R. c. Potvin-Morin | 2024 QCCQ 6439 | ||||
COUR DU QUÉBEC | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | ST-FRANÇOIS | ||||
LOCALITÉ DE | SHERBROOKE | ||||
“Chambre criminelle et pénale” | |||||
No : | 450-01-129075-235 | ||||
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DATE : | 15 novembre 2024 | ||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : | L'HONORABLE BENOIT GAGNON, J.C.Q. | ||||
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SA MAJESTÉ LE ROI | |||||
Poursuivant | |||||
c. | |||||
CEDRIC POTVIN-MORIN | |||||
Accusé
et PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC Mis-en-cause | |||||
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DÉCISION [1] | |||||
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[1] L’accusé est devenu majeur en avril 2022. Quarante-trois jours plus tard il fait connaissance de la victime, alors âgée de 13 ans. Après une brève rencontre et quelques discussions, ils s’embrassent mutuellement le même jour.
[2] Ils continuent une conversation sur des applications de réseaux sociaux et se voient en personne de nouveau neuf jours plus tard. À ce moment, ils auront des contacts de nature sexuelle plus intimes, notamment des contacts oraux-génitaux et une relation incluant la pénétration non protégée du pénis.
[3] Dans les jours qui suivent, la victime craint d’être enceinte et contacte une infirmière scolaire. Vu les informations qui lui sont transmises et vu l’âge de la plaignante, elle dénonce la situation à la Direction de la protection de la jeunesse. Les parents de la victime seront également mis au courant et une plainte de nature criminelle est envisagée.
[4] La victime ne souhaite pas s’impliquer au départ, étant amoureuse du délinquant. Après un certain bouleversement émotionnel, elle accepte de porter plainte aux autorités et s’enclenche ainsi le processus judiciaire. Rencontré par les enquêteurs, le délinquant passe immédiatement aux aveux.
[5] Le consentement de la victime aux gestes de nature sexuelle ne constituant pas une défense admissible aux accusations[2], le délinquant enregistre un plaidoyer de culpabilité à l’infraction d’agression sexuelle, accusation poursuivie par voie sommaire de culpabilité[3]. Cette infraction prévoit une peine minimale de 6 mois de détention compte tenu de l’âge de la victime.
POSITIONS DES PARTIES
[6] Vu sa situation particulière, le délinquant soumet que cette peine est démesurément sévère et qu’elle constitue une peine cruelle et inusitée. Il demande au Tribunal de la déclarer inopérante à son égard et de lui imposer une sentence suspendue, incluant une période de probation avec suivi et l’imposition de travaux communautaires. Subsidiairement, il soumet qu’une peine de détention à être purgée dans la collectivité pourrait être appropriée.
[7] Le ministère public à titre de poursuivant tout comme le mis-en-cause soumettent que la peine minimale prévue au Code criminel n’est pas cruelle et inusitée dans le cas du délinquant. Plus spécifiquement, le ministère public soumet qu’une peine carcérale de 12 à 15 mois serait la peine adéquate. Le mis-en-cause se range aux arguments présentés par le ministère public et enjoint le Tribunal à faire preuve de retenue judiciaire et ne pas se prononcer sur la demande de déclarer constitutionnellement inopérante la peine minimale prévue pour cette infraction.
QUESTION CONSTITUTIONNELLE
[8] Afin de suivre les enseignements des tribunaux d’instances supérieures[4], il convient de déterminer tout d’abord de la peine juste et proportionnée à imposer au délinquant eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine. Pour ce faire, le Tribunal doit à cette étape exclure de sa réflexion la peine minimale prévue par le législateur.
[9] Si la peine que le Tribunal entend imposer est équivalente ou plus importante que la peine minimale prévue à la loi, la question constitutionnelle pourrait alors devenir sans objet.
[10] Au contraire, si après l’analyse du Tribunal la peine minimale prévue par la loi est plus sévère, dans son quantum ou ses modalités, que la peine que le Tribunal juge juste et proportionnée, alors s’enclenchera une analyse de la constitutionnalité de la peine minimale.
[11] Le Tribunal entend donc suivre ces enseignements et débuter par déterminer la peine appropriée à infliger au délinquant avant, le cas échéant, d’analyser si l’impossibilité de lui imposer cette peine est, dans sa situation, cruelle et inusitée et devrait ainsi lui être rendue inopérante. Dans le cas contraire, le Tribunal poursuivra son analyse afin de vérifier si la peine minimale pourrait être déclarée inopérante à l’égard de d’autres délinquants, dans le cadre de cas hypothétiques raisonnables.
CADRE D’ANALYSE
[12] Avant de débuter l’analyse de la peine juste, le Tribunal croit pertinent de revenir sur certains principes clés.
[13] La sentence est un aspect fondamental du droit criminel. Sans une sentence juste et appropriée, le processus criminel relatif au verdict perdrait toute sa valeur : protéger la société et contribuer à la prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.
[14] La Cour suprême du Canada[5] rappelle que la proportionnalité et l’individualisation sont des principes cardinaux dans l’application des objectifs prévus par les articles 718 et suivants du Code criminel.
[15] La crédibilité du système de justice pénale et criminelle auprès des justiciables est tributaire de la justesse des peines infligées aux délinquants. Qu'elle soit trop sévère ou trop clémente, une peine injuste peut, dans un cas comme dans l'autre, susciter dans l'esprit des justiciables un doute quant à la crédibilité du système compte tenu de ses objectifs.
[16] Pour ce faire et éviter l’arbitraire, le législateur a prévu quelques principes phares devant guider le Tribunal dans l’octroi d’une peine juste et proportionnelle :
- Dénoncer le comportement illégal et le tort causé par celui-ci à la victime et à la société ;
- Dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions ;
- Isoler au besoin les délinquants du reste de la société ;
- Favoriser la réinsertion sociale des délinquants ;
- Assurer la réparation des torts causés aux victimes et à la société ;
- Susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants.
[17] Le Tribunal doit également tenter d’harmoniser la peine avec celles imposées à d’autres contrevenants dans des circonstances semblables, il doit éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction des peines et s’obliger, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes.
Les principes applicables aux crimes contre les enfants
[18] L'objectif principal poursuivi par le législateur en adoptant les dispositions interdisant des crimes de nature sexuelle contre les enfants et les adolescents est de prévenir le préjudice qui leur est causé. Cette législation permet également de transmettre aux Canadiens le message que les enfants ont besoin d'être protégés des effets terribles de l'exploitation et des agressions sexuelles et qu'on ne peut en faire des partenaires sexuels[6].
[19] En imposant une peine à un délinquant trouvé coupable d’un crime constituant un mauvais traitement à un enfant, le Tribunal doit prioriser les objectifs de dénonciation et de dissuasion[7]. Les infractions de nature sexuelle contre les enfants constituent des crimes violents qui exploitent injustement leur vulnérabilité et leur causent, ainsi qu’à leur famille et à leur communauté, un tort immense. Les peines pour ce type de crime doivent être le reflet du caractère répréhensible de la violence sexuelle faite aux enfants et du tort qui leur est causé[8].
[20] S’il est une intolérance dont une société saine ne doive jamais s’émanciper, c’est bien celle qui concerne les abus sexuels commis sur les enfants[9]. C’est pourquoi, dans un arrêt phare rendu en 2019, auquel ont concouru les neuf juges de la Cour suprême, le plus haut tribunal du pays fournit un éclairage précis sur la façon dont les tribunaux de première instance doivent dorénavant sanctionner les infractions d’ordre sexuel commises contre des enfants :
« Les tribunaux doivent infliger des peines correspondant à la gravité des infractions d’ordre sexuel commises contre des enfants. Il ne leur suffit pas de déclarer que de telles infractions sont graves. La peine infligée doit refléter le caractère normatif des actes du délinquant et les torts qu’ils causent aux enfants, à leurs familles, à leurs gardiens et à leurs collectivités (citations omises). Nous offrons donc une certaine orientation sur la manière dont les tribunaux devraient exprimer la gravité des infractions d’ordre sexuel perpétrées contre des enfants. Plus précisément, les tribunaux doivent reconnaître et traduire (1) le caractère répréhensible inhérent à ces infractions; (2) le préjudice que ces infractions peuvent faire subir aux enfants; (3) le préjudice que ces infractions causent bel et bien aux enfants. Soulignons que les infractions d’ordre sexuel contre des enfants sont intrinsèquement répréhensibles et les exposent toujours au risque de subir un grave préjudice, et ce, même si le degré de faute, la mesure dans laquelle les torts potentiels se matérialisent et le préjudice réel varient d’un cas à l’autre »[10].
[21] Ces principes s’appliquent tout autant aux crimes commis contre les plus jeunes enfants que les adolescents. Notre Cour d’appel enseigne d’ailleurs quant à ces derniers :
« Ces propos sont largement transposables aux adolescents qui, pour n'être plus des bambins, n'en sont pas moins, eux aussi, des personnes vulnérables, à une étape cruciale de leur développement personnel. Leur vulnérabilité réside souvent dans le fait qu'ils paraissent consentir, désirer, s'abandonner même aux abus perpétrés sur leur personne, ce qui en fait des victimes idéales, qui ne résistent pas à l'emprise qu'on exerce sur eux. On ne compte plus les adolescents ou adolescentes, par exemple, qui s'amourachent d'un professeur, d'un entraîneur ou autre personne faisant figure de mentor, et c'est précisément de cette attirance, qui accroît leur fragilité, que les adultes ne peuvent pas et n'ont pas le droit de profiter »[11].
[22] Toujours dans l’arrêt Friesen, la Cour suprême mentionne ceci :
« Le fait que la victime est un enfant a pour effet d’accroître le degré de responsabilité du délinquant. Bref, l’exploitation sexuelle et l’objectification des enfants sont hautement blâmables sur le plan moral car les enfants sont si vulnérables. […] quant à la culpabilité morale, l’exploitation d’un enfant vulnérable par un adulte pour sa gratification sexuelle ne peut être considérée autrement que comme un crime témoignant des pires intentions »[12].
