Directeur des poursuites criminelles et pénales c. P.P. | 2023 QCCQ 4892 | ||||
COUR DU QUÉBEC | |||||
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CANADA | |||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||
DISTRICT DE | JOLIETTE | ||||
LOCALITÉ DE | JOLIETTE | ||||
« Chambre criminelle et pénale » | |||||
N° : | 705-01-117761-215 | ||||
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DATE : | 6 juillet 2023 | ||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE NORMAND BONIN, J.C.Q. | |||||
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Directeur des poursuites criminelles et pénales | |||||
Poursuivante
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c. | |||||
P... P... (1990-[...]) Accusé | |||||
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JUGEMENT SUR LA PEINE
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Le Tribunal a rendu, en conformité des articles 486.4 et suivant du Code criminel[1], une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque manière que ce soit le nom ou les renseignements permettant l’identification des victimes. Toute transgression à cette ordonnance est régie par l’article 486.4 du C.cr. La publication de ce jugement requiert également un caviardage.
[1] L’accusé, P... P..., a plaidé coupable aux accusations d’avoir entre le 3 mars et le 20 mai 2021, touché à madame X (ci-après madame X) (2006-[...]) à des fins d’ordre sexuelles, alors qu’elle était âgée de 14 et 15 ans et qu’il avait, lui-même 31 ans. Il a aussi plaidé coupable d’avoir communiqué avec elle, entre le 1er février et le 20 mai de la même année, en vue de faciliter la perpétration d’une infraction sexuelle, soit les actes criminels prévus aux articles 151 a) et 172.1 (1) b (2) a) du Code criminel.[2]
[2] L’accusé avait des antécédents, mais aucun en semblable matière.
[3] Le Tribunal est d’avis, dans les circonstances très spécifiques de l’accusé, qu’une peine équivalente à deux ans de pénitencier est appropriée et sert les fins de la justice en considérant que l’accusé a plaidé coupable, qu’il a évité à la victime de témoigner dans le cadre d’un procès et en tenant compte des spécificités reliées à l’accusé et de son statut de membre des Premières nations. De plus, il s’agit d’une suggestion commune qui n’est pas contraire à l’ordre public dans les circonstances.
[4] L’accusé et madame X sont petits cousins. Ils vivent tous deux dans la communauté A et se côtoient régulièrement, notamment chez un cousin commun et à l’aréna lorsque l’accusé y joue au hockey. C’est d’ailleurs dans ce cadre que l’accusé a davantage connu madame X. Sans que l’accusé ne soit un mentor pour elle, il l’avait beaucoup encouragé à poursuivre et développer ses importants talents dans le domaine du hockey. Ils avaient une passion commune et cela les avait rapprochés.
[5] Dès 2019, l’accusé communique avec elle par un mode numérique. À compter de février 2021, il fait en sorte que les propos amicaux commencent à avoir une connotation sexuelle. Ils développent une véritable relation de confiance. Progressivement, la nature des conversations change. Il lui envoie des photos de son pénis en érection à trois reprises et lui demande des photos d’elle dans son intimité. Le 20 mai 2021, l’accusé invite madame X à venir le rejoindre sur son lieu de travail, au centre de santé A, où il est alors agent sanitaire. Il l’accueille au garage de l’établissement et ferme la porte. Il l’embrasse et lui touche les seins. L’accusé tente de lui baisser son pantalon, mais elle le retient. Il baisse son propre pantalon et fait en sorte qu’elle lui fasse une fellation. Elle est accroupie contre le mur. Il la tire par les jambes pour l’étendre sur le sol. Il lui baisse son pantalon ainsi que ses sous-vêtements jusqu’aux genoux. Il lui met les jambes sur ses épaules, la pénètre vaginalement sans condom jusqu’à éjaculation. L’accusé a été arrêté un peu plus d’un mois plus tard.
