Décision

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St-Pierre au Paradis inc. (Chez Mag, La Fine cantine)

2024 QCRACJ 54

TRIBUNAL

RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

QUÉBEC

 

DOSSIER No

:

40-10054015-001

 

DÉCISION N o

:

40-0009615

 

DATE

:

2024-02-27

 

 

 

 

DEVANT LA RÉGISSEURE :

 

Marie-Jeanne Duval

 

 

RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

et

 

ST-PIERRE AU PARADIS INC. (Chez Mag, La Fine cantine)

 Titulaire

 

 

DÉCISION

Contestation d’un avis de réclamation

 

 

 

APERÇU

 

[1]               La titulaire St-Pierre au Paradis inc. exploite un permis de restaurant, avec option traiteur, dans l’établissement Chez Mag, La Fine cantine, depuis le 15 décembre 2020.

 

[2]               La Régie des alcools, des courses et des jeux convoque la titulaire à une audience du Tribunal de la Régie[1]. Celle-ci conteste un avis de réclamation d’une sanction administrative pécuniaire (SAP) de 500 $ pour un manquement constaté le 30 juin 2022. En effet, il est allégué qu’elle aurait présenté à son établissement un spectacle sans autorisation.

 

 

CONTEXTE

 

[3]               Le 30 juin 2022, vers 21 h 25, les policiers de la Sûreté du Québec, MRC de l’Île-d’Orléans, se présentent à l’établissement de la titulaire, Chez Mag, La Fine cantine. Ils notent alors la présentation d’un spectacle sans autorisation de la Régie, soit un spectacle d’humour, sur le terrain arrière du casse-croute. L’humoriste se trouve sous une tente blanche et une centaine de personnes sont assises devant lui. Le casse-croute est fermé et aucune vente d’alcool n’est alors constatée par les policiers[2].

 

[4]               Le 20 octobre 2022, un avis de réclamation d’une SAP de 500 $ (no 351-220710-004) est acheminé à la titulaire relativement à ce manquement[3].

 

[5]               Le 21 novembre 2022, la titulaire transmet à la Régie une contestation concernant le manquement indiqué à l’avis de réclamation[4]. Elle y indique qu’elle pensait être autorisée à présenter un spectacle à son établissement et déplore les circonstances dans lesquelles les policiers sont intervenus. Le 15 mai 2023, elle maintient sa contestation et demande à être convoquée à une audience devant le Tribunal afin de présenter ses observations.

 

 

QUESTION EN LITIGE

 

[6]               Les motifs de contestation soulevés par la titulaire, soit sa méconnaissance des obligations relatives à son permis d’alcool et la remise en question du travail des policiers, permettent-ils d’annuler l’avis de réclamation d’une SAP imposée pour avoir présenté un spectacle sans autorisation à son établissement?

 

[7]               Aux termes de l’analyse qui suit, le Tribunal répond à cette question par la négative.

 

 

ANALYSE

 

[8]               L’article 73 de la Loi sur les permis d’alcool[5] (LPA) prévoit qu’un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques pour consommation sur place, autre qu'un permis de réunion ou un permis accessoire, ne peut permettre, dans une pièce ou sur une terrasse où il exploite son permis, la présentation d'un spectacle, la projection de films ou la pratique de la danse, s'il n'y a pas été autorisé par la Régie[6].

 

[9]               Cette dernière peut imposer une SAP dont le montant est déterminé par règlement si la titulaire contrevient à l’article 73 de la LPA[7]. Le Règlement sur le régime applicable au permis d’alcool[8] (RRAPA) prévoit l’imposition d’une SAP de 500 $ dans un tel cas[9].

 

[10]           M. Marc-Antoine Gagnon, président et actionnaire de la titulaire, ainsi que Mme Marie-Claude Gagnon, également actionnaire, ne nient pas qu’un spectacle d’humour ait bel et bien eu lieu le 30 juin 2022, sur le terrain est situé l’établissement. Ce spectacle s’est tenu sur la terrasse existante, laquelle est visée par le permis d’alcool de la titulaire, comme indiqué sur le plan d’aménagement de l’établissement[10]. 

 

[11]           L’évènement a été annoncé au moyen d’une publication Facebook[11]. On y lit qu’il s’agit de Lappi Hour Chez Mag, une soirée humoristique qui doit se tenir initialement le jeudi 16 juin 2022, de 20 h à 22 h, au 2460 Chemin Royal, à Sainte-Famille-de-l’Île-d’Orléans. L’évènement est par la suite reporté au 30 juin 2022 pour cause de pluie[12]. L’ouverture des portes est prévue à 19 h et le spectacle à 20 h. Le prix d’entrée est de 15 $, ce qui inclut « une bière de soif ». On indique qu’il y a possibilité de commander de la nourriture jusqu’à 20 h et de la bière « jusqu’à tard ». Lors de l’audience, M. Gagnon confirme que cette publication Facebook vise bien l’évènement qui a eu lieu le 30 juin 2022 à l’établissement et pour lequel la titulaire a reçu la visite des policiers.

