Copropriété de Griffin Îlot 10 Résidentiel c. Zhao | 2023 QCCS 1000 | |||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | montréal | |||||
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No : | 500-17-107515-192 | |||||
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DATE : | 27 mars 2023 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | AZIMUDDIN HUSSAIN, J.C.S. | ||||
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COPROPRIÉTÉ DISTRICT GRIFFIN ÎLOT 10 RÉSIDENTIEL | ||||||
Demandeur | ||||||
c. | ||||||
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LU ZHAO et CECILIA LARONGE | ||||||
Défenderesses | ||||||
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JUGEMENT (Règlement de copropriété divise, location interdite) | ||||||
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[1] Le demandeur, syndicat de Copropriété de Griffin Îlot 10 Résidentiel (Syndicat), demande au Tribunal de rendre une ordonnance d’injonction permanente contre Lu Zhao et de la condamner à payer des dommages-intérêts pour violation de la disposition du règlement de l’immeuble qui interdit aux copropriétaires de louer leur logement à court terme sur des sites internet dédiés à la location à court terme, tel que Airbnb.
[2] Bien que le Syndicat ait nommé Cecilia Laronge comme codéfenderesse par mesure de prudence, la preuve démontre de façon non équivoque que cette personne n’existe pas et qu’elle est plutôt le pseudonyme de madame Zhao qui a créé un profil en ligne en utilisant ce nom.
[3] Le Syndicat saisit le Tribunal de sa Demande d’inscription pour jugement par défaut de répondre à l’assignation modifiée puisque madame Zhao est en défaut de répondre à la Demande introductive d’instance, comme le conclut l’honorable Claude Dallaire en 2021[1].
[4] Pour les motifs précisés ci-dessous, le Tribunal accueille les éléments principaux de la demande du Syndicat.
[5] La juge Dallaire résume la trame factuelle et le Tribunal emprunte donc les éléments relatés dans sa chronologie[2].
[6] Le Syndicat a pour fonction la gestion de l’immeuble faisant l’objet d’une copropriété divise sise à l’adresse civique 1085, rue Smith, à Montréal (Immeuble). L’Immeuble comprend 187 logements et il est situé dans le quartier Griffintown.
[7] Le 13 août 2014, madame Zhao conclut un acte de vente devant notaire pour devenir la propriétaire d’une partie privative, l’appartement no [1], de l’Immeuble.
[8] Selon les dispositions de l’acte de vente, en signant l’acte de son logement de copropriété, madame Zhao s’est engagée à respecter les dispositions de la déclaration initiale de copropriété, celles de la déclaration de copropriété de l’Immeuble et les règlements qui en découlent, dont elle déclare expressément avoir pris connaissance.
[9] En signant l’acte, elle déclare aussi qu’elle se conformera aux décisions prises par l’assemblée des copropriétaires et des administrateurs.
[10] Le 17 août 2016, l’assemblée des copropriétaires de l’Immeuble (Assemblée) adopte une modification au règlement de l’Immeuble (Règlement) pour y ajouter notamment l’article 102.1.1, qui avait pour but d’encadrer la location des parties privatives.
[11] L’article 102.1.1 stipule que l’occupation répétée d’une fraction comportant une partie privative d’habitation par des occupants différents, pour des périodes de moins de 12 mois consécutifs, est interdite.
[12] L’amende pour toute contravention est fixée à 1 000 $ pour une première violation et à 3 000 $ pour chaque violation subséquente.
[13] La disposition prévoit aussi l’obligation des copropriétaires d’informer le Syndicat dans un maximum de 15 jours suivant le début de location ou de l’occupation de son logement, de la durée de la location, du nom des locataires ou des occupants, de leurs coordonnées et de leur engagement à respecter l’interdiction prévue ci-dessus.
[14] Lors de la même réunion, l’Assemblée adopte l’article 154.1, qui prévoit que le Syndicat peut réclamer les frais judiciaires encourus par le Syndicat pour, entre autres, forcer les copropriétaires « à respecter la déclaration de copropriété ».
[15] Pour sa part, la déclaration de copropriété de l’Immeuble (Déclaration) prévoit dans son article 16 l’obligation des copropriétaires et des occupants de se conformer au Règlement.
