Décision

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Laberge c. 2965-1403 Québec inc. (Vic débosselage et peinture)

2018 QCCQ 8615

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

CHICOUTIMI

LOCALITÉ DE

CHICOUTIMI

« Chambre civile »

N° :

150-32-700445-188

 

DATE :

7 novembre 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MONSIEUR LE JUGE

MICHEL BOUDREAULT

______________________________________________________________________

 

 

YANNICK LABERGE

 

Partie demanderesse

 

c.

 

2965-1403 QUÉBEC INC.

établie sous le nom de Vic débosselage et peinture

 

Partie défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Yannick Laberge réclame 3 740,72 $ à 2965-1403 Québec inc. (Vic débosselage), ce qui représente l’estimation des réparations sur le véhicule qu’il a acquis de cette dernière.

[2]           Il invoque des vices cachés.

[3]           Vic débosselage refuse de payer et prétend à un usage anormal du véhicule par M. Laberge.

Contexte

[4]           Le 14 septembre 2017, Yannick Laberge achète une camionnette usagée chez Vic débosselage, une Chevrolet Silverado 2007, au prix de 7 500 $[1].

[5]           Le contrat de vente prévoit une garantie offerte par le vendeur pour une période de 90 jours, notamment sur le moteur, la transmission et le différentiel.

[6]           Environ un mois après l’achat, M. Laberge connaît des problèmes mécaniques avec sa camionnette, plus particulièrement le différentiel arrière et un joint d’étanchéité (seal) du différentiel avant qui perd de l’huile.

[7]           Rémi Dufour, le représentant de Vic débosselage, lui prête une voiture de service et transfère la camionnette au Complexe automobile Saint-Paul afin d’effectuer les réparations à ses frais.

[8]           Vers le 30 novembre 2017, la camionnette doit à nouveau subir des réparations, mais cette fois-ci à la boîte de transmission et d’engrenage de même qu’au différentiel avant. Il la confie au garage Tremblay Auto électrique et selon la soumission déposée à l’audience, les travaux totalisent 3 740,72 $[2].

[9]           Vic débosselage est avisé. Des discussions entre les parties ont lieu, mais les relations deviennent tendues.

[10]        Le 1er décembre 2017, une mise en demeure lui est envoyée pour l’informer que le véhicule est hors d’usage. On lui réclame 3 740,72 $.

[11]        La position de Vic débosselage diffère.

[12]        À l’audience, M. Dufour rectifie que la camionnette a été vendue non pas pour un montant de 7 500 $, mais plutôt au prix de 4 210 $ tel qu’indiqué au contrat de vente (pièce P-1).

[13]        D’autre part, il soutient que le véhicule comptait au moment de la vente 200 000 km à l’odomètre et que la plupart des réparations que M. Laberge lui réclame  constituent de l’entretien normal.

[14]        En plus, toujours selon ce dernier, les bris allégués résultent de la propre faute de M. Laberge en ce qu’il aurait utilisé le véhicule à des fins pouvant compromettre la pérennité des composantes mécaniques, notamment en transportant des charges dépassant substantiellement sa capacité.

[15]        Vic débosselage refuse donc de payer la somme réclamée, à l’exception qu’à l’audience, il consent à payer pour le remplacement du différentiel avant, couvert par la garantie, qu’il évalue toutefois à 933,04 $[3].

Analyse et motifs

[16]        Compte tenu de son âge et de son kilométrage, le véhicule de M. Laberge ne bénéficie pas de la garantie de bon fonctionnement prévue à la Loi sur la protection du consommateur[4], à l’exception toutefois que le nouveau propriétaire du véhicule bénéficie d’une garantie conventionnelle de 90 jours offerte par Vic débosselage pour le moteur, la transmission et le différentiel.

[17]        Par contre, M. Laberge bénéficie de la garantie de durabilité du bien prévue à l’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur et de la présomption énoncée à l’article 53 sur les vices cachés :

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[18]        Aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur s’ajoutent celles des articles 1726 et 1729 du Code civil du Québec[5] :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

(soulignement ajouté)

[19]        Ainsi, aux termes des articles 53 de la Loi sur la protection du consommateur  et 1729 du Code civil du Québec et suivant la nature du contrat de vente intervenu entre M. Laberge et Vic débosselage, ce dernier est présumé responsable du vice caché du bien, à moins qu’il puisse repousser cette présomption en établissant que les bris résultent d’un usage abusif.

