Commissaire à la déontologie policière c. Parent | 2022 QCCDP 56 |
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE POLICIÈRE | |
MONTRÉAL | |
DOSSIER : | C-2021-5330-1 (20-1277-1)
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LE 7 NOVEMBRE 2022 | |
SOUS LA PRÉSIDENCE DE BENOIT MC MAHON, JUGE ADMINISTRATIF | |
le commissaire à la déontologie policière | |
c. | |
Le sergent RICHARD PARENT, matricule 8784 Ex-membre de la Sureté du Québec | |
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DÉCISION AU FOND ET SUR SANCTION | |
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[1] Après avoir été condamné, entre autres, à des peines d’emprisonnement avec sursis pour avoir commis trois infractions criminelles, dont deux poursuivables uniquement par voie de mise en accusation, le Commissaire à la déontologie policière (Commissaire) cite le sergent Richard Parent devant le Comité de déontologie policière (Comité)[1].
[2] On reproche au sergent Parent de ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux et de ne pas avoir contribué à l’administration de la justice en commettant ces crimes, alors qu’il était dans l’exercice de ses fonctions[2].
[3] À l’audience, le sergent Parent reconnait sa responsabilité déontologique et les parties recommandent conjointement sa destitution. Le Comité, séance tenante, entérine la sanction proposée par les parties et indique que les motifs écrits de cette décision suivront. Voici ces motifs.
[4] Alors qu’il agit comme responsable de la salle des pièces à conviction au poste de la Sûreté du Québec de Lacolle, le sergent Parent vole de l’argent et des biens dans la voûte des pièces à conviction[3]. Pour cacher ses méfaits, il fait disparaitre des formulaires ou fabrique de faux rapports en inscrivant des informations trompeuses ou inexactes sur ceux-ci[4]. Ces crimes s’échelonnent sur une période de six ans, entre le 20 juillet 2010 et le 21 novembre 2016[5].
[5] Le sergent Parent prend sa retraite le 28 octobre 2017. Le 3 mai 2019, il plaide coupable aux infractions criminelles suivantes[6] :
[6] Le 5 février 2020, le sergent Parent est condamné à purger une peine d’emprisonnement de huit mois avec sursis pour avoir entravé la justice et commis un faux. Il reçoit un sursis de peine assorti d’une probation de deux ans pour le vol.
[7] Le 28 juillet 2021, le Commissaire cite le sergent Parent devant le Comité. L’audience est fixée au 5 mai 2022.
[8] Le 5 mai 2022, le Commissaire demande au Comité la permission de retirer la citation déposée à l’endroit du sergent Parent. Selon le Commissaire, le sergent Parent aurait été automatiquement destitué aux termes de la Loi sur la police[7] (Loi). Il n’aurait donc pas dû être cité devant le Comité.
[9] Le 24 mai 2022, le Comité rejette la demande de retrait de la citation. Le Comité conclut qu’il a compétence pour connaitre de la citation, puisque le sergent Parent a été déclaré coupable d’infractions criminelles constituant des actes dérogatoires au Code et qu’il n’avait jamais été destitué par son employeur[8]. Les parties sont donc convoquées devant le Comité le 1er novembre 2022, afin que le Comité décide si la conduite du sergent Parent constitue un acte dérogatoire au Code et impose une sanction, le cas échéant[9].
[10] La sanction doit prendre en considération la gravité de l’inconduite, les circonstances de l’événement et la teneur du dossier de déontologie du policier cité[10]. Elle doit comporter à la fois un caractère de dissuasion et d’exemplarité dans le but d’assurer une meilleure protection des citoyens.
[11] Les procureurs recommandent au Comité d’imposer la plus sévère des sanctions prévues à la Loi, soit la destitution[11].
[12] La reconnaissance de l’inconduite par le sergent Parent comporte l’avantage d’abréger le débat tout en accordant toute leur valeur aux dispositions du Code.
[13] Lorsque les procureurs au dossier présentent une suggestion commune, elle doit être prise en haute considération, particulièrement lorsqu’elle respecte l’esprit de la loi, qu’elle n’est pas contraire à l’intérêt public et qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice[12].