[23] Une fois ce cadre établi, l’analyse à proprement parler de la situation spécifique du délinquant peut s’amorcer. Le Tribunal croit ici important de débuter par une énonciation des facteurs permettant de mesurer la responsabilité pénale d’un délinquant en matière sexuelle, facteurs que le Tribunal considère comme pertinents dans la présente affaire[13].
La nature et la gravité intrinsèque de l’infraction
a) La gravité objective
[24] Le délinquant a enregistré un plaidoyer de culpabilité à un chef d’accusation d’agression sexuelle d’une personne âgée de moins de 16 ans, poursuivi par voie sommaire de culpabilité. Ce faisant, il fait face à une peine minimale de 6 mois de détention, la peine maximale étant de 24 mois moins un jour de détention.
[25] La peine maximale prévue à la loi reflète sa gravité et sert d’indicateur à celle-ci[14]. Toutefois, le crime commis n’est pas plus grave ou moins grave selon le choix du mode procédural déterminé par le poursuivant. Ce choix du poursuivant ne fait que limiter les options du Tribunal par un plafond différent quant à l’imposition de la peine. La Cour d’appel du Québec confirme le principe :
« la détermination des peines ne se fait pas selon le mode de poursuite, mais plutôt à la lumière du profil du délinquant et des circonstances des faits entourant l’infraction[15] ».
b) La nature des contacts
[26] Tout contact physique de nature sexuelle avec un enfant constitue toujours un acte répréhensible de violence physique et psychologique[16]. Bien qu’il n’existe pas de corrélation nette entre le type d’acte physique et le préjudice causé à la victime[17], il est reconnu que le degré d’atteinte physique peut constituer un facteur aggravant[18]. Il demeure donc important pour le Tribunal de déterminer de la gravité de chacune des infractions reprochées au délinquant[19].
[27] Ici, des actes distincts ont eu lieu à deux moments différents : le 27 mai 2022 avec des contacts limités à des baisers et des accolades et le 5 juin 2022, avec des contacts sexuels plus intimes, dont une pénétration vaginale non protégée.
[28] Les gestes posés lors de la première rencontre entre le délinquant et la victime, s’ils sont loin d’être bénins, demeurent moins intrusifs. Leur impact et le préjudice causé peuvent être, selon le cas, important (ou non) mais il n’en demeure pas moins que les gestes en question se retrouvent vers le bas du spectre des gestes pouvant constituer une agression sexuelle sur une enfant de moins de 16 ans.
[29] Pour les gestes du 5 juin 2022, la pénétration du pénis implique une importante atteinte à l’intimité physique et sexuelle de la victime. Le fait que la relation sexuelle incluant de la pénétration n’était pas protégée par l’utilisation d’un préservatif est un élément supplémentaire à prendre en compte, ce type de comportement pouvant potentiellement mener à des grossesses non désirées ou à des infections transmissibles sexuellement.
[30] Il ne saurait ici être question de tenir compte de la « participation » de la victime. Il s’agit d’un concept qui ne constitue ni un facteur atténuant[20] ni même un facteur pertinent[21] à analyser au moment d’imposer une sentence. Rappelons-le, le consentement d’un enfant de moins de 16 ans à des relations sexuelles est inadmissible en droit pénal canadien[22].
[31] Selon la preuve administrée à l’audience, il faut noter que les infractions commises à ces deux moments sont exemptes de violence extrinsèque, de contrainte, de manipulation psychologique ou d’abus d’une situation de perte de conscience, qui seraient autrement des facteurs aggravants majeurs.
[32] Demeure donc que le délinquant a posé des gestes criminels qui incluent une violence inhérente qui doit être punie. C’est toujours aux adultes que revient l’obligation de s’abstenir de se livrer à de la violence sexuelle sur des enfants ou des adolescents.
La fréquence des infractions et l’espace temporel qui les contient
[33] Ici, les actes d’agressions sexuelles ont eu lieu à deux moments précis, soit le 27 mai et le 5 juin 2022. Si les impacts ne sont pas moindres du fait que les agressions n’ont eu lieu qu’à ces deux occasions, on ne se trouve toutefois pas ici dans un schème de récidive à l’égard de la même victime ou de pluralité de crimes commis contre différentes victimes. Il s’agit ici d’un facteur neutre.
L’abus de confiance et l’abus d’autorité envers la victime
[34] La preuve ne révèle pas ici de situation d’abus d’autorité entre le délinquant et la victime. Ceux-ci ne se connaissaient pas avant leur première rencontre et rien ne démontre qu’un tel type de relation d’autorité était perçu par l’un ou par l’autre.
[35] Quant à la relation de confiance, le Tribunal est bien conscient que pour l’établissement d’une telle relation à titre de facteur aggravant le ministère public n’a pas à prouver une relation de dépendance ou une relation de fiduciaire[23]. Tout est affaire de contexte. Le Tribunal ne considère toutefois pas qu’ici une preuve a été faite, hors de tout doute raisonnable, que le délinquant et la victime étaient dans une relation de confiance qui dépassait celle qui existe de façon générique et qui implique assez naturellement que les personnes que nous rencontrons ne nous agresserons pas[24]. Il s’agit ainsi d’un facteur neutre dans la présente situation.
Gravité des atteintes à l’intégrité physique et psychologique de la victime
[36] Ni la victime, ni son père ne souhaitaient témoigner de vive voix ou par lettre, des conséquences du crime sur eux. Le représentant du ministère public a toutefois pu transmettre au Tribunal quelques informations recueillies lors de ses conversations avec ces derniers.
[37] Le père de la victime vit beaucoup de colère de voir sa fille « être impactée » par la situation sous étude[25].
[38] Quant à la victime, elle a bien sûr craint pour sa sécurité lorsqu’elle a cru être enceinte à la suite de la relation sexuelle impliquant une pénétration. Elle a vécu un mélange d’émotions secondaires à la dénonciation, étant toujours amoureuse du délinquant, avant de voir sa pensée évoluer et décider de collaborer avec les autorités. Elle souhaite essentiellement que les procédures se terminent et qu’elle puisse « tourner la page ».
[39] Même si l’adolescente n’est pas venue témoigner sur les conséquences des crimes sur elle, le Tribunal se rappelle qu’il doit tenir compte des formes de préjudice potentiel qui ne sont pas nécessairement concrétisées au moment de la détermination de la peine, mais qui sont une conséquence raisonnablement prévisible des infractions et qui pourraient se manifester plus tard durant l’enfance ou à l’âge adulte[26].
[40] Ici, le Tribunal n’est toutefois pas en mesure d’identifier, de déduire ou d’inférer un préjudice que la victime aurait subi, ou subira de l’infraction, autre que la crainte légitime de se retrouver enceinte à 13 ans. Pour être clair, le Tribunal n’exclut pas que la victime a subi des conséquences de l’agression ni qu’elle en subira plus tard au cours de sa vie adulte. Toutefois, face à la preuve offerte lors de l’audience, il est ici difficile de conclure à la présence de conséquences raisonnablement prévisibles qui pourraient se manifester plus tard à titre de facteur aggravant supplémentaire[27]. Rappelons que pour constituer un facteur aggravant au niveau sentenciel, la preuve doit en être faite hors de tout doute raisonnable[28], seuil qui n’a pas été atteint ici.
[41] Cela dit, cette conclusion quant à l’absence de preuve hors de tout doute raisonnable au niveau du préjudice réel subi[29] ou raisonnablement prévisible n’établit pas pour autant un facteur mitigeant sur sentence : l’absence d’un facteur aggravant ne constituant pas un facteur atténuant[30].
PROFIL DE L’ACCUSÉ
a) Âge
i) L’âge au moment des gestes
[42] L’accusé avait 18 ans et 43 jours au moment des premiers contacts de nature sexuelle et 18 ans et 55 jours lors des seconds. Il soumet que si les gestes avaient eu lieu 2 mois plus tôt, il aurait fait face à une peine spécifique aux adolescents qui vraisemblablement n’aurait pas menée à son incarcération.
[43] Si l’argument peut sembler intéressant au premier abord, il est légalement incomplet : la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents prévoit qu’un adolescent coupable d’un crime est présumé bénéficier d’une culpabilité morale moindre que celle d’un adulte[31].
[44] Qui plus est, le concept de dissuasion générale est absent du régime de la peine pour les adolescents[32]. Quant à lui, le principe de dénonciation d’un crime, même de nature sexuelle commis sur un enfant, est subordonné à son caractère proportionnel qui doit remplir l’objectif de favoriser la réinsertion sociale et la réadaptation d’un adolescent accusé[33]. Or, pour un adulte, eut-il à peine 18 ans depuis une journée, les principes de dénonciation et de dissuasion (tant spécifique que générale) doivent légalement être priorisés pour le type de crime dont s’est trouvé coupable l’accusé[34].
[45] Ainsi, le délinquant dans notre situation n’est plus un adolescent et il ne bénéficie plus du régime particularisé qui lui est plus favorable. Il est un adulte, peut librement exercer ses droits civiques comme tout citoyen majeur dans notre société. Il doit donc avoir les mêmes devoirs et les mêmes responsabilités.
[46] Cela étant, les tribunaux d’instances supérieures ont largement considéré la jeunesse comme un facteur atténuant, notamment vu la possibilité concrète d’une réhabilitation[35]. Cela ne fait pas en sorte qu’une peine sévère ne peut pas être imposée lorsque les circonstances l’exigent, mais c’est un facteur important à tenir en compte afin de pondérer la justesse de la sentence à imposer.
[47] Notre Cour d’appel mentionne par ailleurs, dans le cas d’un jeune homme de 18 ans et 2 mois trouvé coupable de voies de fait graves :
« Le principe de modération prend toute son importance lorsqu’il s’agit de déterminer la peine d’un jeune délinquant primaire. Dans ce cas, ce sont les objectifs de réinsertion sociale et de dissuasion spécifique qui priment, même en présence d’une infraction violente[36] ».
