Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

R. c. ArcelorMittal Exploitation minière Canada

2025 QCCQ 1178

 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MINGAN

« Chambre criminelle »

 :

652-01-015715-226

 

 

 

DATE :

7 avril 2025

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE 

 

L’HONORABLE VICKY LAPIERRE, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 LE ROI

Poursuivant

 c.

ARCELORMITTAL EXPLOITATION MINIÈRE CANADA S.E.N.C.

Accusée

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

I. Aperçu

  1.              Le 7 juin 2019, Jason Lemieux subit un grave accident alors qu’il accomplit son quart de travail à titre de préposé-réparateur opérateur (ci-après appelé PRO) pour la société d’exploitation minière ArcelorMittal Exploitation minière Canada s.e.n.c. (ci-après l’accusée). 
  2.              Cet accident laisse Jason Lemieux avec de multiples séquelles qui font l’objet d’une admission de la part de l’accusée[1]. 
  3.              L’accident se produit près de la localité de Fermont, aux installations minières de l’accusée au Mont-Wright, plus précisément au plan d’opération situé non loin de la mine qui comporte des activités d’extraction de minerai de fer. Ces activités se rattachent à un secteur comportant un concentrateur et des activités de concassage de pierres, dans un endroit appelé le concasseur ou encore le crusher.
  4.              C’est à cet endroit que se trouvent deux lignes de convoyeurs qui assurent l’acheminement de pierres concassées, contenant du minerai de fer vers deux séries de sept silos. La dernière série de ces convoyeurs comporte deux convoyeurs mobiles, appelés CS-01 et CS-02, dont la fonction consiste à déposer des morceaux de pierres dans les deux séries de silos aux lignes dites un à six[2].
  5.              À la suite du bris d’une double chaîne d’entraînement qui se trouve dans un garde-chaîne (chain case) situé sur l’un des deux convoyeurs à navette, le CS-01, le couvercle du garde-chaîne percute Jason Lemieux, alors affairé à prendre la température et à effectuer le graissage d’une pièce défectueuse des composantes mécaniques du convoyeur à navette.  Le lourd projectile lui occasionne des blessures.
  6.               L’accusée subit un procès pour avoir, par négligence criminelle, causé des lésions corporelles à Jason Lemieux.
  7.              Les circonstances de l’affaire sont particulières, notamment à l’égard du contexte minier, ainsi que par la complexité et le caractère unique de l’équipement en cause.  Le procès se déroule sur un total de 54 jours d’audiences. Le Tribunal rend de nombreuses décisions interlocutoires tout au long du procès[3].
  8.                 Outre que dans le cadre de ces différentes requêtes et voir-dire, 22 personnes témoignent pour le poursuivant. Ce dernier produit 88 pièces en preuve tandis que l’accusée en produit 10[4].  L’accusée ne fait entendre aucun témoin.

II. L’acte d’accusation

  1.              L’acte d’accusation pesant contre l’accusée énonce précisément ce qui suit :

Entre le 3 avril 2014 et le 7 juin 2019, à Fermont, district de Mingan, a, par négligence criminelle, causé des lésions corporelles à Jason Lemieux, commettant ainsi l’acte criminel prévu à l’article 221 du Code criminel.

 

III. Les questions en litige

  1.         Question en litige en lien avec l’actus reus (ou acte coupable) : L’accusée a-t-elle commis un acte − ou omis de faire quelque chose qu’il était de son devoir d’accomplir − lequel acte ou omission a causé des blessures à Jason Lemieux?
  2.         Question en litige en lien avec la faute : L’accusée a-t-elle agi avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité de Jason Lemieux durant la période litigieuse, en d’autres mots, la conduite de l’accusée s’écarte-t-elle de façon marquée et importante de celle de la « personne » raisonnable placée dans la même situation?

IV. La position des parties

  1.         Pour le poursuivant, une preuve hors de tout doute raisonnable démontre que l’accusée a transgressé plusieurs de ses obligations légales, que ce soit en référence au Code criminel[5] ou aux différentes dispositions relatives à la Loi sur la santé et sécurité au travail[6], au Règlement sur la santé et la sécurité au travail[7] ou au Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines[8]. Il soumet avoir établi que ces transgressions sont la cause des blessures à Jason Lemieux.
  2.         Il estime que l’accusée a agi avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité de Jason Lemieux.  Enfin, il considère que la conduite de l’accusée s’écarte de façon marquée et importante de celle qu’une organisation respectueuse de la sécurité de ses employés aurait pris dans les mêmes circonstances.
  3.         Selon l’accusée, le poursuivant ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver l’actus reus et la faute hors de tout doute raisonnable. Elle rappelle les grands principes au cœur de notre système de justice criminelle, dont la présomption d’innocence. Contrairement au droit réglementaire, il n’y a pas de présomption d’infraction en droit criminel lorsque l’acte matériel est prouvé.  Il n’y a pas de présomption d’élément moral minimal. Cette preuve appartient entièrement au poursuivant.
  4.         L’accusée soumet que le poursuivant ne s’est pas déchargé de son fardeau.  L’accusée soulève des lacunes en ce qui a trait à la valeur probante à accorder à certains témoignages, dont elle remet en doute la crédibilité et la fiabilité. 
  5.         Bref, l’accusée soumet que dans son ensemble, la preuve ne permet pas de conclure à sa négligence criminelle, qui aurait causé des lésions corporelles à Jason Lemieux.

 

V. Le droit applicable

A) Les articles du Code criminel

  1.         L’article 219 du C. cr. décrit le comportement associé à la négligence criminelle :

 Négligence criminelle

(1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

 Définition de devoir

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par               la loi.

  1.         Puisque les faits de l’affaire se produisent dans le milieu de travail de Jason Lemieux, l’article 217.1 du Code criminel trouve également application :

 Obligation de la personne qui supervise un travail

 217.1 Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution               d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter               qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

  1.         Puisque l’accusée est une organisation[9] au sens du Code criminel, visée par une accusation de négligence pour laquelle une preuve d’élément moral est exigée, l’article 22.1 du Code criminel trouve également application :

 Organisations : infractions de négligence

 22.1  S’agissant d’une infraction dont la poursuite exige la preuve de l’élément               moral de négligence, toute organisation est considérée comme y ayant participé               lorsque :

  1.      d’une part, l’un de ses agents a, dans le cadre de ses attributions, eu une conduite — par action ou omission — qui, prise individuellement ou collectivement avec celle d’autres de ses agents agissant également dans le cadre de leurs attributions, vaut participation à sa perpétration;
  2.      d’autre part, le cadre supérieur dont relève le domaine d’activités de l’organisation qui a donné lieu à l’infraction, ou les cadres supérieurs, collectivement, se sont écartés de façon marquée de la norme de diligence qu’il aurait été raisonnable d’adopter, dans les circonstances, pour empêcher la participation à l’infraction.
  1.         Enfin, les définitions d’agent et de cadre supérieur se retrouvent également à l’article 2 du Code criminel[10].

B) La présomption d’innocence

  1.         La présomption d’innocence est au cœur de notre système de justice pénale. Elle est indissociable du fardeau de la preuve qui incombe entièrement au poursuivant.  Il doit prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable.
  2.         La culpabilité ne doit pas seulement être plausible. Elle ne doit pas être envisageable ou vraisemblable.  Elle ne doit pas être probable[11].  Elle ne peut se limiter à la simple certitude[12].
  3.         La culpabilité doit être démontrée hors de tout doute raisonnable. 
  4.         Dans Lifchus[13], la Cour suprême définit en quoi consiste une preuve hors de tout doute raisonnable :
  1. La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès pénaux, c’estàdire la présomption d’innocence;
  2. Le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé;
  3. Un doute raisonnable ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé;
  4. Il repose plutôt sur la raison et le bon sens;
  5. Il a un lien logique avec la preuve ou l’absence de preuve;
  6. La norme n’exige pas une preuve correspondant à la certitude absolue; il ne s’agit pas d’une preuve au-delà de n’importe quel doute; il ne peut s’agir non plus d’un doute imaginaire ou frivole;
  7. Il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable — le jury qui conclut seulement que l’accusé est probablement coupable doit acquitter l’accusé.
  1.         Il importe également de préciser qu’en droit réglementaire, l’établissement de l’acte matériel comporte une présomption d’infraction.
  2.         L’ensemble des infractions prévues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail est traité sous le régime de la responsabilité stricte. Par conséquent, une fois que le poursuivant a prouvé l’élément matériel de l’infraction, il n’a pas à prouver l’existence d’un élément moral.  L’élément moral minimal de négligence est présumé.
  3.         Or, la négligence en matière criminelle se distingue des infractions en matière règlementaire.  Il n’y a pas de renversement du fardeau de la preuve. Le poursuivant doit démontrer l’acte matériel et l’élément moral hors de tout doute raisonnable.
  4.         Ces principes s’appliquent autant à la personne physique qu’à la société accusée.

C) Les éléments essentiels de l’infraction reprochée

  1.         Les crimes de négligence criminelle sont difficiles à cerner[14].
  2.         À ce propos, le juge Sopinka écrit dans Anderson[15] que ce domaine du droit, tant ici qu’ailleurs dans les autres pays de common law, s’est révélé l’un des plus difficiles et incertains de tout le droit criminel.
  3.         Il y a lieu de ne pas confondre l’actus reus de la mens rea de cette infraction, lesquels se côtoient étroitement.
  4.         La négligence criminelle reprochée à l’accusée constitue une infraction qui se fonde sur une faute, qui relève de l’insouciance à l’égard de la sécurité de Jason Lemieux, par opposition à l’intention de commettre une infraction. Elle tient à l’omission pour l’accusée d’envisager un risque dont une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances se serait rendue compte.
  5.         C’est l’écart marqué et important par rapport au comportement de cette personne raisonnable qui entraîne la responsabilité criminelle.
  6.         Les éléments essentiels de l’infraction de négligence criminelle causant des lésions corporelles sont les suivants[16] :

 1) L’actus reus (ou acte coupable) exige que l’accusée ait commis un acte − ou omis de faire quelque chose qu’il était de son devoir légal d’accomplir. Cet acte ou omission doit avoir causé les lésions corporelles.

 2)  L’élément de faute sera établi s’il est prouvé que l’acte ou l’omission de l’accusée démontre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Les termes « déréglé » ou « téméraire » ne sont pas définis dans le Code criminel.  Dans R. c. J.F.[17], la Cour suprême confirme que l’infraction de négligence criminelle (causant la mort dans ce cas) impose une norme de faute objective modifiée. Il s’agit de la norme objective de la personne raisonnable[18].

  1.         L’élément de faute de la négligence criminelle causant de lésions corporelles est apprécié, en déterminant la mesure dans laquelle la conduite de l’accusée s’écarte de celle de la personne raisonnable placée dans la même situation[19].
  2.         L’élément de faute de la négligence criminelle sera donc établi lorsque l’acte ou l’omission exhibe une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui, c’est-à-dire un écart marqué et important par rapport à la conduite de la personne raisonnable placée dans la même situation que l’accusée.
  3.         Il s’agit d’une appréciation de la faute et non de l’actus reus.
  4.         Dans Javanmardi[20], la juge Abella cite avec approbation les propos du juge Healey dans R. c. Fontaine[21].  Les termes marqués et importants sont de simples adjectifs utilisés pour paraphraser et interpréter l’expression insouciance déréglée ou téméraire de l’article 219 du Code criminel.
  5.         Ces normes ont beaucoup de traits communs.  Elles posent toutes les deux la question de savoir si les actions − ou omissions de l’accusée − ont créé un risque pour Jason Lemieux, et si une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter si possible[22].
  6.         De plus, dans Javanmardi, on explique ce qui est attendu de la personne raisonnable en l’adaptant au domaine d’activité concerné :

[37]    La juge McLachlin a toutefois expliqué qu’une plus grande prudence peut être attendue d’une « personne raisonnable » selon la nature et les circonstances dans lesquelles s’exerce l’activité (p. 72). Certaines activités, par exemple, nécessitent une attention et des compétences particulières. Il peut être conclu qu’un accusé qui se livre à une telle activité a contrevenu à la norme de la personne raisonnable s’il n’est pas qualifié pour exercer la prudence nécessaire qu’exige l’activité, ou s’il a négligé d’exercer une telle prudence lorsqu’il s’est livré à l’activité. De cette façon, le droit assure une « norme minimale constante » pour toute personne qui se livre à une activité exigeant une diligence et des compétences particulières : ces personnes doivent à la fois être qualifiées et exercer la prudence particulière qu’exige l’activité[23]. 

  1.         Il s’agit de la personne raisonnable qui exerce la même activité, dans les mêmes circonstances. Ici, il s’agit du domaine minier, dans le contexte particulier des convoyeurs à navette du shuttle.
  2.         De plus, le fait que l'accusée puisse souhaiter ou estimer qu'elle pourra atteindre son but (ici maintenir la productivité au shuttle, dans l’attente d’un arrêt planifié plus tard pour l’entretien et la réparation du CS-01), sans que le danger ne se concrétise, ne la libère pas de sa responsabilité en vertu de l'art. 219 du C. cr, si elle a envisagé le danger pour la vie ou la sécurité d'autrui ou en est devenue consciente, ou si elle a délibérément fermé les yeux sur l'existence de ce danger[24].  En bref, si elle adopte un comportement déréglé ou téméraire dans la situation particulière.
  3.         À ce propos, dans l’arrêt Tutton[25], le juge Wilson cite le professeur Glanville Williams :

Dans son ouvrage Criminal Law:  The General Part, (2e éd. 1961), le professeur Glanville Williams explique la nature minimale de l'élément moral dans la négligence consciente et la large utilisation en preuve de normes objectives pour déterminer l'état d'esprit subjectif de ce qu'il appelle la négligence consciente.  Il définit ainsi l'exigence de "témérité" en matière de négligence consciente, aux pp. 53 à 55:

     [TRADUCTION] Si l'acteur a envisagé la probabilité des conséquences, il a été téméraire, même s'il souhaitait ou espérait ardemment la conséquence exactement contraire, et même s'il a fait de son mieux (mais sans abandonner son projet principal) pour l'éviter . . . La témérité est la détermination de continuer à adopter

le comportement en question avec la connaissance des risques courus mais sans le désir que ces risques se réalisent.

. . .

… la témérité peut prendre la forme d'une pensée fugace, immédiatement rejetée, qui ne laisse aucune trace dans le comportement luimême.

VI. Résumé de la preuve pertinente

A) Karoline Therrien

  1.         Elle occupe des fonctions d’inspectrice à la CNESST[26].  À la suite de l’accident, elle se présente à la mine de Mont-Wright avec son collègue Dominic Gauthier, dans le cadre de la tenue d’une enquête. Leur rôle respectif est différent. Dominic Gauthier est responsable de la rédaction du rapport d’enquête, tandis que Karoline Therrien est responsable du contenu, soit les documents et la prise de photographies. Elle prend environ 127 photographies, dont des photographies sur les lieux où se produit l’accident.
  2.         Outre la prise de photographies, elle témoigne d’une rencontre qui se déroule dans les locaux de l’accusée. Il s’agit d’une rencontre paritaire, c’est-à-dire que des représentants de l’employeur et des représentants syndicaux sont présents.
  3.         Lors de la prise de photographies, des représentants de l’employeur et des représentants syndicaux sont également présents. 
  4.         Tout au long de la visite des lieux, Karoline Therrien et son collègue posent des questions aux personnes présentes pour tenter de comprendre ce qui s’est produit lors de l’accident.
  5.         Le témoignage de Karoline Therrien vise essentiellement à introduire en preuve les photographies prises peu de temps après l’accident[27].

B) Jason Lemieux

  1.         Jason Lemieux détient un diplôme d’études secondaires. Au départ, l’accusée l’engage à titre d’étudiant. Il reçoit une série de formations en santé et sécurité au travail, comme tout autre employé. Par la suite, il obtient un poste de PRO au secteur du concentrateur de la mine.
  2.         Il décrit le secteur du concentrateur comme la porte d’entrée des employés de la mine. À l’époque de l’accident, il constate un roulement de personnel important dans ce secteur.
  3.         Jason Lemieux reçoit également des formations à titre d’employé permanent[28] de l’accusée.  De plus, des formations apparaissent à son dossier de formation de l’employé  (aussi appelé Cognibox)[29].
  4.         Le 7 juin 2019, lors de l’accident, c’est la première fois que Jason Lemieux effectue une tâche de graissage au convoyeur à navette appelé CS-01. Il n’avait jamais effectué le graissage d’un appareil auparavant. Il avait toutefois déjà pris la température de d’autres appareils. Il est seul pour effectuer cette tâche. Au début de son quart de travail, il reçoit les instructions d’effectuer cette tâche, de même que d’autres tâches, telles que le nettoyage et l’inspection du shuttle.
  5.         Au cours de cette soirée, Jason Lemieux se voit confier la tâche d’aller prendre la température à proximité du garde-chaîne du CS-01 et de s’assurer du maintien de cette température. À l’aide d’un fusil à graisse, il doit également déverser de la graisse dans un tuyau qui a pour fonction de lubrifier le garde-chaîne, ce qui permet, selon les explications données, de réduire la température de l’équipement.
  6.         Des instructions obtenues par Jason Lemieux, il y a une température seuil, où il doit effectuer le graissage de l’appareil, et il y a une autre température seuil, où il doit avertir son supérieur, ce deuxième seuil nécessitant l’arrêt du convoyeur à navette.
  7.         Durant la soirée de l’accident, la température atteint le seuil de graissage, mais jamais le seuil où l’appareil doit être arrêté.
  8.         Tout comme les autres employés de la mine, Jason Lemieux est muni d’un appareil de radiocommunication. Il a une radio dans sa poche et un émetteur installé sur son vêtement de travail. Par conséquent, il est en mesure de communiquer par radio avec ses collègues de travail et supérieurs.
  9.         Au moment du bris de l’appareil, Jason Lemieux vient de prendre la température à proximité du roulement du CS-01 et retourne déposer son thermomètre. Il est près du dispositif d’urgence qui permet d’arrêter complètement le convoyeur à navette.
  10.         À ce moment, il entend un bruit de claquement provenant du convoyeur à navette CS-01, plus précisément près du garde-chaîne. Il ne s’inquiète pas de ce bruit, puisqu’il l’entend depuis trois ou quatre mois.
  11.         À sa connaissance, le système d’entretien des équipements en place chez l’accusée, soit le système IVARA, contient un avertissement ou bon de travail relatif au bruit entendu à proximité du garde-chaîne du CS-01.
  12.         À la connaissance de Jason Lemieux, ses collègues et supérieurs perçoivent également ce bruit depuis un certain temps. En conséquence, il ne s’inquiète pas de ce bruit et effectue ses tâches.
  13.         Après la projection du couvercle du garde-chaîne qui le heurte, Jason Lemieux reprend conscience. Son pied est coincé sous une pièce. Il a la bouche pâteuse et a de la difficulté à s’exprimer. Il a le réflexe de demander de l’aide par l’entremise de l’émetteur de sa radio.
  14.         Au départ, l’enregistrement audio laisse entendre une forme de cri émis par Jason Lemieux. Ses collègues de travail captant ce message ne comprennent pas ce qui se passe. Jason Lemieux finit par réussir à demander de l’aide. Confus, il ne peut expliquer précisément ce qui lui arrive. Quelques minutes plus tard, ses collègues de travail sont en mesure de le rejoindre pour lui porter secours.
  15.         Il est évacué par ambulance et conduit dans un centre de santé de Fermont. Puisque ce centre de santé n’est pas en mesure de lui fournir des soins spécialisés, il est évacué et dirigé vers un centre hospitalier spécialisé de la région de Québec.
  16.         De l’accident découlent plusieurs lésions corporelles[30].
  17.         Jason Lemieux est victime d’un traumatisme crânien. Il subit également un affaissement de certains muscles du visage, qui fait en sorte qu’on doit procéder à une chirurgie où l’on prélève des tissus sur une jambe pour réaliser cette opération aux muscles du visage.
  18.         En ce qui a trait à sa jambe, cette opération le laisse avec une certaine insensibilité.
  19.         Depuis l’accident, une blessure occasionne une forme de cratère derrière son oreille gauche.  De plus, il est sourd de l’oreille gauche de façon permanente.
  20.         Une longue cicatrice est également perceptible du côté gauche de sa tête, au-dessus de son oreille. Son œil gauche ne se referme plus complètement. De plus, il a dû vivre avec une sécheresse de l’œil, qui faisait en sorte qu’on craignait qu’il perde complètement l’œil gauche.
  21.         Jason Lemieux a dû recevoir des soins et services de santé dans la région de Québec pour une période s’étalant sur trois à quatre mois. Ses lésions corporelles sont nombreuses et graves.
  22.         Il est toujours à l’emploi de l’accusée. Il est actuellement en arrêt de travail. Au départ, il ne souhaite pas porter plainte et, après réflexion, il change d’idée et décide de le faire le 24 juillet 2019.
  23.         Le témoignage de Jason Lemieux porte principalement sur les tâches qui lui ont été confiées le soir de l’accident, les moments qui l’ont précédé et les séquelles importantes qui en découlent.
  24.         Le Tribunal considère ce témoignage crédible.  Jason Lemieux tente de rapporter les faits sur lesquels se concentre son témoignage le plus fidèlement possible, dans un contexte où il subit un traumatisme crânien au moment de l’accident.

C) Nadine Joncas

  1.         Nadine Joncas est une représentante syndicale qui a fait carrière chez l’accusée. Elle travaille pour une association de mines depuis le printemps 2023.
  2.         Au moment où survient l’accident qui implique Jason Lemieux, elle est représentante syndicale, dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, pour l’accusée. Elle se spécialise en prévention.
  3.         La nuit où survient l’accident, elle reçoit un message-texte qui l’en informe. Le lendemain, elle se présente à la mine et assiste à une rencontre où les travailleurs se mobilisent pour venir en aide à Jason Lemieux. Ils lui relaient différentes informations sur les circonstances de l’accident pour les fins de l’enquête paritaire en cours.
  4.         Toutefois, Nadine Joncas doit quitter la région pour aller dispenser de la formation dans une autre région pendant la période où les délégués syndicaux, Kim Cassista et Mélina Audet, représentent le syndicat dans le cadre de l’enquête paritaire.
  5.         Par la suite, Nadine Joncas participe à une rencontre qui implique différents représentants de l’accusée et au cours de laquelle Mélanie Plante, ingénieure mécanique et fiabiliste chez l’accusée, établit à l’aide d’un arbre des causes, ce qu’elle considère comme étant la cause de l’accident impliquant Jason Lemieux[31].
  6.         Le Tribunal qualifie le témoignage de Nadine Joncas de périphérique.  En effet, il n’est pas de nature à éclairer le Tribunal en lien avec les différents éléments essentiels de l’infraction qui doivent être prouvés.