[16] Le 6 avril 2017, l’Assemblée adopte un amendement à l’article 102.1.1 du Règlement, qui ajoute la phrase suivante à la fin de la disposition : « Afin d’éviter toute confusion, la promotion d’un logement sur des sites dédiés à la location court terme, tel que Air Bnb est interdite. Tout copropriétaire en défaut se verra imposer les pénalités prévues par l’article 99 de la déclaration de copropriété » (reproduit textuellement).
[17] Le 20 mars 2019, après avoir noté plusieurs infractions au Règlement par madame Zhao quant à l’interdiction de louer le logement à court terme, le Syndic met les défenderesses en demeure de cesser immédiatement leurs activités de location à court terme.
[18] Madame Zhao passe outre à cette mise en demeure et continue ses activités de location à court terme.
[19] Le 15 avril 2019, le Syndic dépose sa Demande introductive, dans laquelle il allègue que madame Zhao a régulièrement loué son logement pour des périodes inférieures à 12 mois, et qu’elle a été informée à plusieurs reprises qu’elle commettait des infractions au Règlement.
[20] Selon la Demande introductive et la preuve à l’appui des allégations de celle-ci, le profil d’utilisateur que l’on retrouve dans l’annonce d’Airbnb visant le logement de madame Zhao est associé au compte d’une dénommée Cecilia Laronge (Laronge), la codéfenderesse.
[21] Bien que la juge Dallaire conclue que l’existence véritable de cette personne n’a encore jamais été établie, le Tribunal conclut définitivement que cette personne n’existe pas, mais qu’elle serait plutôt le pseudonyme de madame Zhao sur le site d’Airbnb.
[22] Le compte de Laronge a été créé en avril 2017, ce qui coïncide avec le moment où l’article 102.1.1 du Règlement de l’Immeuble est modifié pour préciser que la promotion des logements sur Airbnb est interdite.
[23] Le Syndic fait la preuve que madame Zhao, à travers le pseudonyme Laronge sur le site d’Airbnb, met en place un système élaboré, mais sournois, dans le but de faire rentrer les personnes à qui elle loue son logement par l’immeuble voisin de celui qui est en cause, pour que personne ne soit au courant de ses activités.
[24] Ces personnes traversaient alors le stationnement intérieur, que les deux immeubles partagent, pour ensuite se rendre à l’ascenseur du 1085, rue Smith, afin d’accéder au logement de madame Zhao.
[25] Cette dernière explique au Syndic que son logement est louée par Laronge, mais personne dans l’Immeuble n’est en mesure de confirmer avoir vu Laronge et le bail que madame Zhao présente pour prouver son existence suscite des questions quant à son authenticité.
[26] Le Syndic éprouve beaucoup de difficulté à signifier sa Demande introductive.
[27] Le Tribunal ne répétera pas en détails les défis auxquels le Syndic a fait face pour signifier la Demande introductive, la juge Dallaire les résumant de façon intégrale[3].
[28] La juge Dallaire rejette la demande de madame Zhao d’être relevée de son défaut de répondre à la Demande introductive, et elle le fait en termes très durs, mais tout à fait justifiés :
[89] La chronologie détaillée, énoncée précédemment, démontre que les motifs allégués, versus ceux prouvés, sont loin de satisfaire les critères requis pour exercer notre discrétion en faveur de la défenderesse.
[90] Au contraire, la preuve, plus que contradictoire, que Zhao ajuste, au gré des invraisemblances de ses diverses déclarations sous serment, que l’exercice minutieux du Syndicat révèle, démontre que Zhao a été négligente et insouciante, dans la gestion de ses affaires.
[91] Son comportement, dans le cadre de cette instance judiciaire, démontre qu’elle se moque du sérieux qu’il faut accorder à une déclaration assermentée.
[92] De plus, depuis l’été 2019, elle n’a rien fait de sérieux pour faire progresser son dossier et régulariser sa situation, comme défenderesse. Il a fallu que le Syndicat la relance à de multiples reprises et qu’il lui impose des ultimatums, pour la faire bouger.
[93] Mais ce qui est le plus préoccupant, au final, c’est la manière dont elle ajuste ses diverses versions, au gré des écueils révélés par ses déclarations précédentes, au point où la trame factuelle qu’elle raconte, ne fait plus de sens.
[94] Ainsi, non seulement Zhao a-t-elle fait perdre du précieux temps au Syndicat, qui avait le droit d’obtenir un jugement dans un délai raisonnable, si la preuve qu’il détient justifiait un tel jugement, mais elle fait également perdre le temps de la Cour, en soutenant une position invraisemblable in incohérente.
