Deac c. Honda Canada |
2020 QCCQ 14057 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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LOCALITÉ DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
400-32-701147-196 |
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DATE : |
20 avril 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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AMELIA DEAC |
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Demanderesse |
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c. |
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HONDA CANADA |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Amellia Deac (la demanderesse) fait partie des personnes qui ont connu des problèmes de peinture avec un véhicule automobile de marque Honda, modèle Civic, produit et distribué par la défenderesse entre les années 2006 et 2013.
[2] Un recours collectif a été autorisé par le Juge André Prévost de la Cour supérieure le 27 février 2019[1].
[3] La demanderesse a affirmé qu’elle ne faisait pas partie de ce recours collectif.
[4] La demanderesse réclame à la défenderesse 8 170,09 $, détaillé de la façon suivante :
Ø 6 618,07 $ pour les coûts de réparation du véhicule;
Ø 500,00 $ pour les frais estimés de location d’un véhicule;
Ø 689,45 $ pour les frais de S.O.S. Estimation;
Ø 362,17 $ pour frais juridiques.
[5] La défenderesse nie responsabilité.
LE CONTEXTE
[6] La demanderesse a acheté le 8 septembre 2015, au prix de 7 800 $, le véhicule en litige qui était alors usagé. Le véhicule avait été mis en service le 21 mai 2008. Au moment de l’achat, le véhicule avait parcouru 105 200 kilomètres[2].
[7] En 2017, la demanderesse constate un décollement du vernis sur le toit du véhicule. Elle se rend chez le concessionnaire Honda à Laval où on lui dit qu’il n’y a rien à faire, car les garanties du fabricant sont expirées.
[8] En 2018, la demanderesse constate l’apparition du même problème sur les portes, les ailes, le coffre et le capot du véhicule.
[9] En 2019, la demanderesse consulte M. Stéphane Lachance de SOS Réclamation pour une estimation des coûts correctifs[3].
[10] Me Janie Bélanger envoie une mise en demeure à la défenderesse le 23 mai 2019[4].
[11] La défenderesse produit un document du « Canadian Black Book » établissant la valeur du véhicule à environ 2 000 $[5]. De plus, Honda de Laval a fait estimer les coûts de réparation à 3 639,52 $[6]. La défenderesse a offert 1 000 $ à la demanderesse pour régler le dossier à l’amiable, ce qui a été refusé.
[12] Aucune réparation n’avait été faite au véhicule automobile au moment de l’audition le 21 février 2020. La demanderesse utiliser toujours son véhicule.
ANALYSE
[13] Les allégations de la demande laissent voir que la demanderesse base son recours d’une part sur la garantie de qualité prévue à l’article 1726 C.c.Q[7] et sur la garantie d’usage d’une durée raisonnable prévue à l’article 38 L.p.c. [8]
[14]
Il y a lieu de reproduire l’article
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[15] Quatre conditions sont requises pour que la garantie s’applique : le vice doit être grave et diminuer de façon importante l’usage ou l’utilité du bien, il doit exister au moment de la vente, il ne doit pas avoir été dénoncé à l’acheteur et il doit être caché[9].
[16]
La garantie légale de durée raisonnable est prévue à l’article
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[17]
Les recours prévus à cette loi sont exposés à l’article
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[18] Il n’est pas contesté que la garantie de base de 36 mois/ 60 000 km du fabricant était expirée en 2015 lorsque la demanderesse a acquis le véhicule.
[19] La peinture est une composante importante d’un véhicule automobile puisqu’elle protège la carrosserie des éléments extérieurs qui pourraient l’endommager. Que la peinture d’un véhicule présente, après quelques années, des signes de vieillissement est normal et acceptable. Ce qui ne l’est pas, c’est que le vernis se délamine, ce qui est un signe de mauvaise construction de la part du fabricant.
[20] À l’analyse de la preuve, le Tribunal considère que la garantie de qualité ne s’applique pas puisque la preuve ne révèle pas qu’il y a eu diminution importante de l’usage ou de l’utilité du véhicule[10]. En effet, la demanderesse a acheté le véhicule en 2015 lorsqu’il avait parcouru 105 200 km. Au moment de l’évaluation des coûts de réparation le 1er mai 2019, le véhicule avait parcouru 130 044 km, soit approximativement 25 000 km depuis l’acquisition par la demanderesse.
