Décision

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Psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. Désaulniers

2023 QCCDPSED 5

 

CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES PSYCHOÉDUCATEURS ET PSYCHOÉDUCATRICES DU QUÉBEC

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No :

46-23-017

 

DATE :

Le 14 décembre 2023.

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me MICHEL P. SYNNOTT

Président

Mme DIANA POOT, Ps.éd.

Membre

Mme LIBERTAD SANCHEZ, Ps.éd.

Membre

______________________________________________________________________

 

JEAN-FRANÇOIS GAUTHIER, Ps.éd., en sa qualité de syndic adjoint de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

Plaignant

c.

LOUIS-GEORGES DÉSAULNIERS

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR LA DEMANDE DE L’INTIMÉ
EN HOMOLOGATION D’ENTENTE ET EN IRRECEVABILITÉ

______________________________________________________________________

 

APERÇU

[1]               Le Conseil de discipline est saisi d'une demande de l’intimé intitulée : « Demande en homologation dentente et en irrecevabilité ».

[2]               Le plaignant et l’intimé concluent une entente selon laquelle le plaignant ne portera pas plainte à l’encontre de l’intimé si ce dernier prend sa retraite et démissionne de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (l’Ordre) avant le 1er avril 2023.

[3]               De fait, le 16 mars 2023, l’intimé signe un engagement selon lequel il confirme qu’il prend sa retraite : il démissionne donc de l’Ordre et entreprend des démarches pour transférer tous ses dossiers à un autre professionnel.

[4]               Malgré cela, le 24 avril 2023, le plaignant porte tout de même plainte à l’encontre de l’intimé. L’intimé s’en insurge. Il demande au Conseil d’entériner l’entente et de rejeter la plainte déposée par le plaignant.

[5]               Après analyse de l’ensemble de la preuve, le Conseil conclut qu’une entente est effectivement intervenue et que cette entente assure la protection du public.

[6]               Considérant les circonstances particulières de la présente affaire, le Conseil intervient et ordonne l’arrêt des procédures à l’encontre de l’intimé.

CONTEXTE

[7]               De consentement, les parties produisent en preuve les courriels et documents échangés entre elles. Ces documents sont admis. Cette preuve documentaire est complétée par les témoignages de l’intimé et du plaignant.

[8]               Pour bien saisir le fil des événements, une revue chronologique de la trame factuelle s’impose.

[9]               Les échanges se déroulent en six temps :

1. Les faits reprochés à l’intimé;

2. La proposition du plaignant d’adopter une approche alternative;

3. Les échanges entre les avocates des parties et l’entente conclue;

4. L’engagement préparé par le plaignant;

5. La signature par l’intimé de l’engagement et sa démission de l’Ordre;

6. Le dépôt de la plainte disciplinaire et la demande en rejet.

[10]           Le Conseil se penche maintenant sur les échanges à chacune de ces étapes.

1.  Les faits reprochés à l’intimé

[11]           L’intimé est âgé de 75 ans[1]. Il est inscrit au tableau des membres de l’Ordre depuis le 14 janvier 2003[2] et mène une carrière bien remplie[3].

[12]           Le plaignant lui reproche d’avoir commis les gestes suivants en octobre et novembre 2022[4] :

  1. Avoir abordé Mme A d’une manière déplacée en lui posant des questions sur sa sexualité et avoir omis de consigner des informations à son dossier;
  2. Avoir abordé Mme B d’une manière déplacée en lui posant des questions sur sa sexualité, avoir omis de procéder à l’évaluation de son risque suicidaire malgré des indices clairs de détresse. Avoir donné un avis à sa cliente alors qu’il ne possède pas une compréhension suffisante des faits pour ce faire et avoir omis de consigner des informations à son dossier.

[13]           Le plaignant fait enquête et contacte l’intimé.

2.  La proposition du plaignant d’adopter une approche alternative

[14]           Le 13 février 2023, le plaignant discute avec l’intimé, et, le soir même, lui transmet un courriel[5]. Les passages suivants représentent bien la nature des échanges :

Bonsoir monsieur Deslauniers,

Je suis conscient qu'une rencontre comme ce soir puisse être confrontante et ébranlée vos manières de faire.

Mais il est important de prendre acte que vos manières de faire doivent respecter les pratiques et normes reconnues par notre ordre professionnelle.

Les constats faits jusqu'à maintenant son sérieux et, comme expliqué lors de l'entrevue de ce soir, je dois réfléchir au dépôt d'une plainte disciplinaire. Toutefois, considérant votre désir de continuer d'aider les gens, l'avenue de vos faire certaines mises en garde et de vous demander certaines formations pourraient être une alternative.

(…)

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements ajoutés]

[15]           Manifestement, dès le premier contact, le plaignant confirme qu’il envisage la possibilité de porter une plainte disciplinaire à l’encontre de l’intimé, mais qu’il envisage également une approche alternative.

[16]           Deux jours plus tard, soit le 15 février 2023, le plaignant réitère sa position[6] tout en se montrant ouvert à la discussion. Il invite même l’intimé à lui faire une autre proposition si tel est son souhait :

Bonsoir monsieur Deslauniers,

(…)

Notez bien que si vous souhaitez plus d'informations sur le processus disciplinaire ou sur ce qu'implique la signature d'un engagement, ou si vous avez une autre proposition à me faire, je suis disponible pour une discussion téléphonique à votre convenance.

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignement ajouté]

[17]           Le lendemain avant-midi, soit le 16 février 2023, le plaignant reçoit un message vocal de Me Marie-Josée Beaulieu qui se présente comme l’avocate de l’intimé[7].

[18]           S’ensuit un échange de courriels entre eux.

[19]           Le 16 février 2023 à 11 h 22, le plaignant transmet un courriel[8] directement à l’intimé par lequel il lui achemine un premier projet d’engagement pour étude et commentaires :

Bonjour monsieur Deslauniers,

j'ai reçu ce matin un appel de Me Beaulieu, avocate disant vous représenter et souhaitant « explorer une piste de solution »

Mon enquête étant maintenant terminé, je vous envois officiellement la proposition d'engagement

Vous pouvez être accompagné de votre avocate pour l'étudier et nous revenir

Toutefois, si vous préférer que Me Beaulieu communique avec nous après avoir pris connaissance de cette proposition, nous acheminerons le dossier à notre procureur qui se chargera de négocier avec votre avocate pour la suite des choses.

Salutations

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements ajoutés]

[20]           Le ton est donné : les parties échangent pour explorer des pistes de solutions. Le projet d’engagement[9] reprend, de manière plus formelle, l’essence même du courriel que le plaignant a déjà transmis à l’intimé le 13 février précédent.

[21]           Il y est prévu que l’intimé doit s’engager à suivre et à réussir 4 cours clairement identifiés représentant plus de 92 heures de formation. De plus, l’intimé doit s’engager à suivre 8 supervisions mensuelles d’une heure chacune. En contrepartie, le plaignant s’engage à ne pas déposer de plainte disciplinaire[10].

[22]           Le texte est très clair à ce sujet :

[…]

6. Je comprends que la décision de ne pas déposer de plainte au Conseil de discipline repose en partie sur ma volonté d’améliorer certains aspects de ma pratique et qu’advenant un non-respect du présent engagement, le syndic adjoint pourrait rouvrir son enquête et réviser sa décision.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait; soulignement ajouté]

[Caractères gras dans l’original]

3.  Les échanges entre les avocates des parties et l’entente conclue

[23]           Le même jour, soit le 16 février 2023 à 11 h 42, Me Beaulieu transmet un courriel[11] au plaignant. Elle y indique avoir été contactée ce matin-là par l’intimé. Elle invite le plaignant à la contacter pour discuter du dossier.

[24]           Aussitôt, soit le 16 février 2023 à 11 h 58, le plaignant répond au courriel de Me Beaulieu[12] :

Bonjour Me Beaulieu, nous sommes tous très rapide en ce jeudi matin.

Je viens, vers 11:20, suite à la prise de votre message vocal d’envoyer la version officielle de l’engagement que je lui propose afin qu’il puisse la consulter avec vous.