[6] Bien que, par le prononcé d’une peine, le Tribunal cherche à assurer un certain degré de réparation des torts causés aux victimes, à leur entourage et à la collectivité et que ce soit un des buts importants du processus de détermination de la peine, le Tribunal reconnaît d’emblée qu’il n’y a aucune peine qui puisse compenser l’atteinte à la dignité et à l’intégrité d’une personne. Aucune peine ne peut être proportionnelle aux préjudices subis par les victimes. L’atteinte à leur développement, à un si jeune âge, est nécessairement de nature à affecter leur estime d’elles-mêmes et leur assurance. Les torts subis par les victimes ne peuvent s’effacer, et cela, faut-il en convenir, quelle que soit l’ampleur de la peine prononcée.
[7] Le prononcé d’une peine a pour objectif essentiel de protéger la société. La protection des enfants et des adolescents contre toutes formes d’exploitation sexuelle, la protection de leur autonomie décisionnelle et développementale, de leur épanouissement, de leur intégrité, de leur dignité et de leur droit à l’égalité tout en considérant leur vulnérabilité, ces valeurs parmi celles devant demeurer pérennisées dans notre société, constitue l’objectif primordial de notre régime législatif en regard de la réponse sociétale contre ces crimes[3].
[8] Bien qu’un tribunal, en matière de mauvais traitements contre des personnes de moins de 18 ans, doive considérer d’autres objectifs reliés au prononcé d’une peine, il se doit, non seulement d’apporter une attention particulière (primary consideration) aux objectifs de dénonciation et de dissuasion[4], mais il se doit, désormais de leur accorder priorité, par ordonnancement d’importance[5] et, au besoin, particulièrement en cas de risque de récidive, d’isoler les délinquants[6].
[9] Bien que la justice pénale, à elle seule, ne puisse enrayer le problème sociétal de la violence sexuelle contre les enfants[7], le prononcé d’une peine se doit de marquer son caractère inacceptable. Il ne faut pas oublier que le processus pénal s’inscrit dans la réaffirmation des valeurs sociétales devant être protégées[8] .
[10] Néanmoins, le principe fondamental demeure que la peine doit être individualisée et proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité de l’accusé[9]. Ainsi doivent donc être aussi considérés les autres objectifs mentionnés par le législateur soit, de contribuer à la prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre, de favoriser la réinsertion sociale d’un accusé et susciter chez lui la conscience de ses responsabilités en visant la reconnaissance par le délinquant du tort qu’il a causé aux victimes ou à la collectivité[10]..
[11] Le Tribunal doit considérer, aux fins de déterminer la peine appropriée, les circonstances aggravantes comme celles atténuantes. Le Tribunal doit chercher l’harmonisation ou la parité[11] des peines à l’égard de circonstances semblables, éviter l’excès, examiner avant d’envisager la privation de liberté, la possibilité de sanctions moins contraignantes et de toutes sanctions substitutives à l’incarcération lorsque les circonstances le justifient en tenant compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité[12]. Le Tribunal doit particulièrement examiner toutes sanctions substitutives à l’emprisonnement, qui soient raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé à la victime et à la collectivité lorsque l’accusé est membre des Premières nations.[13]
[12] Afin d’évaluer la proportionnalité de la peine avec les crimes commis et le degré de responsabilité de l’accusé, la Cour suprême, dans l’arrêt Friesen[14], énonce des critères permettant toujours de considérer ceux énoncés dans L.J.J.[15], mais émet certaines balises supplémentaires se reliant à la nécessité que les tribunaux incorporent une plus grande compréhension de la notion du préjudice causé aux enfants.