[14] Ces principes étant acquis, la détermination de la sanction ne peut se faire à l’aveuglette. Elle doit s’inscrire dans le cadre de la déontologie policière et tenir compte non seulement de la jurisprudence du Comité, mais aussi des éléments particuliers, propres au dossier.
[15] Le juge administratif doit donc avoir ces principes à l’esprit et se demander si la proposition soumise est acceptable compte tenu de l’information qui lui est communiquée par les procureurs, laquelle doit présenter une description complète des faits pertinents à l’égard du policier cité et de l’inconduite.
[16] L’infraction criminelle d’entrave à la justice et le vol de plus de 5 000 $ sont des crimes graves. Le fait que le sergent Parent a usé de ses connaissances et de sa position pour les commettre constitue un abus de confiance. Il a discrédité l’administration de la justice. Le sergent Parent n’a pas respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en profitant de son statut privilégié que lui conféraient ses fonctions.
[17] Le sergent Parent cumulait 22 années de service au moment des événements. Il était un policier d’expérience et savait qu’il ne pouvait s’approprier les sommes volées. Il était aussi impliqué dans la chaine de possession de l’argent.
[18] De plus, les crimes sont commis durant une période de temps considérable, soit plus ou moins six ans. Finalement, le Comité note le degré de préméditation des actes du sergent Parent, particulièrement la confection de faux documents pour couvrir ses vols.
[19] La destitution en pareilles circonstances respecte l’esprit de la loi, n’est pas contraire à l’intérêt public et ne déconsidère pas l’administration de la justice. Le Commissaire a déposé des décisions qui appuient la suggestion commune[13].
[20] POUR CES MOTIFS, le Comité :
[21] PREND ACTE que le sergent RICHARD PARENT reconnait avoir dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec;
Chef 1
[22] IMPOSE la destitution au sergent RICHARD PARENT pour avoir dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (en volant des sommes d’argent et des biens d’une valeur de plus de 5 000 $ à diverses personnes ainsi qu’au Procureur général du Canada);
Chef 2
[23] IMPOSE la destitution au sergent RICHARD PARENT pour avoir dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (en tentant volontairement d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice en prenant, cachant ou détruisant des rapports de contrôle et de disposition des pièces à conviction de la Sûreté du Québec ou en y inscrivant de fausses données);
Chef 3
[24] IMPOSE la destitution au sergent RICHARD PARENT pour avoir dérogé à l’article 7 du Code de déontologie des policiers du Québec (en produisant de faux documents en les sachant faux, soit des rapports de disposition des pièces à conviction et des inscriptions au système de gestion des pièces à conviction).
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| Benoit Mc Mahon |
Me Alexandrine Fontaine-Tardif |
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Desgroseilliers, Roy, Chevrier Procureurs du Commissaire |
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Me Dominique Goudreault |
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Gaggino Avocats Procureurs de la partie policière |
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Audience virtuelle Date de l’audience : 1er novembre 2022 |
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ANNEXE
« Le Commissaire à la déontologie policière cite devant le Comité de déontologie policière, le sergent Richard Parent, matricule 8784, ex-membre de la Sûreté du Québec :
[1] Loi sur la police, RLRQ, c. P-13.1, art. 230.
[2] Code de déontologie des policiers du Québec, RLRQ, c P-13.1, r 1, art. 7.
[3] Pièce CP3, décision de la Cour du Québec sur la détermination de la peine, 5 février 2020, par. 5. Les sommes volées s’élèvent à plus de 6 000 $.
[4] Id., par. 6.
[5] Pièce CP3, précitée, note 3, par. 2.
[6] Il n’est pas contesté que les infractions de vol de plus de 5 000 $ et d’entrave à la justice n’étaient poursuivables que par voie de mise en accusation au moment du plaidoyer de culpabilité du sergent Parent. Voir L.C. 2019, c. 25, art. 43 et 122.
[7] Loi sur la police, précitée, note 1, art. 119 al. 1.
[8] Commissaire à la déontologie policière c. Parent,
[9] Loi sur la police, précitée, note 1, art. 233-234.
[10] Id., art. 235.
[11] Id., art. 234.
[12] Commissaire à la déontologie policière c. Pronovost,
[13] Commissaire à la déontologie policière c. El Alfy,
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