D) Paul-William Warren

  1.         Paul-William Warren est représentant du syndicat des Métallos à la prévention de la santé et de la sécurité au travail chez l’accusée. Ses fonctions syndicales l’occupent à temps plein. Auparavant, il exerçait le métier de soudeur. 
  2.         À compter d’octobre 2014, il occupe les fonctions de PRO chez l’accusée, dans le secteur du concentrateur, soit la ligne de convoyeurs des silos un à six.
  3.         Pour obtenir le poste de PRO aucune formation particulière n’est requise.  À son arrivée en poste, des collègues lui expliquent ce qu’il doit faire. Il compte huit jours d’accompagnement avec un collègue pour apprendre son travail. À cette époque, il travaille sur des quarts de travail. Au début des quarts de travail, le contremaître distribue les tâches à effectuer. Les tâches sont répétitives, il y a beaucoup de ramassage de rebuts.
  4.         Paul-William Warren travaille pendant quatre ans dans le secteur du concentrateur-concasseur de la mine, soit pendant la période de l’acte d’accusation.
  5.         Comme monsieur Warren connaît bien la mine et ses installations, il est en mesure de décrire les différents emplacements et les différentes activités dévolues aux secteurs, que l’on retrouve notamment à la pièce P-4[32].
  6.         Il explique que la matière extraite de la mine (le minerai) arrive au concasseur par camion. Par la suite, le minerai est ramassé et il transite par convoyeurs pour se rendre au concentrateur. D’abord, le minerai recueilli transite par des convoyeurs appelés CB-01 et CB-02. Par la suite, avant d’être projeté dans des silos (un à six), le minerai transite par les convoyeurs à navette appelés CS-01 et CS-02[33].
  7.         Le CS-01 est particulièrement l’objet du présent litige. Monsieur Warren explique que les appareils CS-01 et CS-02 sont quasi identiques et qu’ils servent, en fait, à faire la même chose.
  8.         Dans son travail de PRO, Paul-William Warren travaille à proximité du CS-01. Il décrit cet environnement de travail comme un environnement difficile. Le CS-01  comporte une énorme roue dentelée, actionnée par des chaînes, lesquelles sont recouvertes par un garde-chaîne. Cet équipement contribue à la motion du convoyeur à navette.
  9.         Selon lui, le travail de PRO consiste à faire en partie des inspections, et en partie à ramasser et nettoyer l’environnement des équipements, tel que le CS-01.
  10.         Il décrit l’environnement de travail comme exigu et très bruyant. Il y a énormément de saleté et les gens qui y travaillent doivent porter un casque qui assure une protection respiratoire que les employés appellent racal. Le bruit se situe à une intensité où les employés ont de la difficulté à se parler entre eux.
  11.         Le PRO est notamment chargé d’inspecter le niveau de l’huile dans le garde-chaîne du CS-01 pour s’assurer que tout est en état.
  12.         Outre le racal, les employés doivent porter en tout temps des équipements de protection individuelle, incluant des vêtements de travail de haute visibilité qui assurent la sécurité, des gants anti-coupures, des lunettes de sécurité, des coquilles pour la protection auditive et des lunettes de sécurité.
  13.         Lorsque le PRO s’aperçoit qu’il y a un problème au CS-01, il en informe son contremaître.  Alors, l’équipe de mécaniciens (troubleshooters) peut se déplacer sur place et régler le problème.
  14.         Tous les employés sont munis d’une radio pour communiquer entre eux.
  15.         Au CS-01, Il observe plusieurs problèmes. Il lui arrive d’entendre des bruits anormaux provenant du garde-chaîne du CS-01. De plus, en 2016 alors qu’il occupe le poste de PRO, Paul-William Warren est témoin d’une situation où le garde-chaîne du CS-01 s’ouvre et provoque un déversement d’huile. La chaîne de production doit alors être arrêtée. Il explique que la section du haut du garde-chaîne s’est alors littéralement détachée.
  16.         Durant la période où il occupe les fonctions de PRO, il estime à cinq ou six fois les moments où il a dû signaler des problèmes concernant spécifiquement le CS-01.  Il réfère notamment à des bruits anormaux qui émanent de cet équipement. 
  17.         Il constate qu’il n’est pas toujours simple de réparer le CS-01, puisque pour effectuer certaines réparations, on doit arrêter la chaîne de production. Parfois, la réparation peut aller au prochain arrêt planifié.
  18.         Le 26 avril 2016, il fait une demande de travail pour le CS-01, à la suite de la constatation de problématiques particulières à l’égard de cet équipement[34]. Cette demande de travail est signalée au système IVARA de l’accusée. 
  19.         Il explique que le rôle du PRO est de signaler le problème. Par la suite, un contremaître ou planificateur, c’est-à-dire une personne en situation de responsabilité, prend la décision, à savoir si le bris doit être réparé en urgence, de façon planifiée dans un délai d’un mois ou bien dans une séquence subséquente, c’est-à-dire plus d’un mois après le constat du bris.
  20.         Paul-William Warren signale également que, dans ce secteur de la mine, soit le concasseur et le concentrateur, lieu où travaillent les PROS, il y a un grand roulement de personnel. Le travail de PRO consiste souvent en une porte d’entrée pour obtenir un poste permanent chez l’accusée.
  21.         En lien avec son environnement de travail, Paul-William Warren explique que l’endroit où doivent circuler les PROS, lequel est protégé de garde-corps de façon à éviter les chutes, est trop étroit.
  22.     De plus, il constate que les garde-corps sont souvent endommagés et qu’ils sont extrêmement sales et poussiéreux.
  23.     De plus, il manque parfois de personnel attitré à ces tâches.
  24.     Outre le CS-01, il a également observé des problèmes en ce qui concerne le convoyeur à navette CS-02, où il a observé des pertes d’huile. En fait, l’huile coulait sur le plancher.
  25.     Monsieur Warren explique également avoir souhaité que des tendeurs de chaîne soient installés sur le CS-01, de façon à resserrer la chaîne autour de la roue dentelée et d’éviter les claquements et les bris. Il n’a jamais vu de tels tendeurs de chaîne et ce sont des gens dans son environnement de travail qui lui en ont parlé.
  26.     Le constat de Paul-William Warren est à l’effet que la sécurité n’est pas une priorité pour les employés de l’accusée, notamment ceux qui occupent le poste de PRO.
  27.     En contre-interrogatoire, il précise qu’il a reçu une panoplie de formations données par l’accusée ou par des formateurs engagés par elle depuis qu’il est à son l’emploi.  Plusieurs de ces formations sont spécifiques à la santé et à la sécurité au travail.
  28.     Il reconnaît qu’il reçoit beaucoup de formations théoriques, mais il observe des lacunes en ce qui concerne la formation sur le terrain pour les employés. Par exemple, il observe un manque d’accompagnement sur le terrain.  
  29.     Il précise également en contre-interrogatoire qu’en ce qui concerne les demandes de travail soumises dans le système IVARA pour des réparations, il n’effectue pas nécessairement le suivi. Il a la possibilité de le faire, mais n’y tient pas, car la décision à la suite de la demande de travail n’est pas de son ressort.
  30.     Il reconnaît que le milieu minier est un milieu particulièrement bruyant, poussiéreux, humide et sale. Il reconnaît également que le CS-01 est un appareil complexe et unique.
  31.     Pendant qu’il occupe les fonctions de PRO, il est témoin d’un bris majeur du CS- 01.  À deux autres occasions, cela se produit, mais il n’est pas présent lorsque la chaîne se brise sur la roue dentelée du CS-01.
  32.     En contre-interrogatoire, il est confronté à sa déclaration policière où il n’a jamais mentionné que le garde-chaîne du CS-01 s’est complètement détaché, dans le sens où il s’est littéralement ouvert lors du bris observé.
  33.     À sa déclaration policière, il est plutôt question du fait que l’appareil a été endommagé. Il distingue le fait que le garde-chaîne soit endommagé par opposition au fait que le haut du garde-chaîne se détache complètement.  Malgré cela, il exprime le fait que ses souvenirs étaient meilleurs au moment où il a donné la déclaration, soit en 2020.
  34.     Contrairement à sa déclaration, il maintient qu’il est certain que le couvert du garde-chaîne s’est détaché complètement en 2016.
  35.     À la lumière de ce témoignage, des imprécisions et incongruités qu’il comporte, le Tribunal n’est pas en mesure de savoir ce qui s’est réellement passé en 2016.

E) Charles Bouchard

  1.     Charles Bouchard occupe un emploi de mécanicien pour l’accusée depuis juin 2011. Il est mécanicien en chef au secteur du concasseur. Il détient un diplôme d’études professionnelles comme mécanicien industriel. Il compte plusieurs années d’expérience à la mine pour l’accusée. Comme il occupe un poste de mécanicien au concasseur depuis plusieurs années, il connaît bien l’endroit.
  2.     Il intègre et forme les nouveaux mécaniciens. L’accusée lui confie également des tâches de formations des mécaniciens en santé et sécurité.
  3.     Depuis environ quatre ans, il doit mettre par écrit différentes procédures pour les tâches à effectuer par les employés au secteur du concasseur. Auparavant, de telles procédures écrites étaient inexistantes. Les politiques de l’accusée à ce sujet ont évolué depuis environ quatre ans.
  4.     Dans le secteur du concasseur de la mine, il côtoie des soudeurs et des PROS.
  5.     Avec 12 ans de services chez l’accusée, il est le mécanicien comptant le plus d’années d’expérience.
  6.     Dans le cadre de son travail de mécanicien, Charles Bouchard a rencontré différents problèmes spécifiques liés aux convoyeurs de son secteur. Par exemple, il est déjà arrivé que le tapis du convoyeur se déchire complètement. Il y a également des poulies qui se sont fissurées, des rouleaux qui ont usé et des parties de convoyeurs qui ont brisé.  Il devait alors effectuer différentes réparations.
  7.     Désormais, une nouvelle procédure fait en sorte que les poulies sont passées aux rayons X.  On s’assure qu’elles ne soient pas défectueuses.
  8.     À l’époque pertinente, lorsque le CS-01 était endommagé, il pouvait arriver qu’il déraille. En effet, cet appareil est muni de roues de train qui lui permettent de bouger sur les rails. Il confirme que le CS-01 est un appareil plutôt complexe.
  9.     Les deux chaînes de l’appareil sont bidirectionnelles. La courroie du CS-01 l’est également. Il compare le secteur de la mine, où se situent les CS-01 et CS-02 à un goulot d’étranglement, une sorte de maillon faible de la chaîne de production.
  10.     Pour les réparations et l’entretien du CS-01, il y a des arrêts planifiés. Il y a également des évènements qui font en sorte que le CS-01 doit être arrêté en urgence.
  11.     Charles Bouchard constate que la chaîne qui fait l’objet de l’accident de 2019 est un élément problématique de l’appareil. Elle se dégrade par étirement. Il faut la changer à certaines occasions. Il faut changer des mailles. Pour que l’équipement fonctionne adéquatement, la chaîne doit être tendue le plus possible. Aux trois ou quatre mois, il fallait vérifier les différentes pièces d’équipements de la chaîne du CS-01, dont les pignons, la chaîne elle-même et les mailles. Lorsque la chaîne n’est pas bien ajustée, elle frappe dans le garde-chaîne du CS-01.
  12.     Avec le mauvais ajustement de la chaîne, les roues d’engrenage s’endommagent.  Le problème d’usure fait en sorte que la forme des dents de la roue d’engrenage se modifie. Les dents deviennent pointues, elles allongent, et la chaîne, en se déplaçant, saute une dent, ce qui peut provoquer des claquements.
  13.     Aux cinq semaines, les employés de la maintenance des équipements effectuaient un travail sur le CS-01. Des revêtements appelés grizzly étaient changés. Il s’agit des rebords du tapis du convoyeur à navette qui, rapidement, s’endommagent par le transport des matières issues de la mine.
  14.     La planification des entretiens de la mine est une tâche complexe. Les employés tentent d’organiser le travail de maintenance pour limiter les arrêts de production et maximiser les actions à poser durant ces arrêts.
  15.     Aux sept semaines, il y a un gros arrêt pour des maintenances d’équipements planifiées. Il s’agit alors d’une période de quatre jours d’arrêt. Selon lui, il était très rare que le CS-01 soit arrêté pour une période de plus de 16 heures.
  16.     En 2019, le CS-01 ne comporte aucun système de tendeur de chaîne.  
  17.     Le 16 janvier 2019, soit environ six mois avant l’accident, Charles Bouchard rédige un bon de travail pour des problèmes qui touchent le CS-01[35].
  18.     Il précise également que, très peu de temps avant l’accident, une tâche importante devait être réalisée sur le CS-01 et, qu’au moment de l’accident de Jason Lemieux, cette tâche n’avait pas été complétée.
  19.     En 2019, sans que les procédures ne soient très détaillées, il existait tout de même ce que l’on appelle un programme d’entretien des actifs (ci-après PEA), où des inspections systématiques des gardes-chaînes, des moteurs, des gears box, des poulies, des roues et de la courroie des convoyeurs étaient effectuées.
  20.     Par ailleurs, le témoignage de Charles Bouchard révèle que les entretiens planifiés du CS-01 étaient dévolus à des entrepreneurs indépendants mandatés par l’accusée.
  21.     En ce qui concerne l’équipe de mécaniciens de l’accusée, ils se concentraient sur les problèmes ponctuels à régler sur le CS-01.
  22.     En contre-interrogatoire, Charles Bouchard confirme que l’environnement de travail du concasseur est un environnement poussiéreux et davantage à risque.
  23.     Le port d’équipements de protection individuelle est obligatoire. Plusieurs employés portent un racal.
  24.     À l’arrivée en poste de Charles Bouchard, il n’y avait pas de ligne sept sur la ligne de transport de la matière par convoyeur. Cette ligne a été mise en place par la suite.
  25.     Comparativement aux appareils CS-01 et CS-02, Charles Bouchard confirme que les convoyeurs à courroie (CB-01 et CB-02), qui alimentent les CS-01 et CS-02, sont des équipements moins complexes et mieux conçus en tous points. L’entretien du CS-01 est pour lui un « art », 80 % des pièces qui se trouvent sur cet équipement sont des pièces sur mesure, ce qui peut causer des difficultés d’approvisionnement.
  26.     Le témoignage de Charles Bouchard met en lumière l’existence d’un programme d’entretien des actifs qui, sans être parfait, semble assez élaboré. Il met également en lumière la complexité de l’entretien du CS-01.

F) Dale Bérubé

  1.     Dale Bérubé entre en poste chez l’accusée le 28 mai 2019. Le jour de l’accident, soit le 7 juin 2019, il s’agit de son premier quart de travail au concasseur-concentrateur chez l’accusée.
  2.     Tout comme Jason Lemieux, il occupe un poste de PRO.
  3.     Avant de débuter son travail, il doit participer à plusieurs jours de formation et passer un examen, qu’il doit obligatoirement réussir, ce qu’il fait.
  4.     Le 7 juin 2019, un employé plus expérimenté l’accompagne; il s’agit d’Étienne Thériault.
  5.     Le quart de travail débute par une rencontre de répartition des tâches relatives au travail à effectuer. Dans une salle de répartition, il observe sur un tableau blanc des indications concernant le shuttle au quatrième étage où il faut s’occuper du CS-01. La rencontre dure une quinzaine de minutes.
  6.     Vers 23 h 45, accompagné d’Étienne Thériault, il se rend voir Jason Lemieux qui est seul à son poste près du CS-01. Il s’affaire à la tâche de graissage de l’équipement.  Dale Bérubé entend un bruit très strident, très lourd pour ses oreilles. Il ne s’approche pas du CS-01 ce soir-là. Toutefois, il constate le bruit et entend le cognement régulier dans le garde-chaîne. Il ne peut voir la chaîne qui est à l’intérieur du garde-chaîne.
  7.     Étienne Thériault s’approche de Jason Lemieux et lui parle. Dale Bérubé n’entend pas ce qu’Étienne Thériault lui dit. Par la suite, il apprend qu’il faut augmenter la cadence des intervalles de graissage de l’équipement, puisque le problème qui affecte le CS-01 est toujours présent. Selon Dale Bérubé, l’appareil surchauffe. Il aperçoit une fumée noire qui sort du CS-01. Il observe que le couvercle du garde-chaîne lève. Selon ce qu’il observe, le garde-chaîne lève d’environ deux pouces à chaque fois qu’il y a un cognement dans l’équipement.
  8.     Dale Bérubé se sent en danger près du CS-01. Outre le bruit, il remarque qu’il manque des boulons sur l’appareil à deux endroits distincts. Peu de temps après, il quitte les lieux avec Étienne Thériault. Plus tard, il entend la voix de Jason Lemieux, son ami, sur la radio. Étienne Thériault et lui retournent à son poste pour lui porter secours. Jason Lemieux est assis, les jambes placées à 90 degrés, sa jambe droite est coincée sous le couvercle du garde- chaîne, il ne peut la déplacer.
  9.     Étienne Thériault et Dale Bérubé doivent à deux, pousser la pièce d’équipement pour libérer Jason Lemieux. Par la suite, il est évacué pour obtenir des soins.
  10.     Un an après son embauche chez l’accusée, Dale Bérubé donne sa démission.
  11.     Au moment de l’accident de Jason Lemieux, Dale Bérubé se trouvait au moulin au cinquième étage. Il a mis cinq minutes à se rendre sur les lieux de l’accident. Puisqu’il était à son premier quart de travail, on lui demande de s’éloigner du site de l’accident.
  12.     Dale Bérubé a vu son ami partir en ambulance.
  13.     À la suite de l’accident de Jason Lemieux, tout le plan, c’est-à-dire les opérations minières, était arrêté.
  14.     Dale Bérubé porte ses équipements de protection individuelle le jour de l’accident de Jason Lemieux. Il ne porte pas le racal, mais bien un masque appelé P-100 qui aide à la respiration saine du travailleur. Il s’agit d’un masque filtrant avec une cartouche d’oxygène sur le côté.
  15.     Guylain Colin est alors leur contremaître. Dale Bérubé remarque que Guylain Colin prend soin des gens, qu’il a un côté humain. À la suite de l’accident de Jason Lemieux, on lui offre de prendre tout le reste de la semaine en congé, offre qu’il accepte.
  16.     Le Tribunal remarque une tendance à l’exagération de la part de ce témoin.    Dans le contexte général de la preuve, ses observations à l’égard du CS-01 sont surprenantes et amènent le Tribunal à considérer son témoignage avec circonspection.

 

 

G) Karl Landry

  1.     Karl Landry travaille au secteur de la mine où se trouve le CS-01 de mai 2016 à novembre 2016. Il occupe la fonction de PRO à l’endroit que tous appellent le shuttle. En tout, il travaille à cet endroit pour une période d’environ six mois.
  2.     Selon lui, l’état de ce secteur de la mine était lamentable, sale, vieux, usé et négligé. Il craint le CS-01. Il a entendu de gros bruits provenant de cet appareil, qu’il attribue à un claquement de chaîne dans le garde-chaîne. Il compare le bruit entendu dans ce secteur de la mine à celui d’un coup de fusil de calibre 12.  À plusieurs occasions il observe le danger.
  3.     À certains moments, des rubans indicateurs de danger sont apposés sur les lieux.   Il s’agit de rubans jaunes ou rouges.  Le ruban rouge avec le sceau du contremaître signifie que personne ne peut se rendre à l’intérieur du lieu enrubanné.
  4.     Le ruban jaune signifie qu’il faut faire attention. À de multiples occasions, des rubans doivent être apposés. Tout au long des mois où Karl Landry travaille au shuttle, il observe de multiples défaillances aux rouleaux du convoyeur.  Il entend des claquements. Il observe des trous à certains endroits. Il avise le ou les contremaîtres. De plus, il fait au minimum une cinquantaine de demandes de travail.
  5.     Selon lui, rien ne se fait, les demandes s’accumulent. Les personnes en autorité ne réagissent pas à ses demandes. On lui demande d’effectuer des tâches dangereuses, comme arroser un rouleau en feu, alors qu’il est à proximité.
  6.     Karl Landry craint le CS-01. Il craint pour sa vie. Il est chargé d’inspecter ledit équipement, ça fait partie de ses tâches de PRO.  Il indique qu’il simule parfois le fait de se rendre au CS-01, de crainte de s’en approcher. Il avise qu’il y a des problèmes avec le CS-01 et on lui répond systématiquement de mettre un ruban, soit un ruban jaune ou un ruban rouge. Alors, Karl Landry obéit aux ordres.
  7.     On présente à Karl Landry la pièce P-170[36], qui est une demande de travail qu’il a remplie. Il est en mesure de distinguer ce qu’est une demande de travail par rapport à un bon de travail dans le système IVARA.
  8.     La demande de travail est une demande de l’employé, qui est traitée par un supérieur hiérarchique, qui décide de ce qu’il en advient, c’est-à-dire la façon de la traiter, d’agir ou non.
  9.     Bien qu’il n’ait que quelques mois d’expérience en juin 2016 alors qu’il effectue une demande de travail, il considère que son contremaître ne connait pas plus la situation que lui. Il ne reconnait pas la compétence de ses supérieurs hiérarchiques.
  10.     Sur la demande de travail qu’il effectue, il n’indique pas qu’elle est urgente. Il indique qu’elle est à planifier. C’est ce qu’on lui a demandé de faire parce que, selon lui, rien n’est considéré urgent chez l’accusée.
  11.     Il reconnait que parfois, les demandes de travail qui étaient faites étaient regroupées pour être effectuées de façon planifiée, lors des arrêts de travail.
  12.     Karl Landry a une tendance claire à l’exagération.  Ses cinquante demandes de travail concernant le CS-01 ne se retrouvent nulle part ailleurs dans la preuve.  Est-ce sa volonté de dire la vérité de bonne foi qui est en jeu? Ou un intérêt à exagérer dans le cadre d’une prise de position personnelle contre l’accusée? Le Tribunal l’ignore.  Toutefois, cette tendance affecte la crédibilité de son témoignage.

H) Martin Poisson

  1.     Martin Poisson détient une formation en électromécanique et en mécanique industrielle. Il est à l’emploi de l’accusée depuis le 14 février 2012. Il travaille au concasseur à titre de mécanicien de 2012 à 2016. À son arrivée dans ce secteur de la mine, il peut compter sur la présence de collègues de travail expérimentés, qu’il appelle des vieilles âmes, capables de former les gens.
  2.     Pour lui, le secteur du concasseur constitue une belle école pour débuter un emploi chez l’accusée. L’accusée lui dispense les formations de base offertes aux employés en matière de santé et sécurité pour travailler dans ce secteur de la mine.
  3.     Il travaille au concasseur pour un total de quatre ans et trois quarts. Son travail le conduit à effectuer des réparations au shuttle, dont sur le CS-01. Il se rend dans ce secteur en moyenne une fois par semaine. Il peut aller y changer des rouleaux du convoyeur et effectuer du travail planifié. Comme mécanicien dans ce secteur, quand c’est le cas, il comprend qu’il y a un problème à partir du son provenant du CS-01.
  4.     Il se remémore un épisode où la chaîne du CS-01 a cassé et où ils ont dû réparer l’équipement à trois personnes. Lorsque c’était défectueux, il pouvait clairement observer que le garde bougeait de gauche à droite. Il pouvait se déplacer sur deux à trois pouces. Il a également déjà vu des pièces de cet équipement attachées avec un tirefort, puisqu’elles étaient défectueuses.
  5.     L’environnement du CS-01 est un environnement qu’il qualifie d’extrême. Bien que le milieu soit d’emblée bruyant, le bruit provenant parfois du CS-01 est comme un coup de masse sur du métal, un bruit fort.
  6.     Lorsque l’équipement est défectueux, il faut faire des demandes de travail. Comme mécanicien, il travaille à la suite des bons de travail reçus qui découlent des demandes de travail, faites par les employés. Il se souvient qu’à l’époque où il travaille à cet endroit, André Pelletier est le chef de la section. À titre de mécanicien, les demandes de travail concernant le CS-01 pouvaient tomber dans sa cour. Il obtenait ainsi le mandat d’aller les effectuer.
  7.     Il se souvient d’avoir travaillé sur le CS-01 à quatre reprises. La première fois n’était pas planifiée et il a dû travailler sur l’équipement pendant quelques heures. Sur place, il a dû effectuer un travail d’analyse. La deuxième fois, le CS-01 était percé et l’huile coulait, il a fallu ouvrir le garde-chaîne et ajuster la chaîne, un travail d’une journée. La chaîne ballonnait dans le garde, ce qui a amené un bris, des trous et, par conséquent, des coulisses d’huile. Le travail de réparations à effectuer était temporaire. Dans ce cas, il s’agissait d’une opération planifiée.
  8.     La troisième fois, il a travaillé à changer le petit engrenage, les têtes de l’engrenage étant usées, ce qui les rendaient pointues et usaient prématurément la chaîne. Ce travail planifié a duré environ huit heures et s’est effectué à trois personnes.
  9.     La quatrième fois, la chaîne du CS-01 était carrément brisée et des rebuts d’acier se trouvaient dans l’huile à l’intérieur du garde. La chaîne était cassée. Il s’agissait d’un travail d’envergure qu’il aimait faire. Ce travail n’était bien sûr pas planifié et il a duré de deux à trois heures.
  10.     En contre-interrogatoire, le témoin est confronté à une question de Me Massicotte où il reconnaît avoir fourni une déclaration où il affirme ne pas avoir travaillé sur la chaîne, mais avoir effectué tout le reste des réparations décrites sur le CS-01.
  11.     Confronté à cette déclaration, le témoin est plutôt confus et tente d’expliquer ce qu’il entendait par le fait qu’il n’a pas travaillé sur la chaîne. Il explique qu’il a travaillé sur la chaîne, mais que ce n’est pas lui qui l’a changée.
  12.     Martin Poisson explique également que, lorsque de tels travaux sont effectués, une opération importante de cadenassage a lieu de façon à rendre les lieux sécuritaires.
  13.     Martin Poisson sait que l’environnement du CS-01 n’est pas un environnement facile, mais un environnement quand même accessible.
  14.     Pendant la période où il est à l’emploi de l’accusée, Martin Poisson reconnaît que plusieurs entrepreneurs travaillent pour l’accusée. Il est en mesure d’en identifier quatre. Ces entrepreneurs effectuent des réparations au CS-01, principalement pour des travaux planifiés alors que la production est arrêtée.
  15.     Selon le témoignage de Martin Poisson, son équipe de mécaniciens veut démontrer sa capacité à effectuer ces travaux. Le Tribunal comprend de ses explications qu’il arrive, à l’occasion, qu’ils effectuent des travaux planifiés et qu’ils doivent principalement effectuer les réparations urgentes et imprévues (troubleshooting).
  16.     Martin Poisson explique que le boîtier du CS-01 est lourd, robuste et volumineux. Il restreint les possibilités de travail. Il ne connait pas l’auteur des modifications structurelles effectuées sur le CS-01 en 2014. Il n’a jamais vu de tensionneur de chaîne par rapport à la chaîne principale du CS-01.
  17.     Il remarque qu’en ouvrant le couvert du CS-01, on voyait les défauts de l’équipement. Il vivait une certaine frustration à devoir raccourcir le temps de travail planifié aux réparations pour ne pas nuire à la production. C’était fréquent, mais pas en tout temps.
  18.     Pour limiter les claquements et les bruits de la chaîne qui était mal ajustée, il a déjà participé à une opération visant à réduire la longueur de la chaîne en installant ce que l’on appelle une maille patente. Il s’agissait d’une mesure temporaire de réparation de la chaîne du CS-01 qui visait à stabiliser la tension de la chaîne et à en maximiser l’utilisation.

I) Michel Martel

  1.     Michel Martel occupe des fonctions de PRO chez l’accusée, à compter de 2012. Ses tâches consistent à inspecter, nettoyer et cadenasser les convoyeurs. Il travaille au shuttle, endroit où se situent les CS-01 et CS-02.
  2.     En 2016, il change d’emploi chez l’accusée et devient conducteur de camion.
  3.     L’environnement du shuttle est un environnement sombre, poussiéreux et humide. Pour y travailler, les employés doivent obligatoirement porter des équipements de protection individuelle qui incluent un masque, par exemple, un racal.
  4.     L’endroit est également encombré. Il y a de la poussière et des boyaux à eau qui traînent par terre. Ces boyaux servent au nettoyage.
  5.     Spécifiquement en lien avec le CS-01, il explique qu’il y a des gardes de chaque côté de l’équipement. L’environnement est bruyant. De plus, il entend fréquemment la chaîne claquer dans le garde-chaîne. 
  6.     La matière qui tombe dans les silos fait également du bruit. Spécifiquement, quant aux gardes qui recouvrent les poulies d’entraînement du CS-01, il les décrit comme étant de 16 à 18 pouces d’épaisseur.
  7.     En ce qui a trait spécifiquement au CS-01, il répertorie trois situations vécues pendant qu’il travaille au shuttle de 2014 à 2016.
  8.     D’abord, le garde frottait sur l’arbre de la poulie et les boulons voulaient se démancher ou s’extraire. Le garde-chaîne bougeait. Il évalue ce mouvement entre ½ à ¾ de pouce.
  9.     Le deuxième évènement répertorié en est un où le dessus du garde est complètement tombé par terre. Il relate également un autre évènement où, pour maintenir le garde en place, on installait un tirefort de façon temporaire, jusqu’à ce que le garde soit réparé de façon plus permanente, soit lors d’une prochaine maintenance planifiée par l’accusée.
  10.     Ce type de réparation temporaire pouvait durer quelques jours, quelques semaines ou même, un mois.
  11.     Il observe ce type de situations de cinq à six fois en deux ans. Il répète que le      CS-01 est un équipement qui est souvent problématique. Il arrive qu’un seul de ses moteurs fonctionne.
  12.     Lorsqu’il fait ses inspections et qu’il se rend compte de défectuosités, il remplit des rapports dans le système IVARA. Il fait plusieurs demandes dans ce système entre 2014 et 2016. Il estime le nombre à cinq ou six demandes. Certaines des demandes visaient le CS-01, le CS-02 et les CB.  L’objectif de l’accusée est d’éviter les arrêts de production.
  13.     Revenant sur l’évènement où le garde-chaîne est complètement tombé par terre, il situe cet évènement entre 2014 et 2016, sans pouvoir donner une date précise. Il a eu peur.
  14.     Lorsqu’il s’aperçoit d’une défectuosité, il remplit lui-même la demande de travail et évalue la priorisation de son traitement. La pièce P-161 est une demande de travail planifiable qu’il a effectuée[37].  La pièce P-164 est une demande travail pressante qui concerne le CS-01[38].
  15.     En ce qui a trait au bruit que pouvait provoquer le CS-01, le bruit est plus fort qu’un coup de fusil. Il l’entend très clairement, bien qu’il porte un casque et des caches-oreilles.Une troisième demande de travail planifiable est produite en preuve, soit la pièce P-168[39]. Cette demande indique que la chaîne du garde frotte dans le fond du garde-chaîne.
  16.     Il revient sur l’évènement où le couvert du garde-chaîne du CS-01 est complètement tombé dans l’allée centrale alors qu’il faisait du nettoyage. La pièce était complètement ouverte et son contenu exposé. Évidemment, la chaîne était arrêtée.
  17.     À partir de ce moment, Michel Martel se tient loin du CS-01 et fait des détours pour ne pas s’approcher du convoyeur à navette.
  18.     Michel Martel explique ce que constitue le grabline, qui est une ligne d’arrêt d’urgence du convoyeur à navette se trouvant sur les lieux.
  19.     Lors des déplacements du convoyeur à navette, Michel Martel entend un signal d’alarme qui lui permet de comprendre que le convoyeur change de direction. En entendant l’alarme, il peut se déplacer dans la direction opposée du convoyeur à navette et ainsi éviter de se trouver à proximité de l’équipement.
  20.     Questionné à savoir s’il y a déjà eu des tireforts sur le CS-01, il répond que oui, qu’il s’agissait d’une mesure de rechange en attendant d’autres réparations.
  21.     Michel Martel précise que les entretiens planifiés étaient effectués par des entrepreneurs indépendants.
  22.     À la fin de la période où il travaille au shuttle, Michel Martel a des craintes. Il finit par quitter ce secteur pour aller travailler sur les camions de l’accusée.

