Marchand c. Hétu (Mécanique Pro-Tech enr.) |
2020 QCCQ 801 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-MAURICE |
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LOCALITÉ DE |
SHAWINIGAN |
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« Chambre civile » |
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N° : |
410-32-700379-195 |
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DATE : |
25 février 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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DONALD MARCHAND |
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Demandeur |
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c. |
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GEOFFROY HÉTU, FASRS MÉCANIQUE PRO-TECH ENR. Et MÉCANIQUE PRO-TECH INC. |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur reproche aux défenderesses d’avoir manqué à leurs obligations dans le cadre des réparations de son véhicule automobile Mercedez-Benz ML350 2011 qu’il leur avait confié. Bien qu’il prétende avoir subi des dommages de 18 335,48 $, le demandeur réduit volontairement le montant de sa réclamation à 15 000 $ de façon à pouvoir intenter son recours à la Division des petites créances.
[2] Les défenderesses contestent et nient avoir manqué à leurs obligations. Elles se portent par ailleurs demanderesses reconventionnelles et réclament à ce titre un montant de 2 462,02 $ pour les frais d’entreposage du véhicule du demandeur.
CONTEXTE
[3] En juillet 2018, le demandeur communique avec le défendeur, qui opère un atelier d’entretien mécanique, et lui mentionne que le moteur de son véhicule automobile fait du bruit.
[4] En début novembre 2018, il se présente à l’atelier mécanique du défendeur pour le même problème. L’inspection du défendeur révèle deux bruits distincts. Il conclut que le premier bruit de « flacottement » qui survient lors d’un démarrage à froid est attribuable à un étirement de la chaîne de distribution qui doit être remplacée. Quant au second bruit de « claquage » lorsque le moteur est chaud, il émet l’hypothèse qu’il est aussi en lien avec le problème de la chaîne de distribution.
[5] Le ou vers le 5 décembre 2018, le défendeur procède au remplacement de la chaîne de distribution pour un montant de 1 923,11 $ assumé et payé par l’assureur auprès duquel le demandeur a souscrit une garantie prolongée lors de l’achat de son véhicule.
[6] Après que le demandeur eut repris possession de son véhicule et roulé à peine 40 kilomètres, le moteur rend l’âme. Il fait remorquer son véhicule chez le défendeur qui, après investigation, conclut que le bris est occasionné par l’utilisation d’une mauvaise huile à moteur et par l’installation d’un filtre à huile non approprié à la suite d’un entretien mécanique réalisé par le Garage Francœur en juillet 2018.
[7] Le 8 janvier 2019, l’avocat du demandeur transmet une mise en demeure au défendeur ainsi qu’au Garage Francœur les tenant solidairement responsables du bris du moteur de son véhicule.
[8] Le 8 avril 2019, le demandeur reprend possession de son véhicule qui se trouvait toujours chez le défendeur et le confie à Pièces d’auto usagées Nord-Sud inc. qui fait les travaux de remplacement du moteur le 17 avril 2019 pour un montant de 10 347,76 $. Le demandeur assume une partie du coût des réparations, soit 5 863,73 $, alors que la différence de 4 484,03 $ est assumée et payée par l’assureur auprès duquel le demandeur a souscrit une garantie prolongée.
ANALYSE
A. Demande principale
[9] En vertu des règles de preuve applicables en matière civile, la partie qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve prépondérante de tous les faits qui soutiennent ses prétentions et sa réclamation[1]. Si la preuve n’est pas suffisamment convaincante ou si elle est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, celui sur qui reposait l’obligation de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa réclamation perdra, en tout ou en partie[2].
La responsabilité du défendeur
[10] La preuve démontre que le défendeur a opéré son atelier mécanique sous la dénomination sociale Mécanique Pro-Tech enr. jusqu’au 31 décembre 2018 puis, à compter du 1er janvier 2019, l’atelier mécanique a été opéré par une société par actions dont le défendeur est le principal administrateur et actionnaire, soit la défenderesse Mécanique Pro-Tech inc. Puisque les faits en litige sont essentiellement survenus avant le 1er janvier 2019, seule la responsabilité du défendeur peut être recherchée dans le cadre de la demande principale.