[48] Ce principe de modération pour de jeunes délinquants primaires s’applique par ailleurs même face à des crimes qui impliquent que les facteurs de dénonciation et de dissuasion sont prédominants, comme le constituent les crimes de nature sexuelle commis contre des enfants[37].
ii) La différence d’âge entre la victime et le délinquant
[49] Le Tribunal doit généralement tenir compte de la différence d’âge qui sépare le délinquant de la victime[38]. Ici, la différence d’âge est d’au plus 5 ans[39].
[50] La différence est significative et elle fait en sorte que le délinquant ne peut pas invoquer le consentement de la victime aux gestes sexuels posés. En effet, le paragraphe 150.1(2) C.cr. exclut ce moyen de défense lorsque l’enfant victime âgée de 13 ans est de plus de 2 ans la benjamine d’un accusé.
[51] L’analyse aurait toutefois été différente pour une enfant de 14 ans. Le paragraphe 150.1(2.1) C. cr. prévoit que dans un tel cas, le consentement est une défense admissible si l’accusé est de moins de 5 ans l’ainé de l’adolescente. Ainsi, si la victime avait eu quelques mois de plus et atteint l’âge de 14 ans, le Code criminel aurait rendu admissible le consentement de la victime à l’encontre des gestes commis par le délinquant, ce qui, dans la situation sous étude, aurait possiblement exclu une déclaration de culpabilité.
[52] Le propos n’est pas de réécrire l’histoire, mais de placer la différence d’âge entre le délinquant et la victime dans un contexte légal et social. Ainsi, notre société permet, par la voix du législateur et dans un certain cadre, des contacts sexuels entre des adolescents de 14 ans et plus et de jeunes adultes, tout en les interdisant avec des adultes plus âgés.
[53] Ici, il est convenu que le délinquant a contrevenu à la loi vu l’âge de la plaignante au moment des gestes de nature criminelle. Il est convenu que la différence entre 13, 14 et 15 ans est capitale à ce stade du développement d’un enfant pour apprécier sa vulnérabilité[40], ce qui est habituellement un facteur aggravant significatif.
[54] Cette conclusion générale ne signifie toutefois pas que la différence d’âge entre la victime et le délinquant doit, dans cette situation, constituer un facteur aggravant important. Le Tribunal considère plutôt qu’ici la différence d’âge entre le délinquant et la victime est un facteur aggravant dont la gravité est mitigée, vu le contexte légal et social précédemment décrit.
[55] La conclusion ne serait pas la même face à un délinquant sensiblement plus âgé ou face à une victime sensiblement plus jeune. C’est en particularisant la situation au cas sous étude que le Tribunal en arrive à cette conclusion.
iii) L’âge de la victime
[56] Tel que mentionné ci-haut, c’est ici parce que la victime a 13 ans et le délinquant 18 ans que le crime est commis et cela s’explique parce qu’une enfant de 13 ans est dans un état de grande vulnérabilité[41]. C’est visiblement pour cette raison que le législateur a prévu des règles spécifiques à l’admissibilité du consentement en matière sexuelle pour les adolescents. Sans cette différence d’âge, le délinquant aurait pu invoquer le consentement de la plaignante aux gestes posés.
[57] Ainsi, compte tenu que l’âge de la victime constitue un élément essentiel de l’infraction en rendant inadmissible le consentement de cette dernière, le Tribunal considère que ce serait une erreur de droit que de prendre en compte cet élément comme facteur aggravant[42]. Le Tribunal considère plutôt que dans ce cas très précis, l’âge de la victime constitue un facteur neutre.
[58] Tout comme pour la rubrique précédente, la conclusion ne serait pas la même face à un délinquant sensiblement plus âgé ou face à une victime sensiblement plus jeune. C’est encore ici en particularisant la situation au cas sous étude que le Tribunal en arrive à cette conclusion.
b) Antécédents judiciaires
[59] Âgé de 20 ans au moment des représentations sur la peine, le délinquant est sans antécédents judiciaires, tant comme majeur que comme mineur. On ne lui reproche aucune cause pendante. Mis en liberté sous promesse, rien n’indique qu’il a brisé les conditions de sa mise en liberté.
[60] Ce faisant, il s’agit ici d’un facteur atténuant d’importance, les tribunaux étant généralement plus cléments à l’égard du délinquant primaire qu’à l’endroit d’un récidiviste[43]. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada enseigne qu’un délinquant primaire, donc sans antécédents judiciaires, devrait se voir sentencier à une peine d’une durée la plus courte possible et adaptée aux circonstances de ce délinquant et à la gravité de l’infraction plutôt que seulement aux principes de dénonciation générale[44].
c) Emploi, famille et santé
[61] L’accusé travaille présentement comme commis dans un supermarché de sa région de résidence. Il est de retour aux études afin de compléter une scolarité de niveau secondaire.
[62] Demeurant toujours chez sa mère, il est décrit par l’autrice du rapport présentenciel comme un jeune homme en période de développement sur les plans scolaire et de l’emploi. Sa mère le décrit comme un jeune homme plutôt immature, peu loquace et d’un naturel plus taciturne et introverti.
[63] Il s’agit d’un jeune homme qui a eu une enfance difficile, se considérant abandonné par ses parents s’étant séparés avant sa naissance et ayant tous deux formé de nouvelles unions, desquelles une demi-fratrie s’est constituée.
[64] Il est connu pour un trouble d’apprentissage et un trouble déficitaire de l’attention qui paveront la voie à une enfance caractérisée par l’intimidation et le rejet de ses pairs. Il ressentira également du rejet de la part de ses parents qui le placent comme pensionnaire à l’adolescence.
[65] C’est ainsi qu’il grandit avec des carences en termes de relations interpersonnelles de proximité. Il osera peu approcher les jeunes filles en général, encore moins celles de son âge.
[66] Le délinquant est un jeune homme qui se dit ouvert à un suivi en sexologie et en psychologie, ce que l’autrice du rapport présentenciel juge encourageant vu une prise en charge plutôt mitigée à cet effet alors qu’il était adolescent. Le Tribunal ne peut toutefois que remarquer que depuis l’ouverture de son dossier judiciaire, aucune amorce thérapeutique n’a encore débuté.
[67] Bien qu’il se soit senti abandonné par ses parents dans l’enfance et que ce ressenti a fragilisé son estime personnelle, la mère du délinquant est toujours présente auprès de lui. Il s’agit de sa principale personne-ressource qui lui apporte une aide indéfectible qui lui est essentielle[45]. Elle est prête à assister le délinquant dans ses démarches à venir et semble, aux yeux du Tribunal, une personne sérieuse, capable de soutenir le délinquant dans sa réhabilitation et sa réinsertion sociale avec l’aide de spécialistes.
[68] Bref, le délinquant est un jeune homme généralement bien intégré à sa collectivité par son emploi et ses études. S’il a, comme chaque citoyen, ses difficultés propres, tout indique qu’il est en mesure de s’adapter à une vie en société et d’être un membre respectueux des lois et productif.
d) Risque de récidive
[69] Tant l’autrice du rapport présentenciel que l’expert en sexologie considèrent que le risque de récidive du délinquant peut être qualifié de moyen. Pour la criminologue, « le niveau de risque sera directement impacté par la volonté du justiciable à se mobiliser ». Quant à lui, le sexologue arrive à sa conclusion entre autres par l’analyse de certaines données actuarielles. Tout d’abord son âge, son absence de cohabitation avec un partenaire et une victime sans lien de parenté le placent dans un niveau de risque dans la moyenne à l’échelle Statique-99R.
[70] Quant à l’utilisation de l’échelle Stable-2007, ce sont sa capacité d’avoir une relation stable et la présence d’émotions négatives qui augmentent son niveau de risque. Des difficultés de moindre intensité assombrissent également le tableau : des gestes impulsifs, de faibles aptitudes pour la résolution de problèmes et la présence d’intérêts sexuels déviants (une victime de 13 ans).
[71] Ainsi, il demeure un risque de récidive qualifié de moyen, basé sur les tests actuariels. Néanmoins, l’expert en sexologie conclut après l’analyse clinique qu’ « [o]utre cette accusation, rien ne nous indique la présence d’une déviance sexuelle chez monsieur »[46]. Cela semble correspondre à l’avis de la criminologue autrice du rapport présentenciel qui conclut « que le passage à l’acte découle nettement plus de son incapacité à entrer en relation sainement avec les autres et à s’affirmer avec les jeunes de son âge qu’à une dynamique sexuelle problématique »[47].
[72] Les deux auteurs conviennent que le risque de récidive pourrait être significativement amoindri si le délinquant s’investissait dans une démarche thérapeutique sérieuse, qui traiterait tant ses fragilités psychoaffectives émanant de sa jeunesse que de sa situation actuelle de délinquant en matière sexuelle.
e) Comportement postérieur du délinquant
[73] Dès son arrestation, le délinquant va collaborer avec les autorités et reconnaître les crimes commis. Il fera des aveux qui lui seront opposables. Il mandate par la suite son avocate afin d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité.
[74] Un tel choix procédural, s’il permet d’éviter un gaspillage de précieuses ressources judiciaires, voit surtout sa valeur en termes de symbole : il s’agit d’un aveu public du fait que son comportement est criminel et à l’encontre des valeurs fondamentales de la société.
[75] Cette reconnaissance publique de leurs torts permet généralement aux délinquants de prendre la pleine mesure de leurs actes et évite aussi aux victimes d’avoir à subir un procès public sur des aspects particulièrement intimes de leur vie. Cette dernière considération est ici présente. Le choix du délinquant a eu un impact sur la relative vitesse à laquelle les procédures ont pu avancer. Rappelons que la victime a fait savoir qu’elle souhaitait surtout « tourner la page » sur cet épisode de sa jeune vie.
[76] Le délinquant a également collaboré avec l’autrice du rapport présentenciel et l’auteur du rapport sexologique. Il s’est montré ouvert à la discussion et a permis des contacts avec les auteurs et ses proches.
[77] L’autrice du rapport présentenciel conclut que le délinquant prend la responsabilité de ses actes, bien qu’il maintienne avoir eu un coup de foudre pour la victime. Il comprend néanmoins que leur écart d’âge rendait leur relation criminelle, la victime ne pouvant offrir un consentement réellement libre et éclairé.