Comme je prend acte qu’il souhaite que nous passions par vous, je vais contacter dès cet après-midi notre procureure afin de la mandater pour échanger avec vous.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements ajoutés]

[25]           De fait, comme le plaignant le propose, les avocates des parties échangent entre elles.

[26]           L’intimé envisage dès lors de prendre définitivement sa retraite[13].

[27]           Le 7 mars 2023 à 15 h 27, le plaignant transmet le courriel[14] suivant à l’intimé (ci-après désigné « l’entente ») :

Bonjour monsieur Desaulniers, je viens d’avoir un suivi de notre avocate après sa discussion avec la vôtre.

Sur une affirmation signée de votre part ee votre désistement de l’Ordre au 31 mars 2023, nous procéderons à la fermeture des démarches relatives aux 2 enquêtes vous concernant.

Pour ce faire, je rédigerai dans les prochains jours un document résumant les faits reprochés et l’entente que nous avons prise avec vous.

Sur réception de ce document signé de votre part, l’enquête sera alors close.

J’estime être en mesure de vous fournir ce document d’ici la fin de la semaine, mais comprenant le stress que vous fais subir cette démarche, je tenais à vous donner signe de vie au plus tôt.

N’hésitez pas à communiquer avec moi pour de plus amples questions.

[Transcription textuelle d’un extrait, soulignements et caractères gras ajoutés]

[28]           Ce courriel est important. En effet, la preuve non contestée, tant documentaire que testimoniale, démontre que le 7 mars 2023, une entente entre le plaignant et l’intimé est effectivement intervenue.

[29]           Le plaignant le confirme par écrit en adressant un courriel à l’intimé.

[30]           Le plaignant y résume l’essentiel de « l’entente que nous avons prise avec vous ».

[31]           Cette entente comprend clairement les trois modalités suivantes énoncées au courriel du 7 mars 2023 : (1) l’intimé devra signer une affirmation qu’il remettra sa démission de l’Ordre au 31 mars 2023, (2) le plaignant rédigera un document[15] résumant les faits reprochés et l’entente, et (3) à la réception de ce document signé par l’intimé, l’enquête sera close.

[32]           Selon cette même preuve, il n’existe qu’une seule condition suspensive[16] : le plaignant doit recevoir l’« affirmation signée » de l’intimé indiquant qu’il démissionnera de l’Ordre au 31 mars 2023. À la réception du document, le plaignant procédera alors à la fermeture des deux enquêtes entreprises.

[33]           Cette entente tient compte du fait que l’intimé ne désire plus poursuivre sa carrière, mais qu’il désire plutôt quitter définitivement la profession et prendre sa retraite.

[34]           Le plaignant annonce qu’il préparera un document résumant l’entente et il réitère qu'à la réception de ce document signé, l’enquête sera close.

4.  L’engagement préparé par le plaignant

[35]           Dès le lendemain, soit le 8 mars 2023 à 16 h 59, le plaignant écrit à l’intimé[17] et confirme à nouveau qu’il procédera à la fermeture de l’enquête « sur réception » de l’engagement signé par l’intimé :

Bonjour monsieur Deslauniers,

vous trouverez ci-joint un engagement que vous devez signer.

Sur réception de ce document signé de votre part, nous procéderons à la fermeture de notre enquête.

N’hésitez pas si vous avez des questions à me contacter

[Transcription textuelle d’un extrait, soulignement ajouté]

[36]           Ce courriel concorde avec celui de la veille et est transmis directement à l’intimé. Me Beaulieu, l’avocate de l’intimé, n’est pas en copie.

[37]           Voici le nouveau texte (ci-après désigné « l’engagement ») proposé par le plaignant[18] :

Bureau du syndic

ENGAGEMENT

Louis-Georges Désaulniers, permis # 11789-77

1.      À la suite de la fin de l’enquête et des échanges avec le syndic adjoint Jean-François Gauthier, je reconnais les faits suivants :

1.1        En 2022, dans les dossiers J.G. et J.M., le choix des mots et la manière avec laquelle j’ai abordé des questions relatives à la sexualité avec les clientes les ont conduites à un inconfort tel qu’elles ont choisi de mettre un terme aux séances.

1.2        En 2022, dans les dossiers J.G. et J.M., ma tenue de dossiers ne permet pas, notamment : 

-          d’apprécier la nature du consentement établi;

-          d’apprécier le processus d’analyse clinique que j’ai effectué;

-          de départager clairement les opinions personnelles, cliniques, provenant de moi ou des clientes;

-          de comprendre clairement les interventions effectuées ou celles à faire.

1.3        En 2022, dans le dossier J.M., malgré que la cliente ait indiqué « presque tous les jours » à la question : « Vous avez pensé que vous seriez mieux mort ou pensé à vous blesser d’une façon ou d’une autre », je n’ai pas procédé à l’évaluation rigoureuse et documentée du risque suicidaire de la cliente.

1.4        En 2023, lors des entretiens avec le syndic adjoint Jean-François Gauthier, je n’ai pas démontré que je maîtrisais le contenu de la norme d’exercice sur La pratique autonome des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec ainsi que des Lignes directrices sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) en psychoéducation.

2.      Considérant ce qui précède, le plan de formation continue suivant m’a été proposé :

2.1        L’évaluation psychoéducative (50 heures) à terminer d’ici le 30 juin 2023.

2.2        La tenue de dossiers – Volets 1 et 2 (20 heures chacune avec tutorat, total 40 heures), à terminer d’ici le 1er janvier 2024.

2.3        L’évaluation du risque suicidaire (21 heures) à terminer d’ici le 30 juin 2024.

2.4        L'utilisation des technologies de l'information et de la communication en psychoéducation : concilier déontologie et pratique (1.25 heure) à terminer d’ici le 30 juin 2024

2.5        Huit (8) heures de supervision, à raison d’une heure à un rythme mensuel, afin de nous assurer de l’intégration des différentes formations précédentes dans votre pratique clinique, débutant en septembre 2024 et se terminant au plus tard en juin 2025.

3.      Après avoir été informé de ce plan, j’ai signifié, via mon avocate au syndic adjoint, de mon choix de prendre ma retraite et de me désinscrire du Tableau des membres de l’Ordre au plus tard le 31 mars 2023.

4.      J’affirme que je prendrai également les mesures nécessaires afin de respecter l’article 28 du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des psychoéducateurs.

5.      Je comprends que la décision de ne pas déposer de plainte au Conseil de discipline repose en partie sur l’affirmation que je fais au point précédent et que si je ne suis pas désinscrit au Tableau des membres de l’Ordre le 1er avril 2023, OU si je tente de m’y réinscrire ultérieurement, le syndic adjoint pourrait rouvrir son enquête et réviser sa décision.

6.      Je comprends qu’une copie de cet engagement et de la décision du syndic adjoint sera transmise à l’Ordre des psychologues du Québec, puisque ce sont eux qui ont reçu la demande d’enquête en vertu de mon droit d’exercice de la psychothérapie.

[Transcription textuelle, soulignements ajoutés aux paragraphes 3 à 6]

[38]           Par cet engagement, l’intimé doit confirmer qu’il prendra formellement sa retraite, démissionnera de l’Ordre au plus tard le 31 mars 2023, prendra les mesures nécessaires pour assurer le transfert de ses dossiers et ne tentera pas de se réinscrire au tableau de l’Ordre[19]. En contrepartie, le plaignant ne déposera pas de plainte devant le conseil de discipline[20].

[39]           Le texte, qui apparait au paragraphe 6 de l’ancienne version[21] citée plus haut, est complètement remplacé par le texte apparaissant au paragraphe 5 de la nouvelle version[22] présentée à l’intimé.

[40]           Ainsi, la décision de ne pas déposer de plainte au Conseil de discipline ne repose plus sur la volonté de l’intimé d’améliorer sa pratique, puisqu’il cessera de pratiquer.

[41]           La décision de ne pas déposer de plainte au Conseil de discipline repose maintenant sur l’affirmation qu’il prendra définitivement sa retraite, cessera d’exercer et démissionnera au plus tard le 31 mars 2023[23].

[42]           Le 9 mars 2023 à 12 h 23, soit le lendemain midi, Me Beaulieu écrit au plaignant[24] pour lui faire part de ses commentaires sur le projet soumis à son attention.

