Décision

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Gabarit EDJ

Caron-L'Écuyer c. Audi Canada inc.

2017 QCCQ 8473

 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-149896-153

 

 

 

DATE :

Le 2 juin 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

ALEXIS CARON-L’ÉCUYER,

Partie demanderesse

c.

AUDI CANADA INC., et

6202683 CANADA INC.

f.a.s. Audi Prestige,

Parties défenderesses

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Invoquant le bris prématuré du moteur de son Audi A4 de l’année 2006 (l’Automobile), monsieur Caron-L’Écuyer réclame 10 085,27 $ du manufacturier, Audi Canada inc. (Audi) et du concessionnaire ayant travaillé sur le moteur de l’Automobile peu avant son bris, 6202683 Canada inc. (Audi Prestige).

[2]           Celles-ci invoquent que le bris du moteur résulte d’un défaut d’entretien et non d’un vice de conception ou des réparations effectuées sur l’Automobile par Audi Prestige.

QUESTIONS EN LITIGE

        1. Audi Prestige peut-elle être tenue responsable des dommages causés au moteur ?

        2. M. Caron-L’Écuyer a-t-il un recours contre Audi en raison de la garantie de durabilité prévue par la Loi sur la protection du consommateur[1] (LPC) ?

LES FAITS

[3]           Le Tribunal résume ainsi les faits pertinents qui se dégagent de l’ensemble de la preuve.

[4]           L’Automobile est mise sur la route en septembre 2005. Elle bénéficie alors d’une garantie de quatre ans ou 80 000 kilomètres.

[5]           Lors d’une première revente en 2009, Audi inspecte l’Automobile et accepte de prolonger sa garantie jusqu’en septembre 2011. La dernière des factures d’entretien de l’Automobile soumise au Tribunal, antérieure à son acquisition par M. Caron-L’Écuyer, est datée du 11 avril 2011 alors que le véhicule a parcouru 117 120 km[2].

[6]           Le 16 mai 2012, M. Caron-L’Écuyer achète l’Automobile d’un commerçant de véhicules usagés pour 13 450 $ et les taxes applicables[3]. L’odomètre indique alors 144 000 kilomètres.

[7]           Le 8 juillet 2012, lors d’un changement d’huile sur le Véhicule, l’odomètre indique 148 620 km.

[8]           Le 11 mars 2013, alors que l’odomètre indique 153 312 km, M. Caron-L’Écuyer se rend chez Audi Prestige puisque le témoin du moteur s’est allumé et qu’il y a un léger manque de puissance. Audi Prestige replace alors l’arbre à cames contrôlant l’admission des gaz du moteur de même que la pompe à haute pression se trouvant à sa tête. Le coût de ces réparations est payé par Audi qui reconnait que ce problème constitue de l’usure prématurée.

[9]           En août 2013, alors que l’odomètre indique 162 000 km, M. Caron-L’Écuyer fait faire un changement d’huile[4].

[10]        Le 24 décembre 2013, l’Automobile s’arrête brusquement alors qu’elle circule sur l’autoroute 13, quelque temps après que le témoin de la pression d’huile se soit allumé en rouge. Le véhicule est remorqué chez Audi Prestige[5]. À cette date, l’odomètre indique 169 592 km.

[11]        Dans un premier temps, le 3 janvier 2014, Audi Prestige appelle M. Caron-L’Écuyer et l’incite à penser que le problème serait relié au travail de mars 2013. Cependant, le 13 janvier 2014, Audi Prestige lui apprend que les travaux requis ne sont pas couverts par la garantie. Le moteur a brûlé en raison du bris de la chaine de la pompe à l’huile. Audi Prestige est alors disposée à faire pour 9 897,86 $[6] des réparations évaluées à 11 261,49 $.

[12]        Le 24 janvier 2014, M. Caron-L’Écuyer choisit plutôt de vendre l’Automobile pour 4 000 $ à un garagiste. Il réclame maintenant des défenderesses ce qu’il estime être la valeur de sa perte, soit le coût qu’il aurait dû débourser pour l’installation d’un moteur remis à neuf dans l’Automobile.

ANALYSE

1.    Audi Prestige peut-elle être tenue responsable des dommages causés au moteur ?

[13]        Le bris du 24 décembre 2013 étant survenu plus de trois mois ou 5 000 km depuis la réparation effectuée par Audi Prestige en mars 2013[7], la LPC n’offre aucune garantie légale à M. Caron-L’Écuyer. Il lui revenait donc d’établir, par prépondérance de la preuve[8], que le bris de la chaine de la pompe à l’huile du moteur était le résultat de travaux par les mécaniciens d’Audi Prestige qui ne rencontraient pas les règles de l’art.

[14]        En effet, l’absence de formalisme à la division des petites créances ne soustrait pas le Tribunal à son obligation de suivre les règles de droit substantiel et le juge demeure le gardien des droits de chacune des parties[9].

[15]        Or, bien qu’avisé de cette situation par le Tribunal lors de la première audience, M. Caron-L’Écuyer n’a pas jugé pertinent de faire témoigner un mécanicien sur cet aspect du litige. En l’absence d’une preuve de faute des mécaniciens de Audi Prestige, celle-ci ne peut être tenue responsable.

