COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES
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RÉGION : |
MONTRÉAL |
MONTRÉAL, le 3 février 2000 |
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DOSSIER : |
DEVANT LA COMMISSAIRE : |
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ASSISTÉE DES MEMBRES : |
Pierre Gamache |
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Associations d’employeurs |
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Marcel Gagnon |
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Associations syndicales |
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ASSISTÉE DE L’ASSESSEUR |
Dr Michel Lesage |
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DOSSIER CSST/DRA : |
114218589-1 |
AUDIENCE TENUE LE : |
13 janvier 2000 |
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À : |
Montréal |
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ELSA MOJICA |
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PARTIE REQUÉRANTE |
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et |
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CLSC CÔTE DES NEIGES |
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PARTIE INTÉRESSÉE |
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DÉCISION
[1] Le 4 août 1999, madame Elsa Mojica (la travailleuse) loge une requête contestant la décision rendue le 29 juillet 1999 par la Direction de la révision administrative (la révision administrative) de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) confirmant la décision de première instance du 28 avril 1999 portant sur l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999 et sur les droits qui en découlent.
[2] Le Bureau d’évaluation médicale fixe la date de consolidation au 27 juillet 1998 avec suffisance de soins ou traitements, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique (atteinte permanente) ni limitation fonctionnelle. Liée par cet avis, la CSST conclut qu’elle cesse de payer les soins à partir du 27 juillet 1998, que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour dommages corporels et qu’en l’absence d’atteinte permanente et de limitation fonctionnelle, elle est capable d’exercer son emploi et que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu est cessé le 26 juillet 1998.
OBJET DE LA CONTESTATION
[3] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la révision administrative et de déclarer que sa lésion n’est pas encore consolidée et qu’elle a toujours besoin de soins ou traitements.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[4] Le représentant de la travailleuse soumet que l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999 est irrégulier. Il fait valoir qu’un premier membre du Bureau d’évaluation médicale a rendu son avis le 18 novembre 1998 statuant sur le diagnostic, le fait que la lésion n’est pas consolidée à cette date, que l’investigation médicale doit être poursuivie et qu’il est trop tôt pour déterminer l’existence de séquelles. Le représentant soumet que la décision du 24 novembre 1998 portant sur cet avis ne fut pas contestée et a acquis force de chose décidée.
[5] Le représentant de la travailleuse soumet, en outre, que la lecture de l’avis de ce second Bureau d’évaluation médicale permet de constater qu’il ne semble pas au courant du premier avis rendu puisqu’il n’en fait aucune mention et retient l’opinion du médecin de la CSST, le docteur Moïse, opinion antérieure à l’avis du premier Bureau d’évaluation médicale. Le représentant soumet que cette prémisse est fausse puisque la CSST a déjà rendu sa décision sur le sujet. L’avis du second Bureau d’évaluation médicale est donc irrégulier.
LES FAITS
[6] Le 23 janvier 1998, madame Mojica est auxiliaire familiale au C.L.S.C. Côte-des-Neiges depuis neuf ans et elle se blesse au coude gauche en tombant sur le trottoir.
[7] Le 27 janvier 1998, elle consulte la docteure Adjami qui pose un diagnostic d’épicondylite gauche. Par la suite, la travailleuse reçoit différents traitements dont deux infiltrations au coude gauche, une médication anti-inflammatoire et analgésique, des traitements de physiothérapie, le port d’un bracelet et des traitements de chiropractie.
[8] Le 27 juillet 1998, la travailleuse est examinée, à la demande de la CSST, par le docteur Paul Moïse, orthopédiste, qui émet l’opinion, le 3 août 1998 que la lésion est consolidée au jour de son examen, avec suffisance de soins ou traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Le dossier est donc dirigé par la CSST au Bureau d’évaluation médicale.
