Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Courchesne

2022 QCCDCPA 35

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

 ORDRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

47-21-00394

 

DATE :

15 septembre 2022

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me HÉLÈNE DESGRANGES

Présidente

M. JOCELYN GUIMOND, CPA

Membre

M. WILLIAM POVITZ, CPA

Membre

______________________________________________________________________

 

CLAUDE MAURER, CPA, en sa qualité de syndic adjoint de l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec

Plaignant

c.

ÉTIENNE COURCHESNE

Intimé

______________________________________________________________________

 

MOTIFS DE LA DÉCISION SUR CULPABILITÉ

RENDUE ORALEMENT LE 26 AVRIL 2022

______________________________________________________________________

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, DE NON-DIFFUSION ET DE NON-PUBLICATION DU NOM DU DEMANDEUR D’ENQUÊTE AINSI QUE DE LA SOCIÉTÉ DANS LAQUELLE IL EXERCE IDENTIFIÉE DANS L’UNIQUE CHEF DE LA PLAINTE[1] ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT, ET CE, AFIN D’ASSURER LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL ET LA PROTECTION DE LEUR VIE PRIVÉE.

APERÇU

[1]               Le Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre) est saisi d’une plainte disciplinaire déposée à l’endroit de l’intimé, M. Étienne Courchesne, contenant un chef d’infraction unique.

[2]               Le plaignant, M. Claude Maurer, comptable professionnel agréé et syndic adjoint de l’Ordre, reproche à l’intimé d’avoir détourné à son profit environ 978 600 $ et d’avoir ainsi frustré illégalement [...] de cette somme, contrairement aux articles 5 et 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés[2] ainsi que 59.2 du Code des professions[3].

[3]               Les parties souhaitent que le Conseil procède sur culpabilité et ensuite sur sanction le même jour.

[4]               Sans enregistrer de plaidoyer de culpabilité, l’intimé admet tous les faits ayant donné lieu au chef d’infraction contenu à la plainte. Il reconnaît que le plaignant est en mesure de démontrer par une preuve prépondérante la conduite qui lui est reprochée et que ses actes constituent des actes dérogatoires aux dispositions de rattachement indiquées à la plainte.

[5]               Un énoncé conjoint des faits ainsi que d’autres preuves documentaires sont produits par le plaignant lors de l’audition sur culpabilité, et ce, de consentement avec l’intimé. Ce dernier n’offre pas de preuves additionnelles ni de représentations sur culpabilité.  

[6]               Après avoir délibéré, le Conseil déclare l’intimé coupable, séance tenante, d’avoir contrevenu aux trois dispositions de rattachement prévues à la plainte, et ce, avec motifs à suivre[4].

[7]               Conformément aux enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kienapple c. R.[5] interdisant les condamnations multiples, le Conseil prononce une suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois aux articles 5 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés ainsi que 59.2 du Code des professions.

[8]               La présente décision contient les motifs du Conseil au soutien de sa décision sur culpabilité rendue oralement.

QUESTION EN LITIGE

[9]               Le plaignant a-t-il prouvé par prépondérance des probabilités que l’intimé a commis les infractions qui lui sont reprochées sous l’unique chef d’infraction de la plainte?

PLAINTE

[10]           Le chef d’infraction contenu à la plainte est ainsi libellé :

Je suis raisonnablement informé, ai raison de croire et crois que ÉTIENNE COURCHESNE, alors qu’il était régulièrement inscrit au tableau de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec au moment des gestes reprochés, a commis l’infraction suivante :

  1. À Ville A, entre le ou vers le 1er avril [...] et le ou vers le 31 mai [...], alors qu’il occupait un poste de confiance et de haute responsabilité à titre de Chef de la direction financière de [A], a détourné à son profit la somme d’environ 978 600 $, frustrant ainsi illégalement [...] de cette somme, le tout contrairement aux articles 5 et 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, chapitre C-48.1, r. 6), ainsi qu’à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ, chapitre C-26);[6]

[Transcription textuelle, sauf anonymisation]

CONTEXTE ET RÉSUMÉ DE LA PREUVE

[11]           L’intimé est inscrit au tableau de l’Ordre des comptables agréés du Québec depuis le 15 décembre 2003, et ce, jusqu’à la création de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (l’Ordre)[7]. Le 16 mai 2012, il est automatiquement inscrit au tableau de l’Ordre.

