformément à l’article 90, un inspecteur ou un expert, dans l’exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d’un tel document.

De plus, il est interdit au professionnel d’inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant.

  1.            À titre de facteurs objectifs, les parties présentent ce qui suit.
  2.            Le rôle de l’inspection professionnelle est de surveiller l’exercice de la profession, notamment par l’inspection des compétences des membres de l’Ordre puis, en cas de lacunes observées, par l’imposition d’un stage de perfectionnement, le tout afin d’assurer un service de qualité au public[13]. Il est donc primordial pour un professionnel d’y collaborer.
  3.            Le défaut de collaborer en ne respectant pas les exigences d’un stage de perfectionnement imposé par le Comité exécutif de l’Ordre et l’entrave au travail du syndic sont donc des infractions objectivement graves qui mettent en péril la protection du public.
  4.            L’intimé s’est vu imposer une formation et un stage de perfectionnement après le constat par l’inspection professionnelle de nombreuses déficiences en matière de présentation des états financiers et d’examen. Le stage consiste en la supervision, par une surveillante CPA auditrice, de ses dossiers de mandats de certification afin de s’assurer que les dossiers à l’appui de toute opinion émise sur les états financiers sont constitués de façon à justifier l’expression d’une opinion et sont donc exempts de toutes déficiences, et ce, dans un but de protection du public.
  5.            Les infractions commises par l’intimé sont d’autant plus objectivement graves, qu’elles s’inscrivent dans le contexte de l’encadrement de la comptabilité publique qui est l’activité réservée aux membres de l’Ordre détenant un permis à cet effet et qui constitue le cœur de l’exercice de la profession. De plus, seuls les CPA détenant un permis de comptabilité publique peuvent émettre des rapports de mission d’examen et le stage de perfectionnement est un mécanisme important pour assurer la compétence professionnelle et la qualité des services que l’intimé fait fi de respecter.
  6.            L’intimé remet à ses clientes, société A et société B, les rapports de mission d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis sans que ses dossiers à l’appui de ses opinions émises n’aient été préalablement révisés et approuvés par la surveillante.
  7.            Pendant près de 11 mois, et ce, malgré de nombreux rappels, l’intimé tarde à remettre les dossiers de la société A à la surveillante pour finalement le faire le 6 février 2024. Quant aux dossiers concernant la société B, l’intimé ne les lui a toujours pas remis.
  8.            Puis, malgré l’intervention de la plaignante en date du 29 août 2023 et ses nombreux rappels, elle n’a toujours pas reçu de réponses à ses demandes de la part de l’intimé en date de l’audition.
  9.            Ainsi, le défaut de collaborer se produit tant à l’égard de la surveillante que de la plaignante, à de multiples reprises, et perdure depuis mars 2023 jusqu’à ce jour. Il ne s’agit donc pas d’un acte isolé.
  10.            Enfin, les parties mentionnent avoir pris en considération l’objectif d’exemplarité reconnu en matière d’imposition de la sanction considérant la gravité des infractions et la nécessité d’assurer la protection du public.
  1. Facteurs subjectifs
  1.            Dans leur Énoncé conjoint des faits, les parties retiennent les facteurs subjectifs suivants :
  1. L’intimé, actuellement âgé de 70 ans, était âgé de 68 à 70 ans au moment de la commission des infractions du mois de mars 2023 jusqu’à ce jour;
  2. L’intimé a plaidé coupable à la première occasion à l’égard des 6 chefs de la plainte amendée;
  3. L’intimé n’a aucun antécédent disciplinaire, et ce, alors qu’il a été membre de l’Ordre des CA puis de l’Ordre des CPA de 1993 jusqu’à ce jour;
  4. Considérant les engagements souscrits par l’intimé, la plaignante estime que le risque de récidive est modéré;

[Transcription textuelle]