[43]           Il y a lieu de le reproduire, car ce courriel a un impact sur la suite des choses. Me Beaulieu écrit :

Bonjour monsieur Gauthier,

Je représente les intérêts de monsieur Louis-Georges Desaulniers, lequel m’a mandatée pour intervenir en son nom auprès de vous suite après réception du projet d’engagement que vous lui avez transmis.

Mon client n’est pas d’accord avec le projet d’engagement que vous lui avez soumis, car celui-ci implique qu’il reconnaitrait sa responsabilité ou qu’il reconnaitrait avoir commis des fautes professionnelles. Or, la nature même d’une entente telle celle que nous vous avons proposée est qu’elle permet de régler à l’amiable un litige sans qu’il soit nécessaire que l’une ou l’autre des parties admette sa responsabilité.

L’objectif poursuivi par monsieur Desaulniers est donc de trouver une solution lui permettant de ne pas encourir des frais ou effectuer des démarches additionnelles dans cette affaire. Vous comprendrez qu’il est inadmissible pour lui qu’il reconnaisse une faute professionnelle.

Cela étant, j’ai donc pris l’initiative de réviser l’entente pour la rendre davantage conforme à ce qui est envisagé, à savoir un règlement amiable sans admission de responsabilité de part et d’autre. De plus, puisque cette entente implique que le syndic s’engage à procéder à la fermeture des dossiers concernés, nous demandons également qu’elle soit signée par vous.

Puisque la situation actuelle perturbe grandement monsieur Desaulniers, ce dernier préfère que j’agisse comme intermédiaire auprès de vous. Par conséquent, si vous souhaitez discuter davantage de l’entente proposée, je vous invite à me contacter directement ou à demander à Me Brouillette de le faire si vous préférez. Dans le même sens, je vous demande de transmettre à mon attention le projet d’entente révisé.

Je demeure donc dans l’attente d’une communication ou d’un projet d’entente modifié et vous en remercie à l’avance.

Cordialement,

[Transcription textuelle d’un extrait, soulignements ajoutés]

[44]           Essentiellement, Me Beaulieu propose de modifier le libellé du premier paragraphe[25] comme suit :

1. En 2022, le syndic adjoint de l'ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec a été saisi de deux plaintes logées par J.G. et J.M. me concernant.

[Transcription textuelle d’un extrait, soulignement ajouté]

[45]           Me Beaulieu a « pris l’initiative de réviser » le projet et attend un retour à ce sujet.

[46]           Le Conseil note cependant que l’intimé n’est pas mentionné comme étant en copie sur ce courriel. En contre-interrogatoire, le plaignant admet qu’il ne sait pas si l’intimé a pris connaissance de ce courriel de Me Beaulieu ni du projet révisé par Me Brouillette.

[47]           Depuis le début, toutes les communications se font dans un esprit d’ouverture afin de finaliser les modalités de l’entente conclue le 7 mars précédent. Me Brouillette attend donc un retour.

[48]           Toutefois, plusieurs jours s’écoulent sans suite.

5.  La signature par l’intimé de l’engagement et sa démission de l’Ordre

[49]           Puis, le 15 mars 2023 à 19 h 37, donc en soirée, le plaignant transmet un courriel directement à l’intimé dont l’objet est « plainte disciplinaire »[26].

[50]           La preuve non contredite démontre que le plaignant court-circuite les avocates et s’adresse directement à l’intimé malgré la demande explicite de Me Beaulieu d’agir comme intermédiaire.

[51]           Subitement, le plaignant change complètement de ton. Il y a lieu de reproduire ce courriel :

Monsieur Deslauniers,

Nous avons reçu la réponse de votre avocate, dans laquelle elle nomme qu’il vous semble « inadmissible (…) qu’il reconnaisse une faute professionnelle. »

Un des critères prépondérants pour proposer un engagement à l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, la capacité de reconnaître ses manquements ainsi qu’une volonté de s’amender.

Nonobstant votre absence de reconnaissances des manquements constatés et de l’impact possible de vos paroles sur les clientes, nous avons réévalué la gravité des faits ainsi que les facteurs aggravants de votre situation et en sommes venus à la conclusion, qu’afin d’assurer adéquatement notre mandat de protection du public et de préserver l’image de la profession, nous devrons déposer une plainte disciplinaire.

Nous procéderons à la rédaction de celle-ci au cours des prochains jours et elle vous sera ensuite communiquée par huissier.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements ajoutés]

[52]           Le 16 mars 2023 à 11 h 47, soit le lendemain midi, l’intimé transmet lui-même un courriel directement au plaignant et dont l’objet est « Lettre de démission et entente »[27]. À ce courriel sont joints l’engagement signé par l’intimé[28] et sa lettre de démission de l’Ordre.

[53]           Pour précision, l’engagement signé par l’intimé est celui que le plaignant a lui-même préparé[29] et non pas la version révisée par Me Beaulieu.

[54]           La preuve non contestée indique que l’intimé transmet l’engagement signé et sa lettre de démission bien avant la date butoir que le plaignant a fixée au 31 mars 2023[30].

[55]           Le 16 mars 2023 à 13 h, le plaignant téléphone chez l’intimé. La conjointe de ce dernier répond et lui indique qu’il est sorti prendre une marche[31].

[56]           Puis à 13 h 05, la conjointe de l’intimé lui écrit « de passer par l’avocate »[32].

[57]           Le plaignant rappelle aussitôt.

[58]           Il y a lieu de reproduire son résumé de l’entrevue téléphonique[33], le tout ayant été validé par le témoignage du plaignant lors de l’audience :

[…]

Je rappelle et je lui dis que l’avocate ne peut pas me répondre sur ce qui se passe dans la tête de son mari. Je lui explique que j’ai le droit de parler à monsieur directement en vertu de l’article 59 et que s’il refuse, j’ajouterai un chef d’entrave.

Je lui dis que je doute que monsieur soit vraiment parti marcher.

Elle me dit de ne pas la traiter de menteuse, qu’elle l’a appelé sur son cellulaire et qu’il est revenu, car elle l’entend, à l’instant, il vient d’entrer.

Tout à coup, Monsieur prend la ligne et me dit : « C’est quoi votre question? »

Je lui demande pourquoi le 9 mars il était hors de question qu’il reconnaisse toute faute professionnelle et que le 16 il me signe un document reconnaissant ses fautes.

Réponse de monsieur : « Parce que j’ai hâte que ça finisse ! »

Je lui demande : « donc, que reconnaissez-vous au juste? »

Réponse : « Ben là, je vous ai signé un papier, qu’est-ce que vous voulez de plus? »

Je lui dis que sa réponse me convient.

Je lui explique rapidement qu’il recevra la plainte et la divulgation de la preuve, que la loi m’oblige de la lui envoyer à lui. Il pourra ensuite la transmettre à son avocate.

Je lui dis qu’ensuite, s’il souhaite que « ça finisse plus vite » nous pourrons négocier avant l’audience un plaidoyer de culpabilité et des sanctions

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements et caractères gras ajoutés]

[59]           Lors de son témoignage, le plaignant admet avoir dit à l’intimé que sa réponse lui convient. Il admet de plus qu’il sait à ce moment-là que l’intimé est en processus formel pour cesser ses activités professionnelles. Il se dit toutefois surpris de recevoir l’engagement signé par l’intimé.

[60]           Lors de son témoignage, l’intimé explique avoir adoré sa profession. À ce moment-là, il est aussi préoccupé par le fait que, s’il ferme son bureau, environ 50 % à 75 % de ses patients n’auront plus de service vu le manque de ressources. De plus, cette décision entraîne pour lui un impact financier. Il veut donc en parler avec sa conjointe avant de prendre une décision aussi importante. Puis, le 16 mars 2023, il décide, à 75 ans, de prendre sa retraite, de fermer son bureau et de démissionner de l’Ordre[34].

[61]           En contre-interrogatoire, l’intimé explique qu’il y a eu des discussions et qu’une entente est intervenue. Il comprend alors que, s’il prend sa retraite et démissionne, le plaignant fermera son enquête.