 

[12]           Comme indiqué au rapport d’infraction, M. Gagnon explique que le casse-croute est fermé et qu’aucune vente d’alcool n’a lieu à l’arrivée des policiers vers 21 h 25. Les clients sont arrivés vers 19 h-19 h 15 lors de l’ouverture des portes et certains ont alors consommé de la nourriture et de la bière. Une fois le spectacle commencé, ils sont allés s’asseoir à l’endroit prévu à cet effet[13]. Le casse-croute n’a pas rouvert après le spectacle et les clients ont par la suite quitté l’établissement.

 

[13]           Les représentants de la titulaire croyaient avoir en main toutes les autorisations nécessaires pour la présentation de ce spectacle, ayant obtenu au préalable un permis de la municipalité pour ce type d’évènement[14]. Ils ne savaient pas qu’ils devaient en plus avoir une autorisation particulière de la Régie. Ils n’ont ainsi jamais voulu transgresser la loi et compromettre le permis d’alcool de la titulaire en présentant un tel évènement. Dès qu’ils ont été informés d’un tel manquement, ils ont cessé de tenir des spectacles à l’établissement. Depuis, la titulaire a effectué des démarches auprès de la Régie afin d’obtenir une autorisation de spectacles pour le futur.

 

[14]           M. et Mme Gagnon déplorent la façon dont les policiers sont intervenus lors de l’évènement et qu’on ne les ait pas avisés qu’une sanction serait alors imposée à la titulaire. Aussi, ils reprochent au service de police d’avoir été au fait de la tenue de l’évènement à l’avance et de ne pas les avoir informés qu’ils s’apprêtaient à commettre un manquement.

 

[15]           À cet effet, on note effectivement au rapport d’infraction général que le service de police a été informé de l’évènement via la publicité Facebook[15]. Sachant que la titulaire ne détenait pas d’autorisation de la Régie et qu’il ne s’agissait pas du premier spectacle qui se tenait à l’établissement, des policiers ont été dépêchés sur place pour constater la tenue de ce spectacle. M. et Mme Gagnon ont l’impression qu’on a ainsi voulu les prendre en défaut et sur le fait.

 

[16]           À l’évidence, les agissements de la titulaire constituent une contravention à l’article 73 de la LPA. Le 30 juin 2022, elle a présenté un spectacle sur une terrasse où elle exploite son permis d’alcool, alors qu’elle n’y était pas autorisée par la Régie. 

 

[17]           Bien que « nul n’est censé ignorer la loi », le Tribunal convient que la compréhension des lois et règlements applicables à un permis d’alcool peut s’avérer difficile. Toutefois, cela ne saurait pour autant soustraire la titulaire à ses responsabilités. Elle doit s’y conformer, et consulter un avocat si une interprétation s’avère nécessaire. Il lui appartenait de se renseigner adéquatement quant à la nécessité d’obtenir une autorisation de la Régie, et non seulement de la municipalité, afin de présenter des spectacles dans une pièce ou une terrasse où est exploité son permis.

 

[18]           De même, la soussignée conçoit que M. et Mme Gagnon auraient souhaité être avisés au préalable par les policiers qu’ils ne pouvaient présenter de spectacles à l’établissement, plutôt que de les voir effectuer une visite aux termes de laquelle ils se sont vu remettre un avis de réclamation d’une SAP. Toutefois, il n’appartient pas au Tribunal de commenter le travail d’un corps policier. Son mandat se limite à déterminer si un manquement a été commis par la titulaire et, le cas échéant, se prononcer sur la sanction applicable.

 

[19]           À la suite des observations de l’avocate du Contentieux lors de l’audience, la question se pose également de savoir si les faits relatés constituent une contravention à l’article 73 de la LPA, dans la mesure où lors de la visite des policiers, il n’y avait pas de consommation de boissons alcooliques de la part des clients et le casse-croute de l’établissement n’effectuait plus la préparation et la vente d’aliments sur place. Peut-on néanmoins conclure que le permis d’alcool était alors exploité par la titulaire?

 

[20]           Le libellée de l’article 73 de la LPA énonce qu’un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques pour consommation sur place, autre qu'un permis de réunion ou un permis accessoire, ne peut permettre, dans une pièce ou sur une terrasse où il exploite son permis, la présentation d'un spectacle, la projection de films ou la pratique de la danse, s'il n'y a pas été autorisé par la Régie.