[12]           De janvier [...] jusqu’à la date de son congédiement le 31 mai [...], l’intimé est à l’emploi de la société A.

[13]           Le demandeur d’enquête, B, comptable professionnel agréé, le remplace à titre de chef de la direction financière de cette société.

[14]           Le 13 août [...], l’intimé signe une transaction avec la société A dans laquelle il s’engage notamment, d’ici le 31 décembre [...], à lui rembourser une somme égale à 200 000 $ ou supérieure[8]. Il est également indiqué qu’à partir de l’année 2022, il effectuera des versements annuels minimaux de 32 500 $ jusqu’à l’extinction complète de sa dette.

[15]           Le ou vers le 21 octobre 2021, le demandeur d’enquête transmet une lettre et une demande d’enquête à l’Ordre pour signaler le comportement de l’intimé relativement à l’appropriation sans droit d’une somme d’argent. Il précise que l’intimé a indiqué à A avoir:

[…] des problèmes de jeu pathologique depuis quelques années et que ce sont ces problèmes qui l’ont incité à s’approprier de cette somme.

M. Courchesne a reconnu son problème de dépendance et nous informe avoir entrepris des démarches pour le régler de façon permanente. [9]

[16]           L’enquête est assignée au plaignant.

[17]           Le 24 novembre 2021, l’intimé transmet au plaignant deux questionnaires qu’il a remplis à la demande de ce dernier ainsi que plusieurs documents.

[18]           La sixième question contenue au premier questionnaire se lit ainsi :

6. Il est allégué que vous auriez détourné les sommes suivantes au cours des années suivantes :

[...] – 154 626 $

[...] – 290 146 $

[...] – 343 982 $

[...] – 189 846 $

Le tout pour une somme globale de 978 600 $. Est-ce exact?[10]

[19]           L’intimé répond par l’affirmative. Il ajoute avoir reconnu sa responsabilité et collaboré avec la société A « dès le premier jour et fournit tous les documents nécessaires »[11].

[20]           Quant à la question 7, elle se lit comme suit :

7. Il est allégué que vous auriez reconnu avoir effectué ces détournements. Est-ce exact?[12]

[21]           L’intimé répond que oui, qu’il devait signer une déclaration commune avec B « pour la lettre qui avait été travaillée par les deux parties », mais que malheureusement B a décidé de transmettre la lettre à l’Ordre sans l’en aviser[13].

[22]           Quant à savoir « dans quelles formes précises ces détournements ont-ils été effectués », il déclare qu’il s’agit principalement de montants détournés à son nom, « mais également des paiements à des fournisseurs divers » avec son compte de banque[14].

[23]           Questionné par rapport aux raisons pour lesquelles il a effectué ces détournements, il répond « Problème de jeux compulsifs »[15].

[24]           Toujours dans le même questionnaire, l’intimé reconnaît avoir conclu une entente de remboursement avec A et avoir l’intention de la respecter.

[25]           Lors de l’audition sur culpabilité, les parties ont produit un énoncé conjoint des faits dont voici des extraits :

A.      PRÉSENTATION DE L’INTIMÉ

[…]

4.  Lors de la commission de l’infraction mentionnée au chef n° 1 de la plainte disciplinaire, l’Intimé agissait à titre de Chef de la direction financière au sein de [A], une société œuvrant dans l’industrie [du domaine A]

  1. À titre de Chef de la direction financière, l’Intimé avait notamment pour responsabilité de produire les états financiers trimestriels ainsi que de publier le rapport de gestion. Il était également responsable de gérer les contrôleurs au [Pays A] et au [Pays B] au courant des premières années.