  1. Le risque de récidive
  1.            Ainsi, le risque de récidive[14] de l’intimé est également un élément pris en considération par les parties.
  2.            Par la signature de l’engagement du 14 novembre 2024, l’intimé s’oblige :
  • à remettre à la surveillante les dossiers de la société B et à répondre à la lettre de la plaignante du 29 août 2023, au plus tard le 25 novembre 2024;
  • à communiquer avec l’inspection professionnelle pour mettre à jour les conditions de stage énoncées dans la lettre du 25 novembre 2022 au plus tard le 29 novembre 2024;
  • et à suivre la formation imposée avant le 15 décembre 2024.
  1.            Par le plaidoyer de culpabilité et cet engagement, la plaignante est d’avis que le risque de récidive de l’intimé est modéré.
  2.            Pour sa part, l’intimé souligne que son plaidoyer de culpabilité, son engagement du 14 novembre 2024 et l’effet des sanctions qu’il doit assumer auront un effet dissuasif diminuant d’autant son risque de récidive.
  3.            Après avoir pris connaissance de l’Énoncé conjoint des faits et entendu les représentations des parties, le Conseil éprouve un certain scepticisme quant à l’exécution par l’intimé de son engagement du 14 novembre 2024, mais ose croire que le processus disciplinaire en cours, la menace du dépôt d’une nouvelle plainte disciplinaire advenant un non-respect de cet engagement et les sanctions imposées auront l’effet dissuasif escompté. En attendant, le Conseil est d’avis que le risque de récidive est élevé.
  1. Jurisprudence
  1.            La plaignante dépose un cahier d’autorités[15] auquel l’intimé souscrit.
  2.            Les parties affirment d’emblée ne pas avoir répertorié de décisions dont les faits sont en tout point similaires à ceux à l’étude et disent avoir choisi les plus pertinentes qu’elles résument comme suit.
  3.            Pour ne pas avoir respecté le stage de perfectionnement imposé par le Comité exécutif (chefs 1, 2, 4, 5, et 7 – art. 60 (ou 77) du Code de déontologie), les sanctions s’étendent d’une période de radiation de deux semaines à la révocation de permis.
  4.            Pour avoir omis de répondre dans les plus brefs délais à un syndic et donc avoir entravé son enquête (chef 8 – art. 114 du Code des professions), la fourchette des sanctions s’étend généralement d’une radiation temporaire de 30 jours à la radiation permanente. Toutefois, les parties tiennent à préciser que dans le cas d’omission de répondre ou de remettre des documents dans les plus brefs délais, les sanctions se résument par une période de radiation variant entre trente jours et quatre mois.
  5.            Ainsi, les parties réfèrent le Conseil à la décision concernant M. Nazaire Behanzin[16] et celle concernant M. Perrotta[17].
  6.            Dans cette affaire, M. Nazaire Behanzin se voit imposer des formations et un stage de perfectionnement consistant en une supervision de ces dossiers. Il ne suit pas les cours de perfectionnement imposés (chef 1) et entrave le travail de la surveillante en émettant un avis au lecteur pour un client sans le lui avoir soumis pour révision au préalable (chef 2- art. 60 du Code de déontologie). Le CPA est membre depuis six ans au moment des infractions, il n’a pas d’antécédents disciplinaires et plaide coupable à l’égard d’un des deux chefs de la plainte. Toutefois, il refuse systématiquement de respecter les modalités de son stage de perfectionnement et fait preuve d’insouciance. Il ne démontre aucune volonté de s’amender ni n’exprime de remords, étant absent à l’audition sur sanction. Son risque de récidive est considéré très élevé.
  7.            Le conseil de discipline lui impose une période de radiation de trois mois pour avoir omis de suivre les cours de perfectionnement imposés par le Comité exécutif et une période de radiation de six mois pour avoir émis un avis au lecteur à son client sans qu’il ne soit au préalable soumis pour révision et approbation à la surveillante (art. 60 du Code de déontologie).
  8.            Les parties arguent que cette décision comporte des similitudes avec le cas à l’étude tout en soulignant une certaine différence, soit le fait que l’intimé signe un engagement qui rassure la plaignante, justifiant une sanction moindre.
  9.       Elles précisent qu’elles demandent au Conseil l’imposition d’une sanction globale sous forme d’une période de radiation totale de cinq mois, ce qui représente une sanction moindre de celle globalement imposée dans l’affaire Nazaire Behanzin, dont la période de radiation totale est de six mois.
  10.       Les parties attirent l’attention du Conseil sur la décision Perrotta qui impose une période de radiation de cinq mois à l’égard du chef reprochant à M. Perrotta d’avoir produit un rapport de mission d’examen sans que le dossier à l’appui de son opinion n’ait été révisé et approuvé par le surveillant. Les autres périodes de radiation imposées dans ce dossier étant purgées de façon concurrente, ainsi globalement, le CPA se voit radié pour une période de cinq mois.
  11.       Les parties affirment que le chef d’entrave au syndic (chef 8) est une infraction distincte de celles de non-collaboration avec la surveillante et réclament que la période de radiation suggérée sous ce chef soit une période de radiation de deux mois, à être purgée de façon consécutive aux autres périodes de radiation qui, elles, sont purgées de façon concurrente.
  12.       Elles justifient cette recommandation en arguant que l’infraction d’entrave est commise auprès d’une entité distincte de la surveillante, en l’occurrence, la plaignante, alors syndique adjointe, puis syndique, tout en s’appuyant sur l’affaire Savaria[18] :

[43] Pour ce qui est de la consécution des périodes de radiations temporaires imposées concurremment aux chefs 1, 2 et 3 à celles imposées concurremment aux chefs 4, 5, 6 et 7, l’avocat de la plaignante justifie cette recommandation en avançant que l’infraction d’entrave est commise auprès d’entités distinctes.