[95] La trame factuelle énoncée dans ce jugement, n’est donc pas un exemple à suivre, lorsqu’une personne veut être relevée d’un défaut d’avoir respecté un délai imposé par le Code de procédure civile. Au contraire, cette trame démontre l’absence de collaboration sérieuse que toute partie, représentée ou non, est tenue d’apporter au traitement de son dossier judiciaire, en vertu de l’article
[29] Madame Zhao ne porte pas en appel le jugement de la juge Dallaire, et le demandeur passe donc à la prochaine étape par défaut. Il dépose sa Demande d’inscription pour jugement par défaut de répondre à l’assignation modifiée le 21 mai 2021.
[30] Tout d’abord, une note sur la conduite de madame Zhao pendant l’instance judiciaire.
[31] Malgré les commentaires de la juge Dallaire, madame Zhao n’a pas changé de comportement dans ce dossier.
[32] Lors de l’audience au fond de la Demande introductive, l’avocat de madame Zhao, qui a signé la Déclaration commune, annonce au Tribunal que son mandat se limite à négocier un règlement hors cour et, puisque les pourparlers ont échoué, il demande une remise et, subsidiairement, l’autorisation de cesser d’occuper. Madame Zhao n’est alors pas présente en salle d’audience.
[33] Le Tribunal avise l’avocat qu’il entend rejeter la demande de remise et lui permet, à sa demande, d’obtenir instruction de sa cliente pour savoir si elle lui donnait mandat de contre-interroger les témoins du demandeur et de présenter une plaidoirie.
[34] Après la pause, l’avocat de madame Zhao informe le Tribunal que sa cliente ne lui donne pas le mandat de poursuivre dans le procès. Le Tribunal rejette séance tenante la demande de remise et autorise l’avocat à cesser d’occuper.
[35] L’avocat informe alors madame Zhao par téléphone du sort de sa demande de remise et lui indique comment se brancher en salle d’audience virtuelle, ce qu’elle fait.
[36] Les interventions de madame Zhao, à la fois au début et à la fin de sa présence virtuelle en salle d’audience, impliquent la divulgation du contenu des pourparlers entre les parties, malgré les avertissements répétés du Tribunal.
[37] Pour la bonne gestion de l’audience, le Tribunal demande que le microphone de madame Zhao soit fermé lorsqu’elle refuse d’obtempérer aux demandes du Tribunal de mettre fin à ses interventions.
[38] Madame Zhao contre-interroge Lise Pigeon, l’un des représentants du Syndic[4]. Cependant, malgré les rappels à l’ordre du Tribunal, le contre-interrogatoire est truffé d’interventions irrecevables, notamment d’accusations dirigées contre madame Pigeon pour n’avoir pas respecté la soi-disant entente hors cour évoquée par madame Zhao.
[39] La plaidoirie de madame Zhao s’appuie à nouveau sur des affirmations irrecevables et un refus de conclure la prestation malgré le temps alloué. Le Tribunal se voit donc dans l’obligation de mettre fin à la plaidoirie.
[40] À l’évidence, les interventions de madame Zhao à l’audience peuvent se qualifier de houleuses, voire de quérulentes et vexatoires.
[41] Le Tribunal note l’attitude changeante de madame Zhao face aux procédures depuis le début : tantôt évasive, jusqu’à refuser à son avocat la possibilité de contre-interroger et de plaider, ou à mener la juge Dallaire à conclure à son défaut de répondre; tantôt interventionniste, d’une intensité inacceptable lorsqu’elle se représente elle-même.
[42] Bien que le Tribunal ne sanctionne pas le comportement de madame Zhao, il juge important de le noter pour bien comprendre les défis rencontrés par le demandeur.
[43] Le Tribunal accordera les conclusions formulées dans la Demande introductive et la Demande d’inscription, comme le Syndic les a modifiées à l’audience pour mettre à jour le montant réclamé à titre d’honoraires d’avocats, sauf les exceptions décrites ci-dessous.
[44] Le Syndic souhaite dans ses conclusions se réserver un droit. En cas de transgression par les défenderesses de l’injonction à prononcer, le Syndic souhaite pouvoir demander que soit ordonnée la vente de la fraction appartenant à la défenderesse madame Zhao, conformément aux dispositions du Code de procédure civile relatives à la vente du bien d’autrui, comme le prévoit l’article
[45] Puisqu’il n’y a pas lieu dans le présent dossier de prononcer une telle réserve de droit (soit le Syndic possède le droit, soit il ne le possède pas), le Tribunal accueillera en partie la Demande introductive et la Demande d’inscription.