2.    M. Caron-L’Écuyer a-t-il un recours contre Audi en raison de la garantie de durabilité prévue par la LPC ?

[16]        Le contrat d’achat de l’Automobile est un contrat de consommation régi par la LPC.

[17]        Si M. Caron-L’Écuyer ne peut plus se prévaloir du régime de la garantie de bon fonctionnement prévu à la LPC[10] en raison de l'âge de l’Automobile, le régime de la garantie légale de base, qui s'impose à un vendeur professionnel comme Audi, demeure à la disposition de M. Caron-L’Écuyer.

[18]        La LPC et le Code civil du Québec (C.c.Q.) balisent ce régime.

[19]        La LPC stipule, notamment :

35. Une garantie prévue par la présente loi n'a pas pour effet d'empêcher le commerçant ou le fabricant d'offrir une garantie plus avantageuse pour le consommateur.

37.   Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38.   Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[20]        Le C.c.Q. prévoit :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.

[21]        En somme, en tant que commerçante-venderesse, au sens des articles 37 et 38 de la LPC, et venderesse professionnelle, au sens des articles 1726 et suivants C.c.Q., Audi était tenue de garantir que l’Automobile pouvait servir à un usage normal pendant une durée raisonnable et qu'elle était exempte de vices cachés la rendant impropre à l'usage auquel elle était destinée[11]. La garantie de durabilité est une spécification de la garantie de qualité.

[22]        M. Caron-L’Écuyer fait valoir que l’acheteur d’une Audi A4 est en droit de s’attendre à ce que le moteur ne brûle pas après 169 592 km puisque les intervalles d’entretien périodique du manufacturier[12] prévoient que la courroie de distribution du moteur doit être changée après 175 000 km.

[23]        Audi plaide que le bris de la pompe à l’huile est le résultat du mauvais entretien du véhicule. M. Caron-L’Écuyer rétorque que s’il y avait eu un manque d’entretien, Audi Prestige aurait refusé de réparer l’arbre à cames et la pompe à haute pression en mars 2013.

[24]        Au soutien de cette affirmation, il insiste pour déposer la transcription d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec un conseiller technique d’Audi Lauzon le 1er mars 2017[13]. Or, non seulement ce document est inadmissible parce qu’il comporte du ouï-dire, tel que l’a d’ailleurs signalé le Tribunal à M. Caron-L’Écuyer dès le premier jour de l’audience, mais cette conversation n’établit pas ce que M. Caron-L’Écuyer prétend.

[25]        Certes, M. Caron-L’Écuyer a établi que le moteur a brulé en raison de l’arrêt de la circulation de l’huile dans le moteur. Le mécanicien affirme que la chaine a brisé parce que la pompe a figé en raison de l’utilisation d’une huile à moteur inappropriée à ce modèle ou en raison de la dégradation graduelle provoquée par un défaut d’entretien périodique.

[26]        D’ailleurs, Audi insiste sur le fait qu’entre le mois d’avril 2011 et le mois de juillet 2012, elle n’a pas été en mesure de trouver quelques preuves d’entretien que ce soit, alors que le véhicule a parcouru plus de 31 000 km. Or, tous conviennent, que l’Automobile ne pouvait parcourir plus de 15 000 km sans que l’huile du moteur ne soit changée. L’article 52.1 de la LPC n’empêche pas Audi de faire la preuve qu’un précédent propriétaire n’a pas respecté les conditions de la garantie[14].

[27]        De plus, le mécanicien affirme que si M. Caron-L’Écuyer avait rapidement immobilisé son véhicule après que le témoin de l’huile se soit allumé dans son tableau de bord, le pire aurait pu être évité.

[28]        Finalement, il ne peut y avoir réellement d’usure prématurée du moteur alors que l’Automobile est sur la route depuis septembre 2005 et qu’elle a déjà parcouru tout près de 170 000 km.

[29]        Devant le témoignage non contredit du mécanicien présenté par Audi, le Tribunal conclut que le bris du moteur peut s’expliquer par un défaut d’entretien approprié par un propriétaire antérieur de l’Automobile, que ce soit en raison de la qualité de l’huile utilisée par celui-ci ou du non-respect des délais d’entretien périodiques suggérés par le manufacturier. Le recours contre Audi en vertu de la garantie de durabilité doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande de M. Caron-L’Écuyer ;

LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

__________________________________

MARTINE L. TREMBLAY, J.C.Q.

 

 

 

Dates d’audience :

6 février et 10 avril 2017

 



[1] RLRQ, c. P-40.1.

[2] Pièce P-7, en liasse.

[3] Pièce P-17.

[4] Pièce P-13.

[5] Pièce P-14.

[6] Pièce P-10.

[7] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1, art. 176.

[8] Code civil du Québec, art. 2803 et 2804.

[9] Carrier c. Lessard, 2008 QCCQ 1365, par. 15.

[10] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1, art. 159.

[11] St-Pierre c. 9100-5371 Québec inc. (Norm auto), 2007 QCCQ 9147 ; Noel c. Holand Leasing (1995) ltd

    2013 QCCQ 829.

[12] Pièce P-15.

[13] Pièce P-22.

[14] St-Gelais c. Nissan Canada inc., 2016 QCCQ 12914, par. 25 ; Royer c. Mazda Canada inc., 2015 QCCQ 1576, par. 32.

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