[44] Il souligne l’importance de transmettre un message aux membres de la profession que si l’on entrave le travail du Comité d’inspection professionnelle et par la suite le travail du Bureau du syndic, des sanctions consécutives seront imposées. Autrement, le message serait qu’on peut persister à entraver sans subir de conséquences pour cette entrave subséquente.

[45] Il cite l’affaire Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Fankhauser, dans laquelle la période de radiation pour le chef d’entrave fut imposée de manière consécutive à celles imposées pour d’autres types d’infraction.

[46] Il cite aussi l’affaire Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Lafleur, dans laquelle la sanction imposée sous les chefs relatifs aux fausses déclarations dans la déclaration annuelle à l’Ordre est consécutive à celles imposées pour des chefs de nature distincte qui concernent l’exercice de la comptabilité publique sans permis.

[47] Cette décision fait référence aux enseignements du Tribunal des professions selon lesquels il peut être approprié d’imposer des sanctions consécutives lorsque les infractions commises découlent de transactions distinctes, pourvu que l’effet cumulatif ne donne pas un résultat disproportionné par rapport à la culpabilité générale du délinquant.

[Soulignements ajoutés; références omises]

  1.       En l’espèce, les parties affirment avoir individualisé les sanctions au cas particulier de l’intimé afin que la sanction globale à être purgée soit une période de radiation de cinq mois considérant les circonstances graves du cas à l’étude.

La recommandation conjointe présentée par les parties est-elle contraire à l’intérêt public ou susceptible de déconsidérer l’administration de la justice?

  1.       À titre de fondement de la recommandation conjointe, les parties soulignent que celle-ci est le fruit d’une analyse minutieuse de l’ensemble des faits du dossier, d’échanges et de négociations sérieuses entre des avocats d’expérience.
  2.       Les parties avancent avoir tenu compte de la fourchette des décisions rendues en semblables matières afin de suggérer des sanctions se situant à l’intérieur de cette balise qui soient justes et appropriées, tout en appliquant le principe de la globalité des sanctions. Elles sont d’avis que les sanctions et les modalités recommandées ne sont pas contraires à l’intérêt public ni ne déconsidèrent l’administration de la justice.
  3.       Tenant compte du fondement de la recommandation conjointe sur sanction, des bénéfices pour l’administration de la justice, de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, et tout autant des facteurs objectifs des infractions que subjectifs propres à l’intimé, le Conseil ne relève pas d’éléments contraires à l’intérêt public ou pouvant déconsidérer l’administration de la justice.
  4.       En conséquence, il entérine la recommandation conjointe.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT ET SÉANCE TENANTE LE 15 NOVEMBRE 2024 :

Chef 1

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés en vigueur jusqu’au 8 mai 2024 et dès le 9 mai 2024 sur l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, et l’article 59.2 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Chef 2

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés alors en vigueur, et l’article 59.2 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Chef 4

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés alors en vigueur, et l’article 59.2 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Chef 5

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés alors en vigueur, et l’article 59.2 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Chef 7

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés en vigueur jusqu’au 8 mai 2024 et dès le 9 mai 2024, sur l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, et l’article 59.2 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 59.2 du Code des professions.

Chef 8

  1.       A DÉCLARÉ l’intimé coupable à l’égard de l’infraction fondée sur l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés en vigueur jusqu’au 8 mai 2024 et dès le 9 mai 2024, sur l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés, et l’article 114 du Code des professions.
  2.       A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi à l’article 60 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés en vigueur jusqu’au 8 mai 2024 et dès le 9 mai 2024, à l’article 77 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.

ET CE JOUR :

Chef 1

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de deux mois.

Chef 2

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de deux mois.

Chef 4

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de deux mois.

Chef 5

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de trois mois.

Chef 7

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de trois mois.

