Décision

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Canadian National Railway Company c. Ace European Group Ltd.

2019 QCCA 1374

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-09-026940-171

(500-17-071617-123)

 

DATE :

 15 août 2019

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

LORNE GIROUX, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

CANADIAN NATIONAL RAILWAY COMPANY

APPELANTE/INTIMÉE INCIDENTE — défenderesse

c.

 

ACE EUROPEAN GROUP LTD.

INTIMÉE/APPELANTE INCIDENTE — demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 13 juin 2017 par l’honorable Suzanne Courchesne de la Cour supérieure, district de Montréal, qui la condamne à payer 611 414 $ pour les dommages causés à des wagons qu’elle devait transporter.

[2]           L’intimée, pour sa part, a déposé une déclaration d’appel incident dans laquelle elle soutient que la Cour, si elle devait accepter l’argument que fait valoir l’appelante, devrait néanmoins confirmer le jugement de première instance;

[3]           Pour les motifs de la juge Hogue, auxquels souscrivent les juges Giroux et Sansfaçon, LA COUR :


 

[4]           REJETTE le pourvoi;

[5]           DÉCLARE sans objet l’appel incident;

[6]           AVEC les frais de justice en faveur de l’intimée.

 

 

 

 

LORNE GIROUX, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

Me Pierre D. Grenier

Me Viki-Ann Flansberry

DENTONS CANADA

Pour l’appelante

 

Me Jean-François Bilodeau

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

8 mai 2019

 


 

 

MOTIFS DE LA JUGE HOGUE

 

 

[7]           L’appelante CN se pourvoit contre un jugement rendu le 13 juin 2017 par l’honorable Suzanne Courchesne de la Cour supérieure, district de Montréal, la condamnant à payer 611 414 $ pour les dommages causés à des wagons qu’elle devait transporter à la demande de Bombardier. L’intimée Ace European Group Ltd. assure Bombardier et est subrogée dans les droits de celle-ci[1].

[8]           L’intimée, qui a déposé une déclaration d’appel incident, soutient que si la Cour devait accepter l’argument que fait valoir l’appelante, elle devrait néanmoins rejeter l’appel et confirmer le jugement de première instance mais pour un motif autre que celui retenu par la juge d’instance;

[9]           La question que ce pourvoi soulève est celle de savoir si un transporteur, s’autorisant de l’article 137(1) de la Loi sur les transports au Canada, peut s’exonérer de toute responsabilité pour les dommages pouvant être causés, par sa faute, aux biens qu’il s’engage à transporter.

[10]        La juge de première instance y a répondu négativement. Je propose de confirmer son jugement, mais pour des motifs légèrement différents.

LES FAITS

[11]        En février 2009, Bombardier demande à CN combien il en coûterait pour transporter sur leurs roues deux wagons de métro de l’État de New York à la ville de La Pocatière au Québec.

[12]        CN offre initialement de les transporter pour un prix unitaire de 5 916 $. Elle prévoit passer par Buffalo et stipule qu’elle n’assumera aucune responsabilité. Cherchant un tarif moins élevé, Bombardier lui demande si l’utilisation d’une autre route pourrait être moins coûteuse. CN lui propose alors de passer plutôt par Huntington, ce qui permettra de réduire le coût unitaire à 2 883 $, les autres conditions contenues à l’offre initiale demeurant, dont l’absence de responsabilité.

[13]        Bombardier accepte cette offre et le déplacement des wagons est entrepris. Ils sont initialement transportés de Croton-on-Hudson à Hemmingford par CSX Transportation, une société ferroviaire américaine. Celle-ci, à la frontière, les remet à CN qui entreprend alors de les transporter jusqu’à La Pocatière. Ils sont toutefois endommagés lorsque, le 23 avril 2009, un déraillement survient à la gare de triage Taschereau.

[14]        Le tarif faisant état du coût de transport de ces voitures n’est émis que le 24 avril 2009. Il stipule que le prix est effectif à compter du 25 mars 2009 et qu’il expire le 24 avril de la même année. Il mentionne également que le prix est sujet à une responsabilité de zéro (« Rate is subject to zero liability ») et que le client, en l’occurrence Bombardier, devra signer une entente limitative de responsabilité (« Customer to sign limitation of liability agreement »).