[78] Le Tribunal a entendu le délinquant lors de l’audience sur la peine à imposer. Ce dernier exprime en peu de mots, mais avec une émotion qui n’apparait pas feinte, des regrets face à la situation. S’il reconnait que pendant les premiers mois suivant son arrestation il était essentiellement fâché de la situation et de ne pas pouvoir avoir de contact avec la victime, il a cheminé et a compris que ses propres gestes étaient mauvais, qu’ils étaient criminels.
[79] Il comprend désormais que ses gestes ont pu entraîner des conséquences pour la victime et pour le père de cette dernière. Il nomme principalement que la victime a pu être traumatisée de cet événement.
[80] Le Tribunal note donc que le délinquant est capable d’empathie face aux conséquences des crimes qu’il a commis. S’il est vrai que les remords et les regrets sont exprimés avec une certaine tiédeur et que ces regrets et remords sont partiellement dirigés vers les conséquences qu’il aura à subir, il demeure que ces regrets et remords existent et qu’ils doivent être tenus en compte.
[81] Le Tribunal note que la tiédeur des remords et regrets du délinquant peuvent s’expliquer par son immaturité décrite par sa mère, tout comme le fait qu’il n’a jamais été confronté directement aux conséquences subies par la victime. Si le Tribunal peut et doit prendre en compte les préjudices potentiels futurs d’une victime mineure[48], il peut être difficile pour un délinquant plus jeune et immature de bien comprendre un tel concept, par nature moins concret.
[82] Bref, si le plaidoyer de culpabilité et la collaboration avec les autorités sont des facteurs atténuants importants, la présence de remords et de regrets demeure un facteur atténuant, mais d’une valeur plus mitigée.
[83] Ainsi, il est possible pour le Tribunal de résumer les facteurs atténuants, aggravants et neutres suivants :
Facteurs aggravants :
- l’infraction constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne âgée de moins de 18 ans[49];
- le degré d’atteinte à l’intégrité physique et sexuelle de la victime.
Facteurs aggravants mitigés :
- la différence d’âge entre le délinquant et la victime;
- le préjudice futur potentiel, notamment relié à la crainte d’une grossesse non désirée.
Facteurs atténuants :
- l’âge du délinquant;
- le plaidoyer de culpabilité;
- l’absence d’antécédents judiciaires;
- le profil social du délinquant.
Facteurs atténuants mitigés
- la présence de remords et de regrets;
- l’ouverture à un cheminement thérapeutique qui n’a pas encore été actualisé.
Facteurs neutres
- l’âge de la victime;
- la fréquence des actes et l’espace temporel qui les contient;
- l’abus de confiance.
CONCLUSION SUR LA RESPONSABILITÉ PÉNALE
[84] Le délinquant a commis un crime grave sur une adolescente vulnérable. Il s’est délibérément livré à une agression sexuelle intrusive envers une enfant de 13 ans. Il savait que son comportement était blâmable et a pris une décision réfléchie et en pleine capacité avant de se livrer à la commission du crime[50]. S’il est un jeune homme décrit comme immature, ce dernier ne souffre pas de problématiques importantes de santé mentale ou d’atteintes permanentes telles que la déficience intellectuelle ou de troubles du spectre de l’autisme, faits qui auraient pu mitiger sa responsabilité morale.
[85] Le geste posé en est un sérieux qui met en exergue son manque de compréhension de concepts légaux et sociaux de base. Une agression sexuelle est un geste violent en soi, qui doit recevoir une réponse ferme, dénonciatrice et dissuasive de la part des tribunaux. Il s’agit de la seule façon pour un Tribunal de faire passer un message clef dans de telles situations : les enfants ne sont pas des partenaires sexuels pour les adultes.
HARMONISATION DES PEINES
Principes généraux
[86] Si le Tribunal doit particulariser la sentence à l’individu qu’il condamne, il doit également viser à comparer la peine envisagée avec d’autres peines imposées pour des infractions semblables dans des circonstances semblables. Tout cela sert le principe phare en matière de détermination de la peine, soit celui de la proportionnalité[51].
[87] Si certaines peines sont très pertinentes à la comparaison compte tenu de la similarité des faits et des caractéristiques analysées, d’autres permettent d’orienter la peine à imposer par leur différence sur certains aspects.
[88] Quelques peines analysées doivent également être réinterprétées et recadrées à l’aune des principes de l’arrêt Friesen rendu par la Cour suprême, qui a requis des juges d’instance un durcissement des peines en de telles matières :
« Nous envoyons le message clair que les infractions d'ordre sexuel contre des enfants sont des crimes violents qui exploitent injustement leur vulnérabilité et leur causent un tort immense ainsi qu'aux familles et aux collectivités. Il faut imposer des peines plus lourdes pour ces crimes. Les tribunaux doivent infliger des peines proportionnelles à la gravité des infractions d'ordre sexuel contre des enfants et au degré de responsabilité du délinquant, à la lumière des initiatives du législateur en matière de détermination de la peine et du fait que la société comprend mieux le caractère répréhensible et la nocivité de la violence sexuelle à l'endroit des enfants. Les peines doivent être le reflet fidèle du caractère répréhensible de la violence sexuelle faite aux enfants de même que du tort profond et continu qu'elle cause aux enfants, aux familles et à la société en général »[52].
[89] Le Tribunal n’entend pas restreindre son analyse aux seules peines imposées en vertu de l’article 271 C.cr. (agression sexuelle). Des cas analysés sont plutôt relatifs à des accusations de contacts sexuels ou d’incitation à des contacts sexuels. Tant la Cour d’appel de l’Ontario[53] que celle de Terre-Neuve et Labrador[54] considèrent qu’il s’agit là de comparatifs valides et valables. Qui plus est, rappelons que le délinquant était accusé du chef de contacts sexuels porté en vertu de l’article 151 C.cr. et que le Tribunal a ordonné un arrêt conditionnel des procédures sur ce chef d’accusation après avoir accepté le plaidoyer de culpabilité du délinquant sur le chef d’accusation d’agression sexuelle, ces deux infractions ayant un lien certain[55].
R. c. Caron-Barrette[56]
[90] Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec modifie une peine de 12 mois de détention et impose plutôt une peine de 90 jours de détention discontinue à l’égard d’un jeune homme de 23 ans qui avait entretenu une relation amoureuse qui incluait des relations sexuelles avec pénétration avec une adolescente de 14 ans. La situation avait ceci de particulier que la relation était connue des parents du délinquant et de la victime et approuvée par eux.
[91] Bien que certaines parties de cet arrêt aient été critiquées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Friesen, cet arrêt demeure encore et toujours un précédent important et pertinent au Québec. Il s’agit de l’arrêt de principe ayant déclaré que la peine minimale d’incarcération prévue à l’article 151a) C.cr. est inconstitutionnelle.
R. c. Bolanos[57]
[92] Dans cette affaire, l’accusé a reconnu avoir à des fins sexuelles touché une partie du corps d’une enfant de 12 ans. La période délictuelle est d’environ 2 mois.
[93] La victime est la sœur d’une amie de l’épouse de l’accusé. Le délinquant et la victime débutent une relation essentiellement par messages texte, puis à quatre reprises, s’embrassent. Ils conviennent de se revoir pour les fins d’une relation sexuelle. L’accusé se rend chez la victime et entre dans sa chambre sans se faire voir des autres habitants de la maison. Après s’être embrassés mutuellement, le délinquant déshabille la victime et la pénètre avec son pénis sans protection. Il s’agissait de la première relation sexuelle avec pénétration pour la victime qui ressent des douleurs subséquemment.
[94] L’accusé savait que la victime avait 12 ans et lui a dit que l’âge n’était pas important pour lui. Il lui a dit l’aimer au moment de la relation sexuelle. L’accusé avait 20 ans au moment des gestes.
[95] La Cour du Québec prend en compte le mauvais traitement d’une victime de moins de 18 ans et la nature des contacts sexuels, tout comme l’endroit où ont eu lieu les contacts sexuels (la demeure de la victime) comme circonstances aggravantes. Le jeune âge de l’accusé, son plaidoyer de culpabilité, l’expression de regrets et de remords, des efforts thérapeutiques et sa prise de conscience sont considérés comme atténuants. La Cour condamne le délinquant à une peine de 2 ans moins 1 jour de détention à être purgée dans la communauté incluant 150 heures de service communautaire.
R. c. Simard-Cloutier[58]
[96] Simard-Cloutier est trouvé coupable après procès devant jury d’agression sexuelle et d’incitation à des contacts sexuels. Les gestes se déroulent en deux occasions où il incitera tout d’abord la victime à lui toucher le pénis, puis un autre événement où il laissera sa main sur la cuisse de la victime tout près de « son intimité ». Le délinquant a 22 ans au moment des gestes et sa victime 13 ans.
[97] Le jeune âge, l’absence de préméditation et un soutien social ont été reconnus comme facteurs atténuants. La gravité des infractions et leur récidive, l’âge de la victime, le mauvais traitement d’une personne de moins de 18 ans, l’abus de confiance envers la victime et sa famille et les séquelles psychologiques de la victime ont été considérés comme aggravants.
[98] Une peine de 13 mois de détention a été imposée.
R. c. Miguel Gauvreau[59]
[99] Le délinquant, entre les âges de 20 et 21 ans et la victime, âgée de 13 ans ont eu deux relations sexuelles incluant la pénétration du pénis, dans le cadre d’une relation intime durant quelques mois, relation désapprouvée par les parents de la victime.
[100] Le père de la victime avait spécifiquement interdit au délinquant de continuer quelque type de relation avec sa fille. Bien que le père de la victime eût confisqué le téléphone de sa fille, le délinquant lui en a fourni un nouveau. Alors qu’elle croit avoir été aperçue avec le délinquant par la direction de son école, la victime fugue du domicile familial et le délinquant l’aide à se cacher.