Chef 8

  1.       IMPOSE à l’intimé une période de radiation de deux mois.
  2.       ORDONNE que les périodes de radiation temporaire imposées sous les chefs 1, 2, 4, 5 et 7 soient purgées concurremment entre elles pour un total de trois mois.
  3.       ORDONNE que la période de radiation temporaire imposée sous le chef 8 soit purgée consécutivement à celles imposées sous les cinq autres chefs.
  4.       ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimé, dans un journal circulant dans le lieu où il a son domicile professionnel.
  5.       PREND ACTE de l’engagement de l’intimé signé le 14 novembre 2024 qui prévoit de :
  1.       Remettre à la surveillante au plus tard le 25 novembre 2024 les dossiers des missions d’examen des états financiers et du bilan du compte en fidéicommis de la Société B pour l’exercice terminé le 31 mai 2023, conformément aux modalités du stage de perfectionnement qui lui a été imposé par le Comité exécutif le 24 novembre 2022;
  2.       Répondre au plus tard le 25 novembre 2024 aux demandes formulées par la plaignante dans sa lettre du 29 août 2023;
  3.       Contacter la direction de l’Inspection professionnelle au plus tard le 29 novembre 2024 afin de mettre à jour les conditions du stage énoncées à la lettre datée du 25 novembre 2022;
  4.       Suivre la formation Dossier modèle en mission d’examen – Avancé, ou toute autre formation équivalente déterminée par la Vice-présidence, Encadrement de la profession et ce, d’ici le 15 décembre 2024;
  1.       CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés.

 

 

__________________________________

Me ISABELLE DUBUC

Présidente

 

 

 

__________________________________

M. MICHELIN BÉLISLE, CPA auditeur

Membre

 

 

 

__________________________________

M. ANDRÉ VINCENT, FCPA auditeur

Membre

 

Me Alexandre Racine

Avocat de la plaignante

 

Me Pascal A. Pelletier

Avocat de l’intimé

 

Date d’audience :

15 novembre 2024

 


[1]  R. c. Binet, 2019 QCCA 669; Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 52.

[2]  Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 89.

[3]  R. c. Nahanee, 2022 CSC 37, paragr. 32.

[4]  R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43; R. c. Binet, 2019 QCCA 669; Médecins (Ordre professionnel des) c. Mwilambwe, 2020 QCTP 39.

[5]  R. c. AnthonyCook, supra, note 4.

[6]  Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, 2019 QCTP 79; Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5; Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Vincent, 2019 QCTP 116; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Emrich, 2022 QCTP 55.

[7]  Ibid.

[8]  R. c. Binet, supra, note 1; R. v. Belakziz, 2018 ABCA 370; Denturologistes (Ordre professionnel des) c. Lauzière, 2020 QCCDDD 2.

[9]  RLRQ, c. C-48.1, r. 6.

[10]  RLRQ, c. C-48.1, r. 6.1.

[11]  RLRQ, c. C-48.1, r. 6.

[12]  RLRQ, c. C-26.

[13]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Mzeti, 2022 QCCDCPA 46.

[14]  Médecins (Ordre professionnel des) c. Chbeir, 2017 QCTP 3.

[15]  Jean-Guy Villeneuve, Nathalie Dubé, Tina Hobday, Précis de droit professionnel, Cowansville, Yvon Blais, 2007; Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5; R. c. AnthonyCook, 2016 CSC 43; Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, 2019 QCTP 79; Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Gougeon, 2021 QCTP 84, pourvoi en contrôle judiciaire, jugement homologuant transaction 18 juin 2024; Duval c. Comptables professionnels agréés (Ordre des), 2022 QCTP 36; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Leduc, 2012 CanLII 67866 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nazaire Behanzin, 2021 QCCDCPA 39 (culpabilité), 2022 QCCDCPA 1 (sanction); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Perrotta, 2023 QCCDCPA 5; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Di Cosmo, 2014 CanLII 74739 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Dumas, 2019 CanLII 47950 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Mzeti, 2022 QCCDCPA 23 (culpabilité), 2022 QCCDCPA 46 (sanction); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Szaroz, 2016 CanLII 83220 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Szaroz, 2016 CanLII 83219 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Leblanc, 2022 QCCDCPA 15; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Dombrowski, 2018 CanLII 52116 (QC CPA); Comptables professionnels agréés (Ordre des) v. Huberman, 2022 QCCDCPA 21; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Savaria, 2023 QCCDCPA 22; Comptables agréés (Ordre professionnel des) c Fontaine, 2010 CanLII 98579 (QC CPA).

[16]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Nazaire Behanzin, 2021 QCCDCPA 39 (culpabilité) et 2022 QCCDCPA 1 (sanction).

[17]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Perrotta, 2023 QCCDCPA 5.

[18]  Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Savaria, 2023 QCCDCPA 22.

AVIS :
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