Habitations Immofive inc. c. Delaunais | 2025 QCTAL 1691 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Shawinigan | ||||||
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No dossier : | 808428 14 20240712 G | No demande : | 4399524 | |||
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Date : | 22 janvier 2025 | |||||
Devant la juge administrative : | Brigitte Morin | |||||
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Les Habitations Immofive Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Marcel Delaunais |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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La preuve du locataire :
Les arguments des parties :
Analyse :
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire, le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
« Le problème d'une clause d'interdiction des animaux survient quand il y a une prohibition absolue d'avoir des animaux en tout temps dans un logement, sans aucune distinction, précision ou justification quelconque. L'application de la clause en raison de son caractère absolu peut devenir déraisonnable et excessif, et ce, me si le tribunal accepte l’argument de la validité d'une telle clause. Il est fondamental de faire la distinction entre la validité de la clause et la légalité des circonstances de son application. Même si le tribunal juge la clause valide et raisonnable, il doit refuser de lui donner effet quand l'exercice du droit reconnu par cette clause ne se fait pas de bonne foi, en contravention de l'article 6 C.c.Q. ou d'une manière excessive, déraisonnable ou dans le but de nuire à autrui, en dérogation de l'article
« La clause n'a donc pas besoin d'être excessive pour être abusive, mais simplement déraisonnable dans les circonstances. Comme une obligation imposée au locataire doit être raisonnable dans les circonstances, cela indique la nécessité de se placer résolument dans l'axe de la protection des droits du locataire. L'article 1901 C.c.Q. modifie spécifiquement l'examen des circonstances par une personne raisonnable puisque celle-ci se doit de privilégier l'approche du locataire, mais toujours dans une recherche du caractère raisonnable de la situation dans les circonstances soumises. Un auteur émet l'avis que des décisions relatives aux clauses prohibitives de garder des animaux dans des logements, ne les considèrent généralement pas abusives, mais qu'elles le deviennent quand on les applique à des personnes qui « ressentent un bienfait tout particulier de la présence d'un animal de compagnie »47. »
« Aussi, il peut falloir apprécier la clause dans le contexte de son application et les conséquences qui en découlent, car les circonstances peuvent influencer le caractère abusif de la clause et faire en sorte qu'une clause qui ne semble pas abusive le devienne dans son application. Par exemple, même si on considère qu'une clause interdisant les animaux dans un bail de logement ne serait pas abusive en principe, son application peut le devenir si on en demande le respect contre une personne ressentant un bienfait particulier produit par la présence d'un animal de compagnie. Il faut, bien sûr, respecter le bien-être des autres occupants et ne pas leur causer préjudice, ce qui est la norme du bon sens. D'ailleurs, même en l'absence d'une clause prohibitive, un locataire ne peut avoir un animal qui cause un préjudice aux autres locataires ou aux autres occupants d'un immeuble. »
« Il n'est pas suffisant pour le locateur d'invoquer que le bail prévoit l'interdiction de garder un animal pour lui donner raison. Il faut que ce droit d'exiger le respect de la clause s'exerce de bonne foi, sans intention ou résultat de nuire au locataire et cela, selon la perspective d'une personne raisonnable. L'exercice déraisonnable des droits fait perdre toute légitimité à celui qui veut en forcer l'exécution et le tribunal doit dans ce cas refuser d'accueillir le recours. L'exercice raisonnable des droits est, depuis 1994, une valeur fondamentale du Code civil du Québec qui doit être respectée et appliquée par tous. » (Le Tribunal souligne)
« [38] Le Tribunal rappelle que la clause d’interdiction de posséder un animal tel qu’un chien, étant reconnu valide en droit, il appartient à la locataire de démontrer par preuve prépondérante que celle-ci devrait être écartée par le Tribunal afin de lui permettre de garder un chien malgré cette interdiction notamment en présentant des circonstances précises et particulières qui rendent cette clause déraisonnable à son endroit. Aux fins de son analyse, le Tribunal réfère aux propos tenus par l’Honorable Gabriel De Pokomandy statuant sur une demande pour permission d’en appeler en lien avec le caractère raisonnable d’une clause d’interdiction de posséder des animaux[12] :
[73] Dans l'optique d'une demande d'exécution en nature, le locataire qui demande l'annulation d'une clause ou la réduction de l'obligation devra assumer le fardeau de preuve[24].
[74] Étant donné que la ligne de démarcation entre l'agrément que procure le simple compagnonnage d'un animal et le besoin thérapeutique d'un locataire de la présence de son animal (zoothérapie) n'est pas toujours facile à tracer, il faut une preuve médicale pour établir qu'on est bien dans la deuxième situation, la seule qui permet de réduire l'obligation découlant d'une clause d'interdiction[25].
[75] La locataire doit donc se décharger de son fardeau d'établir que la présence de l'animal a une utilité thérapeutique, et que l'application de la clause d'interdiction du bail lui causerait un préjudice affectif ou psychologique qui rendrait cette clause déraisonnable dans les circonstances particulières du dossier.
[76] La décision dont on demande la permission d'appeler nous apparaît avoir accepté une preuve en deçà de ce qui semble être la règle établie par la jurisprudence et ne semble pas avoir pris en compte les conditions dans lesquelles les tribunaux ont permis la présence d'un animal aux fins d'une zoothérapie.
[39] Suivant ce raisonnement, le Tribunal estime donc qu’une simple note médicale générale et laconique rapportant les dires de la locataire sur les bienfaits de posséder un chien comme animal de compagnie est insuffisante pour repousser une clause d’interdiction. Le Tribunal estime qu’une évaluation plus approfondie est nécessaire afin de rencontrer le fardeau de preuve requis tel que le conclut la juge administrative Francine Jodoin dans la décision déposée par la locatrice 9183-7062 Québec inc. (Seigneurie Lasalle) c. Pineda[13] :
« [32] Quoiqu’il en soit, que l’on prenne une position ou l’autre, les clauses d’interdiction de garder un animal au logement ayant été reconnu valide, il appartient aux locataires de prouver le caractère déraisonnable de cette clause à leur égard.
[33] Ainsi, cette preuve doit aller au-delà, des bienfaits généralement reconnus quant à la présence d’un animal de compagnie. [8] » »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
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Brigitte Morin | ||
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Présence(s) : | la mandataire de la locatrice le locataire | ||
Date de l’audience : | 28 octobre 2024 | ||
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[1] Billet se lisant tel que suit :
La présente est pour atester que M. Marcel Delaunais présent des problématiques médicales pour lequel la présence de son bien lui apporte non seulement un bien-être et réconfort par sa présence (soutien émitionnel), mais aussi un important bénéfice en le mobilisant afin de maintenir un niveau d’activité physique nécessaire à sa condition. (sic)
[2] Iacobelli c. Bonilla
[3] La Régie du logement, l’interdiction d’un animal de compagnie et en expulsion sans préjudice sérieux : abus de droit ou droit d’abus?, Revue du Barreau, Tome 72, 2013.
[4]
AVIS :
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appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.