[46] Un raisonnement semblable s’applique quant à la conclusion dans la Demande d’inscription pour constater le défaut des défenderesses de répondre à l’assignation dans le délai prescrit.
[47] Puisque la juge Dallaire a déjà rejeté la demande de madame Zhao à être relevée du défaut de répondre à la Demande introductive en temps requis, il n’y a pas lieu de constater le défaut des défenderesses.
[48] Finalement, l’ordonnance et les condamnations ne viseront pas Cecilia Laronge en tant que telle puisque le Tribunal conclut qu’elle n’existe pas. Or, les conclusions préciseront qu’elles s’appliquent à madame Zhao agissant en son propre nom ou au nom de son pseudonyme.
[49] Le Syndic demande au Tribunal de rendre une injonction, et des ordonnances connexes, pour que madame Zhao s’abstienne de louer ou de permettre que soit loué son appartement pour des périodes inférieures à 12 mois.
[50] Le Syndic demande aussi une condamnation en dommages-intérêts pour que le Tribunal ordonne à madame Zhao de payer au Syndic la somme de 49 000 $ à titre de pénalité en vertu de l’article 102.1.1 du Règlement, et une somme de 34 387 $ à titre de remboursement des frais judiciaires en vertu de l’article 154.1 du Règlement, ces frais ayant été engagés par le Syndic dans les procédures actuelles.
[51] L’article
[52] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que le Syndic s’est déchargé du fardeau de la preuve qui consiste à établir que madame Zhao a violé les dispositions du Règlement de l’Immeuble et, conséquemment, l’article cité ci-dessus.
[53] Madame Pigeon témoigne pour le Syndic. Elle est l’un des administrateurs de celui-ci et habite dans un logement voisin de celui de madame Zhao. Elle dépose aussi une déclaration sous serment.
[54] Robert Barrette, employé de la firme SolutionCondo inc., témoigne à titre de gestionnaire du Syndic. Il dépose aussi une déclaration sous serment.
[55] Monsieur Barrette verse au dossier les avis d’infraction adressés à madame Zhao, ainsi que les états de compte et factures en lien avec les services du cabinet d’avocats du Syndic pour les présentes procédures.
[56] Le 15 février 2016, le Syndic fait parvenir à madame Zhao un premier avis d’infraction en lien avec la location à court terme, mais il annule la pénalité deux jours plus tard afin de revoir le Règlement à la prochaine assemblée des copropriétaires.
[57] Aucun écrit ne manifeste la réaction de madame Zhao à cet avis, ni aux autres avis qui suivront.
[58] Le 4 octobre 2016, le Syndic communique à madame Zhao le premier véritable avis d’infraction, qui sera suivi de seize autres avis s’étalant jusqu’au 2 octobre 2019.
[59] Madame Pigeon explique à grand renfort de détails son implication dans la cueillette méticuleuse de la preuve pour établir que madame Zhao annonçait son logement sur Airbnb et qu’elle parvenait à louer à plusieurs personnes, souvent venues de l’extérieur de la province.
[60] Par exemple, quand elle voit des gens arriver au logement avec des valises, elle leur demande où ils vont rester pendant leur séjour. Elle photographie leurs pièces d’identité pour valider leur adresse qui n’est pas celle de l’appartement [1]. Quand ils refusent de s’identifier, elle note néanmoins leur présence et les dates du séjour.
[61] Madame Pigeon effectue des recherches sur le site d’Airbnb, au sujet de l’Immeuble et de l’appartement [1]. L’annonce est au nom de Cecilia Laronge : ici débute une histoire fictive.
[62] Dans l’annonce sur Airbnb, Laronge se présente comme avocate. Or, madame Pigeon ne trouve pas son nom dans le bottin des avocats mis en ligne par le Barreau du Québec.
[63] Madame Zhao a déjà intercepté madame Pigeon dans l’Immeuble en 2018, précisant qu’elle est avocate et qu’elle s’oppose à l’interdiction de la location à court terme. Madame Pigeon vérifie le bottin et constate que madame Zhao, tout comme le pseudonyme Laronge, n’est pas avocate.
[64] Ni madame Pigeon, ni monsieur Barrette, ni aucun copropriétaire, ni aucun membre du conseil d’administration ou de l’équipe de gestion, ne croise Laronge. Elle n’existe pas.
