Autorité des marchés financiers c. Cousineau-Claveau | 2024 QCTMF 64 | |||
TRIBUNAL ADMINISTRATIF | ||||
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CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
MONTRÉAL | ||||
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DOSSIER N° : | 2021-020 | |||
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DÉCISION N° : | 2021-020-004 | |||
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DATE : | Le 23 septembre 2024 | |||
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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE : | NICOLE MARTINEAU | |||
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AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS | ||||
Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
DANIEL COUSINEAU-CLAVEAU | ||||
et | ||||
12354365 CANADA INC. | ||||
Parties intimées et BANQUE TORONTO-DOMINION, personne morale ayant une succursale sise au 575 Chemin de Touraine, Suite 200, à Boucherville (Québec), J4B 5E4 et BANQUE TORONTO-DOMINION, personne morale ayant une succursale sise au 1480 rue de L’Etna, à Val Bélair (Québec), G3K 1Y5 et BANQUE TORONTO-DOMINION, personne morale ayant une succursale sise au 278 route 138 Local 20, à Saint-Augustin-Desmaures (Québec) G3A 2C5 et BANQUE TANGERINE, personne morale ayant une place d’affaires au 1141, boulevard Maisonneuve ouest, à Montréal (Québec), H3A 3B7 et BANQUE DE MONTRÉAL, personne morale ayant une succursale au 7171 boul. Cousineau, Bureau 100, à Saint-Hubert (Québec) J3Y 8N2 Parties mises en cause
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DÉCISION | ||||
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[1] Le 19 octobre 2021[1], le Tribunal administratif des marchés financiers (« Tribunal ») rend une décision, à la suite d’une audience ex parte[2], dans laquelle il prononce des ordonnances de blocage visant notamment les fonds, titres et autres biens des intimés et ceux détenus pour eux par les institutions financières mises en cause.
[2] Ces ordonnances de blocage sont prononcées dans le cadre d’une enquête menée par l’Autorité des marchés financiers (« l’Autorité ») en lien avec des manquements allégués de la part de Daniel Cousineau-Claveau à la Loi sur la distribution de produits et services financiers[3]. Il aurait exercé des activités de courtage hypothécaire, notamment en se présentant comme conseiller, consultant et/ou courtier en prêt hypothécaire, en effectuant des démarches afin de trouver des prêts hypothécaires et en sollicitant des clients à la recherche de financement hypothécaire, sans être inscrit à ce titre auprès de l’Autorité.
[3] Les sommes d’argent recueillies par Daniel Cousineau-Claveau auprès de clients dans le cadre de ces activités illégales de courtage hypothécaire auraient notamment été déposées dans un compte bancaire de 12354365 Canada inc., une société sur laquelle il exercerait le contrôle.
[4] Depuis la décision initiale, les ordonnances de blocage sont prolongées à deux reprises[4] et elles viennent à échéance le 16 octobre 2024.
[5] Le 7 juin 2023, l’Autorité signifie un constat d’infraction à Daniel Cousineau-Claveau. Ce constat comprend quinze (15) chefs d’infraction reprochant à Daniel Cousineau-Claveau d’avoir exercé illégalement l’activité de courtier hypothécaire auprès de quinze (15) consommateurs.
[6] Le 18 avril 2024, l’honorable juge Yannick Couture de la Cour du Québec déclare Daniel Cousineau-Claveau coupable de treize (13) chefs d’infraction et il le condamne à des amendes totalisant 193 440 $ pour avoir agi comme courtier hypothécaire auprès de consommateurs sans être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité, contrevenant ainsi à l’article
[7] Le 6 septembre 2024, l’Autorité dépose une demande auprès du Tribunal dans laquelle elle requiert que les sommes faisant l’objet des ordonnances de blocage et qui ont été obtenues par suite des manquements commis lui soient remises, conformément à l’article 115.9 (7o) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers. Elle demande également la levée des ordonnances de blocage lorsque la remise de ces sommes aura été complétée.
[8] Lors de l’audience du 19 septembre 2024, les intimés et les mises en cause ne sont pas présents, ni représentés par avocat. La demande de l’Autorité ayant été dûment signifiée aux parties, le Tribunal décide de l’entendre.