[101] Le délinquant est atteint du syndrome de Langer-Giedon (Trisomie 8) et a été affligé d’une déficience intellectuelle légère dans l’enfance, bien que ce diagnostic ne soit pas démontré à l’âge adulte. Cette situation a fait en sorte qu’il a subi de l’intimidation dans sa jeunesse et qu’il a développé un confort à côtoyer des gens plus jeunes que lui. L’accusé œuvre au moment de l’imposition de la sentence en mécanique automobile et semble être un jeune homme intelligent et travaillant.
[102] La victime témoigne avoir vécu des moments difficiles avec sa famille, manifestant des idées suicidaires, des crises de panique et indiquant avoir toujours beaucoup de rage en elle. Le juge indique que la relation entre l’accusé et la victime et le processus judiciaire ont eu un grand impact sur la vie personnelle de la victime et ses parents.
[103] La Cour semble considérer comme un facteur aggravant d’importance le fait que le délinquant avait été avisé par le père de la victime de ne pas la fréquenter, tout comme la gravité des atteintes à la victime et à sa famille. Une peine de 12 mois de détention lui fut imposée.
R. c. Calatayud[60]
[104] Dans la décision Calatayud, la Cour du Québec impose une peine de 12 mois de détention à un jeune homme ayant plaidé coupable à une infraction de contacts sexuels. Alors animateur d’un camp de vacances, le délinquant, âgé de 25 ans, a amorcé une relation amoureuse avec la victime, âgée de 13 ans. Des contacts sous forme de baisers sont échangés. C’est lorsque que la plaignante avait atteint l’âge de 15 ans qu’ils avaient amorcé des contacts de nature sexuelle plus intimes qui dureront jusqu’à ce que la victime atteigne l’âge de 18 ans.
[105] L’écart d’âge, la gravité et la répétition des gestes ainsi que les conséquences importantes pour la victime sont considérés pour établir cette peine de détention, malgré le plaidoyer de culpabilité et une réhabilitation convaincante.
R. c. T.A.[61]
[106] L’accusé, âgé de 24 ans, est l’oncle de la victime âgée de 15 ans. Les deux parlaient d’une histoire d’amour entre eux. Des relations sexuelles incluant de la pénétration ont eu lieu[62].
[107] Notant la différence d’âge entre les deux, la présence d’abus d’un lien de confiance la présence de facteurs atténuants tels que le jeune âge du délinquant, son plaidoyer de culpabilité, une collaboration importante à l’enquête et un potentiel de réhabilitation notamment vu son intégration à une thérapie, le juge le condamne à 90 jours de détention à être purgée de façon discontinue.
R. c. D.P.[63]
[108] Le délinquant a eu, entre 18 et 19 ans, des relations sexuelles « complètes » avec une jeune fille de 13 ans. Il possède un antécédent judiciaire en matière de violence sexuelle alors qu’il était mineur. Il était par ailleurs en probation pour cette affaire antérieure au moment des crimes. L’accusation est portée par voie sommaire de culpabilité.
[109] Le délinquant est avisé par des proches et une travailleuse sociale de l’âge de la victime mais persiste dans son agir. Lors de la dernière relation sexuelle, la victime lui indique ne plus vouloir la poursuivre, mais le délinquant la continue malgré tout « quelques temps ».
[110] Tenant compte de l’éclairage d’un rapport Gladue, de sa motivation à entreprendre une thérapie en matière sexuelle (qui n’est pas amorcée), de sa stabilité, mais également des conséquences du crime sur la victime, de la longueur de la période délictuelle (6 mois), de ses antécédents judiciaires en semblable matière et de rapports présentenciel et sexuel plutôt négatifs (distorsion cognitive, absence d’empathie, risque de récidive de modéré à élevé), le juge condamne le délinquant à 9 mois de détention.
R. c. Bertrand-Marchand[64]
[111] Le délinquant, âgé entre 22 et 24 ans, aura à 4 reprises des relations sexuelles avec la victime, alors âgée de 13 à 15 ans. Tenant compte du jeune âge de l’accusé, de son plaidoyer de culpabilité, de l’absence de situation de confiance ou d’autorité et de son absence d’antécédents judiciaires, mais notant entre autres la vulnérabilité de la victime (qui vivait en centre de réadaptation de la DPJ) et des impacts du crime chez la victime, la Cour condamne le délinquant à une peine de 10 mois de détention sur un chef de contacts sexuels.
Marien-Frenette c. R.[65]
[112] La Cour d’appel du Québec modifie une peine globale de 6 ans (72 mois) de détention pour la ramener à une sentence de 54 mois, confirmant par là des peines de 30 mois de détention pour des chefs de contacts et d’incitation à des contacts sexuels et 12 mois de détention consécutive pour un chef de leurre. Le délinquant avait également été condamné pour des crimes reliés à la possession de pornographie juvénile, ayant gardé des vidéos et des photographies intimes de la victime et l’ayant incité à en produire.
[113] Dans cette affaire, le délinquant âgé de 20 ans avait connu la victime de 14 ans dans le cadre de leurs emplois dans une pharmacie. Le délinquant avait eu deux épisodes de contacts sexuels sur une période de deux semaines. Un premier impliquait des baisers, des contacts sexuels sur le corps de la victime et de la masturbation. Quant au second, il s’agissait d’une pénétration vaginale malgré le fait que la victime se plaignait de douleurs. Marien-Frenette avait une compréhension mitigée de sa responsabilité mais avait amorcé un processus thérapeutique qui en était à ses balbutiements.
R. c. Courchesne
[114] Dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec confirme une peine de 14 mois de détention imposée à un délinquant de 19 ans ayant profité de l’état de vulnérabilité créé par l’ivresse de la victime de 13 ans pour poser à son encontre des gestes sexuels intrusifs de la nature d’une pénétration digitale. La victime avait tenté vainement de repousser son agresseur.
[115] Bien qu’elle considère cette peine de 14 mois de détention comme étant sévère sans être excessive[66], la Cour d’appel du Québec refuse d’intervenir pour modifier la peine rendue en première instance. Le caractère intrusif des gestes posés, la vulnérabilité de la victime vu son intoxication avancée et la violence supplémentaire aux gestes en forçant la victime à tenter vainement de repousser le délinquant justifiaient d’imposer une telle peine, malgré la présence de facteurs atténuants et bien que le délinquant primaire ne représente pas un danger pour la collectivité.
[116] La Cour d’appel indique que les peines d’emprisonnement de moins de 12 mois sont généralement réservées aux délinquants primaires s’étant livrés à des attouchements superficiels ou encore à des situations exceptionnelles (comme celle de Caron-Barrette ci-haut mentionnée). Les peines habituellement imposées dans la fourchette de 10-12 mois à 24 mois moins 1 jour le sont généralement pour des crimes comportant un mélange de facteurs atténuants et de circonstances aggravantes, avec prédominance de facteurs aggravants se rapportant soit à la commission du crime ou à la responsabilité du délinquant. Dans de tels cas, la modalité de l’emprisonnement dans la collectivité est rare.
CONCLUSIONS
[117] Le Tribunal est conscient de la (malheureusement) très importante quantité de décisions de jurisprudence sur les peines à imposer pour des crimes de nature sexuelle commis contre des enfants. Les décisions citées précédemment ne sont qu’un échantillonnage qui ne se veut en aucun cas exhaustif. Cet exercice vise plutôt à tenter de démontrer l’éventail des peines imposées pour ce type de crime.
[118] La lecture de ces précédents permet de brosser le portrait suivant : la limite basse du spectre des sentences pour des gestes de nature de ceux posés par l’accusé, qu’ils soient qualifiés de contacts sexuels ou d’agression sexuelle se trouve à 90 jours de détention et la limite haute se situe plutôt à des peines de pénitencier (qui sont ici exclues vu le choix du poursuivant de poursuivre le délinquant par voie sommaire de culpabilité). La modalité de l’emprisonnement dans la collectivité y est rare[67] tout comme l’octroi de peine de détention discontinues.
[119] Des peines carcérales d’une durée significative sont imposées pour des gestes commis par des délinquants dans la jeune vingtaine à l’égard de jeunes adolescentes. L’apparente diversité dans les peines s’explique par le fait que ces infractions peuvent couvrir un large éventail de comportements et qu’elles sont commises par des délinquants ayant chacun un profil unique. Les peines reflèteront l’analyse des faits du dossier, des facteurs aggravants comme des facteurs atténuants.
[120] Bien qu’il soit vrai que dans la présente situation plusieurs facteurs atténuants militent pour une peine se trouvant vers le bas de la fourchette des peines à imposer, la loi prévoit que le crime commis par le délinquant doit voir les principes de dissuasion et de dénonciation recevoir une attention particulière. Le caractère intrusif des gestes posés, notamment celui de la pénétration du pénis, constitue une circonstance aggravante majeure.
[121] Une fois cela dit, ne baser la décision à venir que sur le crime commis serait une erreur de droit[68]. Notre Cour d’appel rappelait dans l’arrêt Harbour[69], que :
« Déclarer que l’infraction en cause commande de donner priorité aux objectifs de dissuasion générale et de dénonciation ne peut signifier, dans tous les cas, des peines d’emprisonnement ».
[122] Comme enseigné dans l’arrêt Barchichat[70], le Tribunal considère avoir l’obligation de pondérer les différents objectifs de détermination de la peine avant de rendre sa décision :
« Les objectifs de dissuasion et de dénonciation doivent être évalués selon les circonstances de chaque cas et ne peuvent a priori exclure un choix de peine pour la seule raison de la gravité objective d'un crime. »
[123] Ainsi, même lorsque les objectifs de dissuasion et de dénonciation sont sollicités, l’exercice de la détermination de la peine ne doit pas amener le juge à ignorer les autres objectifs : seul l’équilibre mène à une peine juste. Ce principe a par ailleurs été réitéré par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Bertrand-Marchand[71] :
« Le Parlement a expressément indiqué que lors de la détermination de la peine pour des infractions comportant des abus à l'égard d'enfants, y compris le leurre d'enfants, les objectifs de dénonciation et de dissuasion devraient se voir accorder une attention particulière ("primary consideration"). Les termes souples de l'art. 718.01 limitent le pouvoir discrétionnaire des tribunaux en accordant la priorité à ces objectifs, mais l'importance primordiale de ceux-ci n'exclut pas la prise en compte d'autres objectifs de détermination de la peine, y compris la réinsertion sociale. Le juge peut accorder un poids important à d'autres facteurs, mais ne peut leur accorder une priorité équivalente ou plus grande qu'aux objectifs de dénonciation et de dissuasion (citations omises) ».