[62]           L’intimé amorce donc des démarches pour transférer ses dossiers, mais il éprouve de la difficulté à trouver un professionnel qui accepte de prendre en charge tous ses dossiers. Cette étape requiert un certain temps malgré ses nombreuses démarches.

6.  Le dépôt de la plainte disciplinaire et la demande en rejet

[63]           Le 24 avril 2023, le plaignant porte la plainte disciplinaire suivante contre l’intimé :

Dossier de Madame A

  1. Le ou vers le 14 novembre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, a eu une conduite pouvant porter atteinte à l’intégrité mentale et affective de sa cliente, Mme A., en abordant d’une manière déplacée et dans un langage inapproprié des questions relatives à la sexualité de cette dernière, commettant ainsi une infraction aux dispositions des articles 6 et 8 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ, c. C -26, r. 207.2.01, et 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C -26;
  2. Entre le ou vers le 27 octobre 2022 et le ou vers le 14 novembre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, a omis de consigner au dossier de sa cliente, Mme A., les informations prévues par règlement et répondant aux normes de pratique généralement reconnues, commettant ainsi une infraction aux dispositions des articles 3 et 4 du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des psychoéducateurs, RLRQ, c C-26, r 207.3, et 42 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ c C-26 r 207.2.01;

Dossier de Madame B

  1. Le ou vers le 11 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, n’a pas cherché à établir et maintenir une relation de confiance avec sa cliente, Mme B., par son empressement et son insistance à aborder des questions relatives à la sexualité de cette dernière dès la première séance, la conduisant à mettre un terme au suivi après une seule séance, commettant ainsi une infraction aux dispositions des articles 4 et 8 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ, c. C -26, r. 207.2.01, et 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C -26;
  2. Le ou vers le 11 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, ne s’est pas acquitté de ses obligations professionnelles avec compétence et diligence en ne procédant pas à l’évaluation du risque suicidaire de sa cliente, Mme B., alors que des indices clairs de détresse étaient nommés par cette dernière, en ce qu’elle a notamment écrit avoir pensé à presque tous les jours qu’elle serait mieux morte ou à se blesser d’une façon ou d’une autre, commettant ainsi une infraction aux dispositions des articles 7, 40 et 42 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ, c. C -26, r. 207.2.01;
  3. Le ou vers le 11 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, a donné un avis à sa cliente, Mme B., alors qu’il ne possédait pas une connaissance et une compréhension suffisante des faits pour le faire, en lui suggérant notamment qu’elle devrait, une fois par semaine, se faire belle, se maquiller et ne pas porter de vêtements « mous », commettant ainsi une infraction aux dispositions articles 4, 42 et 45 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ, c. C -26, r. 207.2.01;
  4. Le ou vers le 11 octobre 2022, l’intimé, exerçant sa profession à Gatineau alors qu’il offrait des services de counseling dans le cadre d’un Programme d’aide aux employés, a omis consigner au dossier de sa cliente, Mme B., les informations prévues par règlement et répondant aux normes de pratique généralement reconnues, commettant ainsi une infraction aux dispositions des articles 3 et 4 du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des psychoéducateurs, RLRQ, c C-26, r 207.3, et de l’article 42 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ c C-26 r 207.2.01.

[Transcription textuelle]

[64]           Le 29 mai 2023, l’intimé signe une convention de cession de dossiers avec une professionnelle qui accepte de prendre charge de ses dossiers[35].

[65]           L’intimé présente maintenant une « Demande en homologation d’entente et en irrecevabilité ». Il est utile den reprendre quelques paragraphes qui exposent l’essentiel de ses prétentions et des conclusions qu’il recherche :

[…]

14. Le 7 mars 2023, le Syndic adjoint a exercé sa discrétion et a avisé monsieur Désaulniers de sa décision de fermer le dossier conditionnellement à sa signature d'un document qu'il allait lui faire parvenir;

[…]

17. Le document est signé par monsieur Désaulniers le 16 mars 2023, soit une semaine plus tard;

[…]

20. Cette entente constitue une transaction au sens de l'article 2631 du Code civil du Québec, et sous réserve qu'elle soit entérinée par le Comité, elle mettrait fin au litige;

21. Monsieur Désaulniers a donc démissionné de l'Ordre;

22. Monsieur Désaulniers ayant démissionné de l'Ordre et transféré tous ses dossiers, ne pouvait d'aucune façon revenir en arrière;

23. Âgé de 75 ans, monsieur Désaulniers ne peut certes se réinscrire au Tableau de l'Ordre et se rebâtir une clientèle;

24. La décision du Syndic adjoint de déposer des plaintes malgré l'offre de règlement qu'il avait faite, et qui avait été acceptée par monsieur Désaulniers constitue un déni de justice et un manquement grave à l'équité procédurale, elle est abusive et déraisonnable;

[…]

28. La conduite du Syndic adjoint est nettement abusive et risque de compromettre la crédibilité de l'institution du Syndic, tout en déconsidérant l'administration du processus;

[…]

31. Monsieur Désaulniers subit de ce fait un préjudice sérieux et, dans les circonstances, irréparable;

33. Sa décision de démissionner de l'Ordre et de prendre sa retraite a été réfléchie et elle cadre très bien avec le mandat du Comité d'assurer la protection du public;

[…]

POUR CES MOTIFS, PLAISE AU COMITÉ :

Homologuer l'entente intervenue entre le Syndic adjoint et l'intimé Louis-Georges Desaulniers;

ou subsidiairement

Déclarer sans objet les plaintes déposées par le Syndic adjoint et les Rejeter.

[Transcription textuelle des extraits]

QUESTIONS EN LITIGE

[66]           Le Conseil doit répondre aux questions suivantes :

  1. Les parties ont-elles conclu une entente?
  2. Le cas échéant, le Conseil est-il lié par cette entente?
  3. L’intimé a-t-il rempli ses engagements dans le délai imparti?
  4. Compte tenu des circonstances, le Conseil doit-il intervenir?

ANALYSE

[67]           Pour répondre à ces questions, le Conseil doit d’abord se référer aux principes de droit applicables, puis examiner l’application du droit aux faits prouvés.

Question 1. Les parties ont-elles conclu une entente?

[68]           L’article 1385 du Code civil du Québec stipule que « le contrat se forme par le seul échange de consentement des personnes capables à contracter […] ».

[69]           L’article 1386 précise : « l’échange de consentement se réalise par la manifestation, expresse ou tacite, de la volonté d’une personne d’accepter l’offre de contracter que lui fait une autre personne ».

[70]           Selon le principe du consensualisme en matière contractuelle, le contrat se forme par le seul échange de consentements, sans qu’une forme particulière ne soit requise pour son existence[36].

Application du droit aux faits

[71]           Les parties admettent que, dès le premier courriel du plaignant en date du 13 février 2023, ce dernier envisage sérieusement une mesure alternative à une plainte disciplinaire[37].

[72]           Le plaignant propose alors à l’intimé de suivre des formations et, en contrepartie, il fermera son dossier d’enquête. Le plaignant réitère sa position les 15 et 16 février 2023. Il est même ouvert à une proposition de l’intimé[38].

[73]           Les avocates des parties échangent et ont des discussions.

[74]           Lors de son témoignage, le plaignant affirme qu’il apprend alors que l’intimé a l’intention de démissionner de l’Ordre et c’est pourquoi il modifie le premier projet d’engagement préalablement soumis à l’intimé. Il veut que l’engagement fasse référence à la démission de l’intimé et au transfert de ses dossiers.

[75]           Le 7 mars 2023, le plaignant écrit à l’intimé[39] :

[…]

Sur une affirmation signée de votre part ee votre désistement de l’Ordre au 31 mars 2023, nous procéderons à la fermeture des démarches relatives aux 2 enquêtes vous concernant.

Pour ce faire, je rédigerai dans les prochains jours un document résumant les faits reprochés et l’entente que nous avons prise avec vous.

Sur réception de ce document signé de votre part, l’enquête sera alors close.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignements et caractère gras ajoutés]

[76]           La preuve testimoniale et documentaire est précise, concordante et non contredite : le 7 mars 2023, les parties en viennent à une entente[40]. Il y a échange de volontés. Le document qui suit ne fait que résumer l’entente conclue.