[11] Les travaux mécaniques de remplacement de la chaîne de distribution par le défendeur constituent des réparations faites par un commerçant et assujetties à la Loi sur la protection du consommateur (L.P.C.)[3] dont l’article 176 L.P.C. prévoit qu’une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint. Par conséquent, les réparations effectuées par la défenderesse étaient sous garantie au moment du bris du moteur.
[12] Dans l’affaire Laprise c. Transmission automatique Précision inc.[4], la juge Céline Gervais rappelle les principes applicables relativement à la responsabilité du mécanicien :
[22] Il convient de résumer les principes qui encadrent la responsabilité d'un mécanicien, tels que développés par la jurisprudence.
Le garagiste a une obligation de résultat quant aux travaux accomplis; [1] cela signifie que, contrairement à une obligation de moyens où on doit déployer ses meilleurs efforts et habiletés dans l'exécution d'un geste donné, il faut fournir un résultat précis et déterminé dans le cas d'une obligation de résultat;
…
[24] L'auteure Nicole L'Heureux indique dans son ouvrage
sur le Droit de la consommation que la garantie légale prévue à l’article
(Références omises)
[13] Le défendeur prétend avoir exécuté les réparations en respect des consignes et directives émises par le fabricant Mercedes-Benz. Or, cette prétention ne peut l’exonérer de sa responsabilité étant donné qu’il est assujetti à une obligation de résultat et non de moyens. Par ailleurs, lorsqu’une automobile, immédiatement après sa sortie du garage, manifeste le même trouble de fonctionnement qu’avant la réparation, il y a une présomption à l’effet que le garagiste n’a pas accompli son obligation de résultat.
[14] C’est le cas en l’espèce. Le défendeur prétend que le bris du moteur n’est pas attribuable à une mauvaise réparation de sa part, mais serait plutôt dû à l’utilisation d’huile à moteur et de filtre inappropriés par le Garage Francoeur en juillet 2019. Il dit en être venu à cette conclusion dans le cadre de l’investigation qu’il a faite pour connaître la cause du bris du moteur après que le demandeur ait fait remorquer le véhicule chez lui le 6 décembre 2018.
[15] Il dit avoir alors examiné le filtre à huile qu’il avait remplacé dans le cadre de ses travaux sur la chaîne de distribution et avoir alors constaté la présence de débris métalliques dans le filtre. Ces débris métalliques qui ont causé le bris du moteur se trouvaient donc dans l’huile avant ses travaux de remplacement de la chaîne de distribution.
[16] Il ajoute que ses démarches subséquentes et celles du responsable de l’indemnisation de l’assureur du demandeur leur ont permis d’apprendre que le type d’huile et de filtre utilisé par le Garage Francœur était non approprié et serait la cause de la présence des débris métalliques ayant endommagé le moteur. Il précise que le remplacement de la chaîne de distribution a augmenté la tension sur les composantes du moteur qui n’ont pu résister en raison de l’huile et du filtre inadéquat.
[17] Il reconnaît ne pas avoir examiné attentivement le filtre qu’il a retiré et remplacé lors de ses travaux de remplacement de la chaîne de distribution et que s’il avait alors examiné attentivement le filtre et constaté la présence des débris de métal, il en serait venu immédiatement à la conclusion que le moteur lui-même était fini et devait être remplacé.
[18] D’autre part, il est en preuve que le défendeur avait remarqué que le second bruit du moteur persistait après le remplacement de la chaîne de distribution, mais qu’il a quand même laissé le demandeur repartir avec son véhicule puisque celui-ci avait roulé avec un tel bruit depuis le mois de juillet.
[19] S’il est vrai que l’utilisation d’une huile et d’un filtre inappropriés a permis la présence de particules métalliques, il reste néanmoins que c’est le défaut du défendeur d’examiner le filtre à huile, jumelé à l’augmentation de la tension sur les composantes du moteur par le changement de la chaîne de distribution, qui a été l’élément déclencheur du bris du moteur.