[9] Le Tribunal doit répondre aux questions en litige suivantes :
[11] Par ailleurs, la preuve démontre que Daniel Cousineau-Claveau est l’unique administrateur de 12354365 Canada inc. Cette compagnie a été utilisée pour recevoir l’argent de consommateurs lors des manquements commis à la Loi sur la distribution de produits et services financiers par Daniel Cousineau-Claveau.
[12] Les sommes obtenues des consommateurs lors des manquements commis ont été déposées dans un compte bancaire au nom de Daniel Cousineau-Claveau et dans un compte bancaire au nom de 12354365 Canada inc. à la Banque Toronto-Dominion.
[13] Ces deux comptes font actuellement l’objet des ordonnances de blocage prononcées par le Tribunal[5].
[14] Le Tribunal décide donc d’ordonner à la Banque Toronto-Dominion de remettre à l’Autorité les sommes détenues dans ces deux comptes bancaires ou détenues dans tout nouveau compte ouvert par la Banque Toronto-Dominion dans lequel les sommes prélevées en contravention des ordonnances de blocage auraient été déposées.
[15] Le Tribunal prévoit également une levée complète des ordonnances de blocage lorsque la remise de ces sommes à l’Autorité aura été complétée.
Question 1 : Daniel Cousineau-Claveau a-t-il commis des manquements à la Loi sur la distribution de produits et services financiers?
[16] Le Tribunal répond « oui » à cette première question en litige.
[17] Le 18 avril 2024, l’honorable juge Yannick Couture de la Cour du Québec déclare Daniel Cousineau-Claveau coupable de treize (13) chefs d’infraction et il le condamne à des amendes totalisant 193 440 $ pour avoir agi comme courtier hypothécaire auprès de consommateurs sans être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité, contrevenant ainsi à l’article
[18] La preuve présentée par l’Autorité devant le Tribunal démontre notamment que :
[19] Le Tribunal constate que Daniel Cousineau-Claveau a agi comme courtier hypothécaire auprès de treize (13) consommateurs sans être titulaire d’un certificat délivré par l’Autorité, ce qui constitue un manquement aux articles
Question 2 : Le cas échéant, le Tribunal doit-il, dans l’intérêt public, prononcer des ordonnances visant à mettre en œuvre les conclusions recherchées dans la demande de l’Autorité, à savoir la remise à l’Autorité des sommes faisant l’objet des ordonnances de blocage et qui ont été obtenues par suite des manquements commis ainsi que la levée des ordonnances de blocage ?
[21] L’article 115.9 (7o) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers prévoit qu’à la suite d’un manquement à cette loi, le Tribunal peut, à la demande de l’Autorité, enjoindre à un « représentant, à un cabinet, de même qu’à toute autre personne ou entité » de remettre à l’Autorité les montants obtenus par suite de ce manquement, le tout afin de priver la personne visée des gains réalisés à l’occasion de ce manquement ou afin de corriger la situation[6].
[22] Pour que le Tribunal puisse prononcer une ordonnance de remise prévue par l’article 115.9 (7o) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, l’Autorité doit faire la preuve des éléments suivants :
[23] L’ordonnance recherchée a pour objectif de priver la personne visée des gains réalisés à l’occasion de ce manquement ou de corriger la situation.
[24] Lorsque le Tribunal rend une ordonnance conformément à l’article 115.9 (7o) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, il doit ordonner à l’Autorité de lui soumettre les modalités selon lesquelles les montants qu’elle recevra seront administrés et pourront être distribués aux personnes ayant subi une perte à l’occasion de ces manquements[7]. Toutefois, le Tribunal n’est pas tenu d’ordonner à l’Autorité de soumettre ces modalités lorsqu’il lui est démontré que les montants ainsi remis sont moindres que ceux devant être engagés pour leur distribution[8].
[25] La preuve présentée par l’Autorité établit qu’au moment de rendre les ordonnances de blocage le 19 octobre 2021, des sommes de 22.57 $ et 517.22 $ se trouvaient respectivement dans les comptes de Daniel Cousineau-Claveau et 12354365 Canada inc. auprès de la Banque Toronto-Dominion.