[13] Comme le rappelle la Cour suprême :
Les enfants représentent l’avenir de notre pays et de nos collectivités. Ils méritent de vivre une enfance sans violence sexuelle. Quand des enfants sont victimes de violence sexuelle, « la société dans son ensemble s’en trouve diminuée et dégradée[16]. »
Les infractions d’ordre sexuel contre des enfants sont des crimes violents qui exploitent injustement leur vulnérabilité et leur causent un tort immense ainsi qu’aux familles et aux collectivités. Il faut imposer des peines plus lourdes pour ces crimes. Les tribunaux doivent infliger des peines proportionnelles à la gravité des infractions d’ordre sexuel contre des enfants et au degré de responsabilité du délinquant, à la lumière des initiatives du législateur en matière de détermination de la peine et du fait que la société comprend mieux le caractère répréhensible et la nocivité de la violence sexuelle à l’endroit des enfants. Les peines doivent être le reflet fidèle du caractère répréhensible de la violence sexuelle faite aux enfants de même que du tort profond et continu qu’elle cause aux enfants, aux familles et à la société en général.[17]
[14] Dans l’arrêt Desjardins c. R.[18], la Cour d’appel tenait des propos similaires dans l’évaluation de la gravité de ces crimes :
L’agression sexuelle contre des enfants est un crime particulièrement odieux puisqu’il s’exerce contre des êtres sans défense, qu’il est facilité le plus souvent par une relation affective ou d’autorité, qu’il viole une relation de confiance, qu’il traumatise la victime et la prive d’un développement normal de sa propre sexualité. Nos tribunaux ont, au cours des récentes années, montré, avec raison, une sévérité accrue en la matière, non pas pour répondre aux accusations de laxisme de certains journaux (…), mais bien parce qu’ils y voient un acte profondément antihumain et antisocial et ont conscience de son impact et de ses répercussions sur les victimes.
[15] Reprenant les principes des arrêts L.J.J. et Bergeron, la Cour d’appel, dans Croisetière[19], a rappelé que :
S’il est une intolérance dont une société saine ne doive jamais s’émanciper, c’est bien celle qui concerne les abus sexuels commis sur de jeunes enfants.[20]Ces propos sont largement transposables aux adolescents qui, pour n’être plus des bambins, n’en sont pas moins, eux aussi, des personnes vulnérables, à une étape cruciale de leur développement personnel. Leur vulnérabilité réside souvent dans le fait qu’ils paraissent consentir, désirer, s’abandonner même aux abus perpétrés sur leur personne, ce qui en fait des victimes idéales, qui ne résistent pas à l’emprise qu’on exerce sur eux. On ne compte plus les adolescents ou adolescentes, par exemple, qui s’amourachent d’un professeur, d’un entraîneur ou autre personne faisant figure de mentor, et c’est précisément de cette attirance, qui accroît leur fragilité, que les adultes ne peuvent pas et n’ont pas le droit de profiter. L’article 718.01 C.cr. commande donc qu’une attention particulière (« primary consideration ») soit, dans leur cas comme dans celui des petits enfants, portée à l’objectif de dénonciation et de dissuasion.[21]
[16] Dans l’arrêt Londono, la Cour d’appel réitère message constant lancé par les tribunaux pour les crimes sexuels commis sur des enfants :
L’obligation de protection à l’égard de ce groupe vulnérable ne doit souffrir d’aucun compromis dans la mesure où il exprime la répugnance ressentie par la collectivité à l’égard des atteintes à l’intégrité sexuelle des enfants.[22]
[17] Il s’agit donc d’évaluer le caractère répréhensible de la violence sexuelle, le préjudice et la nocivité qu’elle cause, ceux-ci suivant une compréhension moderne[23], excluant les stéréotypes passés, et de leur donner plein effet dans la détermination de la peine[24]. Il y a lieu de considérer notamment les répercussions dévastatrices à long terme, parfois même permanentes[25]sur les comportements de la victime et préjudices potentiels suivants :
[18] Dans la présente situation, madame X mentionne combien elle pense, toujours et encore, à ces événements. Elle est devenue triste et fâchée de ce qui lui est arrivée. Même dans ses relations amoureuses, elle a perdu confiance en l’autre, elle a des craintes constantes que son partenaire puisse lui faire du mal. Elle n’est plus en mesure de faire confiance à 100%, et ce, même à un partenaire amoureux. Il lui est difficile de s‘investir totalement dans une relation. Elle est constamment sur ses gardes. Elle a changé son style vestimentaire et met des vêtements plus larges pour ne pas laisser paraître les formes de son corps. Elle a perdu l’estime d’elle-même. Bien que l’accusé lui évite de témoigner, il n’en demeure pas moins qu’il lui a causé beaucoup de stress. Elle souhaite qu’un interdit de contact demeure. Ils vivent tous deux dans une petite communauté. Si elle le voit par hasard, elle devient mal à l’aise et se met même à trembler. Cela lui est très difficile. Elle était heureuse de jouer au hockey, niveau bantam, mais elle a perdu la motivation qu’elle avait. Il lui est difficile d’expliquer tout cela à ses parents.