[20]
Dans les circonstances, force est de constater
qu’il a manqué à son obligation de résultat pendant la période de garantie
prévue à l’article
Les montants réclamés
[21] La réclamation du demandeur se détaille comme suit :
i. Coût de remplacement du moteur payé par le défendeur : 5 863,73 $
ii. Utilisation des indemnités de garantie prolongée : 6 407,14 $
(4 484,03 $ + 1 923,11 $)
iii. Frais de remorquage : 272,00 $
iv. Primes d’assurances payées pendant la non-utilisation du véhicule : 243,72 $
v. Dommages pour perte de temps (2.5 journées de travail) : 750,00 $
vi. Frais d’avocats : 1 000,00 $
TOTAL : 14 536,59 $
[22] La preuve non contredite démontre que l’utilisation d’huile à moteur et de filtre à huile inappropriée par le Garage Francoeur en juillet 2019 a permis l’accumulation de particules métalliques dans les composantes du moteur et que ces débris métalliques étaient déjà présents au moment où le défendeur entreprend ses travaux le 5 décembre 2018.
[23] Enfin, même si le défendeur avait remarqué la présence de débris métalliques dans le filtre au moment de ses travaux en décembre, le moteur était dès lors condamné à rendre l’âme incessamment et la tension accrue causée par le remplacement de chaîne de distribution n’a fait qu’accélérer cette issue fatale. En tel cas, le défendeur aurait informé le demandeur que le moteur devait être remplacé et, comme la suite des faits l’a démontré, le demandeur aurait fait remplacer le moteur et aurait réclamé une partie du coût à son assureur, soit 4 484,03 $ et aurait assumé la partie des coûts non couverte par la garantie prolongée, soit 5 863,73 $.
[24] Par conséquent, ces montants de sa réclamation ne peuvent pas lui être accordés.
[25] Il est cependant en droit de réclamer le montant des indemnités d’assurance de 1 923,11 $ perdues pour le coût de remplacement de la chaîne de distribution.
[26] Le Tribunal accorde également les frais de remorquage de 272,00 $ ainsi que les primes d’assurances de 243,72 $ qu’il a payés pendant la période où il n’a pu utiliser son véhicule.
[27] Enfin, le temps que doit consacrer un justiciable à l’exercice de ses droits et les honoraires professionnels qu’il doit payer en raison du fait qu’il choisit de consulter un avocat font partie des aléas normaux d’un recours en justice qui, sauf rares exceptions, ne peuvent être considérés comme un dommage direct. Par conséquent, les dommages pour perte de salaire (2.5 journées de travail) de 750,00 $ et le remboursement des frais d’avocats de 1 000,00 $ ne sont pas accordés.
[28] Il y a donc lieu d’accueillir la demande principale contre le défendeur, mais en partie seulement, soit pour un montant de 2 438,83 $.
Demande reconventionnelle
[29] La défenderesse Mécanique Pro-Tech inc. réclame 2 462,02 $ pour des frais d’entreposage du véhicule du demandeur au prix de 18,95 $ par jour pour une durée de 113 jours.
[30] Or, la preuve ne démontre aucune entente par laquelle le demandeur aurait accepté de payer des frais d’entreposage. De plus, selon la facture de la défenderesse Mécanique Pro-Tech inc., la période d’entreposage débute le 11 décembre 2018. Or, la défenderesse Mécanique Pro-Tech inc. n’a commencé ses opérations que le 1er janvier 2019.
[31] La demande reconventionnelle doit donc être rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] ACCUEILLE en partie la demande;
[33]
CONDAMNE le défendeur Geoffroy Hétu, faisant affaire sous la
dénomination sociale Mécanique Pro-Tech enr. à payer au demandeur la somme de
2 438,83 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à
l’article
[34] CONDAMNE le défendeur Geoffroy Hétu, faisant affaire sous la dénomination sociale Mécanique Pro-Tech enr. à payer au demandeur les frais de justice de 205 $ correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande;
[35] REJETTE la demande contre la défenderesse Mécanique Pro-Tech inc.;
[36] REJETTE la demande reconventionnelle.
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__________________________________PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
8 janvier 2020 |
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AVIS :
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