[77]           Quant à la première question en litige, le Conseil répond que les parties ont conclu une entente le 7 mars 2023.

Question 2. Le cas échéant, le Conseil est-il lié par cette entente?

[78]           Le Tribunal des professions s’est déjà penché sur cette question dans l’affaire Cloutier[41].

[79]           Dans cette affaire, l’intimé demande un arrêt des procédures à la suite de la signature d’une « transaction »[42] avec le syndic. Le comité de discipline rejette la demande de l’intimé jugeant que cette entente est insuffisante pour assurer la protection du public[43]. Monsieur Cloutier porte cette décision en appel.

[80]           Le Tribunal des professions s’exprime ainsi :

[40] En matière civile, la « transaction » n'a l'autorité de la chose jugée qu'entre les parties qui sont liées par cette entente.  Toutefois, à l'exemple du syndic qui se déclare satisfait et convaincu que la protection du public était assurée à la suite de son adhésion à cette « transaction », le Comité de discipline devait lui-même procéder à cet exercice à la lumière du contenu de cet accord formel, ce qu'il a fait. 

[41] Cette entente écrite contient assurément des éléments pertinents à la requête en arrêt des procédures et à la plainte sur laquelle le Comité, qui en est validement saisi, devait se prononcer.

[42] Bien que la « transaction » ne puisse lier le Comité de discipline, le Comité devait toutefois examiner attentivement son contenu afin de déterminer si les gestes concrets posés par l'appelant et les nombreux engagements consentis par ce dernier étaient suffisants afin d'assurer la protection du public.

[43] Comme nous le verrons ultérieurement, le Comité devait également évaluer, dans leur ensemble, tous les éléments ainsi que toutes les allégations de la « transaction » au soutien de la requête en arrêt des procédures.

[44] Le Comité s'est donc bien dirigé en procédant dans sa décision à l'analyse des motifs invoqués par le professionnel qui requérait cet arrêt définitif des procédures en raison de cette « transaction ».

[…]

[81] Rappelons que l'objectif au droit disciplinaire n'est pas de punir un professionnel, mais bien de protéger la société. C'est en ce sens que le Comité de discipline s'est penché sur chacune des allégations de l'entente avant de conclure comme il l'a fait.

[82] Bien que la « transaction » ait l'autorité de la chose jugée entre les parties en matière civile, cette dernière ne lie pas le Comité qui en a évalué le contenu afin d'en déterminer la pertinence et la suffisance pour assurer la protection du public.

[Soulignements ajoutés]

[81]           Les parties peuvent donc soumettre leur accord à l’attention du Conseil, mais ce dernier devra en évaluer « le contenu afin d’en déterminer la pertinence et la suffisance pour assurer la protection du public ».

[82]           Ces enseignements sont repris dans l’affaire D’Astous[44]. Dans cette affaire, la plaignante propose à la psychoéducatrice de signer un engagement en contrepartie de quoi elle ne déposera pas de plainte disciplinaire contre elle. Mme D’Astous signe donc l’engagement qui lui est présenté. Toutefois, en raison de gestes subséquents, la plaignante change d’idée et porte tout de même plainte. Invoquant l’entente préalablement intervenue, la psychoéducatrice présente une demande en arrêt des procédures.

[83]           Dans le cadre de cette demande, le conseil de discipline procède à une analyse minutieuse de l’engagement signé par Mme D’Astous et en vient à la conclusion que, compte tenu des faits propres à cette affaire, l’intérêt public exige que le processus disciplinaire enclenché contre elle soit mené à terme[45].

[84]           En conclusion, il est permis aux parties de conclure un accord, mais cet accord ne saurait lier le Conseil. L’accord doit être soumis à l’appréciation du Conseil dont le rôle est d’évaluer si la protection du public est assurée. Si tel est le cas, le Conseil pourra s’en satisfaire.

Application du droit aux faits

[85]           Le Conseil n’est pas lié par l’entente des parties car il doit déterminer si l’entente intervenue assure la protection du public.

[86]           Pour ce faire, le Conseil analyse l’ensemble des communications échangées, l’entente intervenue, l’engagement signé par l’intimé[46] et les gestes qu’il pose pour donner suite à cette entente.

[87]           En l’espèce, l’intimé est âgé de 75 ans, il a pris définitivement sa retraite, il a démissionné de l’Ordre et a transféré tous ses dossiers. Par mesure de prudence, les parties prévoient même qu’advenant que l’intimé tente de se réinscrire, le plaignant pourra rouvrir son enquête et réviser sa décision. Il est donc manifeste que l’intimé n’exercera plus sa profession.

[88]           Quant à la seconde question en litige, le Conseil répond qu’il n’est pas lié par l’entente conclue par les parties, car il doit en faire l’analyse pour déterminer si elle est de nature à assurer la protection du public. Or, après analyse minutieuse des communications, de l’entente, de l’engagement et des gestes qui en découlent, le Conseil en vient à la conclusion que cette entente assure la protection du public.

Question 3. L’intimé a-t-il rempli ses engagements dans le délai imparti?

[89]           L’article 1434 du Code civil du Québec stipule que le contrat oblige ceux qui l’ont conclu[47].

[90]           Les obligations des parties sont énoncées au contrat intervenu le 7 mars 2023 et confirmé par courriel :

[…]

Sur une affirmation signée de votre part ee votre désistement de l’Ordre au 31 mars 2023, nous procéderons à la fermeture des démarches relatives aux 2 enquêtes vous concernant.

Pour ce faire, je rédigerai dans les prochains jours un document résumant les faits reprochés et l’entente que nous avons prise avec vous.

Sur réception de ce document signé de votre part, l’enquête sera alors close.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait]

[91]           Cette entente comprend une condition suspensive[48]. Or, l’article 1506 du Code civil du Québec stipule que la condition accomplie a, entre les parties et à l’égard des tiers, un effet rétroactif au jour où le débiteur s’est obligé sous condition.

[92]           L’article 1507 ajoute : « La condition suspensive accomplie oblige le débiteur à exécuter l’obligation, comme si celle-ci avait existée depuis le jour où il s’est obligé sous telle condition. […] ».

[93]           En conclusion, il faut d’abord se référer à l’accord des parties pour y retrouver les obligations respectives. En l’espèce, l’accord impose une condition suspensive : l’intimé doit fournir un écrit affirmant qu’il démissionnera au plus tard le 31 mars 2023.

[94]           Si cette condition est accomplie, s’opère alors un renversement de situation avec effet rétroactif au 7 mars 2023, date de l’entente. Les parties doivent alors exécuter leurs obligations respectives.

Application du droit aux faits

[95]           L’entente conclue le 7 mars 2023 comprend trois modalités clairement énoncées : (1) l’intimé doit signer une affirmation qu’il remettra sa démission de l’Ordre au 31 mars 2023, (2) le plaignant rédigera un document résumant les faits reprochés et l’entente, et (3) à la réception de ce document signé par l’intimé, l’enquête sera close.

[96]           De fait, le 16 mars 2023, l’intimé signe l’engagement[49] préparé par le plaignant. Cet engagement spécifie :

[…]

3. Après avoir été informé de ce plan, j’ai signifié, via mon avocate au syndic adjoint, de mon choix de prendre ma retraite et de me désinscrire du Tableau des membres de l’Ordre au plus tard le 31 mars 2023.

4. J’affirme que je prendrai également les mesures nécessaires afin de respecter l’article 28 du Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des psychoéducateurs.

5. Je comprends que la décision de ne pas déposer de plainte au Conseil de discipline repose en partie sur l’affirmation que je fais au point précédent et que si je ne suis pas désinscrit au Tableau des membres de l’Ordre le 1er avril 2023, OU si je tente de m’y réinscrire ultérieurement, le syndic adjoint pourrait rouvrir son enquête et réviser sa décision.

[…]

[Transcription textuelle de l’extrait, soulignement ajouté]

[97]           De plus, le même jour, l’intimé remet sa démission à l’Ordre.

[98]           Manifestement, cette première modalité est exécutée.

[99]           Il est ensuite entendu que : « […] je rédigerai dans les prochains jours un document résumant les faits reprochés […] ».

