Décision

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Gagné c. Funtime Recréation

2017 QCCQ 14727

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-154998-167

 

DATE :

14 décembre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

JUGE

JEAN FAULLEM, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

KARINE GAGNÉ

 

Demanderesse

c.

 

 

FUNTIME RECRÉATION

 

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

 JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Karine Gagné réclame à Funtime Recréation (Funtime) 469,74 $ à titre de dommages-intérêts découlant de la résiliation d’une entente de services de garde d’enfants pour un camp de jour d’une durée de deux semaines que devait fréquenter son fils à l’été 2016.

[2]          

JF 1075

 
À l’audience, madame Gagné révise à la baisse sa demande afin de réclamer le remboursement des frais d’inscription de 345 $ payés à Funtime lors de la signature du contrat, alors que sa réclamation initiale portait sur le remboursement des frais payés au camp de jour que fréquentera finalement son fils.

I-          QUESTIONS EN LITIGE

[3]           Le litige des parties soulève les questions de faits et de droit suivantes :

A)         Madame Gagné peut-elle résilier l’entente intervenue avec Funtime sans frais de résiliation ou de pénalité ?

B)         Madame Gagné a-t-elle fait parvenir à Funtime un avis de résiliation qui respecte les critères de la loi ?

C)        Le cas échéant, madame Gagné peut-elle exiger le remboursement de la somme payée à Funtime lors de la signature du contrat ?

 

II-         CONTEXTE

[4]           Madame Gagné est la mère d’un jeune garçon qui fréquente, pendant l’année 2016, un service de garde.

[5]           Puisque le service de garde fréquenté par le fils de madame Gagné ferme pour une période de deux semaines pendant la saison estivale, celle-ci contemple l’idée d’inscrire son fils à un camp de jour pour les deux semaines de fermeture du service de garde.

[6]           C’est ainsi que le 22 juin 2016, madame Gagné rencontre la représentante de Funtime, madame Anna Maria Fiore. Funtime offre, en 2016, un camp d’été de jour dont les activités se déroulent du 27 juin au 26 août.

[7]           Il appert des dépliants publicitaires du camp de jour qu’une période de fréquentation de trois semaines est exigée de la part de Funtime pour qu’un enfant puisse participer à son programme d’activités.

[8]           Toutefois, lors de la rencontre du 22 juin, madame Fiore accepte exceptionnellement d’accueillir le fils de madame Gagné pour une période de deux semaines. Les parties signent le même jour un contrat prévoyant une période de fréquentation du camp de jour de deux semaines débutant le 18 juillet 2016. Le coût total des obligations de madame Gagné se chiffre à 345 $. Elle remet cette somme immédiatement à Funtime.

[9]           Plus précisément, le contrat prévoit que le fils de madame Gagné fréquentera le service de camp de jour la semaine du 18 juillet 2016 ainsi que celle du 25 juillet 2016. Il prévoit également un tarif hebdomadaire de 125 $ pour la participation aux activités du camp de jour, des frais de 30 $ par semaine pour la portion garderie et des frais d’inscription de 35 $.

[10]        Quelques semaines avant le début du camp de jour, madame Gagné se rend compte d’une erreur dans le choix des dates de fréquentation du camp de jour. Les vacances du service de garde de son fils commencent une semaine plus tard que ce que prévoit le contrat signé avec Funtime.

[11]        Madame Gagné avise madame Fiore de la situation dès qu’elle se rend compte de l’erreur. Lors d’une rencontre qui a lieu entre les parties, madame Fiore consent à modifier les dates de fréquentation du service de camp jour, mais elle exige, à titre de compensation, le paiement de frais administratifs de 50 $.

[12]        Or, le contrat signé le 22 juin 2016 stipule clairement qu’une demande de cette nature comporte des frais de 10 $ par semaine, si elle est présentée après le 3 juin de l’année en cours. Le contrat stipule également qu’après cette date, aucun remboursement ne sera effectué.

[13]        Au procès, madame Fiore explique que la clause du contrat qui prévoit des frais administratifs de 10 $ ne s’applique pas dans la présente situation, puisque le fils de madame Gagné ne devait fréquenter le service de camp de jour que pendant une période de deux semaines au lieu des trois semaines normalement exigées. Madame Fiore aurait expliqué verbalement à madame Gagné cette situation avant la signature du contrat. Elle reconnaît toutefois qu’aucun écrit n’est venu confirmer cette modification du contrat autrement signé par les parties.