[15]        Dans la mesure où la Loi exige qu’un transporteur ferroviaire qui limite sa responsabilité le fasse dans un document écrit, CN prépare également un contrat confidentiel, signé par Bombardier en juillet 2009 et par CN en août 2009. La preuve ne révèle pas les raisons du délai intervenu entre l’accord de volonté et la publication du tarif, d’une part, et la signature du contrat confidentiel, d’autre part. Bombardier et CN font toutefois affaire ensemble régulièrement et elles signent ainsi des contrats confidentiels.

[16]        Celui signé à l’été 2009 stipule qu’il s’appliquera aux transports de wagons effectués au cours de l’année 2009 :

1. For each and every haulage of Passenger Coaches requested by Shipper from CN during the calendar year 2009, []

[17]        Il comporte les considérants suivants :

WHEREAS the Shipper does require, from time to time, CN to haul Passenger Coaches;

AND WHEREAS, as part of the conditions of transport, the Shipper has agreed to a limitation of liability for the hauling of such Passenger Coaches.

AND WHEREAS subsection 137(1) Canada Transportation Act provides as follows:

            A railway company shall not limit or restrict its liability to a shipper for the movement of traffic except by means of a written agreement signed by the shipper or by an association or other body representing shippers.

[18]        Et ensuite ces dispositions :

1.    For each and every haulage of Passenger Coaches requested by Shipper from CN during the calendar year 2009, CN’s liability for any loss or damage to the said Passenger Coaches, or any part thereof, shall be limited to USD $0.00 (zero dollars).

2.    The Parties acknowledge that the herein Agreement constitutes an agreement for the limitation of liability pursuant to subsection 137(1) Canada Transportation Act and a Confidential Transportation Agreement pursuant to section 126 Canada Transportation Act.

[19]        Les wagons étant endommagés, Bombardier réclame une indemnité à Ace qui, l’ayant versée, est maintenant subrogée dans ses droits.

[20]        Alléguant que les dommages aux wagons ont été causés par la faute de CN, Ace réclame donc de CN le remboursement de la somme versée à Bombardier.

[21]        En défense, celle-ci invoque la clause limitant sa responsabilité à 0 $ et demande le rejet de la réclamation. Elle nie également être responsable du déraillement et des dommages causés aux wagons à cette occasion.

[22]        La juge d’instance rejette sa défense. Étant d’avis que l’article 137(1) de la Loi ne permet au transporteur que de « limiter » sa responsabilité et non de s’exonérer complètement, elle estime que la clause de non-responsabilité n’est pas opposable à Ace. Elle appuie son raisonnement sur la distinction tracée par les auteurs Pineau et Lefebvre entre une clause de limitation (qui plafonne les dommages) et une clause d’exonération (qui évacue toute responsabilité)[2].

[23]        S’appuyant ensuite sur le Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises[3], elle présume la négligence de CN et analyse la preuve pour déterminer si CN a renversé cette présomption. Elle conclut par la négative et condamne donc CN à verser à Ace 611 414 $, avec intérêts et indemnité additionnelle.

[24]        CN se pourvoit à l’encontre de ce jugement et soutient que la juge a erré en concluant que la Loi ne lui permettait pas d’exclure totalement sa responsabilité.

[25]        Ace se porte appelante incidente. Elle fait valoir que dans l’éventualité où la Cour devait conclure que la Loi permet au transporteur d’exclure entièrement sa responsabilité, elle devrait néanmoins confirmer le jugement de première instance au motif que la clause contenue au contrat conclu en l’espèce ne s’applique pas lorsque les dommages sont causés par la faute du transporteur.

[26]        Qu’en est-il?

***

[27]        Selon le régime établi par la Loi, un transporteur ferroviaire ne peut pas refuser de transporter des biens :

 (1) Chaque compagnie de chemin de fer, dans le cadre de ses attributions, relativement au chemin de fer qui lui appartient ou qu’elle exploite :

a) fournit, au point d’origine de son chemin de fer et au point de raccordement avec d’autres, et à tous les points d’arrêt établis à cette fin, des installations convenables pour la réception et le chargement des marchandises à transporter par chemin de fer;

b) fournit les installations convenables pour le transport, le déchargement et la livraison des marchandises;

c) reçoit, transporte et livre ces marchandises sans délai et avec le soin et la diligence voulus;

d) fournit et utilise tous les appareils, toutes les installations et tous les moyens nécessaires à la réception, au chargement, au transport, au déchargement et à la livraison de ces marchandises;

e) fournit les autres services normalement liés à l’exploitation d’un service de transport par une compagnie de chemin de fer.