J) Jean-François Baril

  1.     Il est contremaître mécanique au département des PROS. Il est à l’emploi d’ArcelorMittal depuis décembre 2018. Il prépare les horaires de travail des employés et distribue les bons de travail.
  2.     En 2018, il s’occupe de dix à quinze employés en mécanique et en soudure.  Il n’est pas responsable de la planification de l’achat des matériaux. Ce travail appartient davantage aux planificateurs de ce secteur de l’usine. Chaque secteur de l’usine a ses planificateurs.
  3.     Entre 2018 et 2019, son équipe intervient relativement à différents problèmes qui affectent le CS-01. Des roues du convoyeur doivent être changées, de même que des rouleaux, et il y a également des réparations de la courroie et du garde-chaîne qui doivent être faites.
  4.     Au moment de l’accident de Jason Lemieux, Jean-François Baril est relativement nouveau. Il est à l’emploi depuis environ six mois.
  5.     En ce qui concerne le CS-01, il a fait venir le département de la fiabilité pour qu’il constate les problématiques affectant le CS-01, dont les bruits et le frottement, bref, des bruits anormaux.
  6.     Les bureaux de l’équipe de la fiabilité sont situés dans le secteur du concentrateur. À l’époque, le fiabiliste autorise les modifications. Il détermine si une pièce critique doit être changée. Le fiabiliste de l’époque est Mark-Étienne Drouin[40].  De son côté, Jean-François Baril est responsable de la portion mécanique.
  7.     Un mois et demi avant l’accident de Jason Lemieux, Mark-Étienne Drouin vient, à sa demande, dans le secteur du CS-01. Il y a alors un problème de frottement sur l’arbre d’engrenage.
  8.     Jean-François Baril lui fait entendre le bruit et lui fait voir le problème. Mark-Étienne Drouin hausse les épaules. Cette rencontre dure environ cinq minutes.
  9.     Les PROS effectuent des demandes de travail qui sont traitées. Les demandes sont urgentes (0 - 24 h), pressantes (ajoutées dans l’horaire actuel, traitées dans la même semaine) ou non urgentes. Lorsque les demandes sont non urgentes, c’est le secteur de la planification qui les traite.
  10.     Dans les jours avant l’accident de Jason Lemieux, à son souvenir, il n’y a pas de bons de travail qui sont traités relativement au CS-01.  Le lundi précédant l’accident, il appert qu’il y a clairement un problème avec un seal (joint) du CS-01 qui coule. Jean- François Baril se réfère à la division de la lubrification.
  11.     À l’époque, c’est le secteur du concentrateur de l’usine qui est maître d’œuvre pour la lubrification. Gabriel Bourgeois a la charge de ce secteur et, par conséquent, de la lubrification.
  12.     Le 6 juin 2019, au matin, lors du changement de quart de travail, tout se passe comme à l’habitude. Cette même journée, une intervention doit être faite sur le garde- chaîne du CS-01. À 11 h 30, une roue de train du convoyeur à navette débarque (elle est endommagée).
  13.     Un entrepreneur indépendant devait effectuer certains travaux sur le garde-chaîne. De plus, il y avait lieu de changer le bearing (roulement) au complet. Il y avait lieu, de changer une roue dentée et d’ajuster la chaîne. Ces travaux sont imbriqués les uns dans les autres et découlent de responsabilités différentes, selon Jean-François Baril. Le changement du joint et sa réparation relève de son équipe, tandis que le changement du roulement relève du secteur mécanique.
  14.     Le graissage qui devait être effectué sur le CS-01 (par les PROS dont Jason Lemieux) avait été demandé afin d’éliminer les contaminants, par exemple la poussière.   
  15.     Au sujet du CS-01, le 6 juin 2019 a lieu une rencontre qui implique cinq à six participants. Jean-François Baril se souvient qu’Eris Virgüez, Manon Bilodeau, André Pelletier et Ahmad Hazzouri, une personne de l’externe, participent à cette rencontre de coordination du secteur du concentrateur et du concasseur.
  16.     Ahmad Hazzouri a pour mandat d’améliorer les temps d’arrêts du convoyeur à navette dans le cas de réparations.
  17.     À la suite de cette rencontre, Jean-François Baril n’a pas de souvenirs du report de l’arrêt pour la réparation du garde-chaîne du CS-01. Selon lui, cette réparation devait être effectuée le jour même ou le lendemain. L’arrêt du CS-01 était imminent pour que la réparation, qui concernait le claquement de la chaîne et le garde-chaîne, puisse être effectuée.
  18.     Évidemment, le bris de la roue du CS-01 amène l’arrêt temporaire de l’équipement.
  19.     M. Baril n’a pas été en lien avec l’entrepreneur externe qui devait effectuer les travaux planifiés sur le CS-01. Ses propres travaux relativement à la roue ont eu lieu de 15 h à 18 h. Il y avait lieu de lever le convoyeur à navette, de le placer sur ses roues et de le remettre sur les rails, ce qui permettait au CS-01 de reprendre la production.
  20.     Jean-François Baril était présent lors du redémarrage du CS-01. Il entend un gros bang. Le frottement perçu antérieurement sur le CS-01 est toujours présent au moment où le CS-01 reprend sa course.  Jean-François Baril dira alors : « Ça fesse là-dedans, on reste pas ici ».
  21.     L’incident de la roue amène un report de l’arrêt pour les travaux à effectuer sur le garde-chaîne. C’est lorsqu’il effectuait ses propres travaux pour la réparation de la roue que Jean-François Baril apprend le report des travaux planifiés sur le garde-chaîne. Il en est avisé, fort probablement, par André Pelletier, chef de section.
  22.     En contre-interrogatoire, Jean-François Baril précise qu’il arrive d’un week-end de congé lorsqu’il apprend qu’un joint du CS-01 coule derrière le garde-chaîne.
  23.     Le travail sur la chaîne et le sprocket (pignon) était planifié pour la journée du 6 juin.  La roue dentée devait être changée par un entrepreneur externe. Pour ce faire, il y avait lieu d’arrêter le convoyeur à navette, d’enlever la partie supérieure du garde-chaîne et d’effectuer la suite du travail, laissée à l’initiative de l’entrepreneur.
  24.     Le rôle de Jean-François Baril devait être de positionner l’équipement, de s’occuper du cadenassage et de remettre les permis de travail. Il devait également superviser le cadenassage.
  25.     La gestion du matériel requis appartenait à l’entrepreneur. En résumé, le travail planifié par l’entrepreneur était une remise à neuf du garde-chaîne et l’installation d’une chaîne neuve. En ce qui concerne le joint qui coulait, Jean-François Baril n’était pas impliqué directement dans le traitement de ce problème, mais en était avisé.

K) Gino Riopel

  1.     Gino Riopel compte 35 ans d’expérience comme employé de l’accusée. Il se qualifie d’opérateur depuis l’année 1995. Principalement, son travail consiste en la surveillance d’écrans d’ordinateurs qui lui fournissent des informations en temps réel sur différents secteurs de la mine.
  2.     Ces écrans d’ordinateurs lui fournissent une foule d’informations sur ce qui se passe dans les secteurs, notamment secteur du concasseur. Il a des vues par caméra, il a accès à la température de certains moteurs, il reçoit des alarmes.  Par exemple, il reçoit une alarme s’il y a un arrêt d’un convoyeur. Il peut également communiquer par radio avec les employés qui se trouvent dans certains secteurs de la mine.
  3.     Il agit également comme premier répondant dans les installations de l’accusée. Il effectue beaucoup de temps supplémentaire. Il lui est arrivé de faire du temps supplémentaire dans le secteur du shuttle.
  4.     Durant les périodes où il travaille dans le secteur du CS-01, il remarque plusieurs problèmes récurrents avec cet équipement. Il a déjà effectué des demandes de travail, dont la demande de travail que l’on retrouve à la pièce P-182[41], demande qu’il a qualifiée de pressante.
  5.     À sa connaissance, ce sont les contremaîtres mécaniques qui décident des réparations qui auront lieu ou non à la suite des demandes de travail qui sont effectuées par les employés. Dans le cas de P-182, c’est Guylain Colin qui était le contremaître mécanique.
  6.     Gino Riopel est impliqué au cœur des évènements qui suivent l’accident de Jason Lemieux. D’abord, il entend la détresse de Jason Lemieux sur la radio. Il se rend immédiatement sur les lieux de l’accident. Lorsqu’il arrive, le CS-02 est en fonction, tandis que le CS-01 est arrêté. Le dessus du garde-chaîne du CS-01 est par terre dans le corridor central[42].
  7.     Les corridors d’accès où circulent les personnes qui travaillent dans ce secteur sont très étroits. À l’époque, ils ne sont pas munis de filets de protection. C’est si étroit qu’un individu qui passe compte environ six pouces d’espace de chaque côté de lui entre les garde-corps. Le long des garde-corps, il y a une grab line qui permet de faire arrêter le convoyeur à navette.
  8.     Lorsque Gino Riopel arrive près du convoyeur, il s’aperçoit que Jason Lemieux est par terre. Il est blessé. Il prend sa pression et sa saturation en oxygène. L’endroit est si exigu qu’il est très problématique d’évaluer l’état de Jason Lemieux.
  9.     L’ambulance qui se trouve sur le plan de la mine ne démarre pas et ce sont les ambulanciers de la Ville de Fermont qui doivent se déplacer pour venir chercher Jason Lemieux. Ce dernier quitte finalement en ambulance après être resté pendant plusieurs minutes dans un petit hangar à attendre l’ambulance de la Ville.
  10.     Par la suite, Gino Riopel retourne au travail. Il est en mesure de confirmer que le CS-02 a été arrêté pendant plusieurs heures. En ce qui concerne le CS-01, il dit : « Le casing est à terre, il a revolé, il était défait en deux ». Il n’a pas trop remarqué ce qu’il y avait sur les lieux, car sa priorité était Jason Lemieux.
  11.     En contre-interrogatoire, il confirme que son emploi est localisé au secteur du concasseur. Toutefois, il travaille ailleurs de temps à autre en effectuant du temps supplémentaire. Il a fait du temps supplémentaire à l’occasion dans le secteur où se trouvent le CS-01 et le CS-02.
  12.     Il n’y a qu’une seule demande écrite de travail qui émane de lui pour des problèmes vécus au CS-01. Il précise qu’il a fait des demandes verbales au contremaître qui était sur place concernant les problèmes récurrents du CS-01.
  13.     Il a travaillé sur plusieurs réparations du CS-01. Il affirme que cet équipement s’est détaché devant lui peu de temps avant l’accident de Jason Lemieux. Ce n’est pas la première fois que cela se produisait. En 2013, c’est la première fois qu’il a vu le garde- chaîne se détacher. La partie du bas est tombée par terre. À ce moment, des personnes sont venues sur les lieux, soit des contremaîtres et mécaniciens. Il s’agissait d’un incident majeur.
  14.     Il indique que la deuxième fois où il a vu le garde-chaîne se détacher est l’année suivant cet incident. Cette deuxième fois, c’est la partie du bas du garde-chaîne qui est tombée par terre, Il était ouvert en deux. Il précise par la suite que le garde-chaîne ouvrait, mais qu’il ne tombait pas par terre, que ça dépendait de l’incident.
  15.     Son témoignage est plus flou sur cet aspect et particulièrement en lien avec la deuxième fois où il constate un détachement du garde-chaîne. Il n’a pas parlé de cet incident aux policiers. Il aurait également vu des bolts (boulons) qui revolaient, le couvert du garde- chaîne qui ouvrait. Il conclut en disant qu’à deux ou trois reprises, il a constaté qu’une partie du garde-chaîne s’était détachée. Il était sur place et assistait à l’évènement. Lorsqu’il constatait de tels évènements, il appelait le contremaître.
  16.     Le Tribunal ne doute pas que Gino Riopel ait observé certains problèmes au        CS-01. Toutefois, les réponses données, dont les réponses en contre-interrogatoire, font en sorte que son récit des incidents de détachements du garde-chaîne apparait peu plausible dans le contexte général de la preuve. Gino Riopel est motivé à convaincre et tombe dans l’exagération et l’invraisemblance. La crédibilité de son témoignage en est affectée.

 

L) Joe Verreault 

  1.     Joe Verreault occupe un emploi de PRO chez l’accusée depuis le 25 avril 2017.  Il décrit son travail comme étant celui de faire du ménage au shuttle.
  2.     Lorsqu’il est entré en poste, dans ce secteur, il y avait encore des employés très expérimentés qui travaillaient à cet endroit et qui étaient en mesure de former les autres. Toutefois, il y a eu beaucoup de mouvements de personnel et ces employés expérimentés n’étaient malheureusement plus là pour former les nouveaux. Le roulement du personnel a pour conséquence qu’il y a de moins bonnes formations et des employés beaucoup moins expérimentés.
  3.     Le poste de PRO est la porte d’entrée de l’employé chez l’accusée.  Lors de ses quarts de travail, Joe Verreault passe environ trois heures à faire de l’inspection des lieux. Il fait rapport des anomalies qu’il constate.
  4.     C’est le cas lorsqu’il observe des pertes d’huile, des rouleaux de convoyeurs endommagés, des straps (courroies) qui frottent à quelque part et des grondements. Lorsque ça se produit, il fait des demandes de travail. Ces demandes de travail peuvent être faites oralement au contremaître ou par écrit.
  5.     Les contremaîtres en question sont soit le contremaître mécanique, soit le contremaître des PROS. Le contremaître des PROS à l’époque de l’accident est Guylain Colin.
  6.     Il y a des listes vivantes de ce qui est à faire sur des équipements, comme le         CS-01. Par exemple, il peut s’agir des rouleaux du convoyeur qui sont à changer. Les employés vont faire l’inspection et voir si les rouleaux de ce convoyeur peuvent encore faire l’affaire, malgré qu’ils soient parfois endommagés. Il arrive que les rouleaux endommagés prennent feu.  À ce moment, les PROS doivent les arroser.
  7.     Bien qu’il ne se qualifie pas comme « un gars d’ordinateur », il est arrivé à plusieurs occasions que Joe Verreault présente des demandes de travail par écrit concernant le CS-01 parce qu’il l’estimait important[43].
  8.     Le CS-01 et son garde-chaîne présentent des problèmes récurrents, tels perte d’huile, la chaîne qui monte sur le pignon, la chaîne qui est étirée. Lorsque de tels problèmes sont signalés, d’habitude, ça va assez vite et les réparations sont effectuées. Il y a également des roulements qui chauffent et la chaîne du CS-01 qui frappe dans le garde.
  9.     À ce moment, le son est particulièrement impressionnant. En image, Joe Verreault indique que le son ressemble à une épée qui frappe un bouclier de métal.
  10.     Peu de temps avant l’accident du 7 juin 2019, l’ampleur du bruit est particulièrement impressionnante.  À la sortie de l’ascenseur qui mène au quatrième étage, Joe Verreault peut alors entendre ce bruit.
  11.     En tout, Joe Verreault a effectué cinq demandes de travail qui concernent le CS-01 pendant la période critique.
  12.     Joe Verreault observe que le CS-01 perd beaucoup d’huile lorsqu’il se déplace sur une distance qu’il évalue à 150 - 200 pieds. Puisque la situation ne se corrige pas, il décide de faire des demandes de travail.
  13.     La pièce P-51 consiste en une demande de travail du 11 juin 2018 effectuée par Joe Verreault. Il identifie une fuite d’huile et la chaîne du CS-01 qui cogne dans le garde. Les constatations factuelles qui permettent à Joe Verreault d’identifier des problèmes au CS-01 sont le son, l’odeur de brûlé, la fumée, les vibrations et les testeurs de chaleur qui indiquent une température trop élevée.
  14.     Le 1er juin 2019 le bruit du CS-01 est impressionnant.  Éric Létourneau, un employé de l’accusée, enregistre une vidéo de ce qui se passe[44].  Cette constatation amène Joe Verreault à faire une demande de travail à la fin de son quart de travail. Il observe que tout bouge, que les couvercles des ouvertures décollent, que les boulons veulent se détacher.  Le garde-chaîne ne veut plus rester en place. Joe Verreault appelle Guylain Colin, mais rien n’est fait. Les réparations seront effectuées après l’accident.
  15.     Le 7 juin, au moment de l’accident de Jason Lemieux, Joe Verreault est au travail sur un quart de nuit. Informé que quelque chose ne va pas avec Jason Lemieux, il se rend immédiatement sur place. Il constate que le casque de sécurité de Jason Lemieux a volé dans les airs. Jason Lemieux est sur le point de perdre conscience. Il voit que Jason Lemieux a du sang au bord de la tête, qu’il saigne des oreilles. Ses bras pendent sur les côtés, notamment à l’endroit où peut passer le CS-02 qui est encore en fonction.   L’espace est restreint. Jason Lemieux se tient au garde-corps. Joe Verreault réussit à tirer sur la ligne d’arrêt d’urgence pour immobiliser le CS-02.
  16.     Joe Verreault indique que, dans cette position, Jason Lemieux aurait pu se faire arracher le bras par le CS-02.
  17.     En contre-interrogatoire, Joe Verreault confirme qu’à l’époque de l’accident, il y a beaucoup de roulement de personnel chez l’accusée. Il confirme également que le poste de PRO au concasseur et au concentrateur est la porte d’entrée pour travailler chez l’accusée.
  18.     Joe Verreault fait une distinction entre les réparations urgentes et les réparations programmées. Lorsqu’il y a des réparations urgentes, généralement, on appelle le contremaître. Le convoyeur doit être arrêté. Les arrêts du convoyeur sont rarement faits  à cause des rouleaux brisés. Il faut toutefois s’assurer que les rouleaux du convoyeur ne prennent pas feu.
  19.     Lorsqu’il y a des réparations à faire, Joe Verreault s’assure qu’elles aient été faites en effectuant un suivi.
  20.     Certaines réparations doivent attendre des arrêts programmés de maintenance. Cette maintenance programmée est souvent réalisée par des entrepreneurs externes. Lorsqu’il y a lieu d’intervenir immédiatement, par exemple, en situation d’urgence, c’est le personnel de l’accusée qui le fait.  Les entrepreneurs indépendants ne sont pas présents en tout temps. Donc, dans une situation qui nécessite une intervention immédiate, il faut appeler des troubleshooters.
  21.     Joe Verreault évalue que le shuttle, situé au concasseur, passait souvent après le concentrateur pour les réparations, ce qui faisait vivre de la frustration aux PROS travaillant à proximité du CS-01 et du CS-02.
  22.     Concernant ses demandes de travail, Joe Verreault doit s’en remettre à la hiérarchie décisionnelle de l’accusée.  La seule chose qu’il pouvait décider de lui-même était de changer des rouleaux de convoyeurs en cas de bris.
  23.     Concernant sa demande de travail du 1er juin 2019, en lien avec le garde-chaîne bruyant (pièce P-13 A), il n’en a pas parlé au contremaître Jean-François Baril.
  24.     Les explications de Joe Verreault, concernent ce qui s’est passé avec sa demande de travail du 1er juin, ne sont pas limpides.
  25.     Il indique qu’il ne fait pas de demande de travail, que c’est le contremaître qui l’a faite.
  26.     Sur P-13 A, il est le demandeur, mais ce n’est pas lui comme tel qui a fait la demande, selon son explication fournie au procès. Selon lui, c’est le contremaître qui la donne « au mécanique ».
  27.     La pièce P-13 A révèle toutefois qu’il place la demande dans le système IVARA le 1er juin, à 6 h 40 le matin. Il peut y indiquer un commentaire. Il est certain qu’il a fait un commentaire comme « demande urgente faire la réparation du CS-01 avant que quelqu’un ne se blesse. »  Ce commentaire n’apparaît pas à la pièce P-13 A[45].
  28.     Selon Joe Verreault, il ne se passe rien entre sa demande du 1er juin et le 7 juin 2019. Il le sait parce qu’il le constate sur place ou qu’il s’informe à un collègue.
  29.     Il connait Jean-François Baril. Il n’a pas parlé à ce dernier entre le 1er juin et la nuit du 6 juin au 7 juin 2019.
  30.     Il n’a parlé qu’à son contremaître de plancher pour l’informer qu’il avait fait une demande de travail. Il s’agit de Guylain Collin.

M) Maxime Pineault-Guimond

  1.     Maxime Pineault-Guimond débute son travail pour l’accusée vers 2016, à titre de PRO.
  2.     Il bénéficie de plusieurs formations liées à l’emploi.
  3.     Son travail au secteur du concentrateur débute vers 2017. Au départ, il est accompagné d’un compagnon de travail qui le forme sur place. En septembre 2017, son travail au shuttle débute.
  4.     À cet endroit, où se trouve le CS-01, il bénéficie de quatre jours d’accompagnement où il fait des apprentissages sur le convoyeur à navette, les silos où chute le minerai et l’inspection des roues de convoyeur.
  5.     Son travail consiste principalement à dénoter les anomalies lors d’inspections. Les inspections en question visent notamment le convoyeur à navette. Son rôle est de lancer des avertissements en cas d’anomalies.
  6.     Par exemple, s’il constate un bris, il doit aviser le contremaître. Il décrit l’environnement du shuttle comme poussiéreux, comme un endroit où il n’y a pas beaucoup d’espace pour travailler, où se trouvent des boyaux par terre et où il y a des risques de chutes.  Des garde-corps permettent d’éviter une chute qui pourrait être de 100 pieds.
  7.     Également, il a la tâche d’effectuer du ménage à cet endroit, par exemple, de ramasser des roches. La grosseur des roches qui se retrouvent à cet endroit peut varier de trois à quatre pouces jusqu’à dix pouces.
  8.     Il confirme avoir travaillé dans l’environnement du CS-01 et du CS-02. Il a fait de l’inspection au CS-01. Il a remarqué que le garde-chaîne claquait. Il l’entendait claquer à chaque rotation de la roue.
  9.     Il est un chasseur et il décrit le bruit de claquage de l’équivalent d’un coup de fusil de calibre 12.  Au moment de l’inversion de la chaîne, ce bruit pouvait s’amplifier de trois fois l’équivalent du bruit décrit précédemment.
  10.     En 2017, alors qu’il commence à travailler à cet endroit, il considère ces bruits comme une normalité. Toutefois, dans les derniers jours avant l’accident de Jason Lemieux, le bruit s’intensifie.
  11.     Dans l’après-midi qui précède l’accident, il travaille à proximité du CS-01, notamment sur une roue du convoyeur à navette qui a « débarqué ».  Il est juste à côté du garde-chaîne. Il travaille en compagnie d’un superviseur mécanique, soit Jean-François Baril.
  12.     Il porte son équipement de protection individuelle, dont un racal et toutes les protections afférentes au bruit. Cet après-midi-là, lorsqu’il entend le bruit provenant du garde-chaîne, il fait un saut. Ça lui fait peur.  Le Tribunal comprend que ce bruit puissant est entendu à la remise en marche du convoyeur à navette. 
  13.     À ce moment, selon ses observations, il ne manque pas de boulons sur le garde-chaîne du CS-01.
  14.     Pour effectuer les travaux dans l’après-midi précédent l’accident, il fallait cadenasser complètement les lieux pour le remplacement de la roue défectueuse.
  15.     De plus, il y avait également un problème avec un joint d’un roulement à billes du convoyeur. On lui confie aussi la tâche de préparer le gun à température et à graisse pour le prochain quart de travail, soit le quart de travail dévolu à Jason Lemieux.
  16.     Selon les informations obtenues, le collègue qui le remplaçait le soir devait effectuer le graissage du roulement à billes. Il s’agit d’une tâche qu’il n’a lui-même jamais effectuée. C’est l’équipe de lubrification de l’accusée qui fournissait les directives à cet égard.
  17.     En contre-interrogatoire, Maxime Pineault-Guimond reconnaît avoir eu différentes formations relatives à la sécurité au travail à son arrivée en poste. Alors, il bénéficie de quelques jours de compagnonnage et peut consulter son contremaître.
  18.     Maxime Pineault-Guimond reconnaît avoir travaillé de façon régulière à proximité du CS-01 à partir de septembre 2017, soit l’équivalent d’environ 30 % du temps passé au travail.
  19.     Il confirme n’avoir jamais initié de demandes de travail à l’égard du CS-01 dans le système IVARA.
  20.     Il explique qu’il existe une alarme qui est mise en fonction pendant une quinzaine de secondes lorsque le convoyeur à navette doit redémarrer après un arrêt.
  21.     La journée du 6 juin, alors qu’il a eu à travailler sur une roue qui avait « débarqué », il confirme que ce n’était pas la première fois qu’un tel incident se produisait.
  22.     Selon lui, le 6 juin 2019, trois choses devaient être faites concernant le                      CS-01 : changer la roue défectueuse, remplacer le joint d’un roulement à billes et enlever un maillon de la chaîne du CS-01 à l’intérieur du garde-chaîne pour faire arrêter le claquage.
  23.     Cette journée-là, le bruit du CS-01 était toujours présent et depuis deux jours, le bruit était plus intense.  Il l’avait constaté personnellement.
  24.     À sa déclaration donnée aux policiers, il précise que le jour précédant l’accident, le garde-chaîne était sale. Il bougeait, mais il ne voyait pas de pièces non solidifiées sur l’équipement. On pouvait observer un mouvement de levage de l’ensemble du boitier.
  25.     Bien qu’il n’ait jamais eu à effectuer de graissage sur le CS-01 à même le tuyau installé près de la roue d’engrenage, il explique que, pour aller chercher le tuyau à cette fin, il faut nécessairement passer le bras à travers le garde-corps pour ainsi récupérer le tuyau et y installer le fusil à graissage. Une fois le fusil à graissage installé sur le tuyau, l’opération peut se faire dans les limites du garde-corps.
  26.     Pour prendre la température à proximité du CS-01 et du garde-chaîne, il n’a pas à traverser le garde-corps puisque c’est un fusil laser qui pointe sur l’équipement et qui prend la température.
  27.     Selon les explications de Maxime Pineault-Guimond, des trois tâches qui étaient planifiées le 6 juin en après-midi, deux ont été effectuées : changer le joint d’un roulement à billes et remplacer la roue pour que le convoyeur à navette puisse à nouveau se déplacer et effectuer son travail.