[19] Les crimes de contact à des fins sexuelles sur une adolescente de moins de 16 ans et de leurre, soit d’avoir communiqué avec elle, en vue de faciliter la perpétration d’une infraction sexuelle, sont tous deux passibles de 14 ans d’emprisonnement. Les peines minimales d’un an ont été déclarées inconstitutionnelles.[26]
[20] Il s’agit ici de deux crimes commis à l’égard d’une victime. Il y a un seul événement d’agression sexuelle, mais des communications à des fins sexuelles sur plusieurs mois.
[21] L’accusé affirme n’avoir lui-même été exposé à aucune situation d’abus. Il a vécu une enfance heureuse exempte de traumatismes. Toutefois, à l’âge de 18 ans, il a réalisé que sa sœur avait été abusée sexuellement par son père. Pour sa part, il a eu la chance de découvrir la sexualité dans le cadre d’une relation saine qui a d’ailleurs duré plus de 6 ans jusqu’à l’émergence, à 21 ans, de problématiques d’abus de d’alcool, de méthamphétamines et de violence conjugale. À la suite d’une première judiciarisation, il avait cessé de consommer pendant deux ans.
[22] L’accusé a un dossier judiciaire actif depuis 2010, soit trois accusations reliées à la conduite avec les facultés affaiblies, un bris de probation, deux voies de fait, mais aucun antécédent en lien avec des crimes sexuels. Malgré des ordonnances de probation, l’accusé n’a jamais été enjoint de participer à des thérapies en lien avec la consommation ou la violence.
[23] Bien que l’accusé ait plaidé coupable devant le Tribunal, que son avocate ait pris la peine de vérifier les faits avec lui, de lui faire signer l’énoncé des faits et que le Tribunal ait pris aussi la peine de vérifier le tout avec l’accusé, ce dernier s’est montré réticent à admettre les mêmes faits dans ses discussions avec l’agent de probation et la sexologue. Il admet, à l’agent de probation, avoir communiqué sciemment par messages texte avec la victime en vue de faciliter la perpétration d’une infraction sexuelle et avoir eu, avec elle, des échanges sexualisés. Sa reconnaissance à l’égard des conduites sexuelles plus actives a été mitigée. L’agent de probation rapporte qu’il dit comprendre qu’il est question de relations sexuelles complètes, avec pénétration, sans usage de préservatif et la gravité des gestes. Il dit accepter que sa conduite soit sanctionnée et vouloir assumer les conséquences à venir, cependant il n’arrive pas à reconnaître avoir eu une relation sexuelle complète. À la sexologue, il a nié complètement tout toucher de nature sexuelle. Confronté à l’ensemble des vérifications faites avec lui avant et au moment de son plaidoyer de culpabilité, il a fait preuve de fermeture, ne voulant aller plus loin que la simple négation.
[24] Il apparait au Tribunal que, par ses propos, l’accusé a cherché ainsi à protéger son estime de lui-même et cela davantage dans un contexte où sa conjointe mettrait en doute l’exactitude des gestes déjà admis par l’accusé. Introduisant des doutes sur l’ampleur de sa conduite, il préserve ainsi son image aux yeux de sa conjointe, de ses enfants et de ses proches.