                                 [Soulignements ajoutés]

 (1) A railway company shall, according to its powers, in respect of a railway owned or operated by it,

 

 

(a) furnish, at the point of origin, at the point of junction of the railway with another railway, and at all points of stopping established for that purpose, adequate and suitable accommodation for the receiving and loading of all traffic offered for carriage on the railway;

(b) furnish adequate and suitable accommodation for the carriage, unloading and delivering of the traffic;

 

(c) without delay, and with due care and diligence, receive, carry and deliver the traffic;

(d) furnish and use all proper appliances, accommodation and means necessary for receiving, loading, carrying, unloading and delivering the traffic; and

 

(e) furnish any other service incidental to transportation that is customary or usual in connection with the business of a railway company.

                                [Emphasis added]

[28]        Les tribunaux ont interprété l’alinéa c) ainsi que l’usage du mot « shall » dans la version anglaise de l’article 113 comme imposant aux transporteurs l’obligation de transporter les biens dans la mesure où le tarif est payé par l’expéditeur[4].

[29]        Traditionnellement, la common law traite les transporteurs comme les assureurs des biens transportés[5]. Le traitement qui leur est réservé par le Code civil participe d’un esprit similaire puisque celui-ci, en édictant les circonstances dans lesquelles ils sont exonérés de leur responsabilité pour un dommage résultant du transport, leur impose une obligation de résultat :

2049. Le transporteur est tenu de transporter le bien à destination.

 

Il est tenu de réparer le préjudice résultant du transport, à moins qu’il ne prouve que la perte résulte d’une force majeure, du vice propre du bien ou d’une freinte normale.

 

                                 [Soulignements ajoutés]

2049. The carrier is bound to carry the property to its destination.

 

He is bound to make reparation for injury resulting from the carriage, unless he proves that the loss was caused by superior force, an inherent defect in the property or natural shrinkage.

                               [Emphasis added]

[30]        Cela étant, la loi et la réglementation ont évolué de façon à leur permettre de limiter contractuellement leur responsabilité[6].

[31]        La Loi, qui leur impose de publier les tarifs afférents à leurs services, leur permet en effet de conclure des contrats confidentiels, tel celui conclu en l’espèce, comportant des modalités et des conditions différentes des tarifs usuels. Or, ceux-ci peuvent notamment prévoir l’indemnité qui sera payable dans l’éventualité où le transporteur ne s’acquitte pas correctement des obligations que la Loi lui impose :

126 (1) Les compagnies de chemin de fer peuvent conclure avec les expéditeurs un contrat, que les parties conviennent de garder confidentiel, en ce qui concerne :

a) les prix exigés de l’expéditeur par la compagnie;

b) les baisses de prix, ou allocations afférentes à ceux-ci, indiquées dans les tarifs établis et publiés conformément à la présente section;

c) les rabais sur les prix, ou allocations afférentes à ceux-ci, établis dans les tarifs ou dans les contrats confidentiels, qui ont antérieurement été exigés licitement;

d) les moyens pris par la compagnie pour s’acquitter de ses obligations en application de l’article 113;

e) les conditions relatives au transport à effectuer par la compagnie, notamment les sommes à payer par la compagnie ou l’expéditeur en cas de non-respect de toute condition liée aux obligations visées à l’alinéa d).

                                 [Soulignements ajoutés]

126 (1) A railway company may enter into a contract with a shipper that the parties agree to keep confidential respecting

 

(a) the rates to be charged by the company to the shipper;

(b) reductions or allowances pertaining to rates in tariffs that have been issued and published in accordance with this Division;

(c) rebates or allowances pertaining to rates in tariffs or confidential contracts that have previously been lawfully charged;

(d) the manner in which the company is to fulfil its service obligations under section 113; and

(e) any conditions relating to the traffic to be moved by the company, including any amount to be paid by the company or the shipper in relation to a failure to comply with any condition related to the service obligations referred to in paragraph (d).