B.      ENQUÊTE DISCIPLINAIRE

  1. Le 22 octobre 2021, le bureau du syndic de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec reçoit une demande d’enquête du nouveau Chef de la direction financière au sein de [A] concernant des détournements d’actif effectués par l’Intimé.
  2. Le 27 octobre 2021, à la demande du bureau du syndic de l’Ordre, le Demandeur d’enquête transmet au Plaignant les documents suivants :
    1. Pièce P-4a : Transaction signée en date du 13 août [...] par Étienne Courchesne et [A];
    2. Pièce P-4b : États financiers consolidés intermédiaires résumés de [A] au 30 juin [...];
    3. Pièce P-4c : Rapport de gestion de [A] au 30 juin [...];
    4. Pièce P-4d : Mémorandum de [B], intitulé : « [A]

(“”) fraud and impact on regulatory filings » et daté du 6 août [...];

  1. Le 9 novembre 2021, le Plaignant a transmis à l’Intimé une correspondance dans laquelle il lui demande de répondre à un questionnaire et de lui retourner d’ici le 24 novembre 2021.
  2. Le 10 novembre 2021, le Plaignant transmet à l’Intimé une seconde correspondance dans laquelle il lui demande de répondre à un deuxième questionnaire et de lui retourner d’ici le 24 novembre 2021.
  3. Le 24 novembre 2021, l’Intimé transmet au Plaignant les questionnaires dûment complétés ainsi que plusieurs documents et informations.

C.  CHEF N° 1

  1. De janvier [...] au 31 mai [...], l’Intimé occupait le poste de Chef de la direction financière au sein de [A].
  2. En juin [...], à la suite d’un changement de direction au sein de la société [A], certaines anomalies et éléments de risque ont été identifiés par la nouvelle direction de la société.
  3. La direction de la société a plus particulièrement identifié des transactions antérieures qui ont soulevé des soupçons de détournement d’actifs de la société par l’Intimé.
  4. La découverte de ces éléments a conduit la société à effectuer un examen complet de toutes les activités liées aux exercices clos de [...], [...], [...], y compris les 5 premiers mois de [...].
  5. La société a alors relevé des transactions non autorisées totalisant 978 600 $ et ayant eu lieu entre avril [...] et juin [...], soit plus particulièrement :
  • 154 626 $ en [...];
  • 290 146 $ en [...];
  • 343 982 $ en [...];
  • 189 846 $ en [...].
  1. Ces transactions non autorisées résultent de paiements ayant été effectués à l’Intimé au-delà des montants convenus et de paiements destinés à des fournisseurs ayant été versés dans les comptes bancaires de l’Intimé.
  2. Le 13 août [...], la société [A] a conclu un accord de transaction avec l’Intimé, qui a reconnu devoir une somme de 978 600 $ à la Société et a accepté un calendrier de remboursement.
  3. L’Intimé reconnaît que le Plaignant est en mesure de démontrer par une preuve prépondérante qu’entre le ou vers le 1er avril [...] et le ou vers le 31 mai [...], alors qu’il occupait le poste de de Chef de la direction financière de [B], il a détourné à son profit une somme de 978 600 $.
  4. L’Intimé reconnaît tous les faits qui ont donné lieu au chef d’infraction 1 de la plainte disciplinaire.
  5. L’Intimé reconnaît que ses actes constituent des actes dérogatoires articles 5 et 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés (RLRQ, chapitre C-48.1, r. 6), ainsi qu’à l’article 59.2 du Code des professions (RLRQ, chapitre C-26).

[…][16]

[Transcription textuelle sauf renvois et anonymisation]

[26]           Le 19 novembre 2021, l’intimé démissionne de l’Ordre[17].