[100]      Dans son courriel du 7 mars 2023, le plaignant confirme l’entente en ces mots : « un document résumant les faits reprochés ». Par son courriel du 9 mars 2023, l’avocate de l’intimé, Me Beaulieu, écrit au plaignant pour lui faire part de ses préoccupations quant au libellé de ce nouveau projet d’engagement.

[101]      Me Beaulieu remarque que le libellé du paragraphe 1 du projet d’engagement n’a pas été modifié, qu’il est demeuré inchangé. Elle fait part au plaignant qu’il y a lieu de reformuler le paragraphe 1 du projet d’engagement pour le rendre conforme à l’entente.

[102]      Effectivement, le contexte est totalement différent.

[103]      Au départ, l’intimé envisage de poursuivre sa pratique et le plaignant en tient d’ailleurs compte en préparant le premier projet d’engagement : le paragraphe 6 prévoit que l’intimé doit améliorer certains aspects de sa pratique.

[104]      Or, le 7 mars 2023, les circonstances sont toutes autres : l’intimé souhaite prendre sa retraite et cesser de pratiquer. Le paragraphe 6 du premier projet disparaît et est remplacé. Il n’est plus question que l’intimé améliore sa pratique, il est maintenant question qu’il quitte définitivement la pratique de la profession.

[105]      Il est donc tout à fait plausible et vraisemblable que les parties aient considéré de seulement référer à un résumé des faits reprochés et c’est d’ailleurs ce que le plaignant écrit dans son courriel confirmant l’entente.

[106]      Me Beaulieu dénote la nuance : le premier projet prévoit que l’intimé reconnaît les faits reprochés, alors que l’entente prévoit plutôt de faire un énoncé sommaire des faits reprochés. Elle propose donc de modifier le libellé du paragraphe 1 du projet soumis pour qu’il soit conforme à l’entente conclue.

[107]      Le courriel de Me Beaulieu est d’ailleurs transmis, le 9 mars 2023, dans un contexte d’ouverture et d’échanges.

[108]      Cela dit, le Conseil constate que l’intimé n’est pas en copie sur ce courriel. En contre-interrogatoire, le plaignant admet ne pas détenir de preuve que l’intimé en a pris connaissance.

[109]      Me Beaulieu sollicite une réponse. Malheureusement, son courriel reste quelques jours sans retour.

[110]      Puis, le 15 mars 2023 à 19 h 37, le plaignant court-circuite les avocates et adresse un courriel directement à l’intimé.

[111]      Par ce courriel, le plaignant cite, hors contexte, un court extrait du courriel que Me Beaulieu lui a adressé et en tire des conclusions, sans demander ni éclaircissement ni validation alors que les échanges sont pourtant bien amorcés.

[112]      Le plaignant souhaite maintenant s’assurer que l’intimé reconnaisse les manquements reprochés. Ce changement drastique de position du plaignant surprend, car l’intimé ne désire plus poursuivre sa carrière, mais plutôt prendre sa retraite.

[113]      Encore plus surprenant, le plaignant dit avoir réévalué la gravité des faits. Or, dès le 13 février 2023, le plaignant déclare que les constats sont sérieux. Mais qu’est-ce qui a changé entre le 13 février et le 16 mars 2023? Rien. Le Conseil considère cette version invraisemblable et ne la retient pas. Après analyse du témoignage du plaignant, le Conseil retient que le plaignant cherche un prétexte pour tenter de justifier son changement drastique de position.

[114]      En effet, lors de la conversation téléphonique du 16 mars 2023, le plaignant questionne l’intimé sur les motifs qui l’ont mené à signer l’engagement proposé. À cet égard, le témoignage du plaignant comprend des incohérences. D’une part, il demande à l’intimé ce qu’il reconnaît. L’intimé le réfère alors au document signé, document très clair et précis à ce sujet. Le plaignant se déclare alors satisfait de cette réponse. Mais, d’autre part, immédiatement après avoir dit cela, le plaignant lui explique qu’il transmettra une plainte tout de même.

[115]      Le témoignage du plaignant est assez déconcertant : par son ton de voix, il semble reprocher à l’intimé d’avoir signé l’engagement, alors qu’il avait lui-même demandé à l’intimé de le signer.

[116]      Le plaignant fait fi de l’entente conclue le 7 mars précédent. Or, les tribunaux n’acceptent pas aisément que les ententes et engagements conclus par le ministère public ou ses mandataires soient répudiés[50]. Considérant l’importance du rôle du syndic en droit disciplinaire, on peut penser qu’un engagement de ce dernier ne devrait pas être répudié à la légère[51].

[117]      La preuve non contredite démontre que l’intimé a signé l’engagement, a remis sa démission avant le 31 mars 2023 et a transféré ses dossiers.

[118]      Quant à la troisième question en litige, le Conseil répond que l’intimé a rempli ses engagements dans le délai imparti conformément à l’entente conclue le 7 mars 2023. La condition suspensive est ainsi accomplie, ce qui opère un effet rétroactif au 7 mars 2023, date à laquelle l’entente est intervenue. Cela oblige les parties à exécuter leurs obligations respectives.

Question 4. Compte tenu des circonstances, le Conseil doit-il intervenir?

[119]      L’intimé demande d’homologuer une « transaction » ou, subsidiairement, de rejeter la plainte[52]. Il y a lieu de se pencher sur ces deux alternatives.

[120]      Concernant la transaction, l’article 2631 du Code civil du Québec énonce qu’une « transaction » est un contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître au moyen de concessions réciproques. Une telle transaction est susceptible d’exécution forcée après avoir été homologuée conformément au Code de procédure civile.

[121]      Or, comme nous venons de le voir, même si les parties concluent une entente, en matière disciplinaire, cette entente doit être soumise à l’appréciation du Conseil dont le rôle est d’évaluer si la protection du public est assurée.

[122]      Après analyse de l’entente et de l’ensemble de la preuve, le Conseil a déjà conclu que la protection du public est assurée. Le Conseil peut donc prendre acte de cet accord.

[123]      Concernant la demande de rejeter la plainte, l’article 143.1 du Code des professions stipule que le président du conseil peut rejeter une plainte qu’il juge abusive, frivole ou manifestement mal fondée.

[124]      Or, l’intimé n’allègue pas que la plainte, telle que libellée, est abusive ou manifestement mal fondée.

[125]      Le rejet d’une plainte disciplinaire abusive ne doit viser que les plaintes sans fondement qui nuisent au professionnel et à la saine administration de la justice. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

[126]      Cependant, un autre remède est à la portée du Conseil : l’arrêt des procédures.

[127]      Le Conseil constate que le format de la demande présentée par l’intimé est calqué sur la procédure prévue au Code de procédure civile dans les affaires en matière civile. Toutefois, il y a lieu de rappeler ici l’enseignement de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Duquet c. Ville de Ste-Agathe-des-Monts[53] : la procédure est la servante du droit et non sa maîtresse. Ceci signifie qu’il ne faut pas déclarer une procédure irrecevable pour une question de forme.

[128]      Le Code de procédure civile[54] entré en vigueur en 2016 reprend ce principe dans sa disposition préliminaire : « Le Code […] vise également à assurer l’accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties […] ». L’article 25 du Code de procédure civile va dans le même sens : « Les règles du Code sont destinées à favoriser le règlement des différends et des litiges, à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction ».

[129]      L’article 10 alinéa 2 du Code de procédure civile spécifie même que : « Les tribunaux […] peuvent, si cela s’impose, corriger les impropriétés dans les conclusions d’un acte de procédure pour donner à celles-ci leur véritable qualification eu égard aux allégations de l’acte ».

[130]      Or, les allégations contenues à la demande de l’intimé, notamment aux paragraphes 24, 28 et 31 reproduits plus haut, sont en lien avec une demande pour l’arrêt des procédures puisque l’intimé cherche à mettre un terme au processus disciplinaire. Les principes de la proportionnalité et de la célérité commandent de trancher la question, même si le titre de la demande et le libellé des conclusions sont déficients. Le fond doit l’emporter sur la forme.

[131]      Il y a donc lieu de s’inspirer de l’enseignement de la Cour suprême du Canada et des principes énoncés au Code de procédure civile, d’autant plus que l’article 143 du Code des professions alloue au Conseil toute la flexibilité nécessaire à l’exercice de sa compétence. En conséquence, le Conseil considère que la demande de l’intimé correspond à une demande requérant l’arrêt des procédures.