                                 [Emphasis added]

[32]        Cette limite de responsabilité, dont ils peuvent convenir, doit toutefois être constatée dans un contrat écrit, signé par l’expéditeur. L’article 137, au moment de la conclusion du contrat (2009), se lisait :

137 (1) La compagnie de chemin de fer ne peut limiter sa responsabilité envers un expéditeur pour le transport des marchandises de celui-ci, sauf par l’accord écrit signé soit par l’expéditeur, soit par une association ou un groupe représentant les expéditeurs.

(2) En l’absence d’un tel accord, la mesure dans laquelle la responsabilité de la compagnie de chemin de fer peut être limitée en ce qui concerne un transport de marchandises est prévue par les conditions de cette limitation soit fixées par l’Office pour le transport, sur demande de la compagnie, soit, si aucune condition n’est fixée, établies par règlement de l’office.

                    [Soulignements ajoutés]

137 (1) A railway company shall not limit or restrict its liability to a shipper for the movement of traffic except by means of a written agreement signed by the shipper or by an association or other body representing shippers.

 

 

(2) If there is no agreement, the railway company’s liability is limited or restricted to the extent provided in any terms and conditions that the Agency may

a) on the application of the company, specify for the traffic; or

b) prescribe by regulation, if none are specified for the traffic.

                                                             

                                 [Emphasis added]

[33]        C’est donc dire que l’article 126 de la Loi est à la source du droit des transporteurs de limiter leur responsabilité alors que l’article 137 leur impose une condition de forme pour le faire, soit la conclusion d’un accord écrit, signé par l’expéditeur.

[34]        Cela étant, quoique la source de leur droit soit plutôt l’article 126(1)e), la question demeure entière : peuvent-ils exclure totalement leur responsabilité pour les dommages causés aux biens et résultants de leur propre faute?

[35]        J’estime que non et voici pourquoi.

L’article 126(1)e), on l’a vu précédemment, permet aux transporteurs de convenir contractuellement des sommes qu’ils devront payer dans l’éventualité où ils ne s’acquittent pas correctement des obligations que l’article 113 de la Loi leur impose. Il s’agit là en fait d’une habilitation législative expresse leur permettant de liquider à l’avance les dommages qui pourront leur être réclamés s’ils ne s’acquittent pas correctement de leurs obligations. En effet, en référant à l’alinéa e), au

[37]        Cela étant, le législateur ne dicte pas la mesure dans laquelle les transporteurs peuvent limiter leur responsabilité. Il ne leur permet pas non plus, expressément, d’exclure totalement cette responsabilité.

[38]        Il est donc nécessaire d’interpréter l’article 126(1)e) pour en définir la portée.

[39]        CN en propose une interprétation permettant aux transporteurs de s’exonérer de toute responsabilité dans l’éventualité où ils manquent à leurs obligations.

[40]        Elle soutient en effet que la liberté contractuelle doit être favorisée, puisque l’objet de la Loi, qui doit être interprétée largement, est la revitalisation et la déréglementation du secteur ferroviaire.

[41]        Je ne peux accepter cette proposition puisque, selon moi, elle vide le contrat de transport de son sens[7]. Interpréter la Loi comme permettant au transporteur de s’exonérer entièrement de toute responsabilité dans l’éventualité où il commet une faute dans l’exécution des obligations essentielles découlant du contrat équivaut à lui permettre de s’engager sans s’engager ou, comme le dit joliment un auteur[8], « à donner d’une clause puis à reprendre de l’autre ».

[42]        L’obligation principale du transporteur est de transporter les biens d’un point à un autre et de prendre les moyens pour qu’ils arrivent à destination intacts[9]. Lui permettre de se dégager d’avance de toute responsabilité dans l’éventualité où, par sa faute, il n’y réussit pas, ferait de son obligation principale une obligation purement potestative et dénaturerait le contrat de transport[10].

[43]        Sans décider s’il serait possible pour le législateur de permettre expressément aux transporteurs de le faire, j’estime qu’on ne peut, en l’absence d’un texte clair à cet effet, présumer que telle était son intention.