ANALYSE

  1. Principes de droit applicables

[27]           Il est bien établi qu’en droit disciplinaire, le fardeau de preuve repose sur le plaignant[18].

[28]           La Cour suprême dans l’arrêt F.H. c. McDougall[19] énonce l’existence d’une « seule norme de preuve en matière civile, celle de la prépondérance des probabilités »[20]. Il s’agit de la norme de preuve applicable en droit disciplinaire[21]. Elle ne varie pas selon le sérieux de l’affaire[22].

[29]           Le fardeau de preuve est satisfait « si, selon toute vraisemblance, l’événement a eu lieu »[23]. Une analyse rigoureuse est requise[24]. La preuve doit « être claire et convaincante »[25], ainsi que de haute qualité[26].

[30]           Il est bien reconnu que la disposition de rattachement définit l’infraction disciplinaire : « les éléments essentiels d’un chef de plainte disciplinaire ne sont pas constitués par son libellé, mais par les dispositions […] qu’on lui reproche d’avoir violées »[27].

[31]           Un chef d’infraction peut contenir plusieurs éléments générateurs d’infractions[28]. Ce ne sont pas tous les éléments ou allégations énoncés à la plainte qui doivent être prouvés, seulement « les éléments essentiels et déterminants des gestes reprochés »[29].

[32]           Le plaignant doit composer avec ses choix quant à la substance intrinsèque du manquement qu’il reproche à l’intimé, et à la description qu’il en fait en formulant la plainte[30]. En droit disciplinaire, « un professionnel ne peut être déclaré coupable que de ce qui lui est reproché »[31] .

[33]           Par ailleurs, toute erreur commise par un professionnel ne constitue pas nécessairement une faute déontologique[32]. Ses manquements doivent être suffisamment graves : 

[34] Dans Malo c. Infirmières, 2003 QCTP 132, le Tribunal des professions écrit, citant Mario GOULET, dans Droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais Inc., 1993, à la page 39 :

[28] La doctrine et la jurisprudence en la matière énoncent que le manquement professionnel, pour constituer une faute déontologique, doit revêtir une certaine gravité. Il arrive à tous les professionnels de commettre des erreurs et la vie de ces derniers serait invivable si la moindre erreur, le moindre écart de conduite étaient susceptibles de constituer un manquement déontologique. Ce principe est réitéré par le Tribunal dans l'affaire Mongrain précité concernant également l'Ordre professionnel des infirmières et infirmiers.

[35] Le Tribunal des professions reprend cette idée dans Belhumeur c. Ergothérapeutes, 2011 QCTP 19 :

[72] La doctrine et la jurisprudence énoncent que, pour qu'il y ait faute déontologique, il faut un manquement de la part du professionnel.  De plus, pour que le manquement du professionnel constitue une faute déontologique, il doit revêtir une certaine gravité.[33]

[Caractères gras ajoutés]

[34]           Enfin, il y a lieu de distinguer le comportement qui n’est pas souhaitable du comportement inacceptable, uniquement « le second est générateur d’une faute déontologique »[34].

  1. Dispositions de rattachement

[35]           Sous l’unique chef de la plainte, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux articles 5 et 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés ainsi que 59.2 du Code des professions ainsi libellés :

5. Le membre doit, en tout temps, agir avec dignité et éviter toute méthode et attitude susceptibles de nuire à la bonne réputation de la profession.

23. Le membre doit remplir ses obligations professionnelles avec intégrité et objectivité.

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.

iii.  Détermination

-                 Infraction à l’article du 5 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés

[36]           Le Conseil retient de son examen de la preuve que l’intimé est membre de l’Ordre pendant la période visée par la plainte, soit entre les ou vers les 1er avril [...] et 31 mai [...].

[37]           À l’époque, il occupe, à Ville A, le poste de chef de la direction financière de la société A, une société publique inscrite à la bourse. Il s’agit d’un poste de confiance et de haute responsabilité.