N) Brigitte Raymond

  1.     Brigitte Raymond ne travaille plus pour l’accusée. 
  2.     En 2016, elle a travaillé sur les lignes un à six du convoyeur et, à partir de 2017, elle a travaillé au shuttle à titre de PRO. Elle a également été concierge pendant une période de quatre ans. Elle a obtenu les formations de base données par l’accusée.
  3.     Au début de son emploi au shuttle, elle bénéficie d’un compagnonnage de deux semaines. On lui explique le travail.  Elle doit faire des inspections. Dans ce secteur où il y a des convoyeurs qui arrivent du concasseur, il faut être alerte. Elle explique que les convoyeurs à navette alimentent les silos.
  4.     Elle a travaillé au shuttle pendant environ un an et demi.
  5.     La plus grande partie de son travail au shuttle consiste à inspecter les équipements, le moteur, les rouleaux et les convoyeurs. Elle devait faire des inspections et, le cas échéant, faire des demandes de travail.
  6.     La priorité, lorsqu’il y avait des arrêts du CS-01, était de faire en sorte que l’équipement reparte, puisqu’il y avait un impact direct sur la production.
  7.     À proximité du garde-chaîne du CS-01, elle s’est blessée au pouce en travaillant dans le secteur du shuttle. Il y avait un problème de température sur l’un des équipements, elle a levé un couvercle qui ne comportait pas de pentures, son pouce est demeuré pris et elle s’est blessée. À cet endroit, elle prenait la température alors que le convoyeur était en marche.
  8.     L’accident est survenu en pleine nuit pendant qu’elle était seule. Elle portait des gants anti-coupures. Elle a appelé de l’aide sur sa radio portative. Par la suite, elle a effectué des travaux légers pendant un certain temps, puis, elle a repris ses fonctions.
  9.     À la suite de son accident, elle a fait une demande de travail pour l’installation de pentures sur l’équipement qui supporte le couvercle. Elle indique que sa demande a été ignorée puisque, plusieurs mois plus tard, le couvercle était toujours retiré sans penture et à proximité de l’endroit qu’il devait recouvrir.
  10.     Elle a rempli deux demandes de travail, dont une première demande de travail en date du 30 octobre 2017[46]. Cette demande de travail concerne le convoyeur à navette CS-01. Sa demande visait à ce qu’il y ait un ajustement de la tension de la chaîne. Elle observe alors qu’on entend la chaîne qui frotte dans le garde-chaîne et que la chaîne est lousse (distendue). Elle demande également qu’on augmente la tension de la chaîne. Elle précise dans sa demande que le problème se situe au CS-01, côté sud-ouest. On entend la chaîne qui frotte dans le garde. Elle constate alors que c’est pire que d’habitude et plus intense lorsque le CS-01 tourne vers le sud.
  11.     Sa demande contient une précision à l’effet qu’elle peut être effectuée lors de la prochaine maintenance. Quant à la priorité de travail, elle est qualifiée de pressante.  Pour Brigitte Raymond, pressante signifie que le travail doit être effectué dans un délai de 24 à 48 heures.
  12.     Elle a également effectué une deuxième demande qui est cotée sous P-52[47]. Cette demande date du 18 juin 2018 et vise toujours le CS-01, soit le convoyeur à navette.
  13.     À la demande, elle précise que le garde-chaîne émet un cognement surtout s’il vire au sud. Elle entend le cognement et on le voit parce que le garde-chaîne se déplace lors des cognements. Pour elle, c’est dangereux d’avoir à travailler tout près pour faire les inspections du CS-01, pour faire du ménage ou pour faire toute autre tâche.
  14.     Elle indique avoir fait plusieurs demandes à ce sujet depuis plusieurs mois et que le problème n’est jamais réglé. La priorité de travail est évaluée à pressante.
  15.     À la suite de l’accident de Jason Lemieux, elle craignait que les demandes de travail qui avaient été effectuées par elle ou par d’autres travailleurs ne soient effacées. Elle s’est donc rendue à un ordinateur et a effectué une prise de photographies des écrans où l’on retrouve différentes demandes de travail, dont ses deux demandes de travail.
  16.     Elle devait régulièrement effectuer des inspections à proximité du CS-01 lors de ses quarts de travail. Elle constatait que les problèmes étaient toujours présents.
  17.     De plus, en février 2018, elle a effectué deux prises de vidéo avec son téléphone cellulaire. On voit sur la vidéo 1[48] que le garde-chaîne bouge. Sur la vidéo 2[49], on voit également que le garde-chaîne bouge et se déplace. Elle indique que ces deux vidéos ont été prises pour se protéger.
  18.     À l’été 2018, elle quitte ce secteur d’activité de l’accusée.
  19.     En contre-interrogatoire, Brigitte Raymond donne des précisions sur l’accident qu’elle a subi. Elle précise qu’elle était à l’extrémité gauche du convoyeur, soit 75 pieds plus loin que le garde-chaîne du CS-01. À cet endroit, il y a également un garde-corps qui longe tout le convoyeur. Lors de son accident, elle n’a pas tiré la tirette d’urgence pour arrêter le convoyeur. Elle s’est dirigée vers l’ascenseur pour se rendre au troisième étage. Elle avait déjà avisé la sécurité de son accident par radio. Une personne de la sécurité l’a rejointe et lui a retiré son gant. Elle s’est rendue à l’infirmerie.
  20.     Comme il s’agissait d’un quart de nuit, il n’y avait pas d’infirmières sur place, mais le personnel de la sécurité a été en mesure de lui donner les premiers soins. Puis, elle a été conduite au CLSC. Elle a eu 12 points de suture.
  21.     Par la suite, elle a vu les infirmières d’ArcelorMittal qui lui ont posé différentes questions.
  22.     Les infirmières devaient évaluer le travail que Brigitte Raymond pouvait effectuer à la suite de son accident. Les infirmières voulaient qu’elle remette ses gants immédiatement et qu’elle retourne au travail.
  23.     Brigitte Raymond a expliqué aux infirmières qu’elle avait obtenu l’avis d’un médecin à l’effet qu’elle ne pouvait pas remettre ses gants immédiatement. Il n’y a pas eu d’autres discussions entre les parties impliquées et Brigitte Raymond a été affectée aux travaux légers pendant un certain temps.
  24.     Elle a constaté que le couvert sans penture du lieu où elle a été blessée n’a pas été remis à sa place. Il est resté là jusqu’à l’été. Par conséquent, elle estime que sa demande n’a pas eu de suite. Elle n’a pas fait d’autres démarches.
  25.     En ce qui concerne le fait d’avoir filmé pour se protéger, elle précise que le lieu qu’elle a filmé n’est pas directement le lieu où elle a subi son accident. De plus, les captures d’écran qu’elle a prises, soit les pièces P-56 et P-57, avaient pour but de s’assurer que les demandes des employés liées au CS-01 n’étaient pas effacées à la suite de l’accident de Jason Lemieux. Elle confirme que les photographies ont été prises à la suite de l’accident de Jason Lemieux. 
  26.     Il n’existe aucune preuve objective que des demandes de travail ont été effacées par l’accusée, par l’entremise de l’un ou l’autre de ses représentants.
  27.     Bien que le document précise que ses demandes de travail ont été complétées, soit les pièces P-56 et P-57, à l’extrémité droite du document, elle conclut que la réparation n’a pas été faite, puisque sur ses quarts de travail, elle pouvait visuellement constater que le travail n’avait pas été effectué.
  28.     En contre-interrogatoire, Brigitte Raymond est questionnée sur sa demande de travail effectuée en P-55, à l’effet que l’information contenue à la rubrique détails, précisément que le travail peut être fait lors de la maintenance, pouvait se contredire avec la priorité de travail qu’elle a accordée, à savoir « pressant dans un délai de 24 à 48 heures. » Elle précise que si elle a indiqué  « peut être fait à la maintenance » c’est qu’elle devait forcément être au courant du fait qu’une maintenance était imminente.
  29.     Toutefois, elle ne peut certifier que cette maintenance était prévue dans un délai de 24 à 48 heures.

 

O) Pierre-Luc Hubert

  1.     Pierre-Luc Hubert occupe des fonctions de dessinateur et concepteur chez l’accusée, pour qui il a occupé plusieurs emplois différents.
  2.     À l’époque de l’accident de Jason Lemieux, il occupe un poste à l’analyse de vibrations. Ce poste comporte plusieurs volets de l’analyse de vibrations pour de multiples équipements de l’accusée.
  3.     Cette fonction permet, entre autres, de vérifier l’état des roulements des équipements. Il mesure la vibration à l’aide d’un appareil de marque Emerson, lequel ressemble à une tablette. L’appareil est muni d’un câble avec accéléromètre qui permet de calculer la vibration, laquelle se mesure au bout d’une tige télescopique branchée à l’appareil investigué. À l’époque, il effectue les suivis pour plus ou moins 400 équipements de l’accusée.
  4.     Il indique que plus un équipement use, plus il va y avoir des cognements qui vont être enregistrés par cet appareil. Dans le cadre de ses fonctions, il a des routes préprogrammées pour la prise de données sur les équipements.
  5.     Près de la date de l’accident de Jason Lemieux, il se rend avec David Young, un technicien à la lubrification, dans le secteur des CS. Dans ce secteur, il doit porter un masque ou un racal, c’est bruyant et poussiéreux.
  6.     Il dispose d’une tablette munie d’une caméra technique. Il se rend au bearing (roulement à billes). Il voit une partie du bearing qu’il ne doit pas voir. Le joint d’étanchéité est déplacé (anneau d’étanchéité). Il y a ainsi contamination de substances dans le roulement. L’anneau d’étanchéité est situé en contrebas du palier que l’on peut apercevoir à la pièce P-2 D.
  7.     La contamination réduit la durée de vie d’un rouleau, la graisse projetée par le PRO à l’endroit où doit se situer l’anneau d’étanchéité aide à purger le roulement des contaminants. Puisque le joint d’étanchéité est déplacé, les pièces d’acier se touchent l’une sur l’autre. De plus, du sable ou de la silice qui s’introduit dans le roulement en réduise la durée de vie.
  8.     Pierre-Luc Hubert ne se souvient pas avec exactitude de toutes les actions prises lors de ses constatations.
  9.     Toutefois, il avise un représentant de l’accusée que le joint d’étanchéité est déplacé et que l’entrée où se fait la contamination doit être fermée. Il ne se souvient pas à qui il donne cette information. Il ne se souvient pas du moment précis où il l’a fait. Il est toutefois convaincu qu’il a pris action, mais ne se souvient pas de quelle action.
  10.     Par la suite, il reprend sa route régulière.  Au moment de ses constatations, il est en compagnie de David Young. Il n’a pas la date précise de ses observations, mais il sait que c’est avant l’accident.
  11.     Quelques mois auparavant, il avait constaté que le joint d’étanchéité était déplacé. Il est revenu sur les lieux et a été déçu de voir que rien n’avait été fait à ce sujet. Il explique qu’il aime que les choses marchent et qu’elles soient fiables.
  12.     En ce qui concerne le garde-chaîne, il n’a pas évalué l’équipement. Il s’est davantage attardé au roulement et au joint d’étanchéité. Il considère que la fiabilité des équipements, c’est son rôle. C’est l’analyse de la vibration qui lui permet de détecter des problèmes.
  13.     Il se souvient que lorsque le CS-01 changeait de direction, il y avait un système d’alarme près du garde-chaîne. Il explique qu’il ne s’est pas senti en danger près de l’équipement en marche, bien que ça cognait. Il avait une certaine tolérance aux cognements.
  14.     À la suite de l’accident de Jason Lemieux, il s’est senti responsable des évènements qui se sont produits.
  15.     Pour lui, le garde-chaîne n’est pas évident à analyser en termes de vibrations. Sur la pièce P-2 D, il est en mesure d’identifier clairement le seal ou joint d’étanchéité en défaut. Il n’a pas fait de demandes de travail à ce sujet. La conséquence, selon ses observations, est que le roulement de l’appareil use plus rapidement.
  16.     Alors, il considère que ce n’est pas grave, ce n’est pas quelque chose qui met la santé ou la sécurité en jeu. Il indique que ses observations l’ont amené à conclure qu’il n’était pas à quelques jours près, pour le CS-01[50].
  17.     Il conclut que le remplacement du seal ou joint d’étanchéité demande un nettoyage et une inspection qui doivent se faire dans un entretien programmé.
  18.     Un entrepreneur indépendant effectuait à l’époque certains de ces entretiens programmés. Le but des entretiens programmés était notamment de diminuer les temps d’arrêt. On profite de l’arrêt des appareils pour effectuer le plus possible de réparations et d’améliorations.
  19.     Questionné à savoir s’il a déjà eu connaissance que des demandes de travail avaient été effacées du système IVARA, il indique qu’il n’a jamais vu cela.
  20.     Il fait la distinction entre le fait d’annuler une demande de travail et d’en effacer une. Lorsqu’une demande de travail est annulée, on peut toujours la voir, mais elle est simplement rayée.
  21.     En ce qui concerne le garde-chaîne comme tel, il confirme en contre-interrogatoire qu’il n’a pas remarqué qu’il manquait un ou des boulons. Il n’était pas inquiet pour le garde-chaîne en juin 2019. C’est ce qu’il a dit aux policiers dans sa déclaration donnée à la suite de l’accident.

P) Eris Virgüez

  1.     Eris Virgüez est ingénieur. À l’époque de l’accident de Jason Lemieux, il est coordonnateur. Il occupe ces fonctions chez l’accusée depuis 2017. Au départ, il travaille pour un entrepreneur indépendant.
  2.     En 2017, il quitte la firme de génie-conseil pour laquelle il travaille, pour occuper des fonctions chez l’accusée, qui lui offre un poste. Il est alors basé à Mont-Wright.
  3.     Il agit à titre de coordonnateur à l’entretien et à la production. Il est sous la gouverne de la directrice de production, Manon Bilodeau. Il coordonne les calendriers des arrêts de production et détermine les capacités de production. Il effectue également les suivis du processus de planification des arrêts.
  4.     Il explique que le secteur du concentrateur comporte sept lignes de transport du minerai, tandis que le concasseur comporte deux lignes.
  5.     Le rôle d’Eris Virguëz est d’optimiser les arrêts. Il participe à des réunions de coordination à cet effet. Il planifie les arrêts en fonction de différentes situations.
  6.     Il y a différents types d’arrêts; tout d’abord, des arrêts planifiés. Une période est ciblée. Ce type d’arrêts se prévoit à l’avance.
  7.     En ce qui concerne les arrêts non planifiés, ces arrêts se produisent en cas d’anomalies à la chaîne de production. À ce moment, il y a une vérification à savoir si l’anomalie en question peut attendre le prochain arrêt planifié ou si elle nécessite une intervention immédiate.
  8.     En ce qui a trait aux arrêts planifiés, il précise que ces arrêts peuvent être d’une durée de 18 à 20 heures. Ces arrêts sont prévus dans un calendrier.
  9.     Les arrêts de nature électrique peuvent durer jusqu’à 40 heures. Ce type d’arrêt peut varier. Une troisième option peut s’offrir en cas d’anomalie (non planifiée) soit une planification d’un arrêt à court terme.
  10.     L’accusée doit s’assurer d’avoir les ressources matérielles et humaines pour procéder aux travaux planifiés.
  11.     À l’époque, l’organigramme comporte deux branches distinctes, soit le secteur de l’entretien et le secteur de la production. Ces branches distinctes sont bien visibles sur l’organigramme réalisé et déposé sous la cote P-198.
  12.     Le travail d’Eris Virgüez est de concevoir le calendrier des arrêts. Cela lui permet de déterminer la disponibilité des équipes pour les arrêts de travail à venir. Les arrêts planifiés doivent se concilier avec la production. Le but recherché est de minimiser les impacts de ces arrêts sur la production. On essaie de maximiser l’utilisation des temps d’arrêts.
  13.     En ce qui concerne les arrêts inopinés, ils doivent se négocier conjointement avec les autres secteurs de l’usine, de façon à minimiser les impacts. Il s’agit de trouver le meilleur moment pour les effectuer.
  14.     En ce qui concerne les arrêts non planifiés, il existe deux catégories : les arrêts majeurs et les arrêts mineurs.
  15.     Il faut évaluer le temps et l’ampleur de l’intervention des équipes. Un arrêt, par exemple, d’une durée de quatre heures pourra être absorbé par la production. Il peut être synchronisé avec les autres divisions de l’usine. En ce qui concerne un arrêt non planifié de 12 à 24 heures, c’est majeur. Il ralentit les activités de la mine.  Eris Virgüez veille aux respects du plan d’intervention, notamment au respect de la durée des arrêts planifiés.
  16.     Eris Virguëz préside des rencontres de coordination quotidienne et statutaire qui s’effectuent à chaque jour à 7 h 15 et à 14 h. Il y a ainsi des discussions sur les avancements des travaux. Les week-ends Eris Virgüez est remplacé par les coordonnateurs principaux qui sont, à l’époque, Gaétan Langlois et René Gaumont.
  17.     Dans les réunions de coordination, on parle des activités de la veille, il est question de la performance de l’usine. La durée de ces réunions de coordination est d’environ 15 minutes. On y discute des performances de l’équipe d’entretien de la nuit précédente. L’équipe de métallurgie produit un rapport de performance. Il y a des discussions par rapport à l’entretien et aux anomalies.
  18.     À titre de coordonnateur des arrêts, il anime des rencontres journalières à la mine. Ces rencontres ont lieu au troisième étage du concentrateur. De dix à vingt personnes peuvent y participer. Dans le cadre de ses fonctions, Eris Virgüez précise qu’il n’a pas personne sous sa responsabilité.
  19.     Eris Virgüez explique également qu’entre le concasseur et le concentrateur, il y a deux lignes, soit les lignes K-4 et K-5.
  20.     Une seule de ces lignes permet l’alimentation de 60 à 65 % de la capacité du minerai requis au concentrateur. Ces deux lignes répondent à 100 % des besoins du concentrateur. Il réfère ici aux lignes de transport qu’il y a entre le concasseur et le concentrateur qui sont identifiées comme les lignes K-4 et K-5. Lorsqu’il y a arrêt de l’une de ces lignes, on réduit à 65 % l’alimentation du concentrateur en provenance du concasseur.  En conséquence, il faut arrêter les lignes du concentrateur. Si la baisse de régime est en deçà de quatre heures, ça peut toujours aller.
  21.     En ce qui concerne les évènements qui se sont produits en juin 2019, Eris Virgüez en fait un résumé.
  22.     Tout d’abord, le 4 juin 2019, à 7 h 15 a lieu la réunion statutaire de coordination. À cette réunion, le problème qui affecte le garde-chaîne du CS-01 est soulevé (le cognement) par Éric Tremblay. Il est fait état d’un problème au système d’entraînement qui fait en sorte que la chaîne du CS-01 cogne dans l’enveloppe du garde.
  23.     En fait, toutes les personnes présentes à la réunion savent qu’un travail est à faire à cet égard. Ce travail doit être effectué le jeudi suivant (le 6 juin 2019). À la réunion, aucun enjeu de sécurité n’est soulevé à ce sujet, malgré la présence de chefs de section de plusieurs secteurs de la mine.
  24.     Donc, il est planifié que le 6 juin, il y aura un arrêt de ce convoyeur prévu pour une durée de quatre heures. En plus du travail sur la chaîne, un travail doit également être effectué sur un équipement qu’on appelle grizzly qui est un équipement qui absorbe les chocs lorsque le minerai chute du convoyeur.
  25.     L’intégrité de cet équipement appelé grizzly doit être inspecté. Ce moment était particulièrement bien choisi pour procéder à l’inspection de la chaîne et du CS-01.
  26.     Comme un arrêt planifié doit avoir lieu, un ralentissement de la mine est prévu. L’heure déterminée pour cette intervention du 6 juin 2019 est 11 h 30. Tout est planifié pour ce moment qui vise notamment la ligne K-4, le CB-01 jusqu’au CS-01[51]. Il s’agit de synchroniser l’arrêt de la mine pour corriger notamment le problème de tension de la chaîne du CS-01. Les équipes d’entretien préparent cet arrêt. Le rôle d’Eris Virgüez par rapport à cet arrêt prévu à 11 h 30 est de s’assurer qu’il se réalise dans le respect du plan préétabli en collaboration avec les chefs de section et le superviseur à l’entretien, à la métallurgie et à la fiabilité.
  27.     Le 4 juin, à 14 h, a lieu la deuxième réunion statutaire de la journée. L’intervention prévue le 6 juin est confirmée. Il n’y a pas de modifications.
  28.     À ce moment, l’équipe décisionnelle n’est pas saisie d’enjeux qui concernent le roulement du CS-01.
  29.     En date du 5 juin, le plan prévu pour l’arrêt est revalidé auprès des différents intervenants. À l’une des deux rencontres du 5 juin, Eris Virgüez est informé d’un problème au roulement du côté ouest du CS-01. La température y est trop élevée. Cette information provient du superviseur du concasseur. Il s’agit d’un problème important. Plus tard dans la journée, une réunion extraordinaire est organisée. Eris Virgüez convoque cette réunion, probablement par téléphone.
  30.     Patrice Gilbert est présent, ainsi qu’André Pelletier, François Truchon, Sonny Parent et Normand Roy, Manon Bilodeau est absente.  Ahmad Hazzouri, qui agit à titre de sous-traitant, est également présent.
  31.     L’intervention à faire qui concerne le CS-01 a une durée estimée de 20 heures. Les participants à la réunion extraordinaire déterminent le meilleur moment pour effectuer la tâche. Ce problème implique un arrêt supplémentaire de 20 heures qui touche la ligne   K-4. Cet arrêt n’est pas prévu.
  32.     Lors de cette réunion extraordinaire, quatre scénarios potentiels sont évoqués.
  33.     Le premier scénario comporte un arrêt immédiat. Ce scénario est écarté. Puisque les équipes d’entretien pour réaliser le travail ne sont pas disponibles, le travail serait beaucoup plus long, soit une vingtaine d’heures de plus. Avec ce premier scénario, les équipes sont dans l’inconnu par rapport à la préparation et à la durée de cette intervention, car il n’y a eu aucune préparation pour effectuer la réparation.
  34.     Le deuxième scénario envisagé est la même intervention que celle prévue au premier scénario, mais effectuée le vendredi avec une équipe externe, donc en date du 7 juin. Il s’agit d’engager des sous-traitants. La durée pour effectuer le travail est la même et la préparation est toujours absente. Ce deuxième scénario prévoit un temps d’arrêt de 20 heures, notamment en ce qui concerne la ligne K-4. Il implique un arrêt important.
  35.     Le troisième scénario évoqué lors de la réunion extraordinaire est d’effectuer le travail requis sur le CS-01 la semaine suivante, lors de l’arrêt électrique qui est déjà planifié, soit dans la semaine du 10 et 11 juin 2019. La durée prévue sera la même et le travail sera réalisé par les équipes internes. On profite ainsi d’un temps d’arrêt qui est déjà planifié.
  36.     Le quatrième scénario proposé est un arrêt planifié du convoyeur qui est prévu dans le temps les 17 et 18 juin. Cet arrêt planifié étant trop loin, ce scénario est éliminé.
  37.     Le scénario qui est retenu par l’équipe lors de la réunion extraordinaire est le scénario numéro trois. Ce scénario implique une disponibilité des ressources et minimise les impacts en ce qui a trait à la production. Il est évalué que le coût de l’intervention n’est pas énorme. Il implique le remplacement de pièces. On pourra également remplacer les roulements problématiques, on enlève la chaîne, on remplace les roues dentées (sprockets) et on remet la chaîne. Tous sont d’accord avec le choix du scénario numéro trois.
  38.     En date du 6 juin 2019, la réunion statutaire de coordination a lieu à 7 h 15. On parle d’une intervention qui est prévue le jeudi en question.
  39.     À cette même date, une réunion est convoquée à 8 h 15; y assistent André Pelletier, Normand Roy, ainsi que les superviseurs. Il est question des quatre scénarios qui ont été envisagés.
  40.     Dans l’intervalle de la réalisation du scénario trois, il est prévu de nettoyer et de lubrifier l’équipement problématique, (le CS-01) en même temps que le travail qui sera effectué sur les grizzlys.
  41.     Le nettoyage et la lubrification de l’équipement problématique, soit le CS-01, sont en lien avec le problème de température du roulement du CS-01 du côté ouest qui est trop élevée. Cette solution a pour but de remédier temporairement au problème.
  42.     Ce travail qui devait avoir lieu à 11 h 30 le jeudi 6 juin 2019 est repoussé de quatre ou cinq heures, donc aux environs de 16 h 30. L’information est confirmée par un représentant de l’accusée du département IROC qui se trouve à Longueuil. Ce déplacement de l’intervention n’est pas majeur et sera synchronisé avec la mine. Les contremaîtres principaux sont informés de la nouvelle heure prévue de cet arrêt. Il s’agit, en fait, de la même intervention, mais quelques heures plus tard.
  43.     Plus tard dans la journée, Eris Virgüez apprend d’Ahmad Hazzouri que l’intervention de 16 h 30 est annulée. Il reçoit cette information vers 14 heures. Cette information lui est transmise à la réunion de coordination où sont présents Gabriel Bourgeois et Éric Tremblay, notamment. En conséquence, l’arrêt tel que prévu le 6 juin 2019 ne sera pas réalisé. Il y a donc un nouveau plan de match, puisque l’intervention planifiée est annulée par la direction. L’équipe d’entretien s’occupe de la suite. La durée de la réunion est d’environ 15 minutes, Eris Virgüez quittant les lieux à 16 h.
  44.     Eris Virgüez confirme qu’il ne fait lui-même aucune analyse de risques. Il précise toutefois qu’à chacune des réunions statutaires qui ont lieu deux fois par jour, il est question de santé et de sécurité au travail.
  45.     En contre-interrogatoire, il précise que son travail consiste au suivi des plans élaborés. Il doit maximiser et optimiser la synchronisation des travaux. L’évaluation de l’usure relève des ingénieurs en fiabilité. L’analyse de risques revient à l’équipe d’entretien. Il convient qu’il a des obligations à l’égard de la sécurité, même si ce n’est pas sa tâche directe, puisqu’il est ingénieur et membre d’un ordre professionnel.
  46.     Il aborde la question des changements qui ont eu lieu au CS-02, soit l’installation d’un « direct drive ». Ce changement ne devait pas être effectué sur le CS-01 tant que non fonctionnel sur le CS-02. Il réitère qu’il se souvient clairement que le point concernant les problèmes affectant le CS-01 a été amené à la réunion du 4 juin, à 7 h 15. La situation est portée à sa connaissance pour la première fois.
  47.     Il considère que c’est une situation d’urgence, car le bris de l’appareil CS-01 pouvait causer un arrêt de la production. Le 4 juin, on lui donne l’information que la situation du CS-01 peut attendre au 6 juin. C’est une décision qui a été prise en équipe et qui faisait l’unanimité.
  48.     Eris Virgüez se souvient que le 6 juin, lors de la réunion de 8 h 15, Gabriel Bourgeois insistait beaucoup sur le sujet du CS-01 et de la chaîne. La chaîne pouvait être ajustée, mais pas remplacée. La mesure mise en place était palliative.
  49.     Le bris de la roue de train est un évènement imprévu qui est venu s’ajouter. Il précise également qu’en date du 6 juin, en réunion, il n’a jamais été mis au courant d’un problème affectant une roue de train du CS-01.