[14]        Malgré leurs discussions et leurs négociations, les parties ne peuvent trouver un terrain d’entente afin de permettre de résoudre à l’amiable ce litige d’une valeur de 30 $. Madame Gagné explique que l’exigence de frais administratifs supérieurs à ceux mentionnés au contrat écrit lui fait perdre confiance à l’égard de l’administration de Funtime.

[15]        Dans ces circonstances, madame Gagné décide de mettre un terme au contrat qui la lie à Funtime et elle trouve un nouveau camp de jour pour la période de vacances du service de garde que fréquente son fils. Elle avise verbalement madame Fiore le jour de leur dernière rencontre que son enfant ne fréquentera pas le camp de jour aux dates prévues au contrat. Madame Fiore confirme au Tribunal le contenu de cette conversation, mais elle ajoute que madame Gagné aurait pu changer d’idée par la suite, ce qui explique qu’elle ne considère pas l’avis verbal de madame Gagné comme une confirmation de résiliation du contrat.

[16]        Le 7 juillet 2016, soit onze jours avant la date du début des activités du camp de jour pour le fils de madame Gagné, cette dernière fait parvenir à Funtime une mise en demeure afin de l’aviser de sa demande de remboursement des frais de 345 $ payé lors de la signature du contrat.

[17]        Il est admis par les parties que le fils de madame Gagné n’a pas reçu les services de camp de jour et de garde offerts par Funtime.

III-        PRÉTENTIONS DES PARTIES

[18]        Madame Gagné prétend qu’aucune somme n’est due à Funtime, puisque le contrat a été résilié avant le début des activités du camp d’été et que son fils n’y a reçu aucun service.

[19]        De son côté, Funtime prétend qu’elle avait le droit d’exiger le paiement des frais administratifs de 50 $ pour modifier la date de fréquentation du camp de jour. Ainsi, puisque madame Gagné résilie sans droit le contrat, celui-ci prévoit qu’aucun remboursement ne sera effectué après le 3 juin 2016.

[20]        Funtime ajoute par ailleurs que n’ayant jamais reçu d’avis de résiliation écrit conforme au formulaire prescrit par la Loi sur la protection du consommateur[1], aucun remboursement ne peut être exigé en vertu de cette loi.

 

IV-       ANALYSE ET DÉCISION

[21]        Le contrat de service de camp de jour en litige est régi par la Loi sur la protection du consommateur (LPC).

[22]        L’article 12 LPC prévoit clairement qu’aucuns frais ne peuvent être exigés du consommateur à moins que le contrat n’en mentionne le montant précis.

[23]        L’article 190 LPC spécifie qu’un contrat de service à exécution successive de la nature de celui en litige doit être constaté dans un écrit.

[24]        Madame Gagné est donc en droit de résilier le contrat lorsque Funtime lui exige le paiement de frais administratifs supérieurs à ce qu’indique le contrat dûment signé par les parties le 22 juin 2016, et ce, peu importe l’écart minime qui peut en résulter.

[25]        En effet, la LPC constitue une loi d’ordre public mise en place par le législateur notamment dans le but de protéger les consommateurs des décisions des commerçants ayant pour conséquences de modifier unilatéralement les conditions d’une entente.

[26]        Par ailleurs, l’article 193 LPC prévoit qu’un consommateur peut résilier à tout moment et à son entière discrétion un contrat de service à exécution successive.

[27]        L’article 194 LPC traite des conséquences pécuniaires liées à la résiliation d’un contrat à exécution successive, alors que l’article 195 LPC porte sur celles qui découlent d’une résiliation qui survient une fois que le commerçant a commencé l’exécution de son obligation principale.

[28]        Les articles 193, 194 et 195 de la LPC se lisent ainsi :

« 193. Le consommateur peut, à tout moment et à sa discrétion, résilier le contrat au moyen de la formule prévue à l’article 190 ou d’un autre avis écrit à cet effet au commerçant. Le contrat est résilié de plein droit à compter de l’envoi de la formule ou de l’avis.

194. Si le consommateur résilie le contrat avant que le commerçant n’ait commencé à exécuter son obligation principale, la résiliation s’effectue sans frais ni pénalité pour le consommateur.

195. Si le consommateur résilie le contrat après que le commerçant ait commencé à exécuter son obligation principale, les seules sommes que le commerçant peut exiger de lui sont :

a)     le prix des services qui lui ont été fournis, calculé au taux horaire, au taux à la journée ou au taux à la semaine stipulé dans le contrat, et

b)     à titre de pénalité, la moins élevée des sommes suivantes : 50 $ ou une somme représentant au plus 10 pour cent du prix des services qui ne lui ont pas été fournis. »

[29]        Comme l’indique l’article 193 LPC, l’avis du consommateur ne doit pas nécessairement revêtir la forme prévue à l’article 190 de la loi. Tout avis écrit confirmant l’intention du consommateur de mettre un terme au contrat est suffisant afin de respecter son obligation d’aviser le commerçant de sa décision.