[26] Ces comptes font actuellement l’objet d’ordonnances de blocage prononcées par le Tribunal et sont, selon la preuve de l’Autorité, les seuls comptes contenant des sommes obtenues par suite des manquements commis par Daniel Cousineau-Claveau. Aucune somme d’argent provenant de consommateurs n’a transité par l’entremise des autres comptes faisant l’objet des ordonnances de blocage.
[27] Bien que la preuve démontre que des consommateurs ont subi une perte monétaire à l’occasion des manquements commis par Daniel Cousineau-Claveau, le Tribunal est d’accord avec l’Autorité que les sommes devant lui être remises sont moindres que celles qui seraient engagées pour les distribuer.
[28] L’Autorité demande au Tribunal que ces sommes lui soient remises afin de priver les intimés des gains réalisés à la suite des manquements commis à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.
[29] Comme les comptes bancaires visés par les ordonnances recherchées seront vides lorsque les sommes qu’ils contiennent auront été remises à l’Autorité, conformément à l’article 115.9 (7o) de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, et qu’aucune somme provenant de consommateurs n’a transité par l’entremise des autres comptes faisant l’objet des ordonnances de blocage, il n’y aura plus aucun motif d’intérêt public à maintenir les ordonnances de blocage qui affectent les intimés.
[30] Ainsi, après avoir dûment considéré la preuve et les représentations de l’Autorité lors de l’audience, le Tribunal conclut qu’il est dans l’intérêt public d’ordonner à la Banque Toronto-Dominion de remettre à l’Autorité les sommes détenues dans les comptes mentionnés aux conclusions de la présente décision afin de priver les intimés des gains réalisés à la suite des manquements commis.
[31] Le Tribunal conclut également qu’il y a lieu de prononcer la levée des ordonnances de blocage lorsque la remise de ces sommes aura été complétée.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal administratif des marchés financiers, en vertu des articles 93 et 97 al. 2 (7°) de la Loi sur l’encadrement du secteur financier et des articles 115.9 (7o) et 115.9.1 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers :
ACCUEILLE, dans l’intérêt public, la demande de l’Autorité des marchés financiers;
ORDONNE à la Banque Toronto-Dominion de remettre les sommes prélevées en contravention des ordonnances de blocage dans les comptes bancaires portant les numéros 6161905 4565 et 5007486 4907 ou dans tout nouveau compte à être ouvert à cet effet, et ce, dans les cinq (5) jours de la signification de la présente décision;
ORDONNE à la mise en cause Banque Toronto-Dominion de remettre à l’Autorité des marchés financiers les sommes détenues dans les comptes bancaires portant les numéros 6161905 4565 et 5007486 4907 ou détenues dans tout nouveau compte ouvert par la Banque Toronto-Dominion suivant l’ordonnance précédente rendue par le Tribunal, et ce, dans les 10 jours de la signification de la présente décision;
LÈVE les ordonnances de blocage prononcées aux termes de la décision numéro 2021-020-001 du Tribunal administratif des marchés financiers lorsque la remise à l’Autorité des marchés financiers des sommes ci-dessus mentionnées aura été complétée.
ORDONNE à l’Autorité des marchés financiers de notifier la présente décision aux parties et à leurs avocats, le cas échéant, et de déposer sans délai les preuves de notification auprès du Tribunal.
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| __________________________________ Me Nicole Martineau Juge administrative | |
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Me Ève Demers (Contentieux de l’Autorité des marchés financiers) Procureure de l’Autorité des marchés financiers | ||
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Date d’audience : | 19 septembre 2024 | |
[1] Autorité des marchés financiers c. Cousineau-Claveau,
[2] Sans l’audition préalable des parties intimées, art.
[3] Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2 (« Loi sur la distribution de produits et services financiers »).
[4] Autorité des marchés financiers c. Cousineau-Claveau,
[5] Selon la preuve présentée par l’Autorité, la Banque Toronto-Dominion a prélevé des frais bancaires à même certains comptes bancaires postérieurement aux ordonnances de blocage rendues par le Tribunal, et ce, sans qu’aucune demande de levée partielle ne soit présentée. La Banque Toronto-Dominion a informé verbalement l’Autorité qu’elle était disposée à remettre les sommes qui auraient dû être conservées dans les comptes bancaires faisant l’objet des ordonnances de blocage.
[7] Art.
[8] Ibid.
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