Q) David Young

  1.     David Young occupe des fonctions de mécanicien au concentrateur. Il a occupé différentes fonctions chez l’accusée. Entre 2017 et 2021, il était mécanicien, spécifiquement à la lubrification des équipements.
  2.     Dans le cadre de ses fonctions, il reçoit différentes formations de son employeur, dont des formations en lien avec le cadenassage, le travail en hauteur, etc.  Il indique que chez l’accusée : « ta sécurité c’est toi qui la fait. »
  3.     Entre 2017 et 2019, il travaille sur les équipements de type convoyeurs en tant que mécanicien au graissage. En ce qui concerne les CS-01 et CS-02, il exécute les changements d’huile des gearsbox (boîtes de vitesse). Il effectue notamment du graissage d’équipement.
  4.     Il décrit les tâches qu’il effectue aux CS-01 et CS-02. Il se rend dans ce secteur aux deux semaines lors des arrêts de maintenance. Il lui arrive de changer des rouleaux. Il reçoit des bons de travail où les tâches à effectuer sont décrites.
  5.     Deux mois avant l’accident, il remarque que la chaîne du CS-01 claque.  Il entend le claquement même s’il a des bouchons dans les oreilles. Il décrit ce secteur de la mine comme bruyant.  Il fait noir, il y a beaucoup de poussière.
  6.     Il se rend sur les lieux pour effectuer du graissage des joints d’étanchéité et des roulements. Il effectue ces tâches avec un fusil à graisse. Il doit se rendre le plus proche possible du CS-01 pour placer son fusil à graisse sur le boyau. Il doit passer le bras par-dessus le garde-corps pour atteindre une pièce d’équipement qu’il appelle le « zut » qui est, en fait, un branchement pour son fusil à graisse.
  7.     Le bruit qui émane du garde-chaîne du CS-01, à ce moment, est comparé à un coup de fusil de calibre 12. Il indique qu’il a peur.  Il se place en petit bonhomme pour effectuer le graissage parce qu’il ne veut pas trop s’approcher du CS-01.
  8.     Il constate que, deux mois avant l’accident de Jason Lemieux, la chaîne du CS-01 fait de plus en plus de bruit. Il se rappelle un moment où il est en présence de Gabriel Bourgeois et qu’il entend la chaîne claquer. Il situe cet évènement deux à trois jours avant l’accident. Il a également remarqué que le joint d’étanchéité était débarqué du rouleau du roulement. Il voyait les billes du roulement. Du sable s’incrustait dans le roulement. Il savait qu’une opération était planifiée pour réparer le CS-01. Il avait d’ailleurs préparé les pièces pour l’arrêt qui était prévu.
  9.     À l’aide de la pièce P-2 E, David Young identifie l’endroit situé au haut du roulement où la contamination se fait.  On lui confie la tâche de purger le roulement.  
  10.     Dans la journée du 6 juin 2019, il prépare une palette avec les différents équipements pour la maintenance planifiée sur le CS-01.
  11.     Toute la journée, la chaîne claque dans le garde. Lorsque le convoyeur CS-01 change de côté, tout veut arracher.
  12.     Il se rappelle qu’il manquait des boulons sur le garde-chaîne.
  13.     Le 6 juin 2019, lorsqu’il apprend à la réunion de répartition des tâches que le travail qui devait être effectué sur le CS-01 est reporté, il est fâché et déçu.
  14.     En contre-interrogatoire, il précise que près du CS-01, il n’y avait pas de banderoles ou d’indicateurs pour aviser du danger. Le garde bougeait, il sautait de gauche à droite à cause des boulons manquants.
  15.     La journée avant l’accident, il précise que comme le CS-01 a un problème, il y va régulièrement. Deux mois avant l’accident, il a remarqué le bruit. Il n’a toutefois pas effectué de demande de travail officielle. Il n’a jamais entendu un bruit comme un coup de fusil de calibre 12 auparavant au CS-01.
  16.     À sa déclaration donnée aux policiers, il écrit plutôt que c’est un mois avant l’accident qu’il s’aperçoit des problèmes qui affectent le CS-01.
  17.     Il n’a pas remarqué qu’il y avait un problème de roues de train le 6 juin 2019. Il n’a pas remarqué qu’il y avait une roue brisée. Il n’a rien vu. Il chiffre à environ cinq le nombre de boulons manquants sur le garde-chaîne dans la journée du 6 juin 2019. Il ne peut pas dire où, c’est sur toute la longueur du garde.
  18.     À ses déclarations données aux policiers, il ne parle pas du fait qu’il manque des boulons sur le garde.
  19.     En ce qui concerne l’expression qui décrit le bruit effectué par le CS-01 au changement de direction, soit un coup de 12, d’autres employés ont utilisé cette expression devant lui.
  20.     Ce témoin subit l’influence de ses collègues de travail, ce qui affecte sa crédibilité.  De plus, il a une tendance à l’exagération. La fiabilité de son témoignage est également affectée. Cela concerne notamment la période depuis laquelle il percevait un bruit problématique sur le CS-01 et la question des boulons qui n’a même pas été dénoncée aux policiers, mais sur laquelle il est très précis au procès, près de cinq ans après le fait.

R) Gabriel Bourgeois

  1.     Gabriel Bourgeois est un ingénieur mécanique de formation.  Il occupe un emploi chez l’accusée d’août 2017 à mai 2021.
  2.     Il travaille dans différents secteurs d’activité de l’accusée, soit dans le secteur de l’entretien, du pompage et, par la suite, dans le secteur de la lubrification et de la vibration. Son rôle est en partie préventif. Il occupe un poste de planificateur.
  3.     Dans le cadre de cet emploi, il reçoit des formations particulières en ce qui a trait à la vibration et la lubrification. Certaines de ces formations sont données par des formateurs de l’externe.
  4.     En ce qui a trait précisément à l’équipement du CS-01, il constate sa vétusté. Il constate également la désuétude et les technologies dépassées qui découlent de l’utilisation de cet équipement.
  5.     Dans le cadre de sa charge de travail, Gabriel Bourgeois s’occupe également d’autres équipements en ce qui a trait au graissage, aux changements d’huile et aux bonnes pratiques pour assurer leur fonctionnement. Il s’occupe du respect des règles de santé et sécurité à cet égard.
  6.     Le CS-01 a la particularité de nécessiter beaucoup d’attention, c’est-à-dire des interventions fréquentes de la part des équipes d’entretien. Cet équipement opère dans un milieu très poussiéreux. Lorsque la roche qui a été extraite de la mine tombe dans les différents silos, à l’aide du convoyeur à navette, cela crée de la poussière. La poussière est l’ennemi des lubrifiants.
  7.     Dans le cadre de ses fonctions, Gabriel Bourgeois observe qu’il existe différents calendriers d’entretiens. Plusieurs de ces entretiens sont planifiés en fonction des arrêts. Certaines demandes ont un caractère plus urgent et pressant. Le jeudi de chaque semaine, il y a revue de l’horaire de la semaine à venir en ce qui concerne ces entretiens. Les entretiens peuvent à l’époque se diviser en quatre catégories :
  1. Les entretiens pressants qui doivent être effectués dans la semaine, et ce, sans planification;
  2. Les entretiens urgents qui doivent être effectués dans un délai de 24 heures;
  3. Les entretiens planifiés dont la planification s’échelonne sur une période entre une semaine allant jusqu’à dix à quinze semaines;
  4. Les entretiens en opportunité, c’est-à-dire des entretiens ni pressants, ni planifiables qui se font à certains moments précis, par exemple, lors des arrêts.
  1.     Toutes les demandes d’entretien transigent par le système IVARA. Souvent, les demandes urgentes et pressantes sont traitées par les contremaîtres, tandis que les demandes planifiées et d’opportunité sont sous la charge des planificateurs.
  2.     Des réunions quotidiennes traitent de ces différentes demandes d’entretien qui sont attribuées à une équipe d’employés. Ces réunions visent à prioriser les demandes d’entretien et à les répartir aux différentes équipes de travail.
  3.     Les réunions concernant l’entretien impliquent l’ensemble des superviseurs. Dans ce que l’on appelle l’équipe naturelle, se retrouvent des superviseurs mécanique, d’entretien à la production du concentrateur et du concasseur, les superviseurs d’opérations du concentrateur et du concasseur, parfois des fiabilistes, également le coordonnateur des arrêts (Eris Virgüez), dont la présence est systématique parce que c’est sa rencontre. C’est la personne qui anime et prend le leadership de l’ensemble des cadres. Il y a, encore là de façon non systématique, la présence de chefs de sections ou d’employés qui viennent de temps à autre pour assister à la rencontre pour un motif précis.
  4.     Gabriel Bourgeois qualifie les relations de cette équipe de superviseurs de bonnes relations d’équipe.
  5.     Lorsque Gabriel Bourgeois rencontre les policiers le 11 décembre 2019, il fournit une déclaration. Il dessine également sur un croquis[52] le secteur du shuttle où l’on voit notamment les deux convoyeurs à navette qui passent au-dessus des silos. Il précise que ces convoyeurs ont deux sens de rotation et qu’ils se déplacent dans deux directions, soit les directions nord-sud. Sur le croquis P-199, se retrouve également un local où peuvent se rendre les PROS qui est également appelé le CAB.  De même, l’ascenseur qui permet de se rendre à l’étage du CS-01 y est identifié. Cet équipement se situe à la frontière entre le secteur du concasseur et du concentrateur.
  6.     Gabriel Bourgeois a souvent à se déplacer dans le secteur du CS-01. Il se rend sur place, notamment pour juger de la criticité des équipements. Entre autres, dans la période visée par les accusations, il s’y rend pour évaluer la criticité du défaut du roulement de l’arbre de courroie du CS-01. Il visite les lieux le 31 mai 2019 et prend plusieurs photos. Sa visite fait suite à des informations qui émanent de David Young, qui relève certaines anomalies, notamment sur l’arbre de courroie du convoyeur.
  7.     Il veut assouvir sa curiosité à la suite des propos alarmistes qu’il entend. Il se rend sur les lieux pour évaluer l’ampleur de l’urgence.
  8.     Il prend la photo que l’on retrouve en pièce P-200 A. Il la prend après avoir observé que le joint de roulement du CS-01 était « débarqué »  de son logement et que l’efficacité du joint est nulle à cet endroit. Sur le boîtier du CS-01, il observe une fissure. Il y a également un orifice d’inspection qui ne comporte plus son couvercle.
  9.     À la photo, pièce P-200 B, il observe un autre endroit sur le CS-01 où il manque un couvercle sur un orifice d’inspection. À cet endroit, sous le joint de l’orifice, il remarque une fissure qui se trouve sur le garde-chaîne.
  10.     En ce qui a trait à la pièce P-200 C, il a pris une photo où il observe une déchirure sous un couvercle qui referme l’un des orifices d’inspection sur le garde-chaîne du          CS-01. Sous ce couvercle, on peut observer la déchirure et les coulisses d’huile qui s’écoulent du garde. La photo, pièce P-200 C, démontre une portion du boîter d’engrenage du CS-01 du côté du corridor (côté ouest).
  11.     La photo, pièce P-200 D, démontre également les coulisses d’huile, mais sous un autre angle. Cela démontre l’ampleur de l’écoulement d’huile.
  12.     Gabriel Bourgeois précise que, lorsqu’il se rend à proximité du CS-01 le 31 mai et prend des photos, il va à cet endroit pour vérifier le joint d’étanchéité et non spécifiquement le garde-chaîne. 
  13.     Il affirme qu’il considère à ce moment qu’il y avait un problème avec le garde-chaîne et qu’il y avait un risque de rupture et donc, de bris d’équipement. Son constat est à l’effet que l’équipe de la lubrification ne pouvait rien faire pour régler ce problème. Il devait y avoir un changement du roulement.
  14.     Les problèmes ont refait surface à la suite d’une demande de suivi de David Young, qui a fait part de ses inquiétudes.  David Young demande un suivi à ce sujet au dispatch à 8 h.
  15.     Il y a également Pierre-Luc Hubert qui avait fait une demande de travail, il partage l’information le 4 juin au matin.
  16.     Par la suite, à sa connaissance, il ne se passe rien avant le 4 juin 2019.  Pour Gabriel Bourgeois, il y a lieu de s’assurer de faire les suivis adéquats aux problèmes observés et de faire « cascader » le problème.  Gabriel Bourgeois envoie un courriel aux superviseurs du concasseur et planificateurs avec les demandes de travail en référence[53].  Il insiste sur le travail qu’il y a à faire et sur l’importance d’agir rapidement.
  17.     Le jeudi matin, le 6 juin 2019, alors que des employés purgent le roulement, il perçoit beaucoup de bruit provenant du garde-chaîne du CS-01. Il y a une grande amplitude de la chaîne.  Il n’a pas envie de rester à côté.  La chaîne frappe avec violence.
  18.     Dans les ouvertures du garde, il voit des mouvements anormaux de la chaîne.
  19.     Malgré le bruit, aucune mesure de sécurité additionnelle n’est en place.  Il y a écoulement d’huile, donc un risque que le garde-chaîne se vide. 
  20.     Selon lui, le 31 mai 2019, il y a urgence d’agir pour le roulement et non pour la chaîne.  Le mercredi suivant, c’était différent.  Des employés ont purgé le roulement.  La correction de la chaîne doit se faire le 11 juin.  Concernant le mercredi 5 juin, il témoigne en interrogatoire principal à l’effet que le garde-chaîne est vraiment inquiétant.
  21.     Le lendemain, le jeudi 6 juin, il est convoqué en urgence à la réunion menée par Eris Virgüez avec les autres personnes en autorité. Le problème de la chaîne est encore bien présent.  Le remplacement du roulement s’ajoute.  On parle des enjeux.  Il est question de santé et sécurité.
  22.     La rencontre débute à 9 h 30.  Elle fait suite à l’impasse de la réalisation des différents travaux requis. Le constat est à l’effet qu’il est impossible de tous les réaliser en même temps que l’arrêt de la ligne sept.  Cet arrêt n’est pas suffisamment long pour tout effectuer.  Il est décidé de reporter les travaux qui concernent la chaîne au 11 juin.
  23.     Le 6 juin 2019, il considère que le graissage, c’est de tenter le tout pour le tout, puis qu’il existe une défaillance de cage. C’est un genre de vœu pieux, considérant l’ampleur des problèmes.
  24.     Il considère qu’il n’y a pas de mesures de sécurité particulières qui sont prises.  Avant l’accident, il n’y a pas de périmètre de sécurité.
  25.     Il prend la décision que le joint d’étanchéité problématique va rester là, car le changer est un coup d’épée dans l’eau.
  26.     En contre-interrogatoire, il fait état de toutes les formations reçues chez l’accusée, dont les formations en santé et sécurité au travail.
  27.     Le CS-01 est ce qu’il qualifie d’une bibitte. Il s’agit d’un équipement à la technologie dépassée.  Il n’a jamais rien vu de semblable.
  28.     Il précise que les rencontres de gestion quotidiennes s’ouvraient avec la santé et la sécurité, c’est-à-dire les accidents et incidents survenus, et ce, à tous les matins.  Il n’y avait pas de réunions spéciales concernant des enjeux de sécurité, car c’était abordé dans la réunion standard.
  29.     Après la réunion, il faisait la distribution des tâches à ses employés avec les informations requises. Le but recherché est la bonne exécution du travail. Il n’y a pas systématiquement de consignes de sécurité sur les consignes écrites des bons de travail. 
  30.     Quotidiennement, à 14 h, il y avait une rencontre de l’équipe naturelle pour faire le suivi des travaux en cours et de leur progression. 
  31.     Le 31 mai 2019, il ne perçoit rien de particulier quant au bruit de la chaîne du         CS-01.  Il enregistre une vidéo à cet effet.  Le vidéo comporte du son.  Le but de la vidéo était pour preuve du son ambient au CS-01 à ce moment.  Elle a été envoyée par courriel à Rock Desmarais, un conseiller en santé et sécurité. 
  32.     Gabriel Bourgeois n’a plus la vidéo. Quand il a fourni sa deuxième déclaration aux policiers en décembre 2019, il avait encore la vidéo.  Il ne se souvient pas s’il a exhibé la vidéo aux enquêteurs. 
  33.     Toujours le 31 mai 2019, la température du roulement du CS-01 a été prise et lui est apparue normale.
  34.     Il reconnaît qu’en interrogatoire principal, il a erré concernant le nombre de couvercles d’inspection manquants sur le garde-chaîne du CS-01, dans le cadre de son analyse des photographies déposées sous P-2.
  35.     Gabriel Bourgeois précise qu’il a fait deux déclarations concernant les évènements du 7 juin 2019. Il signe la première déclaration le 8 juin 2019, soit le lendemain de l’accident. Il précise que le but de cette première déclaration est de se décharger mentalement. Il rédige cette déclaration seul, à l’aide de son ordinateur. En tant qu’ingénieur, il se doute qu’il y aura une suite aux évènements du 7 juin 2019. L’enquête policière n’est pas débutée.
  36.     Dans la déclaration rédigée le 8 juin 2019, il écrit qu’il ne considérait pas qu’il y avait de danger imminent émanant du CS-01, puisque le garde, qui était bien en place, offrait une protection respectable et l’état général de l’équipement offrait une protection équivalente à celle de ce garde. 
  37.     Confronté à une opinion qui est bien différente aujourd’hui, il répond qu’il a « écrit ça sous le choc ».
  38.     Comment concilier le fait qu’en septembre 2024, il voit les choses différemment?  À titre d’ingénieur, est-ce qu’il voulait se protéger le lendemain des évènements en rédigeant une déclaration selon laquelle le CS-01 ne représentait pas un danger?  Est-ce que c’est réellement ce qu’il croyait à l’époque et que ses perceptions se sont modifiées avec le temps?  Il s’agit d’hypothèses.  
  39.     Toutefois, la crédibilité et la fiabilité de son témoignage sont affectées. L’intérêt du témoin est en jeu.  La compatibilité du témoignage avec l’ensemble de la preuve, dont la première déclaration fournie le lendemain de l’accident, soulève d’importantes questions.

 

S) Diane Tremblay

  1.     Diane Tremblay est à l’emploi de l’accusée de 2018 à 2020. Elle occupe actuellement un poste de directrice corporative pour une compagnie minière qui fait le commerce de produits diversifiés à l’international.
  2.     À l’époque où elle est à l’emploi de l’accusée, elle occupe un poste de directrice de la santé et la sécurité au travail. Elle définit son rôle comme celui de travailler à la protection des installations, la prévention et la protection des blessures et accidents de travail. Soixante employés se rapportent à elle comme directrice.
  3.     Lorsqu’elle arrive en fonction, elle indique que l’accusée n’a pas de programme de santé et sécurité. Il y a lieu d’en développer un.
  4.     Chez l’accusée, elle a la responsabilité d’un programme de prévention en matière de cadenassage.
  5.     En ce qui concerne la sécurité des machines, elle explique qu’il y avait des opportunités d’améliorations chez l’accusée qui, selon son évaluation, ne répondait pas toujours aux normes.  Elle réfère ici aux normes de la CNESST.
  6.     La sécurité des machines comprend tous les équipements fixes, qu’il s’agisse de perceuses ou de convoyeurs à navette. Il y avait une quantité très importante de ces machines chez l’accusée.
  7.     À l’époque, son rôle est de s’assurer que les gens soient formés. L’une de ses premières actions est alors d’engager un consultant en santé et sécurité au travail pour former les gens concernant la protection des personnes à l’égard des machines. Ce consultant s’est associé à l’équipe de Fermont. Il y avait lieu d’analyser le risque en se rendant en usine pour faire de telles analyses. Un tel programme représente des mois de travail. Elle indique que ce projet a été bloqué pendant des mois, faute de financement.
  8.     Durant son lien d’emploi avec l’accusée, elle passe environ 60 % de son temps aux installations de l’accusée situées à Fermont et 40 % de son temps aux installations de Port-Cartier. Elle explique qu’elle passe plus de temps à Fermont parce qu’il y a des installations comme une mine. Il n’y a pas de mine à Port-Cartier. Les risques sont, par conséquent, plus élevés à Fermont.
  9.     À la suite de l’accident, Diane Tremblay agit à titre de coordonnatrice des différentes enquêtes qui ont eu lieu : l’enquête interne de l’accusée[54], l’enquête de la CNESST, de même que l’enquête policière.
  10.     Elle agit également en tant que lien de coordination avec la haute direction de l’accusée. Elle se trouve, en fait, à démarrer le processus d’enquête interne.
  11.     En tout premier lieu, elle cherche à obtenir des informations sur la santé de Jason Lemieux. Dans le cadre de la mise en place d’une équipe d’enquête, elle coordonne les opérations et se charge des communications avec le PDG.  Elle communique avec le secteur des opérations et de la maintenance.
  12.     L’enquête interne débute par une collecte des faits. L’équipement problématique est cadenassé pour s’assurer qu’il n’y ait aucune autre blessure. De plus, la zone est sécurisée pour pouvoir effectuer l’enquête. L’accès y est restreint, les lieux sont balisés au fin de permettre aux différents enquêteurs et inspecteurs, incluant la CNESST, d’effectuer leur travail. Diane Tremblay s’assure que ce soit fait et bien fait.
  13.     Elle précise que, dans le cadre de son travail, le type d’accident qui est survenu est inusité au sein de l’organisation, notamment en lien avec le type de lésions affectant Jason Lemieux. Donc, après l’accident du 7 juin 2019, Diane Tremblay discute avec des personnes ciblées à la direction pour s’assurer que les bonnes mesures sont en place.
  14.     Elle commence à coordonner la mise en place de son enquête. Elle s’assure que le convoyeur impliqué dans l’accident soit cadenassé et qu’il n’y ait pas de contamination de la scène de l’accident aux fins d’enquête.
  15.     Il y a, par conséquent, un arrêt de production qui touche le CS-01. Elle ne peut pas indiquer ce que cela représente comme perte de production en termes de tonnage. Elle ne le sait pas. Elle ne sait pas non plus combien de lignes de production ont dû être arrêtées.
  16.     Avant que le CS-01 ne reprenne ses activités, des modifications doivent être effectuées. L’ensemble du convoyeur doit être sécurisé. Dans le cadre de ses activités, Diane Tremblay est accompagnée d’Édith Provencher, qui travaille dans le même service qu’elle chez l’accusée.
  17.     Diane Tremblay est chargée de recevoir les enquêteurs de la CNESST et de les mettre à niveau. Elle se rapporte au PDG. Elle a des discussions avec les directeurs Eric Moisan, Manon Bilodeau et Patrice Gilbert. Les communications sont constantes à la suite de l’accident, soit un feu roulant de communications.
  18.     Elle a également le rôle d’informer et de rassurer les équipes, incluant le syndicat qui joue un rôle paritaire. Elle obtient également de l’information sur le profil d’employé de Jason Lemieux. Elle a des communications avec Patrice Gilbert, qui est surintendant des opérations. Elle communique également avec le PDG de l’accusée pour lui expliquer notamment comment se passe l’enquête.
  19.     Lorsque la CNESST est présente sur les lieux après l’accident, Diane Tremblay est présente en continu, accompagnée d’Édith Provencher.
  20.     Dès l’arrivée des enquêteurs de la CNESST, il y a de nombreux échanges d’informations. Diane Tremblay collabore avec les enquêteurs de la CNESST. Ils sont installés dans les locaux de l’accusée. Elle est sur les lieux de l’accident avec eux. Elle se rend sur les lieux pour une visite et y fait différents constats. Elle parcourt les allées qui se trouvent juste à côté du convoyeur installé sur rail, autant du côté ouest que du côté est, à l’endroit où l’on retrouve un passage piétonnier.
  21.     Il est très important pour Diane Tremblay de protéger la scène. Il n’est pas possible d’apercevoir le cadenassage de l’équipement sur les photographies.
  22.     Diane Tremblay réitère que l’accès à la scène est balisé, voire barricadé. Personne ne peut y entrer.
  23.     À la photo numéro 3 de la pièce P-2, Diane Tremblay poursuit ses observations. Elle cible l’endroit où se retrouvent les garde-corps, à proximité des rails du convoyeur. Outre les garde-corps, elle indique qu’il n’y a pas de gardes de protection à proximité des rails. Il n’y a aucun garde.
  24.     Les gardes, selon l’explication de Diane Tremblay, permettent d’éviter une prise de contact de la machine avec la partie du corps d’un être humain qui pourrait se trouver à proximité. Selon elle, il devrait y avoir un garde à cet endroit.
  25.     Diane Tremblay vit des émotions en se rendant sur les lieux après l’accident. Elle ressent un sentiment d’échec, considérant sa position chez l’accusée à ce moment.
  26.     Durant l’enquête, la cueillette des faits s’effectue les 8 et 9 juin 2019. Dans le cadre de ses fonctions et des enquêtes qui ont eu lieu, des centaines d’informations de toutes sortes sont échangées avec les inspecteurs de la CNESST.
  27.     Après l’accident, il a fallu effectuer une remise en marche sécuritaire des convoyeurs. Cette procédure a pris quelques semaines.
  28.     Diane Tremblay a offert son entière collaboration à la CNESST et la Sûreté du Québec dans le cadre de la réalisation de leur enquête respective.
  29.     En ce qui concerne le CS-01 précisément, elle explique qu’il n’y avait pas de normes d’assujettissement internes spécifiques. On s’appuyait sur les lois et les règlements pour les normes de santé et sécurité au travail visant cet équipement. Cette affirmation s’applique aux opérations et à la maintenance.
  30.     En contre-interrogatoire, Diane Tremblay confirme avoir participé à trois enquêtes différentes, soit celle de la CNESST, celle de l’accusée et celle de la Sûreté du Québec. Elle confirme avoir eu des échanges avec deux policiers de la Sûreté du Québec en présentiel, le ou vers le 8 juin 2019. Elle n’est pas certaine de la date, mais indique que ce n’est pas plus loin que le 10 juin 2019.
  31.     Les policiers voulaient obtenir de l’information de sa part, par exemple, le nom de la victime, son occupation, des dates, des informations génériques. À son souvenir, c’est la seule interaction qu’elle a avec les policiers. Elle n’a pas de souvenir d’avoir donné une déclaration aux policiers par la suite. Elle leur aurait communiqué des informations verbalement.
  32.     Lorsque questionnée en ce qui concerne le PDG de l’accusée au moment de l’accident de Jason Lemieux, elle confirme avoir eu un nombre répété de communications avec lui, mais n’a aucune idée du nombre. Les communications étaient en continu, à certains moments, plusieurs fois par jour entre le moment de l’accident et la sortie du rapport qu’elle a préparé.
  33.     Elle indique que le président directeur général de l’époque est Mapi Mobwano.
  34.     L’avocat de l’accusée lui exhibe un mémo interne adressé aux employés. Ce mémo, dont elle avait certainement pris connaissance, indique la nomination d’un nouveau PDG chez l’accusée en mai 2019 qui n’est pas Mapi Mobwano.
  35.     Les souvenirs de Diane Tremblay sont flous à cet égard. Pour elle, Mapi Mobwano est le PDG de l’époque.
  36.     L’avocat de la défense présente un deuxième mémo à Diane Tremblay, dont elle ne se souvient pas. Ce mémo fait référence à Jean Ouellet et elle ne se souvient pas si Jean Ouellet a été PDG pendant qu’elle travaillait chez l’accusée. Elle se souvient qu’il occupait des fonctions dans la haute direction, mais pas plus.
  37.     En ce qui concerne Eric Moisan, elle confirme lui avoir parlé dans les heures qui ont suivi l’accident. Elle lui a parlé en personne pas plus tard que le 9 juin.
  38.     Encore là, ses souvenirs sur le sujet ne semblent pas très fiables, il y a des hésitations et les réponses peuvent varier.