[30]        En conséquence, la mise en demeure du 7 juillet 2016 signée par madame Gagné et transmise à Funtime par courrier recommandé constitue un avis écrit au sens de l’article 193 LPC.

[31]        De façon subsidiaire, le Tribunal partage également les opinions de ses collègues les juges Marc-Nicolas Foucault, J.C.Q. et Lynne Landry, J.C.Q., émises dans les affaires respectives de Robert c. Dufort[2] et Bélanger c. Foley[3], où ceux-ci concluent qu’un avis verbal de résiliation d’un contrat de service de garde est suffisant, pourvu qu’il soit possible d’en faire la preuve, afin de conclure à la résiliation effective d’un tel contrat.

[32]        Le témoignage de madame Gagné confirme qu’un tel avis verbal a été donné à madame Fiore lors de leur dernière rencontre de négociation.

[33]        Puisqu’aucun service de camp de jour et de garde n’est fourni par Funtime, celle-ci ne peut exiger à madame Gagné le paiement de quelque somme que ce soit, conformément à l’article 194 LPC.

[34]        En effet, même si le contrat du 22 juin 2016 stipule que Funtime « entreprendra l’exécution de ses engagements » à compter de sa signature, l’article 195 LPC prévoit que ce n’est que lorsque le commerçant a commencé à exécuter son obligation principale qu’il peut exiger des frais de résiliation. Or, l’obligation principale de Funtime consiste à offrir des activités de garde et de loisirs au fils de madame Gagné à compter du 18 juillet 2016, soit après la réception de l’avis de résiliation.

[35]        La preuve prépondérante administrée au procès ne permet pas au Tribunal de conclure que Funtime avait déjà commencé à offrir ses services principaux à madame Gagné à la date de résiliation. En effet, puisque les activités de camps d’été s’échelonnent du 27 juin au 26 août 2016, il est raisonnable de penser que l’ensemble de sa programmation est déjà organisé au 22 juin.

[36]        La preuve ne permet pas non plus de déterminer que la présence du fils de madame Gagné au camp d’été, pendant deux semaines, nécessitait l’ajout de ressources supplémentaires pour Funtime. Madame Fiore a d’ailleurs confirmé qu’elle pouvait facilement modifier les semaines d’accueil de celui-ci.

[37]        De toute façon, conformément aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, il appartient à la partie qui veut faire valoir un droit de prouver, de façon prépondérante, les faits sur lesquels reposent ses prétentions. La preuve prépondérante consiste en celle qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence. Funtime ne convainc pas le Tribunal qu’elle avait commencé sa prestation principale à l’égard du fils de madame Gagné avant le 18 juillet 2016.

[38]        En conséquence, Funtime ne peut exiger le paiement de frais de résiliation ou une pénalité à madame Gagné. Elle doit donc lui rembourser la somme de 345 $ que celle-ci lui a payée d’avance lors de la signature du contrat le 22 juin 2016. Le Tribunal note par ailleurs que le paiement intégral des services exigé lors de la signature du contrat va à l’encontre de l’article 192 LPC qui prévoit notamment que le commerçant ne peut pas percevoir le paiement de l’obligation du consommateur en moins de deux versements sensiblement égaux.

[39]        Finalement, conformément aux articles 339 et 340 du Code de procédure civile du Québec, le Tribunal octroie également à madame Gagné le remboursement des frais et des droits de greffe de 100 $ payés pour l’introduction du recours judiciaire, ainsi qu’une somme supplémentaire de 11,50 $ pour les frais d’envoi par courrier recommandé de la mise en demeure, à titre de frais de justice.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

CONDAMNE Funtime Recréation à payer à Karine Gagné 345 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 17 juillet 2016, date d’échéance de la mise en demeure;

CONDAMNE Funtime Recréation à payer à Karine Gagné les frais judiciaires de la demande, fixés à 111,50 $.

 

 

 

 

 

__________________________________

JEAN FAULLEM, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

12 décembre 2017

 



[1]     RLRQ, c. P-40.1.

[2]     2014 QCCQ 3104, paragr. 19.

[3]     2003 CanLII 4583 (QC CQ), paragr. 10 à 13.

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