[25] L’accusé percevait initialement uniquement des conséquences sur lui et sa famille. Il ne faisait preuve d’aucune empathie à l’égard de la victime. Il ne croyait pas avoir besoin d’une aide spécialisée en matière sexologique. Il était d’avis que le soutien de ses proches l’aidera suffisamment. Pourtant l’agent de probation est d’avis que l’accusé doit se conscientiser à ses facteurs de risques récurrents et à la nécessité de suivre une thérapie aux fins de ne pas reproduire des gestes à conséquences dévastatrices pour autrui, pour lui-même et ses proches.
[26] Aujourd’hui, à la cour, l’accusé a exprimé ses regrets et il a franchement reconnu sa culpabilité. Il est aussi désolé des conséquences qu’il fait vivre à sa famille. Il a semblé démontrer plus d’ouverture à travailler ses problèmes personnels.
[27] L’accusé est maintenant âgé de 33 ans.
[28] Ses parents se sont séparés alors qu’il n’avait que sept ans, ce qui l’a amené à vivre à Ville A avec sa mère qui s’est montrée bienveillante et aimante à son égard. Il en est ainsi de celui qui est devenu le nouveau conjoint de sa mère au cours des années qui ont suivi la séparation. Somme toute, son père s’est montré peu présent, du moins jusqu’à ce que l’accusé atteigne l’âge de 15 ans jusqu’à ses 18 ans alors qu’il s’est volontairement éloigné de lui.
[29] L’accusé a atteint un niveau de scolarité de secondaire I et il a suivi une formation professionnelle en débroussaillage. Tout au cours de sa vie, il s’est particulièrement investi dans le hockey. L’accusé a eu peu de périodes de travail actif. Il est présentement sans emploi.
[30] Au fil des ans, il a vécu trois relations conjugales. Il a cinq enfants issus de deux unions. Il est décrit comme un père attentionné et présent. L’accusé vit présentement en couple. Malgré les crimes commis et les difficultés qu’il vit sur le plan judiciaire, sa conjointe est résiliente et supporte l’accusé. Ils ont comme projet de se marier.
[31] La sexologue ayant fait l’évaluation du risque chez l’accusé a utilisé une base statistique et des algorithmes pour prédire le niveau de risque chez l’accusé comme étant un risque dans la moyenne.[27] Aucun diagnostic sexologique spécifique ne peut être retenu pour l’instant. Les crimes commis semblent davantage relever de l’immaturité, de l’impulsivité de l’accusé et dans un contexte où il a agi par opportunisme que d’une problématique plus lourde sur le plan sexologique. Rappelons d’ailleurs que, dans le passé, il a eu deux enfants, le même jour, avec deux femmes différentes, malgré une union stable avec l’une d’elles. C’est donc la deuxième fois qu’alors qu’il avait une union stable avec sa conjointe, il recherche une relation sexuelle avec une autre personne, cette fois-ci avec une adolescente.
[32] Des distorsions cognitives, notamment en lien avec l’âge de consentement et la nécessité de ne pas abuser d’une relation de confiance, sont en cause dans le présent dossier. Alors qu’elle était très jeune, il a entretenu avec madame X des conversations, nourrissant une relation de confiance. Les propos tenus ont été peu à peu sexualisés. La sexologue émet le point de vue qu’alors qu’il vivait des incertitudes et des conflits avec sa conjointe, il se sentait en contrôle avec madame X et a ainsi comblé ses besoins sexuels sans tenir compte des conséquences de ses actions sur elle.
[33] L’agent de probation est d’avis que le risque de récidive demeure présent chez l’accusé. La sexologue l’évalue comme étant dans la moyenne. L’agent de probation mentionne que l’impulsivité, l’immaturité et possiblement la consommation d’intoxicants ont contribué au passage à l’acte criminel chez l’accusé. L’agent de probation fait aussi remarquer que, contrairement à ce que l’accusé a exprimé, à lui seul le soutien de ses proches ne lui permettra pas de s’émanciper des facteurs de risque.