[20]        À cet égard, le fardeau de la preuve appartient à Vic Débosselage, et ce, en application des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec[6].

[21]        En l’espèce, la preuve est prépondérante que certaines réparations à être effectuées sur la camionnette de M. Laberge résultent d’une mauvaise utilisation du véhicule dont il a fait l’acquisition.

[22]        Le Tribunal accorde foi au témoignage d’Éric Bluteau, mécanicien à l’époque au Complexe automobile Saint-Paul. Ce dernier est crédible et fiable et n’a aucun lien avec Rémi Dufour contrairement aux prétentions de M. Laberge.

[23]        La preuve révèle qu’il a effectué certaines réparations au début du mois de décembre, soit lors de la période couverte par la garantie. Même si ces réparations ne font aucunement l’objet du présent litige, elles sont toutefois pertinentes pour la solution de celui-ci.

[24]        Notamment, plusieurs réparations sont effectuées par le mécanicien Bluteau vu la garantie. Mais ce qui retient son attention, c’est l’affaissement de l’arrière de la camionnette vu la surcharge causée par l’installation d’une boîte en fibre de verre permettant le transport d’outils de travail de construction. Selon lui, le poids dépassait substantiellement la capacité du véhicule, à ce point que pour effectuer les réparations, les employés du garage ont dû utiliser un monte-charge de 15 000 livres, alors qu’habituellement 10 000 livres suffisent.

[25]        D’ailleurs, la preuve documentaire[7] indique que ce dernier fut avisé que son véhicule était trop lourd pour la suspension. Yannick Laberge était donc au courant et, de surcroît, il fut même question d’installer des lames de suspension pour transporter des charges additionnelles.

[26]        À l’audience, M. Laberge ne nie pas ces faits.

[27]        Le Tribunal note également que M. Laberge reconnaît avoir communiqué avec Jessica Verrette, à l’époque directrice du service et conseillère technique au Complexe automobile Saint-Paul, pour se plaindre d’un bruit anormal survenu sur sa camionnette après avoir procédé au transfert sur les quatre roues motrices, alors qu’il était en mouvement.

[28]        Pour le mécanicien Bluteau, cette façon de faire constitue un indice que cela peut causer des dommages aux composantes mécaniques de la boîte de transmission et d’engrenage (transfer case).

[29]        Vic débosselage, à l’aide des preuves documentaire et testimoniale, s’est déchargé de son fardeau de preuve d’établir que M. Laberge n’a pas fait un usage normal de sa camionnette.

[30]        Dans ces circonstances, le Tribunal rejette le chef de réclamation en ce qui a trait aux dommages à la boîte de transmission et d’engrenage (transfer case) et celui relié à la main-d’œuvre.

[31]        Quant au chef de réclamation pour le changement d’huile à transmission, aucun montant ne lui sera accordé puisque cela constitue de l’entretien normal.

[32]        Enfin, concernant la réparation du différentiel avant, Vic débosselage devra indemniser M. Laberge puisqu’il reconnaît à l’audience que les réparations sont couvertes par la garantie. Le Tribunal comprend donc que le commerçant n’estime pas que ces bris avaient été causés par l’usage anormal de M. Laberge.

[33]        À cet égard, M. Laberge présente une soumission pour cette réparation par le remplacement d’une pièce reconditionnée au montant de 1 200 $, l’huile à transmission à 17 $ et la main-d’œuvre à 375 $.

[34]        Quant à Vic débosselage, il estime à 933,04 $ le coût des réparations du différentiel avant.

[35]        Vu la preuve contradictoire à cet effet, le Tribunal fixe à 1 265 $ le montant auquel M. Laberge a droit.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36]        ACCUEILLE partiellement la demande.

[37]        CONDAMNE 2965-1403 Québec inc. (Vic débosselage et peinture) à payer à Yannick Laberge la somme de 1 265 $ avec intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’introduction de la demande du 16 janvier 2018.

[38]        LE TOUT chaque partie assumant ses frais de justice.

 

 

 

__________________________________

MICHEL BOUDREAULT

Juge à la Cour du Québec

 

 

 

 

 

Date d’audience :

14 septembre 2018

 



[1]     Pièce P-4.

[2]     Pièce P-2.

[3]     Pièce D-2.

[4]     RLRQ, chapitre P-40.1.

[5]     RLRQ, chapitre CCQ-1991.

[6]     2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

      2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

[7]     Pièce D-3, page 2.

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