[21]
La garantie légale de l’article
[22]
Les recours prévus à l’article
[145] En premier
lieu, nous devons prendre en compte, comme dans le cas des dommages-intérêts
compensatoires, le libellé même de l’art.
[Soulignement ajouté]
[23] La Cour d’appel du Québec avait déjà en 1995, énoncé ce principe dans l’arrêt Beauchamp c. Relais Toyata inc.[12] en écrivant :
[…]
Le recours choisi par le consommateur, en vertu de l'article 272, doit cependant être approprié puisque le législateur mentionne «selon le cas». À cet égard, je partage l'opinion de la professeure Nicole L'Heureux :
Le consommateur peut opter pour la sanction de son
action parmi une gamme de recours. Le remède demandé doit être approprié, en ce
sens qu'il est soumis aux règles d'inexécution des obligations du Code civil
notamment, celui qui demande la nullité du contrat doit offrir de remettre ce
qu'il a reçu. S'il n'est pas en mesure de le faire, il doit opter pour une
autre sanction. Si le consommateur ne fait pas une action appropriée, le
tribunal a discrétion pour accorder un autre remède implicitement inclus dans
celui demandé par le consommateur. L'inexécution des obligations légales peut
donner lieu à la réduction des obligations contractuelles du consommateur, à la
résolution, à la résiliation ou à la nullité du contrat (art.
[…]
[Référence omise]
[24] Accorder près de 7 000 $ à titre de dommages pour repeindre un véhicule qui a près de 12 ans d’âge, plus de 130 000 km et dont la valeur marchande est approximativement de 2 000 $, n’est pas une réparation appropriée[13].
[25] La demanderesse a connu l’ampleur et l’étendue du problème de peinture à son véhicule en 2017. Elle a mis en demeure la défenderesse que le 1er mai 2019.
[26] La demanderesse a parcouru plus de 25 000 km avec le véhicule depuis l’achat et la valeur de celui-ci en a été diminuée, comme le révèlent les documents produits. Celui-ci n’aurait qu’une valeur d’environ 2 000 $.
[27] Les travaux de réparation au coût de 6 618,07 $ n’avaient pas été effectués au moment de l’audition.
[28]
La demanderesse avait l’obligation de minimiser ses dommages en vertu de
l’article
1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter.
[29] Le Tribunal use de sa discrétion, eu égard à la preuve faite, pour accorder à la demanderesse 1 000 $ pour les dommages réclamés.
[30] La réclamation de 500 $ pour location d’un véhicule n’est pas accordée puisqu’elle est hypothétique.
[31] Les frais réclamés de 689,85 $ de S.O.S. Réclamation se détaillent de la façon suivante :
§ Frais de témoin expert : 300,00 $
§ Frais d’estimation : 300,00 $
§ Taxes : 89,65 $
[32] M. Lachance n’a pas témoigné à l’audience autrement que par une déclaration pour valoir témoignage.
[33] Devant une réclamation semblable, incluant les honoraires de Me Bélanger, le juge Pierre Allen écrivait[14] :
[26] La preuve présentée ne démontre pas que les frais d’avocat et les frais d’administration constituent des dommages directs et immédiats dont la défenderesse peut être tenue responsable. Cependant, le Tribunal reconnait que les coûts d’estimation de 200 $ que la demanderesse a dû payer sont la conséquence des manquements de la défenderesse et cette dernière en est donc responsable.
[34] Le Tribunal partage l’opinion du juge Allen et accorde 200 $ à la demanderesse. Celle-ci a donc droit à 1 200 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[35] ACCUEILLE en partie la demande.
[36]
CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 1 200 $,
plus les intérêts sur cette somme au taux légal, majoré de l’indemnité
additionnelle prévue à l’article
[37] CONDAMNE la défenderesse aux frais de justice.
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__________________________________ PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
21 février 2020 |
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[1]
Pièce P-5 (Daunais c. Honda Canada inc.,
[2] Pièce D-7 et Pièce D-1.
[3] Pièce P-2 (estimation du 1er mai 2019. Le véhicule a alors parcouru 130 044 km).
[4] Pièce P-1.
[5] Pièce D-8.
[6] Pièce D-9.
[7] Code civil du Québec, CCQ-1991.
[8] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.
[9] ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007
CSC 50,
[10]
ABB Inc. c. Domtar Inc., 2007 CSC 50,
[11] Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8,
[12] Beauchamp c. Relais Toyota inc.,
[13]
Lussier c. Honda Canada inc.,
[14]
Cloutier c. Honda Canada inc.,
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