T) Yves Downing

  1.     Yves Downing a fait carrière dans la gestion de projets de construction dans le domaine du génie mécanique. Il obtient un diplôme d’études collégiales dans ce domaine.  Par la suite, il poursuit des études en ingénierie à Provo, dans l’Utah, aux États-Unis.  Il ne complète toutefois pas sa formation en génie mécanique.
  2.     Dans le cadre de différents projets de construction dans le domaine de l’ingénierie mécanique, il travaille à des projets reliés à la ventilation industrielle et des centrales thermiques. Il gère différents projets à l’international de 1973 à 1985. Il quitte momentanément le domaine et reprend son travail dans le domaine de l’ingénierie mécanique par la suite.
  3.     Il témoigne à titre de témoin de faits, le poursuivant ne demandant pas à ce qu’il soit qualifié de témoin expert.
  4.     À partir de 2005, il occupe des fonctions de consultant pour la Compagnie minière Québec Cartier[55], tout d’abord à Port-Cartier, puis à Mont-Wright. Il coordonne les différents entrepreneurs sur des chantiers qui visent notamment les installations de l’accusée. Il supervise les travaux selon les attentes.
  5.     Il travaille à Mont-Wright et se familiarise avec les différents convoyeurs, dont les CB-01, CB-02, CS-01 et CS-02. Par la suite, son mandat évolue.  Il devient responsable de l’installation de tous les convoyeurs dans la nouvelle usine.
  6.     Au départ, les lignes un à six des installations de la mine produisent l’équivalent de 18 millions de tonnes de minerai de fer. En ajoutant la ligne sept, la production augmente de six millions de tonnes additionnelles, soit le tiers de la production. C’est la firme       SNC-Lavalin qui est chargée du projet et qui effectue les calculs. 
  7.     Lors de l’ajout de ces lignes additionnelles, il y a lieu de modifier les convoyeurs à navette CS-01 et CS-02. 
  8.     Alors, Yves Downing observe que la pierre (minerai) est plus grande qu’anticipée et qu’il y a des impacts plus importants pour les convoyeurs à navette. Il fait rapport de cette constatation. L’information suit son cours dans le cadre du projet d’expansion qui se réalise sur deux ans. Ce projet débute en 2011 et se termine en 2013.
  9.     En ce qui concerne spécifiquement les installations des convoyeurs à navette      CS-01 et CS-02, le CS-01 est le deuxième à être installé.  Les lignes de transport s’allongent. Les travaux pour le CS-01 et le CS-02 dans le cadre de ce projet sont un copier-coller.
  10.     Les convoyeurs se déplacent et remplissent deux silos à la fois, pas nécessairement au même rythme. Ils se déplacent dans un sens horaire et anti-horaire. Ils sont bidirectionnels. Ces convoyeurs existent à l’époque, depuis environ 40 ans. Ils ont subi maintes transformations.
  11.     Dans le cadre de ce projet d’expansion, en enlevant les vieux équipements, Yves Downing s’aperçoit qu’il y avait des tendeurs de chaîne à l’intérieur des gardes des CS. Ces tendeurs de chaîne avaient pour but d’éviter que la chaîne ait une déflection importante.
  12.     Les modifications au CS-01 débutent en 2012. Yves Downing observe que les CS sont très sollicités. Des bris mineurs sont souvent observés.
  13.     À partir de ces modifications, les CS-01 et CS-02 ont différents problèmes au niveau du système d’entraînement. Il s’agit notamment de problèmes avec les chaînes, c’est-à-dire que les chaînes ne sont pas suffisamment tendues.
  14.     À l’aide du personnel de chez Sotecma, le concepteur, Yves Downing s’aperçoit qu’il manque une maille à la chaîne pour avoir la circonférence requise pour qu’elle soit suffisamment tendue. Puisque la chaîne n’est pas tendue à l’intérieur du garde, il y a une cambrure et la partie inférieure frotte dans le fond du garde-chaîne.
  15.     En conséquence, Sotecma fabrique de nouveaux gardes qui doivent être plus solides (plus épais), dans lesquels on trouve des plaques avec un type de matériau appelé UHMW [56], lequel a une capacité de glisse qui devait permettre d’éviter la friction. Cela ne règle pas le problème.
  16.     Le problème de tension de la chaîne fait l’objet de plusieurs essais et erreurs. À un certain moment, Yves Downing trouve une solution à la fameuse maille manquante, soit un déplacement du moteur (par l’intermédiaire d’un trou oblong) et l’ajout de la fameuse maille supplémentaire, la maille patente (ou demi-maille), pour permettre de régler le problème de tension de la chaîne et d’usure prématurée du garde. Ces problèmes avec la chaîne amènent du bruit et de la vibration dans l’équipement.
  17.     La cambrure de la chaîne passe de 100 à 125 millimètres jusqu’à 25 millimètres.   Cette solution est mise en place vers 2012 – 2013.
  18.     Yves Downing prépare un rapport, pièce P-78, à la demande de Denis Doucet. Il prépare ce rapport sur quelques semaines.  Ce rapport doit permettre d’assurer un suivi en ce qui a trait aux actions à prendre concernant les CS. Il s’agit d’une sorte de mémoire des modifications liées à cet équipement.
  19.     Avec les changements apportés aux CS, il y a des changements au niveau des garde-chaînes. Il n’y a plus de tensionneurs de chaînes. Lorsque les convoyeurs ont été modifiés, on a allongé les centres en centres des poulies d’entraînement, ce qui amenait plus de problèmes au niveau de la chaîne.
  20.     L’objectif d’Yves Downing était de régler le problème de la chaîne de façon mécanique et non pas en ajoutant d’autres composantes qui pourraient être problématiques.
  21.     Par rapport à la chaîne, Yves Downing constate, durant la période où il travaille aux modifications, une dizaine de bris sur une période de deux ans. Déjà en 2014, on peut observer des coulisses d’huile et un problème à maintenir l’huile dans les gardes. La tôle se fatigue, il y a des fissures et l’huile coule. Yves Downing fait installer des fenêtres d’observation sur les garde-chaînes. Cela permet d’observer le niveau d’huile dans le garde-chaîne. La chaîne, à force de frapper dans le fond du garde, faiblit, c’est ce qu’il observe.
  22.     À partir de 2014, après qu’il y ait déplacement du moteur d’entraînement, il observe que les problèmes semblent se régler.
  23.     L’accusée a une volonté de documenter les correctifs apportés sur les équipements pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Le rapport est destiné aux personnes clefs de la société aux niveaux hiérarchiques de l’administration et de la production. Dans son rapport, Yves Downing documente chaque démarche qu’il effectue à titre de responsable des convoyeurs.
  24.     Le rapport relate ce qui a été fait et les suivis qui doivent être apportés par l’accusée, qui est un travail effectué en collaboration avec l’entrepreneur indépendant Sotecma[57]. Yves Downing précise qu’il était fier de la rédaction de son rapport qui l’a conduit à la fin de son mandat. Il ne sait pas ce qui s’est produit avec ce rapport, puisqu’il a terminé son mandat pour l’accusée en juillet 2014.
  25.     À sa connaissance, avant qu’il ne produise le rapport, Downing 2014 (pièce P-78), ce type de document n’existe pas au sein de la compagnie.
  26.     En interrogatoire principal, Yves Downing revient sur la conception des convoyeurs CS. Il y a un garde du côté droit et il y a un garde du côté gauche. Les deux côtés sont miroirs (symétriques). Il y a, par conséquent, deux types de gardes : un garde dont la forme est conçue pour le côté droit et un garde dont la forme est conçue pour le côté gauche. Des modifications ont été faites pour rendre la forme de ces gardes universelle, c’est-à-dire qu’il s’agirait désormais du même garde autant pour le côté droit que pour le côté gauche.  
  27.     Aujourd’hui, il perçoit que les dirigeants auraient dû installer un système différent qui aurait été plus sécuritaire, soit un système avec moins de pièces mobiles pouvant se briser et mettre en péril la santé des travailleurs.
  28.     Pour les actions à prendre[58], il indique qu’en général, les échéances indiquées étaient respectées, mais les dirigeants pouvaient couper une période de quatre heures pour l’exécution des travaux qui devaient se faire plus rapidement. Il constate que, lorsque les gens travaillent plus vite, il y a davantage de petites erreurs.
  29.     Certains travaux étaient sous la responsabilité d’entrepreneurs indépendants[59].
  30.     Il explique que les garde-chaînes sont là pour protéger le personnel et non pas pour protéger l’équipement de la compagnie.
  31.     Ce qu’il y a dans son rapport constitue, selon lui, la base des travaux qui devaient être effectués. En ce qui concerne les CS, Yves Downing n’a jamais rien vu de comparable. Les convoyeurs à navette sont très rares. Les CS sont des équipements complexes qui ont besoin d’être entretenus. Ils comportent beaucoup de pièces mobiles.
  32.     En page 11, les photos démontrent qu’on a réussi à réduire la cambrure de la chaîne.
  33.     La page 12 de son rapport prévoit une méthodologie de suivis et d’entretiens et une routine d’inspection pour le personnel d’entretien. À sa connaissance, ce type de document n’existait pas pour les CS avant 2014.
  34.     Yves Downing recommandait des vérifications hebdomadaires, mais de son côté, il passait dans le secteur des CS à tous les jours.
  35.     Yves Downing se déclare satisfait des travaux qui ont été faits au moment de son départ, malgré qu’il aurait aimé voir des convoyeurs avec un autre système d’entraînement.
  36.     Il conclut son rapport en disant que les travaux ont été exécutés correctement et que tout semblait fonctionner de façon normale. La seule recommandation qui n’était pas respectée était celle de changer le système d’entraînement par un système d’entraînement direct. Selon lui, cela aurait pu faire une différence.
  37.     À l’égard du CS-01 (côté est), Yves Downing explique qu’en 2014, il y a un bris de la chaîne qui défonce la partie du bas du garde-chaîne. Alors, il donne des consignes pour sécuriser le secteur et éviter que ne survienne un accident. Questionné sur ses observations à l’égard du secteur du CS-01, il précise que cela fait 15 ans qu’il ne travaille plus pour l’accusée, mais qu’il se souvient que, lors des bris, les délais étaient courts pour effectuer les travaux, et que le but de l’accusée était de reprendre la production.
  38.     Le contre-interrogatoire révèle que Yves Downing va à Fermont pour la première fois en 2011. Il est porté à sa connaissance qu’il y a des problèmes de productivité avec la mine.
  39.     Il confirme qu’à l’époque de sa présence à Mont-Wright, la préoccupation principale de l’accusée est l’augmentation de la productivité.
  40.     SNC Lavalin était le maître d’œuvre des travaux de modifications des CS où il a été impliqué. Yves Downing a eu l’occasion de se rendre à Montréal pour notamment regarder les plans. Il y avait également la firme BBA qui était impliquée, à titre de sous-traitant, de même que Sotecma.
  41.     Plus précisément, Sotecma, à titre de manufacturier, était responsable de la conception des CS, c’est-à-dire de leur fabrication et leur modification.
  42.     Sotecma était chargée de la conception, dont des dessins qui étaient approuvés par un ingénieur. De plus, SNC-Lavalin vérifiait le travail de Sotecma à titre de maître d’œuvre.
  43.     Donc, Sotecma a fourni des garde-chaînes qu’elle a fabriqués. Les réparations étaient faites de concert par l’accusée et Sotecma.
  44.     Lorsque des problèmes survenaient, si les problèmes étaient mineurs et que le personnel de l’accusée pouvait rapidement trouver une solution, elle n’interpellait pas nécessairement Sotecma. Toutefois, lorsque les problèmes étaient majeurs, Sotecma était impliquée.
  45.     Yves Downing confirme que la responsabilité de garantir l’équipement appartenait à Sotecma.
  46.     Par rapport aux convoyeurs, même si la vitesse d’exécution des machines a été augmentée, la partie « entraînement » des CS n’a jamais été modifiée. Par ses propos, Yves Downing touche précisément une problématique rattachée à la conception des CS.
  47.     En ce qui concerne la question de l’allongement de la chaîne, le contre-interrogatoire révèle qu’elle a pour but l’augmentation de la vitesse des convoyeurs. L’une des particularités des CS est à l’effet qu’ils bougeaient, contrairement à la majorité des convoyeurs qui sont fixes. Une précision est apportée à l’égard des vérifications pré-opérationnelles (VPO) ayant suivi les travaux de modifications.  En effet, après les travaux et avant la livraison, on doit s’assurer du bon état de fonctionnement et ainsi effectuer des vérifications. Il s’agit d’une vérification au niveau du fonctionnement et non de la conception.
  48.     Pour donner suite aux travaux de modification réalisés, le CS-01 a été mis en marche en juin 2013. Le CS-02 l’a été avant, soit en 2012. Dès la mise en marche, les problèmes ont continué. Toutes les semaines, il y avait des bris, entre la mise en service et le 3 avril 2014, soit jusqu’au bris de la chaîne du CS-01 (côté est).
  49.     Pendant cette période[60], il y a eu plusieurs bris et la chaîne s’écrasait dans le fond du garde.
  50.     Yves Downing a dû changer la chaîne à au moins deux reprises sur une période d’un an. La chaîne aurait dû avoir une durée de vie d’environ 300 000 heures, ce qui n’était pas le cas et il devenait important de trouver une réponse à ce problème.
  51.     Il confirme, après vérification, qu’il y aurait eu un bris de chaîne trois jours avant le bris de chaîne survenu le 3 avril 2014, soit exactement le 30 mars 2014.
  52.     Le 3 avril 2014, peu de temps après le bris de la chaîne, il se rend sur les lieux et fait lui-même des constatations. La chaîne s’était déposée dans le corridor du côté est.  L’endroit était alors non accessible et dangereux. Le corridor est très petit, il mesure environ de 30 pouces de large, à l’intérieur des garde-corps.
  53.     La zone a, par la suite, été sécurisée par une entreprise spécialisée dans les échafaudages, qui a bloqué le passage.
  54.     Questionné sur l’endroit sur la photographie en page 1 de son rapport[61], où on voit le garde-chaîne défoncé, Yves Downing identifie une pointe de tarte noire au-dessus du garde qui représente, selon ce qu’il a observé, le bris survenu au garde-chaîne.
  55.     À la suite de ce bris, l’accusée n’avait pas le garde-chaîne de rechange requis en inventaire. C’est à la suite de cet évènement que l’accusée consulte Sotecma pour rendre les garde-chaînes universels.
  56.     En ce qui concerne les recommandations quant aux actions à prendre par l’accusée, aux numéros 2 et 3 de la page deux de son rapport[62], ce sont les équipes de l’entretien de l’accusée qui s’en chargeaient.
  57.     En ce qui concerne la recommandation quatre, toujours en page 2, le témoin confirme que la durée de quatre heures pour effectuer les travaux était suffisante.
  58.     Pour régler le problème de tension de la chaîne, Yves Downing précise que la solution a été longue à trouver, soit plus d’un an.
  59.     Revenant sur la question de la cambrure de la chaîne, par rapport aux observations effectuées en page 11 de son rapport[63], Yves Downing spécifie qu’il est impossible de n’avoir aucune cambrure, à cause du poids de la chaîne. Sotecma est informée de ce fait.
  60.     Yves Downing confirme qu’au moment où il est consultant pour l’accusée, la possibilité d’utiliser un système d’entraînement à courroie pour les CS a été évaluée, mais que c’était impossible, considérant l’espace où ils se trouvaient. Le système était trop gros pour l’espace disponible. Les CS étaient les seuls convoyeurs à chaîne, ils étaient problématiques et Yves Downing aurait voulu les éliminer.
  61.     Il savait qu’avant les améliorations de 2012, il y avait un tendeur de chaîne pour les CS-01 et CS-02. Après les améliorations, il n’y en avait plus. Il a regardé la possibilité de faire fabriquer un tendeur de chaîne à nouveau pour ces équipements.
  62.     La conception d’un tendeur à chaîne pour une chaîne double, comme c’était le cas pour les CS, était possible, mais plus complexe.
  63.     Yves Downing a fait des démarches auprès des ingénieurs pour l’installation de tendeurs de chaînes. Si cela avait été possible, il leur aurait confiés cette responsabilité.
  64.     Au moment où il quitte, la question des tendeurs de chaînes sur le CS-01 n’est pas réglée. Il indique toutefois que cela n’a pas été remis en question, puisque les travaux qui avaient été effectués semblaient avoir réglé les bris de chaînes.
  65.     Bref, le travail qu’il avait effectué ne nécessitait plus, avant son départ, qu’on installe les tendeurs de chaînes.
  66.     En référence au paragraphe 3 de la page 14 de son rapport, Yves Downing indique que, si pour une raison ou pour une autre, les options de l’époque ne fonctionnent pas avec satisfaction, il existe des systèmes d’entraînement directs. Il explique que, dans un tel système, tout est contenu à l’intérieur d’un baril ou d’une cloison qui est complètement fermé. Toutes les parties mobiles du système d’entraînement du convoyeur sont contenues à l’intérieur de ce baril fermé. Donc, les chaînes ne sont plus nécessaires.
  67.     Yves Downing livre un témoignage clair, cohérent et plausible.  Il démontre une volonté de dire la vérité de bonne foi.  Son témoignage est crédible. Il est également fiable.

U) Mélanie Plante

  1.     À l’époque pertinente, son supérieur immédiat est Sonny Parent. Par le biais de l’accusée, elle reçoit différentes formations, dont des formations techniques et des formations en matière de lubrification des équipements. 
  2.     À la période de l’accident, l’accusée la libère pour faire partie d’un groupe de travail appelé un Kaizan. Ce groupe vise notamment l’amélioration de la productivité des convoyeurs CB et CS.  À cet égard, il vise l’éventuelle prolongation des délais entre les maintenances de ces équipements.
  3.     Au moment de l’accident, Mélanie Plante ne se trouve pas au sein des installations de l’accusée.  Elle est à la pêche et elle apprend l’accident qu’a subi Jason Lemieux de la bouche de Michel Rondeau.
  4.     Ce dernier lui offre son aide. Ses dirigeants la mandatent pour effectuer une analyse de défaillance.  En conséquence de cette analyse, elle rédige un rapport[64]. Elle remet son analyse de défaillance. Cette analyse comporte également une partie qui traite du programme d’entretien des actifs (PEA).
  5.     D’emblée, elle informe le Tribunal qu’elle ne possède aucune expertise concernant les chaînes.
  6.     Pour cette analyse, elle se réfère à différents ouvrages et à Michel Rondeau qui travaille en sa présence pour réaliser sa propre analyse, dans un atelier de réparation mécanique que tous identifient comme la shop à Arnold.
  7.     Le rapport de Mélanie Plante fait état de modifications au CS-01 survenues en 2013. Des déficiences découlent de ces modifications que l’accusée tente d’améliorer en continu.
  8.     Elle rapporte un évènement où la chaîne du CS-01 a rompu en 2014[65].
  9.     En 2019, la chaîne du CS-01 a été changée le 7 mars 2019, soit trois mois avant l’accident. Elle considère que c’est rapide, considérant la durée de vie habituelle de la chaîne dans un tel équipement[66].
  10.     L’analyse des résidus de la chaîne démontre des signes de frottement dans le garde. La chaîne s’est rompue à deux endroits au moment de l’accident. Des boulons étaient manquants sur le garde avant l’accident, mais il est difficile de savoir combien[67].
  11.     Les pièces retrouvées après l’accident font la démonstration de différentes traces d’usure. Toutes les pièces de la chaîne n’ont pas été retrouvées, plusieurs ayant probablement été projetées dans l’environnement qui se situe près du CS-01.
  12.     Les roues menées et menantes, qui faisaient tourner la chaîne, comportaient de l’usure observable après l’accident, particulièrement la roue menante qui effectue plus de révolutions que la roue menée[68].
  13.     Le garde-chaîne est constitué de deux sections.  La section du bas est supportée par deux supports boulonnés et soudés sur la structure du convoyeur CS-01. Cette section pèse 650 livres. La partie supérieure du couvercle n’a pas de support. Elle est boulonnée à la partie du bas par une bride faite d’un fer angle de 1 ¼ ‘’x 3/16 ‘’et de 30 boulons de 3/8’’.  Elle a un poids calculé à 460 livres. Le garde a deux fonctions principales, soit la protection humaine à l’encontre d’une machine qui peut être dangereuse et le fait de contenir l’huile nécessaire à la lubrification de la chaîne[69].
  14.     Le PEA est alimenté par les observations et demandes de travail des travailleurs.  Des maintenances y sont également préprogrammées. C’est un système qui vise à assurer l’entretien des actifs et pour ne rien « échapper » (système IVARA).
  15.     Mélanie Plante a répertorié les bons de travail concernant le CS-01, entre 2013 et 2019 sur un document qu’elle a préparé et qui est identifié sous la cote P-86.  Les demandes sont nombreuses.   
  16.     En ce qui concerne le PEA, des vérifications systémiques d’équipements sont implantées. La périodicité de ces vérifications varie en fonction des années et des modifications apportées aux équipements, dont au CS-01.  Il y a ce que l’on appelle des déclencheurs dans le système IVARA pour les bons de travail. Il pouvait arriver que l’on prolonge le délai entre deux maintenances.
  17.     Dans le cadre de son témoignage, Mélanie Plante a longuement commenté les photos de la pièces P-2[70]. Sans revenir de façon exhaustive sur ses commentaires, le Tribunal retient principalement les éléments qui suivent.
  18.     Le milieu de travail minier où se trouve le CS-01 est sale et poussiéreux. Les allées de circulation qui se trouvent à proximité des CS sont étroites. On peut y retrouver des boyaux par terre, entre autres, des boyaux qui servent au nettoyage. Les photos du garde-chaîne démontrent qu’après l’accident, il est sale et en mauvais état. De plus, une structure qui protège des fils électriques est retenue par un arrimage à cliquet.
  19.     En ce qui concerne la partie inférieure du garde-chaîne du CS-01 situé du côté est, il est possible de voir qu’il était, à l’époque, solidifié à l’aide d’un palan à levier (tire-fort).
  20.     Elle explique, à l’égard des nombreuses photos de garde-corps du secteur, qu’ils visent à empêcher les travailleurs de tomber dans les silos.
  21.     En contre-interrogatoire, Mélanie Plante précise qu’elle a obtenu de l’aide d’un collègue, soit Guy Laberge, lorsqu’elle est devenue fiabiliste au concasseur. Il a agi à son égard comme un mentor.
  22.     Elle connait bien la firme Sotecma pour laquelle travaillait Michel Rondeau.  L’accusée et Sotecma ont eu une longue relation d’affaires. Sotecma est associée à plusieurs projets qui concernent les convoyeurs, dont le CS-01.
  23.     À la connaissance de Mélanie Plante, le CS-01 existe depuis environ 1974.  Il est unique et problématique. Il s’agit d’un équipement complexe et critique en ce qui concerne la production de la mine.  Il génère énormément de travail. Outre la pièce P-86, il pourrait avoir généré 2000 tâches durant la période litigieuse.
  24.     Des arrêts programmés étaient prévus aux sept semaines environ.
  25.     Mélanie Plante n’a pas participé aux décisions concernant la conception du CS-01 et les modifications qui lui ont été apportées vers 2014.
  26.     Questionnée relativement à la pièce D-4[71], elle explique qu’il s’agit d’un bon de travail qui concerne le CS-01. Le bon de travail a été créé le 24 janvier 2019 par Nicolas Tremblay, le planificateur. Le statut du bon de travail indique qu’il est fermé, c’est-à-dire qu’il a été fermé par le planificateur.  Ce bon de travail sort une série de tâches à effectuer qui concernent le CS-01.
  27.     Le bon de travail a été exécuté par un entrepreneur indépendant. Le tout est confirmé par des cadres de l’accusée. Selon Mélanie Plante, le tout aurait, par conséquent, été exécuté.
  28.     En ce qui concerne la pièce D-5, elle commente également ce bon de travail[72].  Il comporte les mêmes tâches que D-4. Il a été créé le 19 avril 2019.  Il a été complété le 8 mai 2019.  Les tâches ont été complétées, mais pas nécessairement le 8 mai 2019. Patrick Thibeault, un contremaître y recommande une plus longue inspection pour la prochaine fois : « Pas d’anomalie à rapporté [sic], mais il faut remettre en question ce PEA, pour faire une bonne inspection il faut ouvrir le chain case et on parle de 8 heures minimum à 3 gars!!!! »
  29.     Avant 2019, Mélanie Plante n’a jamais été témoin d’un bris de chaînes au CS-01 ou au CS-02.  Elle a été témoin de fuites d’huile et non de bris de chaînes.
  30.     Le PEA est un outil de travail qui a été créé par l’accusée. C’est un programme volontaire qui s’assure que les actifs sont opérationnels. Le programme vise à éviter d’altérer la production. Certains entretiens se déclenchent automatiquement. D’autres séquences d’entretien sont déclenchées par le planificateur. Cependant, il y a des surprises et, par conséquent, des entretiens des actifs qui ne sont pas prévus.
  31.     Il y a un protocole en place pour s’assurer que le travail à effectuer dans le cadre du PAE est fait.
  32.     Le tire-fort qui se retrouve à la photo 84[73] se trouve sur le garde-chaîne situé du côté est et non du côté ouest.  L’accident de Jason Lemieux, lui, se produit du côté ouest.
  33.     Dans la dernière partie du contre-interrogatoire de Mélanie Plante, il est longuement question du CS-02, un convoyeur à navette semblable au CS-01, mais qui avait subi d’importantes modifications avant l’accident de 2019.  À la suite de ces modifications, il appert qu’il y avait toujours plusieurs problèmes électriques et mécaniques au CS-02.  Ces difficultés, ajoutées au volume de cette machine empiétant sur l’espace occupé par les garde-corps du secteur, ont reporté la conversion du CS-01.
  34.     Par conséquent, malgré les démarches de l’accusée, la solution à la conversion du CS-01 en un équipement plus fiable en termes de production n’était toujours pas trouvée[74].
  35.     À titre de témoin factuel, Mélanie Plante témoigne avec franchise.  Sa volonté de dire la vérité est évidente. Sa mémoire apparaît fidèle. Son témoignage est sobre et précis.