[124] Ici, le Tribunal est convaincu qu’une peine d’emprisonnement est nécessaire pour dénoncer le crime et dissuader quiconque de commettre une telle infraction. La sentence suspendue telle que suggérée par le délinquant, même accompagnée de travaux communautaires, ne serait pas suffisante pour dénoncer le crime commis.
EMPRISONNEMENT À PURGER DANS LA COLLECTIVITÉ
[125] Dans l’arrêt Charbonneau[72], notre Cour d’appel réitère que ce serait une erreur que de conclure que seule l’incarcération dans un milieu carcéral permet d’atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, la sévérité n’étant pas l’apanage de l’emprisonnement. S’il est vrai que l’incarcération dans un milieu carcéral produit habituellement un effet dénonciateur plus grand que l’emprisonnement avec sursis, cette dernière mesure sentencielle peut toutefois avoir un effet dénonciateur appréciable lorsqu’elle est assortie de conditions rigoureuses et que sa durée d’application est plus longue que la peine qui aurait ordinairement été infligée.
[126] La Cour suprême du Canada rappelle qu’il ne faut pas sous-estimer les stigmates d'une ordonnance de sursis à l'emprisonnement assortie de la détention à domicile. Le fait que le délinquant vive dans la collectivité sous des conditions strictes et que ses voisins soient bien au fait de son comportement criminel peut, dans bien des cas, produire un effet dénonciateur suffisant. Dans certaines circonstances, en raison de la honte que le délinquant ressent lorsqu'il rencontre des membres de la collectivité, il peut même être plus difficile pour ce dernier de purger sa peine au sein de la collectivité qu'en prison[73].
[127] Il faut réitérer qu’une peine d’emprisonnement dans la collectivité est une peine privative de liberté[74]. Toute contravention aux conditions de l’ordonnance a un potentiel élevé de transformer l’emprisonnement dans la collectivité en incarcération dans un centre de détention.
[128] La Cour suprême relève que la preuve empirique suggère que l’effet dissuasif de l’incarcération est incertain[75]. Ce point de vue est par ailleurs rappelé par la Cour d’appel du Québec[76].
[129] Il est également convenu que l'emprisonnement avec sursis peut avoir un effet dissuasif général appréciable si l'ordonnance est assortie de conditions suffisamment punitives et si le public est informé de la sévérité de ces sanctions[77]. Un autre moyen de réaliser l'objectif de dissuasion générale est le recours à des ordonnances de service communautaire.
[130] Ici, les principes bien que prééminents de dénonciation et de dissuasion ne font pas en sorte que seule l’incarcération dans un établissement de détention puisse être une mesure appropriée. En effet, compte tenu de la sévérité et de la nature des conditions assortissant l'ordonnance de sursis à l'emprisonnement que le Tribunal voudrait imposer, cette sanction est justifiée[78].
[131] En faisant abstraction de la peine minimale de détention, le délinquant remplit tous les critères donnant ouverture à ce type de mesure sentencielle, notamment du fait que le Tribunal est convaincu qu’une telle mesure ne mettrait pas en danger le public. Le profil du délinquant notamment son âge, les conclusions du rapport présentenciel et sexologique, la prise de conscience des torts causés, le respect de ses conditions de mise en liberté et l’impact significatif que semble avoir eu le processus judiciaire sur le délinquant permettent au Tribunal de conclure ainsi.
[132] Le Tribunal considère donc qu’une peine de 12 mois de détention à purger dans la collectivité serait une peine appropriée à la situation du délinquant. L’imposition de travaux communautaires comme mesure pénale visant à augmenter la dénonciation et à favoriser la conscience de ses responsabilités chez le délinquant apparait comme une mesure sentencielle pertinente à la situation sous étude.
[133] Une probation d’une période de 2 ans permettrait, en sus de la surveillance prévue par l’ordonnance d’emprisonnement dans la collectivité, d’accompagner le délinquant dans ses suivis psychosociaux et sexologiques, qu’il dit vouloir respecter.
[134] Des ordonnances telles que celle prévue à l’article 161 C.cr. et l’ordonnance prévue à la Loi sur l’enregistrement des délinquants sexuels permettraient également d’arriver à une peine globale qui remplirait tous les principes et objectifs de la peine.
CONSTITUTIONNALITÉ DE LA PEINE MINIMALE
[135] Le Tribunal a déterminé que la peine appropriée à l’accusé aurait été une peine d’emprisonnement, mais à être purgée dans la collectivité. La peine minimale de 6 mois de détention prévue à la loi prohibe toutefois ce type de peine[79].
[136] Cette première étape franchie, il faut maintenant que le Tribunal détermine si cette peine minimale constitue une peine cruelle et inusitée dans la situation particulière du délinquant.
[137] Lorsqu’il est question de peines minimales inconstitutionnelles, certaines infractions, bien que graves, peuvent être commises dans un vaste continuum de circonstances par une variété aussi vaste de personnes, incluant des personnes dont le niveau de culpabilité morale n’est pas très élevé et dans des circonstances moins graves. Ces infractions relèvent d’une catégorie d’infractions pour lesquelles les peines minimales obligatoires sont particulièrement susceptibles d’être invalidées[80].
[138] La Cour suprême du Canada place la barre haute lorsqu'il s'agit de tenir une peine pour "cruelle et inusitée" au sens de l'art. 12 de la Charte. La peine doit en effet être totalement disproportionnée à celle qui convient eu égard à la nature de l'infraction et à la situation du délinquant. Le critère de la disproportion totale vise les peines qui sont plus que simplement excessives. Il faut éviter de considérer que toute peine disproportionnée ou excessive est contraire à la Constitution.[81].
[139] Or ici, c’est une peine minimale de 6 mois qui est le seul élément qui empêche le Tribunal d’imposer la peine qu’il juge appropriée au délinquant. La présence de la peine minimale fait en sorte que le Tribunal doit imposer une peine carcérale malgré qu’il arrive à la conclusion qu’une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité, donc avec des modalités plus souples, serait bien plus adaptée à la situation spécifique du délinquant et correspond à une peine proportionnelle au crime commis.
[140] Le Tribunal est conscient que dans certaines situations, notamment pour des délinquants souffrant de problèmes de santé mentale, de déficience intellectuelle importante ou de troubles du spectre de l’autisme, le fait de prévoir une peine minimale de détention et empêchant le Tribunal d’imposer une peine de détention à purger dans la collectivité peut constituer d’emblée une peine cruelle est inusitée[82].
[141] Là n’est toutefois pas la situation dans le cas sous étude. Ici, si une peine de détention dans un établissement carcéral n’est pas la peine que le Tribunal aurait imposée après avoir tenu compte de l’ensemble de la situation, il faut reconnaitre que la preuve d’un préjudice indu et cruel pour le délinquant n’a pas été présentée.
[142] La question qui se pose ici est donc plutôt simple : est-ce que le fait de ne pas pouvoir imposer une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité rend, à l’égard du délinquant, cette peine cruelle et inusitée et donc contraire à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés?
[143] La réponse est non. Ici, la peine d’emprisonnement envisagée par le Tribunal dépasse de plus du double celle qui est minimalement prévue par le Code criminel. La Cour d’appel du Québec mentionne par ailleurs ce qui suit :
« Il est difficile de soutenir qu’une telle peine [i.e. d’emprisonnement à être purgée dans la collectivité] est appropriée alors qu’une peine d’emprisonnement ferme de même durée (ou moins longue) serait « exagérément disproportionnée » et donc « cruelle et inusitée » au risque de banaliser le sens de ces mots. »[83]
[144] La disposition ici attaquée rend la peine à imposer certes excessive dans ses modalités, mais le Tribunal ne peut arriver à la conclusion que dans le cas du délinquant, d’imposer la peine minimale de 6 mois de détention dans un établissement carcéral fait en sorte de lui imposer une peine exagérément disproportionnée portant atteinte à la dignité humaine, rendant la peine cruelle et inusitée[84].
[145] Ici, la peine minimale correspond aux yeux du Tribunal à une peine « simplement excessive »[85] et non pas « totalement » ou « exagérément » disproportionnée[86].
[146] La juridiction du Tribunal dans la présente situation est limitée : le seul pouvoir qu’il possède aurait été de déclarer constitutionnellement inopérante la peine minimale à l’égard de l’accusé. Est-ce à penser que l’analyse doit cesser compte tenu que le Tribunal n’a pas la juridiction nécessaire pour déclarer la peine minimale inconstitutionnelle au sens du paragraphe 52(1) de la Charte canadienne?
[147] La réponse est non. Contrairement à la situation qui prévalait dans l’arrêt Denis[87], une déclaration que la disposition attaquée est inopérante constitutionnellement pour un tiers dans une situation raisonnablement prévisible ou dans un cas hypothétique raisonnable aurait ici un impact important sur la peine à imposer.
[148] En effet, si dans une situation raisonnablement prévisible la peine minimale devient cruelle et inusitée, la disposition attaquée contrevient alors à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. À moins d’être sauvegardée par l’article premier de cette même Charte, la disposition devient alors inopérante à l’égard du délinquant.
[149] Le Tribunal entend donc suivre les enseignements des tribunaux d’instances supérieures et continuer l’analyse afin de déterminer si, dans d’autres cas appelés cas hypothétiques raisonnables, la peine minimale attaquée pourrait devenir « exagérément disproportionnée » et ainsi constituer une peine cruelle et inusitée, peine qui serait alors contraire à l’article 12 de la Charte.