 

[21]           De l’avis de la soussignée, le seul fait de présenter un spectacle à un endroit visé par le permis constitue une contravention, dans la mesure où une telle autorisation n’a pas été octroyée par la Régie. Les termes « dans une pièce ou sur une terrasse » prévus à l’article 73 de la LPA réfèrent nécessairement au lieu où le permis est exploité, et non à l'idée que les activités autorisées par le permis sont en train de se dérouler ou non.

 

[22]           Quant à la notion d’exploitation du permis prévue à l’article 73 de la LPA, on doit lui conférer une interprétation large, en référence à une période d’exploitation continue, plutôt qu’une interprétation restrictive, que l’on pense par exemple aux heures d’exploitation d’un établissement. En ce sens, l’article 51.1 de la LPA apporte un certain éclairage, puisqu’il énonce que la période d’exploitation d’un permis est saisonnière ou annuelle[16].

 

[23]           Le législateur ne semble pas avoir restreint l’application de l’article 73 de la LPA aux heures d’exploitation d’un permis d’alcool ou encore à la vente ou au service de boissons alcooliques, mais bien à l’ensemble de sa période d’exploitation. Conclure autrement conduirait nécessairement à des incongruités : un titulaire pourrait par exemple cesser la vente ou le service de boissons alcooliques dans son établissement le temps de la présentation d’un spectacle, le tout afin de contourner l’application de l’article 73 de la LPA.

 

[24]           À tout évènement, la soussignée note que l’établissement était nécessairement ouvert lors de la visite des policiers puisque des clients s’y trouvaient. Le service de nourriture et de boissons alcooliques était disponible à l’arrivée des clients vers 19 h et 19 h 15. Aussi, la publicité Facebook indique la possibilité de consommer de la nourriture jusqu’à 20 h, heure du début du spectacle, et de la bière « jusqu’à tard ». Ainsi, le fait que les policiers n’aient pas constaté de vente ou de consommation de boissons alcooliques lors de leur passage vers 21 h 25 ne saurait exonérer la titulaire quant au manquement observé.

 

[25]           Le Tribunal conclut qu’il y a contravention à l’article 73 de la LPA et que les motifs de contestation soulevés par la titulaire ne lui permettent pas d’annuler l’avis de réclamation. Il rappelle à celle-ci que la SAP de 500 $ imposée par cet avis concernant le spectacle tenu sans autorisation est maintenue et doit être payée.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL DE LA RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX :

 

CONFIRME lavis de réclamation no 351-220710-004 daté du 20 octobre 2022 imposant à la titulaire la sanction administrative pécuniaire de 500 $ pour avoir présenté, en date du 30 juin 2022, un spectacle sans autorisation.

 

 

 

 

 

  _____________________________

 MARIE-JEANNE DUVAL, avocate

 Juge administrative

 

Date de l’audience : 2023-12-05

 

Me Brigitte Cantin

Bernatchez et Associés

Avocate de la Direction du contentieux

 

 

Chez Mag, La Fine cantine

2460, chemin Royal

Sainte-Famille-de-l'Île-d'Orléans (Québec) G0A 3P0

 

 

Restaurant sur terrasse avec option traiteur. Capacité totale de 135 personnes.

No 10095018

 

 

p. j. Avis de recours


[1]  Avis de convocation du 3 août 2023. Un amendement verbal est présenté par la Direction du contentieux lors de l’audience concernant la date du manquement allégué (30 juin 2022) et la date de début de l’exploitation de l’établissement par la titulaire (15 décembre 2020). 

[2]  Document A : Rapport d’infraction général.

[3]  Document 1 modifié. L'avis de réclamation indique que la titulaire dispose d’un délai de 30 jours pour effectuer le paiement de la sanction administrative pécuniaire indiquée ou pour contester cet avis en transmettant ses observations écrites et/ou ses documents justificatifs.

[4]  Document 2.

[5]  RLRQ, c. P-9.1.

[6]  Resto le Rendez-Vous, 2017 CanLII 75786 (QC RACJ).

[8]  P-9.1, r.7.

[9]  Id., article 76, paragraphe 10o.

[10]  Document A. Encadré terrasse existante (scène) prévue au plan d’aménagement.

[11]  Ibid.

[12]  Document 3.

[13]  Encadré « public » prévu au plan d’aménagement.

[14]  T-1 : permis & T-2 : permis renouvelé.

[15]  Document A.

[16]  Le paragraphe 4o de l’article 47 de la LPA prévoit également que le permis d’alcool délivré par la Régie indique sa période d’exploitation, saisonnière ou annuelle, et, dans le cas où sa période d’exploitation est saisonnière, les dates de début et de fin de cette période.

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