[38]           Lors de l’audition, bien qu’il n’enregistre pas de plaidoyer de culpabilité, l’intimé admet tous les faits ayant donné lieu au chef d’infraction. Il reconnaît également que le plaignant est en mesure de rencontrer son fardeau de preuve.

[39]           Auparavant, l’intimé avait déjà admis sa responsabilité dans le détournement de la somme de 978 600 $, et ce, tant auprès de [...] que du plaignant.

[40]           Plus particulièrement, dans le questionnaire qu’il a rempli à la demande du plaignant, l’intimé reconnaît avoir détourné une somme globale de 978 600 $[35].

[41]           La commission de l’infraction qui lui est reprochée s’inscrit dans un contexte dans lequel il avait, à titre de Chef de la direction financière de la société A, « notamment pour responsabilité de produire les états financiers trimestriels ainsi que de publier le rapport de gestion »[36].

[42]           À maintes reprises, le conseil de discipline de l’Ordre a répété que le rôle du comptable professionnel agréé est de « donner de la crédibilité aux états financiers » et qu’il s’agit d’un « vendeur de crédibilité »[37]. Le fait d’avoir un comptable professionnel agréé comme chef de la direction financière d’une société inscrite à la bourse doit représenter un gage de sécurité pour le public.

[43]           Le législateur a pris soin de préciser que les activités professionnelles du comptable professionnel agréé décrites à l’article 4 de la Loi sur les comptables professionnels agréés[38] ont « pour but d’optimiser la performance, la rentabilité et la croissance du patrimoine d’une personne, d’une entreprise ou d’une organisation, de favoriser une saine gouvernance ou la reddition de comptes ou d’accroître la fiabilité de l’information ».

[44]           Or, en détournant des fonds à son profit, l’intimé agit de manière malhonnête et porte préjudice au patrimoine de [...]. Il démontre un manque flagrant d’intégrité, qualité fondamentale pour un comptable professionnel agréé, et abuse de la confiance de [...]. Il jette le discrédit sur la profession qui était la sienne à l’époque.

[45]           Le Conseil détermine que l’intimé n’a pas, en tout temps, agi avec dignité et n’a pas évité toute méthode et toute attitude susceptibles de nuire à la bonne réputation de la profession. Il s’agit d’un manquement grave.

[46]           Le Conseil conclut que le plaignant a démontré suivant la prépondérance des probabilités quà Ville A, entre les ou vers les 1er avril [...] et 31 mai [...], alors qu’il occupait un poste de confiance et de haute responsabilité à titre de Chef de la direction financière de A, l’intimé a détourné à son profit la somme d’environ 978 600 $, frustrant ainsi illégalement [...] de cette somme, le tout contrairement à l’article 5 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.

[47]           La preuve à cet effet est claire, convaincante et de haute qualité.

-                 Infraction à l’article 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés

[48]           Considérant ce qui précède, le Conseil détermine que l’intimé n’a pas rempli ses obligations professionnelles avec intégrité et objectivité contrairement à l’article 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés.

[49]           Un comptable professionnel agréé, de surcroît chef de la direction financière d’une entreprise inscrite à la bourse, qui détourne des fonds à son profit fait défaut d’agir avec intégrité et objectivité. Il s’agit d’un manquement d’une grande gravité.

[50]           Le Conseil conclut que le plaignant a démontré par prépondérance des probabilités que l’intimé a commis l’infraction à l’article 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés qui lui est reprochée à la plainte.  La preuve à cet effet est claire, convaincante et de haute qualité.

-                 Infraction à l’article 59.2 du Code des professions

[51]           Le plaignant reproche également à l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 59.2 du Code des professions.