[44]        L’article 126(1)e) de la Loi doit donc être interprété, selon moi, comme permettant aux transporteurs de liquider les dommages éventuels que pourra réclamer l’expéditeur en cas d’inexécution fautive du transporteur, mais ne lui permet pas d’exclure sa responsabilité totalement.

[45]        L’argument que fait valoir CN voulant que cela entraîne une incongruité juridique en ce qu’il vient interdire une limitation à zéro dollar tout en autorisant une limitation à un dollar est spécieux. Une limitation à un dollar, dans le contexte de la présente affaire, équivaudrait certainement à une exclusion de responsabilité. Ce n’est pas parce qu’un transporteur aura stipulé qu’il encourra une toute petite responsabilité qu’il pourra toujours soutenir, avec succès, qu’il s’agit là d’une clause limitative de responsabilité et non pas d’une clause d’exclusion de responsabilité. J’estime qu’en cette matière tout est affaire de circonstances et de proportions que le juge du fond aura la tâche d’évaluer.

[46]        Une clause fixant la responsabilité potentielle à un montant dérisoire pourra tout autant être qualifiée de clause d’exclusion de responsabilité si la responsabilité potentielle qu’elle vise à exclure est par ailleurs significative. La véritable question à se poser, à mon avis, est celle de savoir si la limite porte atteinte à l’essence même du contrat. Si elle le fait, elle sera nulle en l’absence d’une habilitation législative expresse.

[47]        Je termine en soulignant que la situation pourrait être tout autre si la clause de limitation de responsabilité ne visait que les dommages causés aux biens par des tiers ou par un cas fortuit, le cadre d’analyse applicable étant alors différent.

[48]        La juge a donc eu raison, en l’espèce, d’établir la responsabilité de CN conformément au Règlement. Je suggère donc à la Cour de rejeter le pourvoi et de déclarer sans objet l’appel incident.

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 



[1]     Ace European Group Ltd. c. Canadian National Railway Company, 2017 QCCS 2531 [Jugement entrepris].

[2]     Jean Pineau et Guy Lefebvre, Le contrat de transport de marchandises : terrestre, maritime et aérien Montréal, Les éditions Thémis, 2016, p. 78 et 100.

[3]     Adopté en vertu de la Loi sur les transports au Canada, L.R., ch. 28 (3e suppl.) Réf : DORS/91-488.

[4]     Voir notamment : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Emerson Milling Inc., [2018] 2 RCF 573, 2017 CAF 79, paragr. 35; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canexus Chemicals Canada, LP, 2015 CAF 283, paragr. 97; Canadian National Railway Company v. Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd., 2006 BCSC 1073, paragr. 92.

[5]     Canadian National Railway Co. v. Harris, [1946] S.C.R. 352, p. 369-370.

[6]     Pour connaître l’historique de cette évolution, voir Canadian National Railway Co. v. Neptune Bulk Terminals (Canada) Ltd., 2006 BCSC 1073 aux paragr. 10-12 et 89-93; et Mitshubishi Heavy Industries Ltd. v. Canadian National Railway Company, 2012 BCSC 1415 aux paragr. 14-24.

 

[7]     La Chambre commerciale de la Cour de cassation a adopté un raisonnement semblable dans l’affaire Chronopost, Comm. 22 octobre 1996, J.C.P. 1997.I.4002. Voir également les commentaires des auteurs dans Didier Lluelles et Benoît Moore, Droit des obligations, 3e éd., Les Éditions Thémis, aux paragr. 1055 et 1056 ainsi qu’aux paragr. 1063 à 1065.

[8]     Gabriel-Arnaud Berthold, Peut-on donner d’une clause et reprendre de l’autre? Essai sur la cause comme instrument de contrôle de la cohérence matérielle du contrat. Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016.

[9]     Jean Pineau et Guy Lefebvre, Le contrat de transport de marchandises : terrestre, maritime et aérien Montréal, Les éditions Thémis, 2016, p. 47.

[10]    Pour une excellente analyse du contrôle exercé par les tribunaux sur les clauses de limitation de la responsabilité découlant de la faute du contractant voir : Stéphanie Ghozlan, La notion d’obligation essentielle dans le cadre du contrôle des clauses abusives : Étude des systèmes juridiques français et québécois. (2015) 49 R.J.T.U.M. 399.

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