[132]      Or, un conseil de discipline peut accorder un arrêt des procédures lorsque la continuation de la poursuite causerait un préjudice irréparable à l'intégrité du système judiciaire[55].

[133]      L’arrêt des procédures n’est justifié que dans les cas les plus manifestes au motif que l’équité du procès est compromise, ou encore pour protéger l’intégrité du processus judiciaire.

[134]      Dans l’arrêt R c. Babos[56], la Cour suprême du Canada s’exprime ainsi :

[31] La Cour a néanmoins reconnu qu’il existe de rares cas — les « cas les plus manifestes » — dans lesquels un abus de procédure justifie l’arrêt des procédures (R. c. O’Connor, 1995 CanLII 51 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 411, par. 68).  Ces cas entrent généralement dans deux catégories : (1) ceux où la conduite de l’État compromet l’équité du procès de l’accusé (la catégorie « principale »); (2) ceux où la conduite de l’État ne présente aucune menace pour l’équité du procès, mais risque de miner l’intégrité du processus judiciaire (la catégorie « résiduelle ») (O’Connor, par. 73).  La conduite attaquée en l’espèce ne met pas en cause la catégorie principale.  Elle fait plutôt nettement partie de la deuxième catégorie.  

[32] Le test servant à déterminer si l’arrêt des procédures se justifie est le même pour les deux catégories et comporte trois exigences :

(1) Il doit y avoir une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice qui « sera révélé[e], perpétué[e] ou aggravé[e] par le déroulement du procès ou par son issue » (Regan, par. 54);

(2) Il ne doit y avoir aucune autre réparation susceptible de corriger l’atteinte; 

(3) S’il subsiste une incertitude quant à l’opportunité de l’arrêt des procédures à l’issue des deux premières étapes, le tribunal doit mettre en balance les intérêts militant en faveur de cet arrêt, comme le fait de dénoncer la conduite répréhensible et de préserver l’intégrité du système de justice, d’une part, et « l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond », d’autre part (ibid., par. 57).

[33] Le test est le même pour les deux catégories parce que les problèmes touchant l’équité du procès et ceux touchant l’intégrité du système de justice sont souvent liés et se posent couramment dans la même affaire.  Le recours à un seul test pour les deux catégories crée un cadre cohérent qui permet d’éviter une « dichotomie » inutile dans le droit (O’Connor, par. 71).  Cela dit, bien que le cadre d’analyse soit le même pour les deux catégories, le test pourra s’appliquer — et s’appliquera souvent — différemment, selon qu’on invoque la catégorie « principale » ou la catégorie « résiduelle ». 

[Soulignements ajoutés]

[135]      La présente affaire concerne la seconde catégorie.

[136]      En conclusion, un arrêt des procédures peut être ordonné si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, il y a atteinte à l’intégrité du processus disciplinaire et qu’il n’y a aucune autre réparation susceptible de corriger l’atteinte.

L’application du droit aux faits

[137]      Comme nous l’avons vu, le Conseil a conclu qu’une entente est intervenue le 7 mars 2023 et que cette entente assure la protection du public.

[138]      Pour sa part, l’intimé a rempli ses engagements dans le délai imparti conformément à cette entente.

[139]      En prenant définitivement sa retraite à l’âge de 75 ans et en démissionnant de l’Ordre, l’intimé est à un point de non-retour. Il a témoigné devant le Conseil à l’effet qu’il a avisé ses clients et les programmes d’aides aux employés qui lui référaient des clients à l’effet qu’il prenait sa retraite. Il a transféré tous ses dossiers. Il ne peut plus changer d’idée. Il ne peut reprendre sa pratique en attendant l’issue du processus disciplinaire. Il n’aura plus de revenus professionnels. Il est convaincu que le plaignant respectera ses obligations conformément à l’entente. Le changement de cap subit et imprévisible du plaignant lui cause un préjudice irréparable. Son témoignage est sincère et crédible. Le Conseil retient son témoignage. .

[140]      Ayant rempli ses engagements, l’intimé est en droit de s’attendre à ce que le plaignant ferme son dossier sans déposer de plainte, comme il s’est engagé à le faire. Et, comme mentionné précédemment, considérant l’importance du rôle du syndic en droit disciplinaire, on peut légitimement s’attendre à ce qu’un engagement du syndic ne soit pas répudié à la légère.

[141]      En l’espèce, l’omission du plaignant d’exécuter ses obligations découlant de l’entente conclue le 7 mars 2023 porte atteinte à l’intégrité du processus disciplinaire. Permettre à la plainte disciplinaire de suivre son cours utiliserait des ressources limitées et napporterait pas de plus-value au fait que la protection du public est déjà assurée. De plus, permettre à la plainte de continuer son cours aurait pour effet de ternir limage de linstitution du syndic. Il n’y a aucune autre réparation susceptible de corriger cette atteinte.

[142]      Quant à la quatrième question en litige, le Conseil conclut que, compte tenu de la preuve et de l’ensemble des circonstances, l’arrêt des procédures s’impose.

[143]      Considérant que les parties en sont venues à un accord et que le Conseil en prend acte, chaque partie assumera ses propres déboursés.

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

[144]      PREND ACTE de l’entente conclue par les parties le 7 mars 2023.

[145]      PREND ACTE de l’engagement signé par l’intimé le 16 mars 2023 et de sa démission de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec le même jour.

[146]      DÉCLARE que l’entente conclue le 7 mars 2023, l’engagement signé par l’intimé le 16 mars 2023 et les gestes qui en découlent assurent la protection du public.

[147]      ORDONNE l’arrêt des procédures.

[148]      LE TOUT, chacune des parties assumant ses propres déboursés.

 

__________________________________

Me MICHEL P. SYNNOTT

Président

 

 

 

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Mme DIANA POOT, Ps.éd.

Membre

 

 

 

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Mme LIBERTAD SANCHEZ, Ps.éd.

Membre

 

Me François Daoust

Avocat du plaignant

 

Me Martin Bédard

Avocat de l’intimé

 

Date d’audience :

22 septembre 2023

 


[1]  Voir la déclaration sous serment de l’intimé jointe à sa demande. Il a également témoigné à cet effet.

[2]  Pièce R-5 : Attestation émise par la Secrétaire de l’Ordre.

[3]  Pièce R-1 : CV de l’intimé.

[4]  Voir le libellé de la plainte pour de plus amples détails.

[5]  Pièce RP-1 : Courriel daté du 13 février 2023 à 18 h 19 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « formations ».

[6]  Pièce RP-3 : Courriel daté du 15 février 2023 à 17 h 59 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « conclusion enquête » (sic).

[7]  Pièce RP-3 : Mention au courriel daté du 16 février 2023 à 11 h 58 de M. Gauthier adressé à Me Beaulieu et dont l’objet est : « Re : Louis-Georges Desaulniers ». L’intimé est en copie.

[8]  Pièce RP-2.0 : Courriel daté du 16 février 2023 à 11 h 22 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « engagement ». À ce courriel est jointe la Pièce RP-2.1 : Engagement (sous forme de projet).

[9]  Pièce RP-2.1 : Engagement (sous forme de projet).

[10]  Pièce RP-2.1 : Engagement (sous forme de projet), paragr. 6.

[11]  Pièce RP-3 : Courriel daté du 16 février 2023 à 11 h 42 de Me Beaulieu adressé à M. Gauthier.

[12]  Pièce RP-3 : Courriel daté du 16 février 2023 à 11 h 58 de M. Gauthier adressé à Me Beaulieu et dont l’objet est : « Re : Louis-Georges Desaulniers ». L’intimé est en copie.

[13]  L’intimé a témoigné à cet effet.

[14]  Pièce RP-4 : Courriel daté du 7 mars 2023 à 15 h 27 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « Suivi ». Note : la même pièce se retrouve aussi comme Pièce R-2. Le plaignant transmet ce courriel depuis son adresse courriel personnelle à l’adresse courriel personnelle de l’intimé.

[15]  Ce document sera intitulé « Engagement ».