[34] Parmi les facteurs aggravants, mentionnons :
L’accusé a abusé et exercé un mauvais traitement à l’égard d’une adolescente de moins de 16 ans, membre de sa famille élargie, une personne vulnérable notamment en raison qu’elle est membre des Premières nations vivant dans une communauté éprouvant des difficultés;
L’atteinte à l’intégrité sexuelle et psychologique de la victime;
Il y a une certaine préméditation puisque l’accusé fait venir madame X à un endroit à l’abri des regards des parents et de toute autre personne;
Il a commis les agressions sexuelles sans utiliser un condom[28];
L’accusé a agi dans un contexte d’abus de confiance;[29]
Les séquelles importantes chez la victime.
[35] L’exposé des faits convenus entre les parties n’est pas précis en regard d’un niveau de participation active de la part de X, alors jeune adolescente. Il va de soi qu’il ne peut y avoir de consentement d’une adolescente de moins de 16 ans avec un adulte et qui est, de plus, en situation de confiance. Néanmoins, même si une telle situation était alléguée, l’accusé doit comprendre qu’elle serait survenue en raison de la vulnérabilité de madame X, qu’il a exploitée. Dans tous les cas, la Cour suprême a précisé :
Tout en reconnaissant que la participation de la victime n’est pas un facteur atténuant, certaines cours l’ont néanmoins jugée pertinente pour déterminer la peine appropriée (voir Scofield, par. 39; Caron Barrette, par. 56). Il s’agit d’une erreur de droit : ce facteur n’est pas pertinent en droit lors de la détermination de la peine. La participation d’une victime peut coïncider avec l’absence de certains facteurs aggravants, comme la violence supplémentaire ou la perte de conscience. En clair, l’absence de facteur aggravant ne constitue pas un facteur atténuant.
(…)
la participation de la victime ne doit pas détourner l’attention de la cour du préjudice que subit la victime par suite de la violence sexuelle. Nous tenons donc à avertir fermement les tribunaux de ne pas qualifier les infractions d’ordre sexuel auxquelles ont participé des enfants victimes d’actes où il n’y a eu aucune violence psychologique ou physique, comme semblent l’avoir fait certaines cours (voir Caron Barrette, par. 46). Comme l’ont conclu les juges majoritaires dans Hajar, la « violence est plutôt inhérente à ces infractions puisqu’elles comportent une grave atteinte par l’adulte à l’intégrité sexuelle, à la dignité humaine et à la vie privée de l’enfant même dans les cas où il y a consentement apparent » (par. 115). L’absence de violence supplémentaire comme l’utilisation d’une arme, l’intimidation et l’agression physique supplémentaire ne permet pas de faire abstraction de la violence inhérente aux infractions d’ordre sexuel contre des enfants (voir Marshall, p. 220).
(…) dans certains cas, la participation de la victime résulte d’une campagne de manipulation orchestrée par le délinquant ou de la rupture d’un lien de confiance existant. La participation de la victime ne saurait en aucun cas être considérée comme un facteur atténuant. Lorsqu’un abus de confiance ou une manipulation est à l’origine de la participation, cela doit être à juste titre perçu comme un facteur aggravant (R. c. P.M. (2002), 2002 CanLII 15982 (ON CA), 155 O.A.C. 242, par. 19; R. c. F. (G.C.) (2004), 2004 CanLII 4771 (ON CA), 71 O.R. (3d) 771 (C.A.), par. 7 et 21; Woodward, par. 43). L’adolescence peut s’avérer une période déroutante et difficile pour les jeunes au fur et à mesure qu’ils grandissent et mûrissent, naviguent entre les amis et les groupes de pairs et découvrent leur sexualité. Comme l’a écrit la juge d’appel Feldman dans P.M., exploiter les jeunes adolescents pendant cette période en les amenant à croire qu’ils entretiennent une relation amoureuse avec un adulte [traduction] « dénote un degré d’amoralité qui est très préoccupant » (par. 19).