[65] Selon un dépistage mandaté par le Syndic en août 2019, le cabinet Dépistage St-Jacques inc. ne trouve pas de Cecilia Laronge au Québec.
[66] Fin 2019, madame Zhao explique à madame Pigeon que Laronge a déménagé. L’histoire fictive prend fin.
[67] Dans le contexte de l’enquête de madame Pigeon, elle prend note des dates disponibles pour la réservation Airbnb : les dates non disponibles signifient que des visiteurs vont se présenter au logement. Madame Pigeon est alors sur le qui-vive pour ce qui est de l’arrivée de ces visiteurs.
[68] Madame Pigeon poursuit son enquête lorsqu’elle voit des étrangers dans les couloirs et les ascenseurs. Elle entreprend des conversations pour cerner la durée de leur séjour à l’appartement [1], durée qui est toujours de moins de 12 mois.
[69] Dans le contexte de l’enquête sur les activités de location de Mme Zhao, le Syndic mandate en février 2019 un huissier pour faire une réservation Airbnb pour l’appartement [1]. Le reçu mentionne le 1090, rue Wellington, et non l’adresse de l’Immeuble.
[70] On comprend cette incohérence lorsqu’on lit la confirmation de la réservation, sous forme d’un courriel de l’adresse électronique cecilia.laronge1@gmail.com.
[71] L’adresse du 1090, rue Wellington est celle de l’immeuble voisin qui partage le stationnement avec l’Immeuble. Les instructions fournies dans le courriel sont éloquentes et méritent d’être citées (courriel reproduit textuellement) pour démontrer le stratagème orchestré par madame Zhao :
1. ADDRESS: 1090 Wellington, H3C 0L9, apt # [1] on [...]th floor. […]
2. KEYS: When standing with you back to 1090 Wellington, turn left toward the left side of the building, you will see a furniture store Kartell, behind that store, there are pipes, and my keys are hanging behind the second meter from the left (the one with the graffiti on). REFER TO PICTURE ATTACHED HERE.
3. ACCESS after you got the keys:
First enter 1090 Wellington next to the Starbuck’s, take elevator DOWN to P2, walk straight across the parking facing you then you will see another elevator in front of parking # 153 (use blue pin to enter elevator door) that will take you to 11th floor, it’s the first door facing the elevator to the left. PLEASE ENTER AND EXIT THIS WAY DURING STAY. Airbnb is tolerated like any other apartment building in so please be low profile and just say your friends visiting if asked. […]
[…]
5.. RULES
[…] Also if the security ask who you are, just say your friends staying to avoid a longer questioning. […]
[72] Ces instructions bizarres ne passent pas inaperçues; un client note sur le site ce qui suit (reproduit textuellement): « Once you get passed the awkward checking procedure and entering through the parking lot each time […] ».
[73] Madame Pigeon avise monsieur Barrette au fur et à mesure des visites des étrangers à l’appartement [1]. Monsieur Barrette envoie des avis d’infraction à madame Zhao, le premier étant le 4 octobre 2016 et le 17e, le 2 octobre 2019.
[74] Chaque avis d’infraction est détaillé : outre la reproduction intégrale de l’article 102.1.1 du Règlement et de la précision du montant de la pénalité imposée, les avis contiennent des détails comme les dates des infractions, les noms des personnes occupant l’appartement ou des photos témoignant de l’occupation par ces dernières.
[75] Un seul avis, le 14e, en date du 7 août 2019, ne contient aucun de ces éléments (date, nom, photos) à l’appui de l’accusation. Bien que la présence de ces éléments dans un avis d’infraction soit souhaitable, leur absence est comblée par le caractère convaincant du témoignage de madame Pigeon quant à sa méthodologie rigoureuse pour conclure que l’appartement [1] est bel et bien occupé par un client Airbnb.
[76] Madame Zhao ne répond jamais aux avis d’infraction.
[77] Finalement, le Syndic délivre 17 avis d’infraction, le premier au montant de 1000 $ et les autres, au montant de 3000 $, conformément à l’article 102.1.1 du Règlement. Le total est donc de 49 000 $.
[78] Madame Pigeon témoigne que son dernier entretien avec un client d’Airbnb pour l’appartement [1] a eu lieu à l’été 2022. Cependant, le Syndic ne délivre pas d’avis d’infraction en lien avec cette occupation.