[16]  Articles 1497 et 1507 du Code civil du Québec. Voir : Nathalie Vézina, « Les modalités de l’obligation » dans École du Barreau du Québec, Obligations et contrats, Collection de droit 2023-2024, vol. 6, Montréal, CAIJ, 2023, 121.

[17]  Pièce RP-5.0 : Courriel daté du 8 mars 2023 à 16 h 59 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « engagement ». À ce courriel est jointe la Pièce RP-5.1 : Engagement (sous forme de projet). Me Beaulieu n’est pas en copie.

[18]  Pièce RP-5.1 : Engagement (sous forme de projet).

[19]  Pièce RP-5.1 : Engagement : voir paragr. 3 et 4.

[20]  Id., voir paragr. 5.

[21]  Pièce RP-2.1, supra, note 10.

[22]  Pièce RP-5.1, supra, note 18.

[23]  Id., paragr. 4 et 5.

[24]  Pièce RP-6.0 : Courriel daté du 9 mars 2023 à 12 h 23 de Me Beaulieu adressé à M. Gauthier et dont l’objet est : « Louis-Georges Desaulniers ». À ce courriel est jointe la Pièce RP-6.1 : Engagement (sous forme de projet) révisé par Me Beaulieu.

[25]  Pièce RP-6.1 : Engagement (sous forme de projet) révisé par Me Beaulieu, paragr. 1.

[26]  Pièce RP-7 : Courriel daté du 15 mars 2023 à 19 h 37 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « plainte disciplinaire ». Me Beaulieu est en copie.

[27]  Pièce R-6 : Courriel daté du 16 mars 2023 à 11 h 47 de M. Desaulniers adressé à M. Gauthier et dont l’objet est : « Lettre de démission et entente ». À ce courriel sont joints lengagement signé le 16 mars 2023 (note : cette pièce est produite également comme pièce R-4 et pièce RP-8), ainsi que la lettre de démission de l’intimé signée le 16 mars 2023.

[28]  Le projet d’engagement préparé par le plaignant, Pièce RP-5.1, fut dûment signé par l’intimé. L’exemplaire signé est produit par chacune des parties : voir Pièce R-4 ainsi que les Pièces RP-8.0 et RP-8.1. Voir également la Pièce R-5 : « Attestation » de la secrétaire de l’ordre qui confirme la démission de l’intimé au 16 mars 2023.

[29]  Pièce RP-5.1.

[30]  Pièce R-2 aussi produite comme Pièce RP-4 : Courriel du plaignant daté du 7 mars 2023.

[31]  Pièce RP-9 : « Résumé d’entrevues téléphoniques avec le membre 16 mars 2023 ». Ce résumé est validé et complété par le témoignage du plaignant.

[32]  Ibid.

[33]  Ibid.

[34]  Voir également la déclaration assermentée de l’intimé. Il valide le tout par son témoignage.

[35]  Pièce R-5 : Convention de cession.

[36]  Jean-Louis Baudoin et Yvon Renaud, Code civil annoté, 26e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2023 (version eDoctrine), art. 1385 et 1386; Vincent Karim, Les obligations, vol. 1, 5e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2020 (version eDoctrine).

[37]  Pièce RP-1 : Courriel daté du 13 février 2023 à 18 h 19 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « formations ».

[38]  Pièce RP-3 : Courriel daté du 15 février 2023 à 17 h 59 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « conclusion enquête » (sic); Pièce RP-2.0 : Courriel daté du 16 février 2023 à 11 h 22 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « engagement »; Pièce RP-2.1 : Engagement (sous forme de projet).

[39]  Pièce RP-4 : Courriel daté du 7 mars 2023 à 15 h 27 de M. Gauthier adressé à M. Desaulniers et dont l’objet est : « Suivi ». Note : la même pièce se retrouve aussi comme Pièce R-2.

[40]  Il s’agit d’un aveu judiciaire du plaignant puisque, selon l’art. 2850 du Code civil du Québec, l’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur.

[41]  Cloutier c. Comptables en management accrédités, 2004 QCTP 116.

[42]  Art. 2631 C.c.Q.

[43]  L’article 23 du Code des professions exprime clairement que la mission première de chaque ordre professionnel est d’assurer la protection du public. Voir aussi : Claude G. Leduc, « La procédure disciplinaire du Barreau du Québec » dans École du Barreau du Québec, « Éthique, déontologie et pratique professionnelle », Collection de droit, vol.1, Yvon Blais, 2022-2023, p. 235. Référence à : Pharmascience Inc. c. Binet, [2006] 2 R.C.S. 513. Voir également dans le même sens : Palacios c. Comité de déontologie policière, 2007 QCCA 581, paragr. 21. Quant au Conseil de discipline, il peut avoir recours à toute forme de procédure utile, non incompatible avec l’objectif du droit disciplinaire et susceptible de faire apparaître le droit, afin d’exercer pleinement sa juridiction. Voir à cet effet : Érick Vanchestein, Magali Cournoyer-Proulx et al., Code des professions annoté, 4e éd., Yvon Blais., Montréal, 2020, 922 pages, p. 449 à 459; Jean-Guy Villeneuve, Nathalie Dubé et al., Précis de droit professionnel, Yvon Blais., Montréal, 2007, 445 pages, p. 210 et 211.

[44]  Psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. D’Astous, 2017 CanLII 89255 (QCCDPPQ).

[45]  Id., paragr. 119 à 123.

[46]  L’exemplaire signé est produit par chacune des parties : voir Pièce R-4 et Pièces RP-8.0 et 8.1. Également voir la Pièce R-5 : « Attestation » de la Secrétaire de l’Ordre qui confirme la démission de l’intimé au 16 mars 2023.

[47]  De plus, le Tribunaux n’acceptent pas aisément que les ententes et engagements conclus par le ministère public ou ses mandataires soient répudiés. Voir : Chambre de la sécurité financière c. Giroux, 2006 CanLII 59869 (QCCDCSF), paragr. 63 et 69; Baptiste c. R., 2021 QCCA 1064, paragr. 5.

[48]  Articles 1497, 1506 et 1507 du Code civil du Québec. Voir : Nathalie Vézina, « Les modalités de l’obligation » dans École du Barreau du Québec, Obligations et contrats, Collection de droit 2023-2024, vol. 6, Montréal, CAIJ, 2023, 121. Si la condition stipulée s'accomplit, par la survenance de l'événement, il s'opère un renversement de la situation qui prévalait pendente conditione, avec effet rétroactif. Vincent Karim, Les obligations, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2020; art. 1506 C,c,Q.

[49]  Pièce R-4 : Engagement signé le 16 mars 2023; Aussi produit comme Pièces RP-8.0 et RP-8.1.

[50]  Voir : Chambre de la sécurité financière c. Giroux, supra, note 47, paragr. 63 et 69; Baptiste c. R., supra, note 47, paragr. 5.

[51]  Voir : Chambre de la sécurité financière c. Giroux, supra, note 47, paragr. 64 à 68, citant : R. c. Talon, 2006 QCCS 3029, paragr. 140. Les engagements du ministère public en matière de détermination de la peine, par exemple, peuvent être difficilement répudiés: R. c. Obadia, 1998 CanLII 13044 (QC CA). Aussi : R. c. Burlingham, 1995 CanLII 88 (CSC), p. 231.

[52]  Demande en homologation d’entente et en irrecevabilité, paragr. 20 et conclusions recherchées.

[53]  Duquet c. Ville de Ste-Agathe-des-Monts, 1976 CanLII 13 (CSC) ou [1997] 2 R.C.S. 1132.

[54]  Code de procédure civile, disposition préliminaire al. 2, art. 10 et 25.

[55]  Claude G. Leduc, « La procédure disciplinaire du Barreau du Québec », supra, note 43, p. 257 : voir la note infrapaginale 161 pour les références à la jurisprudence et à la doctrine.

[56]  R c. Babos, 2017 C.S.C. 16, paragr. 31 à 33. Voir également : Comptables professionnels agréés (Ordre des) c. Torre, 2018 CanLII 41693 (QC CPA), paragr. 39 à 49; Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Vu, 2021 QCCDPHA 48, paragr. 134 à 149.

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