[9] Le 12 novembre 1998, la travailleuse est examinée par le docteur Guy Lafond, orthopédiste, membre du Bureau d’évaluation médicale qui émet son avis le 18 novembre 1998. Il retient le diagnostic de « contusion importante du coude gauche compliquée d’une épicondylite et d'une épitrochléite, en plus d’une synovite réactionnelle dans cette articulation ». Il émet l’avis que la lésion n’est pas encore consolidée, que l’investigation médicale doit être poursuivie afin de diriger le traitement de façon appropriée. Il précise qu’il est trop tôt pour se prononcer quant à l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[10] Le 24 novembre 1998, la CSST, liée par cet avis, rend sa décision en reconnaissant l’existence d’une relation causale entre l’événement du 23 janvier 1998 et le diagnostic posé par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle conclut que les soins ou traitements sont toujours nécessaires et qu’elle continuera de les payer. Elle conclut aussi que la travailleuse continue d’avoir droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Cette décision n’est pas contestée.
[11] Le 9 décembre 1998, la travailleuse subit une résonance magnétique du coude gauche. Elle continue d’être suivie par la docteure Adjami et consulte aussi d’autres médecins (cf. pièce T-1 en liasse).
[12] Entre-temps, nous retrouvons aux notes évolutives du 15 mars 1999 le résumé d’un bilan téléphonique fait par la CSST auprès de la docteure Adjami :
«BM : Bilan téléphonique dr Adjami
Md me dit que tous les tests demandés par le BEM sont revenus négatifs
À l’examen œdème minime à modéré triceps
Pte fait Tl
Possibilités (illisible) de bénéfices secondaires
Md ne fera pas de rf
Elle demande d’aller en avis Dr BEM.» (sic)
[13] Par la suite la copie de dossier, soumise à la Commission des lésions professionnelles pour fins d’audience, ne comporte pas de notes évolutives expliquant sur quelle base le dossier fut dirigé au Bureau d’évaluation médicale. Elle ne contient pas non plus le formulaire usuellement utilisé par la CSST lors du transfert du dossier au Bureau d’évaluation médicale, lequel contient habituellement des informations pertinentes. Cette copie de dossier ne contient pas non plus de rapport d’expertise médicale rédigé durant la période écoulée entre les deux avis émis par le Bureau d’évaluation médicale.
[14] Le 29 mars 1999, la travailleuse est examinée par le membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Roy Stephan, plasticien, lequel émet son avis le 1er avril 1999. Dans son historique, le docteur Stephan ne fait aucune mention de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 novembre 1998. Au niveau de l’énumération des documents médicaux au dossier, cet historique se termine par la mention du rapport d’expertise médicale du docteur Moïse du 3 août 1998. Dans son avis motivé, le docteur Stephan retient la date de consolidation du 27 juillet 1998, suggérée à l’époque par le docteur Moïse et émet aussi l’avis qu’il n’y a plus nécessité de soins ou traitements, qu’il n’y a ni atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[15] Le 28 avril 1999, la CSST, liée par cet avis, rend la décision relatée en rubrique.
[16] Le 29 juillet 1999, la révision administrative, liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale, déclare la procédure régulière et confirme la décision de première instance.
AVIS DES MEMBRES
[17] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir l’objection préliminaire de la travailleuse et de déclarer l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999 irrégulier puisque à aucun endroit dans cet avis, il est possible de constater que le docteur Stephan a pris connaissance de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 18 novembre 1998 et puisqu’il fixe la date de consolidation en retenant l’opinion du médecin de la CSST, laquelle est antérieure au premier avis du Bureau d’évaluation médicale.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La preuve révèle que le dossier de la travailleuse est dirigé une première fois au Bureau d’évaluation médicale à la suite d’un rapport rédigé à la demande de la CSST le 3 août 1998 par le docteur Moïse. Celui-ci contredit l’opinion du médecin ayant charge de la travailleuse, la docteure Adjami. Alors que la docteure Adjami poursuit la période de consolidation, les traitements et l’investigation médicale, le docteur Moïse suggère une date de consolidation au 27 juillet 1998 avec suffisance de soins ou traitements et sans séquelles. Le 18 novembre 1998, le membre du premier Bureau d’évaluation médicale, le docteur Lafond, ne retient pas l’opinion du docteur Moïse. Il émet un avis portant sur le diagnostic, la non consolidation de la lésion, la nécessité de poursuivre l’investigation médicale et les soins appropriés et conclut qu’il est trop tôt pour se prononcer quant à l’existence de séquelles.