[52]           Le Tribunal des professions dans l’affaire Backler[39] cite l’extrait suivant de l’article de l’auteur Jean-Olivier Lessard au sujet de cette disposition de rattachement :

[12]  L’auteur Lessard fait une revue de la jurisprudence et tente de délimiter l’obligation du professionnel à ne pas poser d’acte dérogatoire à l’exercice de sa profession. Il s’exprime ainsi :

En ce qui concerne les raisons invoquées pour reconnaître un acte comme étant dérogatoire à l’honneur, la dignité ou la discipline de la profession, elles se ressemblent davantage et vont toutes plus ou moins dans le même sens. Ainsi on justifie la reconnaissance d’un acte contraire à l’article 59.2 par le fait qu’il nuit à l’image ou la réputation de l’ensemble de la profession, qu’il est d’une gravité certaine ou qu’il attaque l’essence même de la profession.[40] 

[53]           En l’instance, en détournant à son profit la somme de 978 600 $, l’intimé nuit à l’image et à la réputation de l’ensemble de la profession de comptable professionnel agréé. Il commet une faute d’une gravité certaine et attaque l’essence même de la profession.

[54]           Il pose un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de sa profession ainsi qu’à la discipline des membres de l’Ordre.

[55]           Le Conseil conclut que le plaignant a démontré par prépondérance des probabilités que l’intimé a commis l’infraction à l’article 59.2 du Code des professions qui lui est reprochée à la plainte.  La preuve à cet effet est claire, convaincante et de haute qualité. Les paragraphes 36 à 44 font notamment partie des motifs du Conseil à cet égard.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

LE 26 AVRIL 2022 :

Sous le chef 1 :

[56]           A DÉCLARÉ l’intimé coupable d’avoir contrevenu aux articles 5 et 23 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés ainsi que 59.2 du Code des professions.

[57]           A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois aux articles 5 du Code de déontologie des comptables professionnels agréés ainsi que 59.2 du Code des professions.

 

 

__________________________________

Me HÉLÈNE DESGRANGES

Présidente

 

 

 

__________________________________

M. JOCELYN GUIMOND, CPA

Membre

 

 

 

__________________________________

M. WILLIAM POVITZ, CPA

Membre

 

Me Jean Lanctot et Me Marie-Hélène Lanctot

Avocats du plaignant

 

Me Pascal A. Pelletier

Avocat de l’intimé

 

Date d’audience :

26 avril 2022

 


[1]  Dans la présente décision, les lettres "A" et "B" sont respectivement utilisées pour référer à la société en question et au demandeur d’enquête.

[2]  RLRQ, c. C-48.1, r. 6.

[3]  RLRQ, c. C-26.

[4]  Concernant cette façon de procéder, voir notamment : Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (section Québec) c. Régie de l'énergie, 2010 QCCS 6658, paragr. 105-112; R. c. Marquez-Yurievich, 2021 QCCA 1869, paragr. 11; Conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés (Ordre professionnel des) c. Hébert, 2021 QCCDCRHRI 6.

[5]  [1975] 1 RCS 729.

[6]  Plainte datée du 8 décembre 2021.

[7]  Pièce P-1.

[8]  Pièce P-4 en liasse.

[9]  Pièce P-2.

[10]  Pièce P-7 en liasse.

[11]  Ibid.

[12]  Ibid.

[13]  Ibid.

[14]  Ibid.

[15]  Ibid.

[16]  Pièce P-8.

[17]  Pièce P-7 en liasse : supra, note 10.

[18]  Mailloux c. Fortin, 2016 QCCA 62, paragr. 72, Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-06-23) 36951; Belhumeur c. Ergothérapeutes (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 19, paragr. 73. Requête en révision judiciaire rejetée : Colas c. Tribunal des professions, 2012 QCCS 1359.

[19]  [2008] 3 R.C.S. 41.

[20]  Id., paragr. 40.

[21]  Médecins (Ordre professionnel des) c. Soucy, 2017 CanLII 46697 (QC CDCM), paragr. 52.

[22]  Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078, paragr. 66.

[23]  F.H. c. McDougall, supra, note 19, paragr. 44.