CAS HYPOTHÉTIQUES RAISONNABLES
[150] Le délinquant soumet trois cas hypothétiques, qu’il juge raisonnablement prévisibles de se retrouver devant une cour de justice. Les voici :
a) Imaginons le cas d’une accusée âgée de 18 ans, sans antécédent judiciaire, qui n’a jamais eu de relation amoureuse auparavant. Cette jeune fille souffre d’autisme et présente des difficultés à comprendre et à interpréter les situations sociales et émotives. Celle-ci a du mal à interagir avec des jeunes de son âge, est isolée socialement et réussit à s’exprimer et s’ouvrir avec des individus plus jeunes, lesquels sont plus faciles d’approche pour elle. La jeune fille débute ainsi une relation en ligne avec un jeune homme âgé de 13 ans et tous deux décident de se rencontrer après plusieurs mois de conversations en ligne pour avoir une relation sexuelle. Une relation sexuelle se produit entre les deux protagonistes à la suite de leur rencontre en personne. Les deux souhaitent poursuivre leur relation amoureuse suivant cet acte. Une professeure à l’école du jeune homme est informée de la situation et la dénonce aux autorités. Une accusation d’agression sexuelle est déposée contre la jeune femme et cette dernière fait face à une peine minimale de 6 mois d’emprisonnement;
b) Imagions le cas d’un accusé âgé de 20 ans qui est aux prises avec une déficience intellectuelle et qui rencontre une jeune fille âgée de 14 ans souffrant elle aussi d’une déficience intellectuelle. Les deux parties décident d’avoir une relation sexuelle et de former un couple. Les parents de la jeune fille sont inquiets de la situation et décident de la dénoncer aux policiers. Une accusation d’agression sexuelle est déposée contre le jeune homme et celui-ci encourt une peine minimale de 6 mois d’emprisonnement;
c) Imaginons le cas d’un accusé de 18 ans, sans antécédent judiciaire, qui n’a jamais été en relation amoureuse et qui rencontre un jeune homme de 13 ans. Une relation débute après un certain temps entre les deux individus. L’accusé est un jeune homme plutôt renfermé de type introverti. Ce dernier a récemment fait part à ses amis et à sa famille de son homosexualité. Un soir, il embrasse son copain. La situation est dénoncée par un membre de la famille du jeune homme de 13 ans puisque l’homosexualité n’est pas acceptée au sein de la famille. Une accusation d’agression sexuelle est déposée contre le jeune homme et celui-ci encourt une peine minimale de 6 mois d’emprisonnement.
[151] Les deux premiers scénarios ne font pas en sorte que la peine minimale de 6 mois de détention dans un établissement carcéral serait ici « exagérément disproportionnée » et qu’elle constituerait une peine cruelle et inusitée contraire à la Charte.
[152] Tout au plus, dans ces scénarios, la culpabilité morale du délinquant est moins importante que dans le dossier qui nous occupe, ce qui pourrait militer pour une peine de détention à être purgée dans la collectivité, mais probablement d’un terme moins important.
[153] Le troisième scénario est plus fragile au niveau constitutionnel. Dans une telle situation, une peine de détention de 6 mois apparait comme une mesure exagérément disproportionnée, cruelle et inusitée, face au mal commis. Dans un cas tel que celui proposé, une sentence suspendue incluant un suivi probatoire avec ou sans obligation d’effectuer des travaux communautaires aurait été une peine appropriée.
[154] Dans la situation hypothétique proposée, le principe fondamental en droit pénal canadien de la proportionnalité serait grossièrement enfreint. Outre la peine de mort, l’emprisonnement est la sentence la plus sévère imposée par la loi[88]. Non seulement l'incarcération prive-t-elle totalement la personne délinquante de sa liberté, elle entraîne aussi des répercussions en chaîne sur pratiquement tous les aspects de sa vie, de sa santé physique et mentale, de son employabilité, de ses enfants et de sa communauté.
[155] Comme l'article 12 de la Charte a pour objet de préserver la dignité humaine, il protège contre les peines d'emprisonnement exagérément disproportionnées. Il permet d'éviter que des délinquants soient condamnés à des peines totalement injustifiées ou carrément injustes, y compris des périodes d'emprisonnement exagérément disproportionnées et abusives. Étant donné les effets potentiellement dévastateurs de l'incarcération sur la personne délinquante les coûts élevés qu'elle comporte font en sorte qu'elle ne peut être imposée sans limites, examen ou justification[89].
[156] Encore faut-il que ce scénario soit un cas hypothétique raisonnable. En effet, pour constituer un tel cas propre à l’analyse, le scénario proposé doit être vraisemblable en n’étant pas trop éloigné de la réalité.
[157] Or ici, le scénario correspond en partie avec les faits de la cause. Rappelons que le délinquant fait face à une accusation qui reproche des événements qui se déroulent en deux temps : le premier contact, où des baisers sont échangés et un deuxième contact, où des gestes beaucoup plus intrusifs dont la pénétration du pénis ont lieu.
[158] Le premier événement reproché à l’accusé est constitué d’une base factuelle similaire à celle du troisième scénario. Le délinquant ayant fait face à une accusation pour des faits en partie similaires, il est tout à fait approprié d’utiliser ce scénario comme cas hypothétique raisonnable.
[159] La Cour d’appel de l’Ontario[90] a par ailleurs récemment repris un scénario analogue en concluant à l’inconstitutionnalité de la peine minimale de 12 mois de détention pour une accusation d’agression sexuelle envers un enfant de moins de 16 ans portée par acte criminel :
“In Scofield, the B.C.C.A. postulated a hypothetical where two young people meet at a party; one is almost 16, while the other recently turned 21... The two people drink alcohol and smoke marijuana, reducing their inhibitions. They go to a private bedroom where they engage in some kissing and brief sexual touching over their clothing for ten minutes. They act willingly and know each other's ages. Neither has a criminal record. Harris J.A. concluded that a one-year sentence for that conduct would be grossly disproportionate to a proportionate sentence which would not necessarily involve imprisonment or even a conditional sentence. He also added that if the 21-year-old had a disability that reduced his moral culpability or if Gladue factors applied, ... those two characteristics of the offender could make the mandatory minimum sentence more disproportionate.”
[160] Cette décision de la Cour d’appel de l’Ontario, déclarant inconstitutionnelle la peine minimale de 12 mois de détention pour l’agression sexuelle d’un enfant de moins de 16 ans est d’un poids considérable pour la décision à rendre ici. Bien que le Tribunal ne soit pas lié par un arrêt rendu par une Cour d’appel d’une autre province que celle du Québec, n’en demeure pas moins que cet arrêt ontarien est d’un poids moral important. Bien que l’arrêt rendu dans l’affaire Basso ne traite que de la peine minimale de 12 mois lorsque l’infraction est portée par acte criminel, le Tribunal considère qu’ici les principes sont tout autant applicables pour une infraction portée par voie sommaire de culpabilité[91].
CONCLUSIONS
[161] La peine minimale prévue au paragraphe 271b) peut donc avoir pour effet, pour un délinquant se trouvant dans un cas hypothétique raisonnable, d’exiger du juge d’instance qu’il impose une peine « exagérément disproportionnée » et donc cruelle et inusitée. Le Tribunal conclut donc, dans ce cadre limité de la sentence à imposer ici, que la peine minimale obligatoire de 6 mois de détention est inopérante envers le délinquant.
[162] Ni le ministère public ni le mis en cause n’ont administré de preuve ou présenté d’argument pour démontrer qu’il s’agit ici d’un des rares cas où une peine cruelle et inusitée au sens de l’article 12 peut être justifiée en vertu de l’article premier de la Charte[92].
[163] Cette peine minimale viole donc l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et est inopérante à l’égard du délinquant.
[164] Sans peine minimale obligatoire, arrivant à la conclusion que la peine appropriée est de moins de 2 ans de détention, arrivant à la conclusion qu’une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité ne mettrait pas le public en danger, arrivant à la conclusion qu’une peine à purger dans la collectivité remplirait les principes et l’objectif de la peine, notamment en ce qu’elle constitue une peine suffisamment dénonciatrice et dissuasive tout en permettant la réinsertion du délinquant dans la collectivité, le Tribunal conclut qu’une telle peine d’un terme de 12 mois doit être imposée au délinquant.
POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL
DÉCLARE que la peine minimale de 6 mois de détention prévue à l’alinéa 271b) viole l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés;
DÉCLARE que cette peine minimale est inopérante à l’égard du délinquant;
IMPOSE au délinquant une peine d’emprisonnement de 12 mois à être purgée dans la collectivité, aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
- Répondre aux convocations du tribunal;
- Se présenter à l’agent de surveillance d’ici 16h00 ce 15 novembre 2024 et par la suite selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de surveillance;
- Rester dans la province de Québec, sauf permission écrite d’en sortir donnée par le tribunal ou l’agent de surveillance;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de surveillance de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence en tout temps pour les 8 premiers mois de l’ordonnance d’incarcération dans la communauté;
- Être présent à l’intérieur de sa résidence entre 22h00 et 7h00 pour la période suivant la période d’assignation à résidence et ce, jusqu’à l’échéance légale de la peine;
Tout, sujet aux exceptions suivantes :
- pour rencontrer son agent de surveillance à la suite d’un rendez-vous préétabli;
- pour se présenter à la Cour à titre de témoin ou de partie à un litige;
- pour répondre à une convocation de la Cour dans le présent dossier;
- pour traitement médical pour lui-même ou pour un membre de sa famille immédiate;
- pour l’achat de nourriture ou de biens ou de services nécessaires pour lui-même ou un membre de sa famille immédiate pendant toute période jugée raisonnable par un agent de surveillance;
- pour exécuter ses heures de service communautaire, suivant les modalités fixées par l’agent de surveillance;
- pour occuper un travail légitime et rémunéré tel qu’approuvé par écrit par l’agent de surveillance;
- pour fin de rencontres avec toute personne (tels enfants, parents, thérapeutes, réunions AA ou NA, service communautaire, etc.) en autant que l'agent de surveillance en aura approuvé d'avance et par écrit la nature, le lieu, le moment et la durée;
- pour tout motif sérieux et/ou urgent suivant une autorisation écrite préalable de l’agent de surveillance.