V) Dominic Gauthier

  1.     Dominic Gauthier témoigne à titre de témoin ordinaire et non de témoin expert.  Le poursuivant a renoncé à le faire qualifier de témoin expert.
  2.     Dominic Gauthier est conseiller en prévention à la CNESST. À l’époque de l’accident du 7 juin 2019, il est inspecteur pour la région de la Côte-Nord. Il est diplômé en relations industrielles et a, par la suite, poursuivi une formation universitaire en santé et sécurité au travail.
  3.     La fonction d’inspecteur de la CNESST est de faire appliquer la Loi sur la santé et sécurité au travail (LSST) et tout ce qu’elle comporte.  L’inspecteur doit s’assurer que l’employeur respecte ses obligations légales. Pour occuper la fonction d’inspecteur, la CNESST lui a dispensé différentes formations spécialisées à ce titre. Il s’agit, par exemple, de formations en sécurité des machines.  Il a également reçu une formation pour participer à des enquêtes.
  4.     À la suite de l’accident impliquant Jason Lemieux, il est mandaté pour enquêter chez l’accusée en compagnie de Karoline Therrien à Fermont, dès le samedi matin suivant l’accident.
  5.     Il devait enquêter sur les causes de l’accident, soit une enquête administrative qui n’avait pas pour but de trouver des coupables.
  6.     Les rôles sont divisés. Dominic Gauthier doit poser des questions, tandis que Karoline Therrien prend des notes et des photos.
  7.     À l’arrivée à Mont-Wright le samedi, ils sont attendus par les représentants de l’accusée. Édith Provencher est leur lien principal dans le cadre de leur enquête chez l’accusée.
  8.     L’enquête dure du 8 au 16 juin 2019. 
  9.     Une salle de réunion leur est dédiée dans les locaux de l’accusée.
  10.     L’enquête débute avec l’obtention des informations de base concernant le travailleur accidenté.
  11.     Le Tribunal a déterminé les paramètres du témoignage de Dominic Gauthier à la suite d’une objection de l’accusée, notamment quant au dépôt en preuve de son rapport, à la suite de l’enquête administrative qui a été menée[75].
  12.     Le lendemain de l’accident, Dominic Gauthier débute une collecte d’informations avec sa collègue à Mont-Wright. Il rencontre des personnes et récolte les documents qu’il estime pertinents. Il se rend sur le site de l’accident et visite les lieux durant environ 2 heures.  Sa collègue prend des photos.
  13.     Dans le cadre de son témoignage, il revient sur les photographies prises.  À la photo 22[76], il identifie des boyaux qui gênent le passage.  Il fait la description de ce qu’il aperçoit aux photographies prises.
  14.     À la photo 56[77], il identifie le raccord qui permettait à Jason Lemieux de graisser le roulement du CS-01. Le boyau est visiblement court pour brancher le pistolet de graissage.  Il est situé près de la roue dentée.
  15.     Dominic Gauthier décrit longuement les parties du garde-chaîne endommagées à la suite de l’accident en observant les photos de la pièce P-2 H.
  16.     À la photo 79[78], il identifie des boulons manquants sur le garde-chaîne du CS-01 situé du côté est, à la suite de l’accident.
  17.     Les photos permettent d’observer l’étroitesse des corridors où doivent circuler les employés, par rapport aux dimensions des différentes machines qui, à certains endroits, dépassent les frontières délimitées pour le passage par les garde-corps[79].
  18.     Il précise que les garde-corps ont pour but d’empêcher une personne de tomber dans le vide. Toutefois, il estime que la photo 98 qui montre le CS-02 peut représenter une zone dangereuse et de coincement.
  19.     La photo 113 permet de voir que les garde-corps sont un peu déformés[80].
  20.     La photo 116 permet de voir que les garde-corps ont été doublés et que la partie ajoutée n’est pas ancrée au sol[81]. Les garde-corps visent à protéger des chutes des travailleurs qui travaillent en hauteur.  Les silos qui jouxtent les convoyeurs sont profonds et, à titre de référence, le shuttle se situe au cinquième étage.
  21.     Lors de son enquête et de la visite des lieux au Mont-Wright, Dominic Gauthier passe beaucoup de temps au CS-02, puisqu’il s’agit d’un actif de l’accusée qui a déjà eu certains problèmes.  Il y avait lieu d’évaluer la sécurité de cet équipement qui était, selon lui, en fonction et qui assurait la productivité de l’accusée.
  22.     À l’égard du CS-01, il apprend qu’il existe un programme d’entretien des actifs spécifiques pour chacun des convoyeurs à navette et même, pour chacune de leurs composantes, ce qui inclut le CS-01.
  23.     En conclusion de son enquête, il est particulièrement préoccupé par le fait que le corridor central est encombré de boyaux. Il est préoccupé par le fait que la motorisation du CS-02 empiète sur la voie piétonnière.  Pour lui, cela représente un risque.
  24.     En ce qui concerne les garde-corps, il constate certaines lacunes.  Il ne doit pas y avoir de trous pour empêcher une personne d’être happée par les machines en circulation.

W) Michel Rondeau, témoin expert

  1.     À l’issue d’un voir-dire sur le sujet[82], le Tribunal conclut que les compétences de Michel Rondeau ont une pertinence et une nécessité dans le cadre du litige que le Tribunal doit trancher.
  2.     Toutefois, le Tribunal limite son témoignage à titre d’expert en considération de sa formation académique. Il n’est pas ingénieur mécanique. En effet, pour pouvoir étayer les causes de l’accident à la suite de ses constatations, son rapport doit être contresigné par un ingénieur. Il en va de même pour tout acte réservé aux ingénieurs[83].
  3.     Sans le disqualifier à titre d’expert, le Tribunal limite le champ d’expertise de Michel Rondeau à celui de technicien en conception, analyse et entretien des pièces de convoyeur[84]. Son champ d’expertise exclut les actes réservés aux ingénieurs.
  4.     Ce témoin a des connaissances particulières dans le domaine ci-dessus indiqué, qui vont au-delà de celles d’un témoin ordinaire ou du Tribunal.  Il a la compétence pour exprimer son opinion sur l’état d’usure et l’entretien des pièces mécaniques de convoyeurs[85].
  5.     Le fait que l’ingénieur civil qui contresigne son rapport n’a pas la compétence requise pour le faire, de l’aveu même de Michel Rondeau, met en lumière un manque de rigueur de sa part. Le Tribunal conclut, à la lumière de l’analyse de l’ensemble de son témoignage, qu’il en découle un impact à l’étape de l’évaluation de la force probante de ce témoignage.  La signature de l’ingénieur civil n’est finalement qu’une simple formalité, sans profondeur en ce qui concerne le contenu du rapport[86].
  6.     Quoique questionnable, cet élément n’est pas déterminant en soi, il y a plus. Des problèmes en ce qui a trait à la méthodologie utilisée amènent le Tribunal à douter de la fiabilité des conclusions auxquelles Michel Rondeau arrive. 
  7.     Le témoignage et le dépôt en preuve du rapport d’analyse[87], préparé par Michel Rondeau, de même que la présentation Power Point[88] au soutien de son témoignage, comportent des problèmes additionnels en ce qui a trait à la rigueur avec laquelle le travail a été effectué.
  8.     Il y a lieu de reproduire ses conclusions :

Suite à nos observations, l’état d’usure très avancée, l’état des roues à chaîne […][89], la non présence d’huile dans le garde, l’usure des arbres de tambours et de sortie du réducteur causé par le garde-chaîne, les supports de garde sans boulons et l’installation de « come along » pour l’empêcher de tomber, la clavette du réducteur qui n’était pas dans son chemin et l’élongation de la chaîne; Nous concluons donc que compte tenu de toutes ces fautes, nous sommes certains que le manque d’entretien est la seule cause de cet incident.

  1.     D’abord, Michel Rondeau se fie à des photos présélectionnées pour réaliser son expertise.  Il ne se rend pas sur les lieux à la suite de l’accident. Cet élément l’amène à commettre certaines erreurs. Par exemple, il insiste sur la question du come along qui est installé sur le garde-chaîne pour l’empêcher de tomber. Il appert que la photo du garde-chaîne muni de cet équipement est plutôt celle du garde-chaîne situé du côté est, par opposition à celui situé du côté ouest qui est impliqué dans l’accident[90]. Ce n’est qu’en contre-interrogatoire qu’il concède que l’élément concernant le come along ou tire-fort aurait dû être exclu des conclusions de son rapport.
  2.     En ce qui concerne la clavette du réducteur, il admettra qu’elle a pu se détacher de son socle sous l’impact du bris du garde-chaîne, ce qui l’amène à retirer cet élément de ses conclusions. 
  3.     Michel Rondeau passe trop rapidement sur la question des bons de travail et le programme d’entretien des actifs. Sans étude et vérifications exhaustives, il conclut dans une déclaration à l’emporte-pièce qu’aucun entretien n’a été réalisé sur les composantes mécaniques de la motorisation du CS-01[91]. 
  4.     De façon générale, le témoin expert affiche un manque de nuances et de neutralité par rapport aux questions pour lesquelles il doit spécifiquement éclairer le Tribunal.  Michel Rondeau est catégorique quant au fait que l’accident est totalement et exclusivement lié au manque d’entretien. Il exclut catégoriquement tout problème de conception.  Est-ce parce qu’il a été à l’emploi de Sotecma, qui a joué un grand rôle dans la conception de l’équipement défaillant?  Possiblement.
  5.     Il n’en demeure pas moins que l’analyse effectuée par Michel Rondeau et les conclusions catégoriques auxquelles il arrive ne font pas de sens à la lumière de l’ensemble de la preuve présentée par le poursuivant, preuve qui inclut le rapport Downing[92]. 
  6.     Michel Rondeau exclut complètement tout vice de conception.  Or, l’ensemble de la preuve est révélateur à l’effet que le CS-01 est un équipement problématique sur une longue période amenant plusieurs défis, notamment des défis en ce qui a trait à la conception et aux modifications conceptuelles qui ont eu cours au fil des années. Plusieurs de ces défis s’observent durant la période infractionnelle.
  7.     De plus, Michel Rondeau n’étant pas ingénieur, le Tribunal voit mal comment il peut catégoriquement évacuer tout problème en ce qui a trait à la conception.
  8.     Le témoignage de Michel Rondeau comporte des faiblesses, en ce qui a trait à la fiabilité et à la crédibilité du témoignage auxquels on peut s’attendre d’un expert qui doit émettre une opinion impartiale, qui découle d’un examen objectif des questions à trancher. De plus, le Tribunal s’attend à ce que l’opinion de l’expert soit indépendante, c’est-à-dire qu’elle doit être le fruit du jugement indépendant de l’expert, non influencé par la partie pour qui il témoigne ou par l’issue du litige.
  9.     Bref, à l’étape de l’évaluation de la force probante du témoignage de l’expert, le Tribunal conclut que la fiabilité et la crédibilité de son témoignage sont affectées.  Le Tribunal court un péril à s’appuyer sur les conclusions auxquelles Michel Rondeau arrive pour l’éclairer relativement à des connaissances spécifiques qui dépassent celles du Tribunal et qui peuvent s’avérer déterminantes quant à l’issue du procès.

VII. Application du droit applicable aux faits prouvés

 A) Question en litige en lien avec l’actus reus (ou acte coupable) : L’accusée a-t-elle commis un acte − ou omis de faire quelque chose qu’il était de son devoir d’accomplir − lequel acte ou omission a causé des blessures à Jason Lemieux?

 1) L’obligation légale de l’accusée

  1.     Le poursuivant doit prouver hors de tout doute raisonnable l’existence d’une obligation légale imposée à l’accusée par la législation provinciale ou fédérale, en rapport avec l’acte ou l’omission allégué.
  2.     L’article 217.1 du Code criminel impose à ceux qui dirigent un travail de prendre les mesures raisonnables pour éviter qu’il n’en résulte des blessures corporelles pour autrui.
  3.     De plus, l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST)[93] prévoit que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique du travailleur. Plus spécifiquement, les paragraphes 1, 3 et 5 de cet article de loi sont particulièrement pertinents à l’affaire et sont ici reproduits :
  1.       S’assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur;
  1.       S’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;

5) Utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les  risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur;

  1.     Outre les articles de la LSST et du Code criminel ci-dessus mentionnés, le poursuivant invoque une foule d’articles en ce qui a trait à la législation et à la réglementation provinciale en matière de santé et de sécurité au travail.  En ce qui concerne la preuve acceptée, le Tribunal estime qu’ils ne sont pas tous pertinents à la présente affaire.
  2.     Bien que toutes ces obligations légales s’appliquent à l’accusée, comme à toute autre société, il y a lieu de se concentrer pour l’analyse des obligations légales de l’accusée sur le contexte et les circonstances particulières de l’accident qui ont été mis en preuve.
  3.     Parmi les nombreuses dispositions législatives en lien avec les obligations légales de l’accusée, invoquées par le poursuivant, le Tribunal estime que les dispositions suivantes n’ont aucune pertinence dans la présente affaire. En effet, elles n’ont pas de lien avec le contexte et les circonstances particulières mis en preuve. Par conséquent, elles ne trouvent pas application en l’espèce.
  4.     1. Article 12 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail (RSST)[94] : aucune preuve probante n’a été faite concernant une charge ponctuelle, ou verticale, appliquée aux garde-corps. Aucune preuve n’a été faite que l’endroit où se trouve le CS-01 est un endroit où les garde-corps sont soumis à des pressions extraordinaires, de sorte qu’ils doivent être renforcés. De plus, il n’y a pas de preuve que les défaillances alléguées par le poursuivant aux garde-corps ont contribué à l’éclatement du garde-chaîne causant des blessures à Jason Lemieux.
  5.     2. Article 20 du RSST, concernant les voies de guidage : cet article ne trouve pas application en l’espèce, aucune preuve n’a été présentée permettant de conclure que des voies de guidage du convoyeur ont été franchies.
  6.     3. Article 22.1 du RSST : cet article ne trouve pas application en l’espèce. La preuve ne révèle pas de défaillance en lien avec une rampe qui doit être munie d’un garde-corps solidement supporté et fixé en place sur les côtés ouverts.
  7.     4. Les mêmes commentaires s’appliquent pour les articles 33.1, 33.2, 33.3 du RSST, concernant la protection contre les chutes et les garde-corps, qui n’ont aucun lien avec l’accident de Jason Lemieux.
  8.     5. Concernant les articles 174, 175, 177, et 178 du RSST, qui imposent notamment l’obligation qu'une machine soit accompagnée d'un manuel d'instruction incluant une déclaration de conformité, le manuel du fabricant Sotecma a été annoncé comme pièce par le poursuivant (P-106), mais il n’a pas déposé en preuve. En conséquence, l’analyse en ce qui a trait à la conformité ne peut être faite (articles 174 et 175), à l’égard des moyens de protection devant être choisis lors de la conception (article 177), ou encore aux mesures de contrôle et de réduction des risques résiduels, lesquelles doivent être déterminées en se fondant sur le manuel d'instruction du fabricant ou les éléments spécifiés par un ingénieur (article 178).
  9.     6. Le même raisonnement s'applique à l'article 180 du RSST, qui impose l'obligation de maintenir la machine et les moyens de protection en bon état, conformément au manuel d'instruction du fabricant ou, le cas échéant, aux spécifications établies par un ingénieur. Le Tribunal ne peut tirer une inférence négative à partir de faits qui n’ont pas été établis ou mis en preuve.
  10.     7. Les articles 269 du RSST et 371 du Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines (RSSTM)[95] ne trouvent pas application en l’espèce, alors que la preuve ne démontre aucunement que Jason Lemieux est monté sur la partie mobile ou s’est tenu sur la structure du convoyeur, à la demande de l’accusée ou autrement.

 

 

 2) La preuve à l’égard de l’acte ou de l’omission allégué

  1.     Durant la période infractionnelle, il incombait à l’accusée, par l’entremise de ceux qui dirigeaient l’accomplissement des tâches confiées à Jason Lemieux, de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il lui en résulte des blessures corporelles.
  2.     Cette obligation de la personne qui supervise un travail découle de l’article 217.1 du Code criminel.
  3.     De toute évidence, ces mesures n’ont pas été prises avec les résultats que l’on connait à l’égard des blessures causées à Jason Lemieux.
  4.     Les décisions qui ont été prises par les personnes qui dirigeaient le travail effectué par Jason Lemieux, au moment de l’accident, n’ont pas fait en sorte d’éviter qu’il lui en résulte des blessures.
  5.     Les décisions de reporter la réalisation des travaux quant à la chaîne, tout en maintenant le CS-01 en marche, et de demander à Jason Lemieux d’effectuer la tâche de purge du roulement, et accessoirement la prise de la température, à proximité de l’équipement défectueux, l’ont exposé à un danger qui a pour conséquence les blessures corporelles qu’il a subies[96].
  6.     Par ailleurs, l’accusée devait s’assurer que les méthodes et techniques utilisées pour accomplir le travail étaient sécuritaires et ne portaient pas atteinte à la santé du travailleur. Dans le cas qui nous occupe, la méthode de purge du roulement ne s’est pas avérée sécuritaire pour Jason Lemieux, considérant le contexte général où survient l’accident. L’accusée ne s’en est pas assurée[97].
  7.     Bien que la preuve révèle que l’accusée ait utilisé différentes méthodes et techniques visant à identifier et à contrôler les risques pouvant affecter la santé et la sécurité de Jason Lemieux, elle n’a pas été en mesure de les éliminer[98].
  8.     Le Tribunal estime qu’il existe une preuve hors de tout doute raisonnable à l’égard du manquement aux obligations légales prévues à l’article 51 par. 3 et 5, de même qu’à l’article 217.1 du Code criminel, qui se recoupent et visent la même trame factuelle mise en preuve.
  9.     En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 51 de la LSST, le Tribunal considère qu’il n’a pas de réelle pertinence en lien avec la preuve présentée.  De même, la preuve ne permet pas de conclure à un manquement aux obligations légales pour les paragraphes sept et neuf de ce même article.
  10.     Jason Lemieux était équipé d’une radio et de tous les équipements de protection individuelle requis dans les circonstances (vêtements adéquats, casque, protections auditives et racal).
  11.     Il est également en preuve qu’il avait reçu nombre de formations[99] et qu’il a bénéficié de compagnonnage dans le cadre de son intégration chez l’accusée et du support de son contremaître.
  12.     En ce qui concerne l’état des lieux, il a longuement été question de boyaux qui gênaient le passage dans l’étroite voie de circulation située dans l’allée centrale[100]. De même, il a été question de fils électriques attachés par des palans à criquet. Ces éléments factuels n’ont pas de lien avec le triste accident survenu le 7 juin 2019[101].  Par conséquent, il n’y a pas lieu d’aller plus loin dans l’analyse des obligations légales de l’accusée à ce sujet.
  13.     En lien avec les articles 177, 178 et 181 du RSST, la preuve présentée par le poursuivant ne permet pas d’établir, hors de tout doute raisonnable, une violation des obligations légales de l’accusée. Le garde-chaîne ne peut être considéré comme un protecteur, puisqu’il fait lui-même partie de la zone dangereuse, selon la prétention du poursuivant.
  14.     De toute façon, considérant la conclusion à laquelle le Tribunal arrive, relativement aux manquements aux obligations légales ci-dessus mentionnés, il n’y a pas lieu d’aller plus loin dans le cadre de l’analyse de la preuve, de cette première question en litige, qui concerne seulement l’actus reus (ou acte coupable).
  15.     Un accusé ne saurait toutefois être déclaré coupable de négligence criminelle, du seul fait qu’il a contrevenu à la réglementation applicable. Tout dépend de la nature de l’activité et des circonstances entourant la contravention[102].
  16.     L’analyse du Tribunal ne s’arrête pas ici et il y a lieu de passer à la deuxième étape, soit l’analyse de faute qui incombe également au poursuivant.

 B) Question en litige en lien avec la faute : L’accusée a-t-elle agi avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité de Jason Lemieux durant la période litigieuse, en d’autres mots, la conduite de l’accusée s’écarte-t-elle de façon marquée et importante de celle de la « personne » raisonnable placée dans la même situation?

  1.     La négligence criminelle n’est pas une infraction de responsabilité stricte.  Par conséquent, la preuve des éléments constitutifs de l’actus reus ne comporte aucune présomption de négligence.
  2.     Il n’existe pas de présomption pour l’accusée, qui a eu le comportement prohibé que son degré de diligence présentait un écart marqué et important, par rapport à celui d’une personne raisonnable placée dans la même situation.
  3.     Ce fardeau repose sur le poursuivant qui doit le démontrer hors de tout doute raisonnable.
  4.     L’élément de faute de la négligence s’apprécie en déterminant la mesure par laquelle la conduite de l’accusée s’écarte de manière marquée et importante de celle de la personne raisonnable placée dans la même situation[103].
  5.     L’élément de faute ne s’évalue pas dans un vide factuel. L’obligation qui incombe à l’accusée se particularise dans les faits mis en preuve, par la nature de l’activité et les circonstances entourant l’omission de l’accusée de faire preuve du niveau de diligence requise.
  6.     Le Tribunal considère les faits qui existaient durant la période infractionnelle, soit la perception qu’avait l’accusée de ces faits. C’est ce qu’il doit évaluer. Dans ce contexte, il doit évaluer si la conduite de l’accusée constitue un écart marqué et important par rapport à ce qui serait raisonnable dans les circonstances.

 Les incidents antérieurs à l’accident

 A) 2014

  1.     À la suite d’un projet d’expansion, qui se situe entre 2011 et 2013, le CS-01 est modifié. La conception de cette modification est confiée à des firmes d’ingénierie spécialisée dont Sotecma, un sous-traitant de SNC Lavalin, maître d’œuvre du projet d’expansion.
  2.     Notamment, le centre en centre des poulies d’entraînement du CS-01 est allongé d’environ deux mètres, à la suite de ces modifications[104].
  3.     Par la suite, Yves Downing est témoin d’une dizaine de bris de chaîne sur une période de deux ans[105].
  4.     Le 3 avril 2014, il y a un nouveau bris de chaîne.  Elle défonce la partie inférieure avant du garde-chaîne du CS-01[106], du côté est. La chaîne se retrouve sur le plancher, dans le corridor qui longe le mur et non dans l’allée centrale[107].
  5.     Il n’y a pas de preuve concernant les signes précurseurs à cet accident survenu en 2014. Yves Downing n’est pas présent au moment où la chaîne se rompt et où survient l’accident.
  6.     Le bris de la chaîne du 3 avril 2014 survient quatre jours après un bris de chaîne précédent, qui a nécessité son remplacement, de même que celui des pignons de la chaîne[108].
  7.     Lors de cet accident, il n’y a pas de blessé. Il n’y a pas de preuve que la sécurité des employés est en jeu.
  8.     Le Tribunal ne dispose pas d’une preuve même prépondérante, lui permettant de conclure que ce sont les mêmes causes et le même contexte qui entourent le bris de la chaîne survenu en 2014, par rapport à celui qui est survenu le 7 juin 2019.