[19] La période de consolidation se poursuit ainsi que l’investigation et les traitements. Le dossier est, à nouveau, dirigé au Bureau d’évaluation médicale dont le membre, le docteur Stephan, émet son avis le 1er avril 1999. Outre le bilan téléphonique du 15 mars 1999 au cours duquel la docteure Adjami déclare à la CSST qu’elle ne fera pas de rapport médical final, le dossier ne contient pas suffisamment d’éléments établissant clairement sur quelle base ce dossier fut transféré au Bureau d’évaluation médicale. Quoiqu’il en soit la question préliminaire soulevée porte plutôt sur l’exercice même de la compétence du second membre du Bureau d’évaluation médicale, le docteur Stephan.
[20] En effet, dans son avis, le docteur Stephan ne fait aucune mention de l’avis précédent, rendu le 18 novembre 1998 sur la même question d’ordre médicale, et la preuve au dossier ne permet pas d’en comprendre la raison. Sa copie de dossier est-elle incomplète ? Choisit-il de ne pas en discuter ? Peu importe la raison puisque, en fin de compte, c’est l’exercice même de la compétence qui doit être évaluée en l’espèce.
[21] La Commission des lésions professionnelles considère que le fait de ne pas tenir compte des effets juridiques du premier avis du Bureau d’évaluation médicale constitue, pour le second Bureau d’évaluation médicale, une erreur de compétence. Le docteur Stephan émet son avis le 1er avril 1999 en faisant « rétroagir » la date de consolidation au 27 juillet 1998, sans tenir compte de la compétence déjà exercée par le docteur Lafond qui statue que le 18 novembre 1998 que la lésion n’est toujours pas consolidée, qu’il y a nécessité de poursuivre l’investigation médicale ainsi que les soins ou traitements.
[22] Dans un tel contexte, la compétence du second Bureau d’évaluation médicale ne pouvait s’exercer qu’après la date du 18 novembre 1998. En tant qu’organisme chargé d’émettre un avis selon la procédure d’évaluation médicale prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la LATMP), le Bureau d’évaluation médicale avait exercé et épuisé sa compétence le 18 novembre 1998, plus particulièrement en l’espèce, concernant les questions d’ordre médical que sont la date de consolidation et la nécessité de soins ou traitements pour la lésion professionnelle du 23 janvier 1998. La compétence du second Bureau d’évaluation médicale chargé d’émettre un avis, sur ces mêmes questions, ne pouvait s’exercer qu’à la suite de la période sur laquelle la compétence fut préalablement exercée.
[23] L’argument à l’effet que la décision de la CSST portant sur l’avis du premier avis du Bureau d’évaluation médicale a acquis force de chose décidée n’est pas l’argument le plus important dans ce cas précis, en ce qui a trait aux questions d’ordre médical. En effet, même si par hypothèse, un recours à l’encontre de cette décision était pendant au moment où le second Bureau d’évaluation se prononce, ceci n’autorise pas ce dernier à ignorer la compétence préalablement exercée par un Bureau d’évaluation médicale.
[24] En terminant, afin de répondre à un argument soumis, la Commission des lésions professionnelles souligne qu’il n’y a pas lieu de discuter, dans le cadre de cette question préliminaire, de la question d’ordre médicale du diagnostic puisque que l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999 ne porte pas sur cette question.
[25] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime bien fondée la question préliminaire soulevée et se doit de constater l’irrégularité de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999 et d’infirmer la décision rendue portant sur cet avis.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de la travailleuse du 4 août 1999;
INFIRME la décision de la révision administrative du 29 juillet 1999;
ANNULE puisque irrégulier l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 1er avril 1999.
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Me Lina Crochetière |
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Commissaire |
M. Normand Piché
1601, Ave. de Lorimier
Montréal (Québec)
H3T 2A6
Représentant de la partie intéressée
AVIS :
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