[79] Quant aux honoraires d’avocats réclamés en vertu de l’article 154.1 du Règlement, le Syndic établit le montant de 34 387 $ grâce au témoignage de monsieur Barrette et aux représentations de l’avocat du Syndic[6]. Rien ne justifie que ces honoraires soient à la charge de quiconque autre que madame Zhao[7].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[80] ACCUEILLE en partie la Demande introductive d’instance en injonction permanente et en dommages-intérêts ;
[81] ACCUEILLE en partie la Demande d’inscription pour jugement par défaut de répondre à l’assignation modifiée ;
[82] ORDONNE à la défenderesse Lu Zhao, agissant en son nom ou au nom de son pseudonyme, la codéfenderesse Cecilia Laronge :
1. DE S’ABSTENIR de louer ou de permettre que soit loué l’appartement de copropriété [1] (Appartement) du 1085, rue Smith à Montréal, province de Québec, H3C 0L9 (lot numéro 5 396 440 du cadastre du Québec) (Immeuble) pour des périodes inférieures à douze (12) mois, ou tout autre terme minimal que l’assemblée des copropriétaires pourrait déterminer par modification, abrogation ou remplacement de l’article 102.1.1 du Règlement de l’Immeuble ;
2. DE S’ABSTENIR d’offrir ou de permettre que soit offert l’Appartement en location pour des périodes inférieures à douze (12) mois par quelque moyen de communication que ce soit, y compris par le biais de plates-formes en ligne telles que Airbnb, HomeAway, VRBO, etc. ;
3. DE NOTIFIER au demandeur syndicat de Copropriété de Griffin Îlot 10 Résidentiel (Syndicat) toute location ou occupation future de l’Appartement et lui remettre une copie du bail ou du formulaire de dénonciation d’une occupation conformément à l’article 102.1.1 du Règlement de l’Immeuble ;
4. DE RESPECTER cette injonction permanente tant et aussi longtemps que madame Zhao sera propriétaire de l’Appartement ou de tout autre logement de l’Immeuble ;
[83] AUTORISE la signification du présent jugement à toute tierce personne, physique ou morale, avec laquelle madame Zhao, agissant en son nom ou au nom de son pseudonyme, la codéfenderesse Cecilia Laronge, contreviendrait à la présente ordonnance ;
[84] CONDAMNE madame Zhao, agissant en son nom ou au nom de son pseudonyme, la codéfenderesse Cecilia Laronge, à payer au Syndic, à titre de pénalité en vertu de l’article 102.1.1 du Règlement de l’Immeuble, la somme de 49 000 $, avec les intérêts au taux légal, plus l’indemnité additionnelle en vertu de l’article
[85] CONDAMNE madame Zhao, agissant en son propre nom ou au nom de son pseudonyme, la codéfenderesse Cecilia Laronge, à payer au Syndic, à titre de remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus dans le cadre des présentes, la somme de 34 387 $ ;
[86] AVEC frais de justice.
| __________________________________ AZIMUDDIN HUSSAIN, J.C.S. | |
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Maître Karl Michel | ||
LJT Avocats, sencrl | ||
Avocat pour le demandeur | ||
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Madame Lu Zhao | ||
Défenderesse, se représente seule | ||
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Date d’audience : | 21 février 2023 | |
[1] Syndicat de copropriété District Griffin Ilot 10 Résidentiel c. Zhao,
[2] Id., paragr. 11-64.
[3] Id., paragr. 25-35.
[4] Malgré le défaut de répondre à l’assignation, un tel défendeur a le droit de contre-interroger et de présenter une plaidoirie, voir St.C. c. S.R.,
[5] Le Syndic cite aussi la Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique et à définir une nouvelle gouvernance en ce qui a trait à la promotion internationale, L.Q. 2015, c. 31, en lien avec l’argument selon lequel il est nécessaire d’être titulaire d’une certification afin de s’adonner à la location à court terme pour une durée inférieure à 31 jours. Le Tribunal n’estime pas nécessaire de faire l’analyse de cette loi et du régime de l’hébergement touristique afin de trancher la présente demande.
[6] « L’avocat est cru à son serment quant à la réquisition, à la nature, à la durée et à la valeur de ses services, mais ce serment peut être contredit comme tout autre témoignage », Loi sur le barreau, R.L.R.Q. c. B-1, art. 127.
[7] Syndicat de la copropriété Atrium Rosemont c. Somasundaram,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.