L’accusé devra également se soumettre aux conditions suivantes pour toute la durée de l’emprisonnement dans la collectivité :
- répondre à tous les appels téléphoniques provenant de l’agent de surveillance durant les périodes de couvre-feu ou d’assignation à résidence et prendre les dispositions nécessaires pour être en mesure de le faire;
- ne pas utiliser la ligne téléphonique pour converser plus de 15 minutes consécutives;
- se munir et maintenir une ligne téléphonique fixe et répondre à tous les appels de son agent de surveillance;
- ne pas être abonné à un service de transfert d’appels;
- faciliter l’accès à sa résidence par l’agent de surveillance;
- aviser l’agent de surveillance dans les 12 heures de tout changement de numéro de téléphone;
- Interdiction de communiquer ou de tenter de communiquer avec X et avec les membres de sa famille immédiate;
- Interdiction d’être en présence physique de X et des membres de sa famille immédiate;
- Interdiction d’être au lieu d’étude ou au lieu de travail de X et des membres de sa famille immédiate;
- Interdiction de faire référence à X ou aux présentes accusations sur quelque média que ce soit, y compris sur les médias sociaux;
- Effectuer 100 heures de service communautaire aux moments et aux lieux convenus avec l’agent de probation dans un délai maximal de 9 mois;
- suivre toute directive écrite de l’agent de surveillance relative à l’application des conditions de l’ordonnance d’emprisonnement avec sursis;
- s’abstenir de consommer de l’alcool ou d’en avoir en sa possession;
- s’abstenir de consommer des drogues (incluant le cannabis) ou d’en avoir en sa possession.
- Interdiction de se trouver dans les endroits où l’on fait l’usage, la vente, le trafic ou la distribution de drogues illégales;
- Interdiction de se trouver dans les bars ou autres endroits licenciés, y compris les restaurants avec permis d’alcool sauf pour y consommer un repas;
- Suivre toute directive de l’agent de surveillance quant à un suivi psychologique;
- Suivre les directives de l’agent de probation ou de tout autre intervenant désigné par lui concernant tout suivi relatif à la gestion des émotions ou pour un suivi relatif à la sphère sexuelle;
IMPOSE une ordonnance de probation d’une durée de 2 ans débutant à l’échéance de l’ordonnance d’emprisonnement dans la collectivité et ORDONNE au délinquant de se soumettre aux conditions suivantes :
- Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
- Répondre aux convocations du tribunal;
- Interdiction de communiquer ou de tenter de communiquer avec X et avec les membres de sa famille immédiate;
- Interdiction d’être en présence physique de X et des membres de sa famille immédiate;
- Interdiction d’être au lieu d’étude ou au lieu de travail de X et des membres de sa famille immédiate;
- Interdiction de faire référence à X ou aux présentes accusations sur quelque média que ce soit, y compris sur les médias sociaux;
- Prévenir le tribunal ou l’agent de probation de ses changements d’adresse ou de nom et aviser rapidement de ses changements d’emploi ou d’occupation;
- Se présenter à un agent de probation dans les 48 heures du début de l’ordonnance de probation et par la suite selon les modalités de temps et de forme fixées par l’agent de probation et ce pour la première année de l’ordonnance de probation;
- Suivre les directives de l’agent de probation ou de tout autre intervenant désigné par lui concernant tout suivi psychologique ou de la sphère sexuelle;
INTERDIT au délinquant, en vertu de l’article 161 C.cr. et pour une période de 4 ans suivant sa mise en liberté :
a) De chercher, d’accepter ou de garder un emploi - rémunéré ou non - ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de 16 ans;
b) D’avoir des contacts – notamment communiquer par quelque moyen que ce soit - avec une personne âgée de moins de 16 ans, à moins de le faire sous la supervision d’un adulte responsable de la personne de moins de 16 ans, adulte responsable au courant de la présente condition;
ORDONNE au délinquant en vertu de l’article 487.051 C.cr de se soumettre à un prélèvement d’échantillon de substances génétiques nécessaires à l’analyse à une date à être établie lors de l’audience;
ORDONNE à l’accusé, en vertu des articles 490.012(3)[93] et 490.013(2)a) C.cr. de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels pour une période de 10 ans.
DISPENSE le délinquant du paiement de la suramende compensatoire.
| __________________________________ BENOIT GAGNON, J.C.Q. | |
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Me François Houle Procureur du Poursuivant
Me Julie Beauchemin | ||
Avocate de l'accusé
Me Simon Massicotte Avocat du mis-en-cause | ||
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Date de l'audience : | 4 septembre 2024 | |
[1] Une ordonnance rendue en vertu de l’article 486.4 interdit à quiconque de publier ou de diffuser quelque information permettant d’établir l’identité de la plaignante dans le présent dossier
[2] Article 150.1 C.cr.
[3] Article 271 b) C.cr.
[4] R. c. Hills,
[5] R. c. Lacasse,
[6] R. c. Sharpe,
[7] Article 718.01 C.cr. et R. c. Friesen,
[8] R. c. Friesen, 2020 CSC 9, par. 5
[9] R. c. L. (J.J.), [1998] J.Q. no 755, par. 29 (Cour d’appel du Québec)
[10] R. c. Friesen,
[11] R. c. Bergeron,
[12] R. c. Friesen,
[13] R. c. J.L., [1998] J.Q. no 755 par. 9, Morasse c. R.,
[14] R. c. Sharma,
[15] Bouchard c. R.,
[16] R. c. Friesen,
[17] R. c. Friesen,
[18] Courchesne c. R.,
[19] Lamoureux c. R., 2022 1531 par. 31
[20] R. c. Friesen,
[21] Id., par. 150
[22] Article 150.1(1) C.cr., sous réserve d’un écart d’âge prévu aux paragraphes 150.1(2.1)(2.2)(2.3) C.cr.
[23] Mentor c. R.,
[24] Courchesne c. R.,
[25] Il s’agit là d’un exemple clair du tort immense que causent les crimes de nature sexuelle contre les enfants non seulement à ces derniers mais également à leurs familles et aux collectivités. R. c. Friesen,
[26] R. c. Friesen,
[27] R. c. Blais,
[28] Sous-paragraphe 724(3)e) C.cr.
[29] Autre que la crainte d’une grossesse non désirée
[30] Doucet c. R.,
[31] Article 3(1) b) LSJPA
[32] R. c. B.W.P.,
[33] Article 38 LSJPA
[34] 718.01 C.cr.
[35] Voir par exemple Fournier c. R.,
[36] Bérubé-Gagnon c. R.,
[37] R. c. Faroughi,
[38] R. c. Bertrand Marchand,
[39] L’âge exact (en mois) de la victime n’étant pas clairement établi au moment des représentations sur sentence et le délinquant ayant atteint l’âge de 18 ans depuis moins de deux mois
[40] R. c. Londono, par. 127
[41] R. c. Londono, par. 130
[42] R. c. Lacasse,
[43] Hughes Parent et Julie Desrosiers, La peine – Traité de droit criminel, Tome 3 (3e Édition), Montréal, Les Éditions Thémis, 2020, p. 114
[44] R. c. Hills,
[45] Rapport présentenciel, page 5
[46] Rapport sexologique par 15
[47] Rapport présentenciel, p. 4 in fine
[48] R. c. Friesen,
[49] Sous-alinéa 718.2a(ii.1)
[50] Version de l’accusé livrée à l’auteur du rapport sexologique : « Elle a commencé à m’embrasser et c’est devenu plus intense. On s’en allait faire l’amour, mais j’ai arrêté. Je suis sorti pour prendre de l’air. Je me questionnais car je savais qu’elle était jeune. Elle est venue me rejoindre dehors. On est entré. Elle m’a embrassé et on a eu une relation sexuelle complète, sans condom ».
[51] R. c. Lacasse,
[52] R. c. Friesen,
[53] R. v. Basso,
[54] R. v. Maclean,
[55] V.A. c. R.,
[56] Caron Barrette c. R.,
[57] Le Roi c. Victor Manuel Bolanos, non rapporté, 405-01-044109-212
[58] R. c. Simard-Cloutier,
[59] Le Roi c. Miguel Gauvreau, non rapportée, 505-01-105518-189
[60] R. c. Calatayud,
[61] R. c. T.A.,
[62] Le jugement note des relations sexuelles « complètes »
[63] R. c. D.P.,
[64] R. c. Bertrand-Marchand,
[65] Marien-Frenette c. R.,
[66] Courchesne c. R.,
[67] Courchesne c. R.,
[68] Rondeau c. R.,
[69] Harbour c. R.,
[70] Barchichat c. R.,
[71] R. c. Bertrand-Marchand,
[72] R. c. Charbonneau,
[73] R. c. Proulx,
[74] Joly c. R.,
[75] R. c. Proulx,
[76] R. c. Brais,
[77] R. c. Proulx,
[78] R. c. Delisle,
[79] Article 742.1b) C.cr.
[80] Denis c. R,
[81] R. c. Nur,
[82] Voir notamment R. c. Gauthier,
[83] R. c. Perry,
[84] R. c. Hills,
[85] R. c. Hills,
[86] R. c. Bissonnette, 2022 CSC, par. 62-63
[87] Denis c. R.,
[88] Renvoi sur la Motor Vehicle Act (Colombie-Britannique) s. 94(2), [1985] 2 R.C.S. 486, par. 125
[89] R. c. Hills,
[90] R. v. Basso,
[91] R. c. H.V.,
[92] R. c. Nur,
[93] Le Tribunal n’est pas convaincu qu’il n’y ait pas de lien entre les infractions commises par le délinquant et l’objectif d’aider les services de police à prévenir et à enquêter sur les crimes de nature sexuelle ni que cette ordonnance aurait sur le délinquant un effet nettement démesuré par rapport à l’intérêt que présente, pour la protection de la société contre les crimes de nature sexuelle, l’enregistrement de renseignements sur ce délinquant.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.