 B) 2016

  1.     Sans être autrement documenté, un bris du garde-chaîne du CS-01 côté est survenu en 2016 est également mis en preuve.
  2.     Deux témoins du poursuivant en font état.
  3.     Il y a d’abord Paul-William Warren. Il explique que la partie supérieure du garde-chaîne aurait fait une rotation sur elle-même vers l’arrière, pour se retrouver de l’autre côté de l’allée centrale, soit du côté des silos. Selon cette explication, la partie supérieure du garde-chaîne se détache complètement[109].
  4.     En contre-interrogatoire, il décrit ce qu’il considère comme un garde-chaîne endommagé, en donnant un exemple comme une chaîne qui use le fond d’un garde-chaîne et l’endommage. Il distingue cette situation de l’incident de 2016 qu’il décrit ou de l’accident de 2019[110]. 
  5.     Confronté à sa déclaration policière où il indique que le garde-chaîne a simplement été endommagé en 2016, il esquive la contradiction et mentionne que ses souvenirs sont plus clairs en 2024 qu’en 2020, au moment de la prise de la déclaration policière[111].  Cette différence importante entre les deux versions laisse perplexe. Comment les souvenirs du témoin peuvent-ils être plus clairs avec le temps qui passe et près de huit ans après l’évènement allégué?
  6.     De plus, Paul-William Warren est contredit par Michel Martel sur le déroulement de l’incident de 2016. Michel Martel décrit que le couvert du garde-chaîne est complètement tombé dans l’allée centrale alors qu’il faisait du nettoyage. La pièce était complètement ouverte et son contenu exposé. Évidemment, la chaîne est alors arrêtée[112].
  7.     Bref, il y a de la confusion par rapport à ce qui s’est réellement produit en 2016.  La partie supérieure du garde-chaîne s’est-elle détachée, s’est-elle retrouvée dans l’allée centrale ou du côté des silos? Le Tribunal l’ignore.
  8.     Une chose est certaine, l’incident se distingue de ce qui s’est produit le 7 juin 2019, soit environ trois ans plus tard, pour un équipement qui est en opération de façon permanente (24/7).
  9.     Les incidents antérieurs ne pouvaient permettre à l’accusée de savoir qu’en 2019, la partie supérieure du garde du CS-01 serait propulsée avec tant de force que non seulement, elle se détacherait, mais qu’elle irait percuter une personne dans l’allée centrale.

 C) Les évènements contemporains à l’accident subi par Jason Lemieux

  1.     La trame factuelle contemporaine à l’accident subi par Jason Lemieux débute le ou vers le 31 mai 2019.
  2.     David Young, mécanicien, s’aperçoit que le joint d’étanchéité du roulement du     CS-01 est débarqué et en parle avec Pierre-Luc Hubert, technicien en vibration[113]. Plus tard, peu de temps avant l’accident, Pierre-Luc Hubert se rend au CS-01 pour inspecter le roulement.  Il entend le cognement de la chaîne dans le garde-chaîne.  Il ne se sent pas en danger et cela ne l’inquiète pas[114]. 
  3.     Dans la déclaration de Gabriel Bourgeois, rédigée le 8 juin 2019, soit le lendemain de l’accident, il fait référence à une visite des lieux le 31 mai 2019.  Il prend la température du roulement qui lui semble normale. Il note un problème avec le garde-chaîne. Il n’est pas stupéfait de ses constatations à l’égard de la chaîne. Il ne perçoit pas de bruit épouvantable[115]. Le comportement de la chaîne lui apparaît relativement standard par rapport à son comportement habituel. Il n’y a pas urgence d’agir[116].
  4.     Considérant le poste qu’il occupe, Gabriel Bourgeois participe aux réunions de coordination, à titre de planificateur, donc aux instances décisionnelles.
  5.     Le 1er juin 2019, Joe Verreault fait une demande de travail concernant un problème de bruit au garde-chaîne, en priorité « urgente ».  Un bon de travail « pressant » est émis par la suite, soit le 2 juin[117]. C’est donc dire que des actions seront rapidement entreprises pour régler le problème.
  6.     Au retour de la fin de semaine, le 3 juin 2019, deux problèmes se présentent relativement au CS-01 : le problème alors considéré critique du roulement et le problème de la chaîne.  Il s’agit de deux problèmes indépendants.
  7.     Pour Gabriel Bourgeois, le travail concernant le roulement ne devait pas être repoussé. Il envoie un courriel à cet effet à différents dirigeants de l’accusée[118].
  8.     Le 5 juin 2019 le problème relatif à la température du roulement est jugé plus important par l’équipe de coordination, en raison de la durée de l’intervention et la nécessité de faire la réparation[119].
  9.     Une intervention est planifiée le 6 juin 2019 pour le remplacement du roulement et de la chaîne.  Mélanie Plante, fiabiliste, en est informée[120].
  10.     Or, après analyse détaillée en équipe de coordination, il est décidé de reporter l’intervention concernant le remplacement du roulement et du remplacement de la chaîne au 11 juin 2019, à l’arrêt du concentrateur, pour que le personnel et le matériel requis soient disponibles.
  11.     Dans l’intervalle, une intervention est prévue le 6 juin, à 11 h 30, concernant la chaîne.  On prévoit l’ajustement de la chaîne, ainsi que le nettoyage et la lubrification du roulement.  Selon David Young et Gabriel Bourgeois, cet ajustement prévu de la chaîne consiste à retirer un maillon de celle-ci pour mieux l’ajuster[121].
  12.     Dans sa déclaration du 8 juin 2019, Gabriel Bourgeois fait état de sa visite du 6 juin 2019 au CS-01, vers 10 h.  Il constate qu’il n’y a pas de danger imminent, puisque le garde-chaîne est bien en place, que le garde-chaîne offre une protection respectable et que l’état de l’équipement en général est équivalent à celui du garde[122].
  13.     Amhad Azzouri demande à Gabriel Bourgeois ses recommandations quant aux fréquences de graissage du roulement et du relevé de température, tâches qui seront confiées à Jason Lemieux avec le malheureux résultat que l’on connaît.
  14.     Entre 11 h et 11 h 30, le 6 juin 2019, un troisième problème affectant le CS-01 survient de façon inopinée; une roue de train du CS-01 débarque[123].
  15.     Il y a arrêt immédiat et l’on procède à la réparation de la roue. Tous les travaux ne peuvent se faire en même temps. Selon Jean-François Baril, c’est à la suite de cette intervention sur la roue qu’il y a report de l’arrêt pour la chaîne et les roues dentées. Des travaux sur la chaîne sont d’abord prévus le 7 juin 2019 et, ultimement, le 11 juin 2019.
  16.     À 11 h 30, le 6 juin, Maxime Pineault-Guimond ne constate pas de boulons manquants sur le CS-01 et constate que le garde-chaîne est stable. Il n’y a pas de pièces non solidifiées[124].
  17.     Dans la nuit qui suit, alors que Jason Lemieux est affairé à la tâche du graissage du roulement du CS-01 et de la prise de la température, le garde-chaîne se brise, éclate et le couvert est projeté sur Jason Lemieux, lui occasionnant les graves blessures que l’on connait.
  18.     Après coup, l’affaire peut sembler assez simple. Le 6 juin 2019, un arrêt des opérations, c’est-à-dire un arrêt du CS-01, jusqu’à ce que la chaîne et les roues dentées soient changées, aurait pu éviter à Jason Lemieux de subir les graves blessures dont il a été l’objet.
  19.     Toutefois, dans une cause de négligence criminelle causant des lésions corporelles, ce n’est pas ce que le Tribunal doit déterminer dans son appréciation de la faute.
  20.     La tâche est délicate et le Tribunal doit se placer au moment où les décisions qui portent à conséquence ont été prises.
  21.      L’accusée a-t-elle agi avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité de Jason Lemieux durant la période litigieuse, en d’autres mots, la conduite de l’accusée s’écarte-t-elle de façon marquée et importante de celle de la « personne » raisonnable placée dans la même situation?
  22.     Il s’agit de la personne raisonnable placée dans un contexte d’entreprise d’exploitation minière, qui rencontre les difficultés vécues avec le CS-01 avec son historique de problèmes et les évènements imprévus qui se sont ajoutés.
  23.     Le bris de la roue de train est un évènement imprévisible, qui s’est ajouté à la série de problèmes rencontrés avec le CS-01, soit les problèmes à la chaîne et au roulement.
  24.     La preuve révèle que le CS-01 est un équipement unique et complexe, qui au fil des années visées par l’acte d’accusation, a représenté des défis importants en ce qui a trait à sa conception et aux modifications qu’on y a apportées.
  25.     Le Tribunal s’est prononcé relativement à la fiabilité et à la crédibilité du témoignage de Michel Rondeau, qui exclut catégoriquement tout vice de conception pour expliquer l’accident survenu le 7 juin 2019, et qui s’en remet uniquement aux lacunes de l’accusée en ce qui a trait à l’entretien de l’équipement problématique.
  26.     Cette opinion ne tient pas la route dans le contexte général de la preuve présentée par le poursuivant où il appert, sans équivoque, que le CS-01 est un équipement qui comporte plusieurs problèmes de conception, en relation avec la fonction qu’il occupait dans les installations de l’accusée.
  27.     De plus, sur ce point, la preuve du poursuivant se contredit en elle-même.  En effet, Yves Downing passe plus d’un an à tenter de trouver la source des problèmes du CS-01, un équipement complexe aux multiples défis conceptuels[125].
  28.     Les défis conceptuels sont de taille pour Yves Downing et provoquent chez lui des questionnements quotidiens, même des nuits passées à tenter de trouver des solutions[126].
  29.     À la suite de la longue preuve présentée par le poursuivant, les causes de l’accident du 7 juin 2019 demeurent floues. La situation aurait pu être différente si le Tribunal avait pu bénéficier d’un témoignage d’expert fiable et crédible. Le Tribunal fait ici référence à l’évaluation de la force probante du témoignage de l’expert Rondeau. Non seulement le témoignage de l’expert Rondeau s’avère limité par sa compétence professionnelle, mais il manque de fiabilité et de crédibilité.
  30.     La preuve présentée par le poursuivant ne permet pas d’écarter un problème de conception du CS-01, du moins, en partie, pour expliquer l’accident du 7 juin 2019.
  31.     La preuve révèle que le système d’entretien mis en place par l’accusée, le programme d’entretien des actifs, n’était pas parfait. Toutefois, la norme de diligence raisonnable de l’accusée ne doit pas se mesurer en regard d’une norme de perfection.
  32.     La preuve révèle que l’accusée, par l’intermédiaire de ses agents, a tenté de s’adapter aux circonstances, en prenant des décisions en fonction de son expérience passée[127] avec l’équipement problématique, en bénéficiant de l’apport de plusieurs acteurs de différents secteurs qui ont partagé leurs perceptions et leurs constatations, dans les jours et heures précédant l’accident.
  33.     Plusieurs rencontres et discussions ont eu lieu dans la période contemporaine à l’accident afin d’assurer la fiabilité de l’équipement et de remédier aux risques connus.
  34.     De plus, plusieurs mesures relatives à la sécurité des employés étaient systématiquement en place, telles que des formations en termes de qualification et de sécurité ainsi que du compagnonnage, le tout en plus de différents outils permettant d’assurer une surveillance et un entretien des actifs (PAE).
  35.     La productivité de l’accusée a certes joué dans la balance des décisions qui ont été prises. C’est incontestable. Toutefois, le poursuivant n’a pas fait la démonstration que cet élément a été considéré par l’accusée avec une insouciance déréglée ou téméraire, à l’égard de la santé et de la sécurité des travailleurs.
  36.     Le 6 juin 2019, les cadres supérieurs de l’accusée ont pris des décisions, que l’on peut qualifier de mauvaises après coup. Toutefois, la preuve acceptée ne permet pas de conclure que ces décisions ont été prises avec une insouciance déréglée ou téméraire pour la santé et la sécurité de Jason Lemieux ou des autres travailleurs.
  37.     Il n’y a pas lieu de conclure que les cadres supérieurs se sont écartés de façon marquée et importante de ce qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait fait.

VIII. Conclusion

  1.     Le Tribunal conclut, après analyse de l’ensemble de la preuve présentée, qu’il subsiste un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusée.
  2.     Bien que la preuve de l’actus reus de l’infraction ait été établie hors de tout doute raisonnable, ce n’est pas le cas pour la faute.
  3.     En effet, le poursuivant n’a pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que l’accusée, par l’intermédiaire de ses cadres supérieurs, a démontré une insouciance déréglée ou téméraire l’égard de la sécurité de Jason Lemieux, en d’autres mots, que le comportement de ces derniers s’est écarté de façon marquée et importante de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
  4.     Le fait que des décisions erronées aient été prises préalablement au malheureux accident du 7 juin 2019, pour lequel Jason Lemieux et sa famille vivent toujours avec les lourdes conséquences, n’impliquent pas automatiquement que l’accusée ait fait preuve de négligence criminelle.
  5.     Le Tribunal rend une décision en fonction de la preuve présentée et acceptée au procès et non pas en fonction de la preuve qui aurait pu ou dû être présentée.
  6.     Bref, le poursuivant ne s’est pas déchargé du fardeau qui lui incombait.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.     ACQUITTE l’accusée.

 

 

__________________________________

Vicky Lapierre, j.c.Q.

 

Me Claude Girard

Me Marc Bérubé

Procureurs du requérant-poursuivant

 

Me Michel Massicotte

Me Diana Sitoianu

Procureurs de l’intimée-accusée

 

 

Dates des audiences : 28 mars

22, 23, 26, 29, 30 et 31 janvier 2024; 1er, 5, 7, 8, 19, 20, 21 et 22 février 2024; 4, 5, 6, 7, 11, 12, 13, 14, 15, 25, 26, 27 et 28  mars 2024; 22, 23, 24 et 25 avril 2024; 27, 28 et 29 mai 2024; 19, 26, 27 et 28 août 2024; 3, 4, 5, 6, 9, 10, 11, 12, 23, 24 et 25 septembre 2024; 2, 3, 4, 6, 7 et 10 octobre 2024.

 


[1]  Pièce P-1, Liste d’admissions de la défense, item 5.

[2]  Pièces P-4 A, P-4 B et P-4 C.

[3]  Dont notamment : Jugement sur demande de témoignage par vidéoconférence art. 714.1 de C. cr. (29               janvier 2024); Jugement en vertu des article 486.5 et 486.7 du C. cr. (19 février 2024); Jugement sur               voir-dire relatif à la qualification de témoins experts (4 mars 2024); Jugement relativement à               l’introduction en preuve de comportements après le fait (22 avril 2024); Jugement sur requête en délais               déraisonnables (27 mai 2024); Deuxième jugement en vertu de l’article 486.5 du C. cr. à l’égard de               Diane Tremblay (26 août 2024); Jugement relativement à l’application de certaines exceptions               relatives à l’introduction de ouï-dire en preuve (3 septembre 2024).

[4]    Pièces D-1 à D-10.

[5]   Article 217.1 du C. cr.

[6]   Chapitre S-2.1.

[7]   Chapitre S-2.1, r. 13.

[8]   Chapitre S-2.1, r. 14.

[9]  La définition d’organisation se trouve à l’article 2 du C. cr. : « organisation » Selon le cas : a)  corps               constitué, personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat               professionnel ou municipalité; b) association de personnes qui, à la fois : (i) est formée en vue               d’atteindre un but commun, (ii) est dotée d’une structure organisationnelle, (iii) se présente au public               comme une association de personnes. (organization)

[10]  Définitions de l’article 2 du C. cr. : « agent » S’agissant d’une organisation, tout administrateur,               associé, employé, membre, mandataire ou entrepreneur de celle-ci. (representative); « cadre               supérieur » Agent jouant un rôle important dans l’élaboration des orientations de l’organisation visée               ou assurant la gestion d’un important domaine d’activités de celle-ci, y compris, dans le cas d’une               personne morale, l’administrateur, le premier dirigeant ou le directeur financier. (senior officer).

[11]   R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, par. 35 et 36.

[12]   R. c. Bisson, [1998] 1 R.C.S. 306, cité dans Sorella c. R., 2017 QCCA 1908, par. 29

[13]   R. c. Lifchus, préc. note 11 par. 36.

[14]  Gendreau c. R., 2015 QCCA 1910, par. 19; CFG Construction inc. c. R., 2023 QCCA 1032, par. 55.

[15]  R. c. Anderson, [1990] 1 R.C.S. 265.

[16]  R. c. Javanmardi, 2019 CSC 54, par. 19 et 20.

[17]  R. c. J.F., [2008] 3 R.C.S. 215.

[18]   Voir également R. c. Tutton, [1989] 1 R.C.S.1392, p. 1429-1431; R. c. Morissey, [2000] 2 R.C.S. 90, par. 19; R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, par. 7.

[19]  R. c. Bisson, préc., note 11, par. 21.

 [20]    R. c. Javanmardi, 2019 CSC 54, [2019] 4 R.C.S. 3; Analyse de la professeure Boisvert dans son article               « R. c. Javanmardi ou la simplicité trompeuse », (2020) 25 Crim. L. Rev. 51, p. 54-57.

[21]  R. c. Fontaine (2017), 2017 QCCA 1730.

[22]  R. c. Javanmardi, préc., note 15, par. 22.

[23]  R. c. Javanmardi, préc., par. 37.

[24]  R. c. Tutton, [1989] 1 R.C.S. 1392.

[25]  Ibid.

[26] Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail.

[27]  Pièce P-2, Album photo complet de la CNESST.

[28]  Pièce D-1, Formation de Jason Lemieux chez ArcelorMittal.

[29]  Pièce D-2, Dossier Cognibox.

[30]  P-1, Admissions de l’accusée # 5. a)  à  j).

[31]  Le Tribunal n’a pas retenu la qualité d’expert de Mélanie Plante pour les motifs énoncés dans sa               décision du 4 mars 2024.

[32]  Cela inclut également les pièces P-4 A, P-4 B et P-4 C.

[33]  Pièce P-4 A.

[34]  Pièce P-166, Demande de travail du 26 avril 2016 par Paul-William Warren, PRO.

[35]  Pièce P-188, BT T29461, « Moteur cogne très fort lors de déplacement.  La chaîne du chain case est               lousse. Un sprocket est peut-être endommagé.  Vérification de la chaîne dans… ».

[36]  P-170, Demande de travail # M452613 de Karl Landry faite le 19 juin 2016. « faire inspecter chaincase,               il donne des gros coup soit slaque ou usure, inspecter, peut pas vraiment voir acause du garde. »

          [Reproduction intégrale]

[37]  P-161, Demande de travail #M415469 faite le 10 juin 2015 par Michel Martel : « chaincase frotte, frotte               sur le shaft, désajustement du chaincase, remonter le chain case pour l’ajuster, le chaincase a descendu               et frotte sur le shaft du gear box ».

[38]  P-164, « chaincase courroie côté est, bruit anormal, chaine, vérifier la chaîne, la chaîne donne des               bons coups lorsque la courroie tourne du côté sud (…), il reste une maille qui est à moitié cassée,               L’ancien BT a été fermé sans que la job sois fini M430407. »

          [Reproduction intégrale]

[39]  P-168, Demande de travail #M447581 faite le 2 mai 2016 par Michel Martel : « chaincase CS-01,               cognement, chaîne frotte dans le chaincase, réparer, le cognement se produit quand la courroie               tourne au sud., ***Commentaire d’Éric Gagnon***Est-ce qu’il s’agit du côté Ouest ou Est? »

[40]  Mark-Étienne Drouin n’a pas témoigné.  Le Tribunal ne peut bénéficier de son éclairage.

[41]  P-182, Demande #M511972 par Gino Riopel le 5 février 2018 : « frappe très fort dans le chain case,               frappe dans le case, usure, entretien. »

[42]  P-2, Photo # 2.

[43]  P-13 A, Demande de travail #M568691, urgent, en date du 1er juin 2019, : « à chaque tour que la chaîne               fait, celle-ci frotte sur le garde, chaîne caisse bruyant, désajusté; » P-51, Demande de travail               #M525049, planifiable en date du 11 juin 2028 : « chain caise, frotte dans le garde et pert  de l’huile,               usure, le réparer ou changer, la chaîne caisse du CS-01 côté Ouest frotte dans le garde qui               recouvre celle-ci et par le fais même cause une bonne perte d’huile.; » P-53, Demande de travail du               25 mars 2018 # M516686, planifiable en date du 25 mars 2018 : « fuite d’huile chaîne caisse, l’huile               qui coule, usure, réparer la fuite, il y a une fuite d’huile sur la chaîne caisse du CS-01 côté est; » P-              54, Demande de travail du 16 janvier 2018 #M509712, pressante : « chaincase côté ouest conge                énormément, la chaîne cogne énormément contre son garde il bouge énormément, chaîne lousse,               ajuster la chaîne, bruit de pire en pire de jour en jour danger de blessure. »

          [Reproduction intégrale]

[44]  La vidéo n’est pas produite en preuve.

[45]  Il apparaît à la pièce P-54 pour une situation qui se produit le 16 janvier 2018.

[46]  P-55, Demande de travail #M501364, pressant, : « Ajuster la tension de la chaîne, on entend la chaîne               qui frotte dans le garde du chain case, la chaîne est lousse, augmenter la tension de la chaîne, CS-01               SUD Côté OUEST, On entend la chaîne qui frotte dans le garde. C’est pire que d’habitude et plus intense               lorsque le CS vire au sud, Peut être fait lors de la prochaine maintenance. »

[47]  P-152, Demande de travail #525938, Pressant : « chain case ouest défectueux, cognement continue               surtout s’il vire au sud et perte d’huile, usure ou défectuosité, réparer ou changer le chain case ouest, le               chain case émet un cognement surtout s’il vire au sud.  On entend le cognement et on le voit parce que               le chain case se déplace lors des cognements.  C’est dangereux pour nous d’avoir à travailler tout près               pour faire les inspections du CS, du ménage ou autre.  Nous avons fait plusieurs demandes à ce sujet               depuis plusieurs mois et le problème n’est jamais réglé. »

[48]  Pièce P-58, vidéo 1, 1er février 2018.

[49]  Pièce P-59, vidéo 2, 1er février 2018.

[50]  Sur cet aspect, le témoignage de Pierre-Luc Hubert contredit celui de Maxime Pineault-Guimond en ce qui a trait à une deuxième tâche qui aurait été effectuée le 6 juin 2019 (changer le joint du roulement à billes).

[51]  Pièce P-4.

[52]  Pièce P-199.

[53]  Pièce P-11.

[54]  Le Tribunal a rendu une décision relativement à l’introduction en preuve du rapport interne de l’accusée               en date du 3 septembre 2024. Il s’agit d’un jugement sur voir-dire relativement à l’application de certaines               exceptions relatives à l’introduction de ouï-dire en preuve.

[55]  Nom de la société qui exploitait les installations minières avant que ses installations ne soient exploitées               par l’accusée.

[56]  Matériau synthétique autolubrifiant.

[57]   Pour lequel travaille Michel Rondeau à l’époque.

[58]  Pages 2 et 3 du rapport pièce P-78.  En ce qui a trait à ce rapport, le Tribunal estime qu’il fait preuve de son contenu. Un travail d’élagage du rapport a été fait pour extraire les parties qui pouvaient notamment constituer du ouï-dire ou ne pas être admissibles en preuve et une décision a été rendue à cet effet.

[59]  Pièce P-78, page 2, Recommandation à court terme # 5.

[60]  VPO de 2012 à 2014.

[61]  Pièce P-78.

[62]  Idem page 2.

[63]  Pièce P-78.

[64]  Pièce P-140 B. Ce rapport a été caviardé pour tenir compte de la décision rendue par le Tribunal en ce               qui a trait à la qualification d’experte qui a été refusée à Mélanie Plante (4 mars 2024) et à la suite de la               décision qui a été rendue le 11 septembre 2024 pour paramétrer son témoignage.

[65]    Pièce P-140 B, page 1.

[66]  Pièce P-140 B, page 8.

[67]  Les témoignages à cet effet comportent de nombreuses contradictions.

[68]  Pièce P-140 B, page 20.

[69]  Pièce P-140 B, page 21.

[70]  127 photographies.

[71]  PEA-Inspecter les chaînes et les roues dentées du CS-01.

[72]  PEA- Inspecter les chaînes et les roues dentées du CS-01.

[73]  Pièce P-2.

[74]  Pièce D-6.

[75]  Décision rendue oralement par le Tribunal à cet effet le 24 septembre 2024.

[76]  Pièce P-2 H.

[77]  Idem.

[78]  Idem.

[79]  Pièce P-2 H, photo 106.  Il s’agit du CS-02.

[80]  Pièce P-2 H.

[81]  Idem.

[82]  Décision rendue le 4 mars 2024.

[83]  Egorov c. R., 2019 QCCS 1371, par. 87-100.

[84]  R. c. St-Jean, 2020 QCCS 4543, par. 12-15.

[85]  Pièce VD-2, page 4.

[86]  À l’audience, l’expression rubber stamping est utilisée.

[87]  Pièce P-201 A.

[88]  Pièce P-201 B.

[89]  Élément de la phrase retiré à la suite de ce qui a été déclaré admissible en preuve.

[90]  Pièce P-201A, page 10, photo du centre située à gauche.

[91]  Pièce P-201 A, page 14.

[92]  Pièce P-78.

[93] Chapitre S-2.1.

[94]  Chapitre S-2.1, r. 13.

[95]  Chapitre S-2.1, r. 14.

[96]  Obligation prévue à l’article 217.1 du C. cr.

[97]  Obligation prévue à l’article 51 par. 3 de la Loi sur la santé et à la sécurité au travail.

[98]  Obligation prévue à l’article 51 par. 5 de la Loi sur la santé et à la sécurité au travail.

[99]  Pièce D-1.

[100]  Entre autres, pièce P-2, photo 23.

[101]  Référence aux articles 14, 15 et 16 du RSST.

[102]  Julien c. R., 2020 QCCA 40, par. 72.

[103]  R. c. Javanmardi, 2019 CSC 54, par. 21.

[104]  Témoignage de Yves Downing, 5 septembre 2024.

[105]  Témoignage de Yves Downing, 5 septembre 2024.

[106]  Pièce P-78, page 1 : Voir également la photographie qui se retrouve à cette même page.

[107]  Témoignage de Yves Downing, 5 et 6 septembre 2024.

[108]  Témoignage de Yves Downing, 6 septembre 2024.

[110]  Témoignage de Paul-William Warren, 11 mars 2024.

[111]  Témoignage de Paul-William Warren, 11 mars 2024.

[112]  Témoignage de Michel Martel, 14 mars 2024.

[113]  Témoignage de David Young, 28 mars 2024.

[114]  Témoignage de Pierre-Luc Hubert, 26 mars 2024.

[115]  Témoignage de Gabriel Bourgeois, 28 mai 2024.

[116]  Témoignage de Gabriel Bourgeois, 28 mai 2024.

[117]  Pièces P-13 A et P-25.

[118]  Pièce P-11, courriel du 4 juin.

[119]  Témoignage de Eris Virgüez, 26 mars 2024.

[120]  Témoignage de Mélanie Plante, 12 septembre 2024.

[121]  Témoignage de David Young, 28 mars 2024; Témoignage de Gabriel Bourgeois, 28 mai 2024.

[122]  Témoignage de Gabriel Bourgeois, 29 mai 2024.

[123]  Témoignage de Jean-François Baril, 14 mars 2024.

[124]  Témoignage de Maxime Pineault-Guimond, 25 mars 2024.

[125]  Témoignage de Yves Downing, 6 septembre 2024.

[126]  Témoignage de Yves Downing, 5 septembre 2024.

[127]  Le Tribunal considère ici toute la période infractionnelle.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.