[24]  Belhumeur c. Ergothérapeutes (Ordre professionnel des), supra, note 18, paragr. 73.

[25]  F.H. c. McDougall, supra, note 19, paragr. 46. Voir aussi : Vaillancourt c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 126, paragr. 55; Bisson c. Lapointe, supra, note 22, paragr. 67 et 68.

[26] Jean-Guy Villeneuve, Nathalie Dubé, Tina Hobday, Précis de droit professionnel, Cowansville, Yvon Blais, 2007; Médecins (Ordre professionnel des) c. Soucy, supra, note 21, paragr. 54; Médecins c. Lisanu, 1998 QCTP 1719, p. 10; Belhumeur c. Ergothérapeutes (Ordre professionnel des), supra, note 18, paragr. 74; Osman c. Richer, 1994 CanLII 10779 (QC TP), p. 8.

[27]  Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441, paragr. 84; Cuggia c. Champagne, 2016 QCCA 1479, paragr. 17; Lapointe c. Chen, 2019 QCCA 1400, paragr. 26. Requête pour suspendre l'exécution du jugement de la Cour d'appel accueillie : 2019 QCCA 1521. Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée : (C.S. Can., 2020-04-30), numéro 38863).

[28]  Latulippe c. Collège des Médecins, 1998 QCTP 1687; Médecins (Ordre professionnel des) c. Fanous, 2019 QCTP 69, paragr. 22.

[29]  Médecins (Ordre professionnel des) c. Soucy, supra, note 21, paragr. 50; Paquin c. Avocats, 2002 QCTP 96, paragr. 90; Parizeau c. Barreau du Québec (syndics), 2001 QCTP 43, paragr. 98 et 101, Requête en rejet de la requête en évocation accueillie (C.S., 2001-10-19) 500-05-066722-016; Latulippe c. Collège des Médecins, supra, note 28.

[30]  Blanchet c. Avocats (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 60, paragr. 98.

[31]   Starra c. Tribunal des professions, 2017 QCCS 2989, paragr. 63, requête pour permission d’appeler rejetée : Bichai c. Starra, 2017 QCCA 1530; Cohen c. Optométristes (Ordre professionnel des), AZ-95041047, page 8.

[32] Médecins (Ordre professionnel des) c. Soucy, supra, note 21, paragr. 88.

[33]  Prud’homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544, paragr. 34-35.

[34]  Ordre des architectes du Québec c. Duval, 2003 QCTP 144, paragr. 11; Médecins (Ordre professionnel des) c. Soucy, supra, note 21, paragr. 68; Gruszczynski c. Avocats (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 143, paragr. 47; Médecins (Ordre professionnel des) c. Bissonnette, 2019 QCTP 51, paragr. 45 et 46, pourvoi en contrôle judiciaire rejeté, 2020 QCCS 3090; Florea c. Baldassare, 2017 QCCDBQ 107, paragr. 64.

[35]  Pièce P-7 en liasse : supra, note 10, paragr. 5.

[36]  Pièce P-8 : supra, note 16.

[37]  Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Carbonneau (C.D.C.A., 2009-12-08 (décision rectifiée le 2009-12-08)), AZ-50591597, paragr. 20. Appel rejeté (T.P., 2011-03-17) 500-07-000641-104, 2011 QCTP 29; Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Griner, 2021 QCCDCPA 36, paragr. 61 (décision sur culpabilité); Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Blais, 2022 QCCDCPA 3, paragr. 94. Détermination de la sanction : Appel, 2022-08-08 (T.P.) 350-07-000002-224.

[38]  Loi sur les comptables professionnels agréés, RLRQ, c. C-48.1.

[39]  Backler c. Médecins (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 153; Jean-Olivier Lessard, « Honneur, dignité et discipline dans les professions », Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2010), Barreau du Québec - Service de la formation continue, vol. 323, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2010, p. 61-62.

[40]  Backler c. Médecins (Ordre professionnel des), supra, note 39, paragr. 12.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.