Enfin, la participation de la victime ne saurait jamais détourner l’attention de la cour du fait qu’il incombe toujours aux adultes de s’abstenir de se livrer à de la violence sexuelle sur des enfants. Ce sont les adultes, et non les enfants, qui sont tenus d’empêcher les rapports sexuels entre les adultes et les enfants (George, par. 2; R. c. Audet, 1996 CanLII 198 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 171, par. 23). Nous faisons nôtres les propos qu’a tenus la juge Fairburn (maintenant juge à la Cour d’appel) dans R. c. J.D., 2015 ONSC 5857 :
[traduction] Le fait que l’enfant semble acquiescer ou même solliciter l’attention sexuelle de l’adulte ne constitue pas non plus un facteur atténuant. Lorsqu’un enfant semble solliciter pareille attention, il s’agit souvent d’une manifestation extérieure de sa confusion découlant de difficultés personnelles. L’adulte en présence d’un enfant qui semble déjà aux prises avec des difficultés a la responsabilité légale de le protéger. Les adultes qui considèrent ces situations comme des occasions d’assouvir leurs propres pulsions sexuelles ne sont ni meilleurs ni pires que ceux qui sollicitent directement leur victime. [par. 25 (CanLII)][30]
[36] Au chapitre des facteurs atténuants, il y a lieu de considérer :
son plaidoyer de culpabilité, mais ce facteur est mitigé par une négation subséquente de certains faits auprès de l’agent de probation et de la sexologue;
une certaine collaboration dans les évaluations faites par l’agent de probation et la sexologue.
[37] La Poursuite aurait normalement suggéré une peine de pénitencier de trois ans. Elle a accepté de se rallier à la suggestion commune de deux ans de pénitencier afin de tenir compte que l’accusé est membre des Premières nations et des enseignements donnés par le législateur et la Cour suprême qui oblige la prise en considération de sa situation tout à fait spécifique.
[38] Il y a lieu d’examiner la jurisprudence en lien avec :
_ l’évolution des fourchettes de peine et l’incidence des différents facteurs;
_la considération du fait que l’accusé est membre des Premières nations.
[39] Les fourchettes de peine pour les contacts et agressions sexuels sur un enfant ou un adolescent ont considérablement évolué au cours des dernières décennies.
[40] Depuis 2012, la Cour d’appel du Québec ne cesse de rappeler que le législateur et les tribunaux ont augmenté l’échelle des peines en matière de crimes sexuels.[31] Ces commentaires de la Cour d’appel sont faits avant que le législateur ait revu la gravité objective des crimes sexuels à la hausse en 2015[32].
[41] En 2015, la Cour d’appel dans Perron,[33] déclarait que « la fourchette applicable en jurisprudence est très large : les peines se situent entre 3 et 48 mois ».
[42] En 2015 et en 2018, toujours avant l’arrêt Friesen[34], la Cour d’appel du Québec, dans les arrêts Morasse[35] et St-Cyr[36] établissaient que les peines discontinues de 90 jours ou moins ne devaient n’être envisagées que lors de courts contacts sexuels se situant au bas de l’échelle de gravité, étant un incident isolé, par une personne qui n’est pas en situation d’autorité ou de confiance vis-à-vis la victime et que l’échelle de peine se situait plutôt entre 90 jours et 12 mois. Les peines pouvant être plus longues lorsque l’abus de confiance ou d’autorité perdure sur plusieurs mois ou plusieurs années.
[43] Dans l’arrêt Bergeron en 2016, dans l’arrêt Côté[37] en 2018 et dans l’arrêt J.D.[38] en septembre 2020, la Cour d’appel a cité avec appui, au chapitre de la considération de l’harmonisation des peines, l’ouvrage de Parent et Desrosiers[39], pour son étude comportant une fourchette des peines en matière d’abus et d’agression sexuelles. L’arrêt Bergeron cite notamment le passage suivant :
Les sentences de 12 mois à 23 mois de détention : Ces sentences sanctionnent des gestes sexuels de peu de gravité et/ou survenus en de rares occasions et/ou sur une courte période de temps, commis sur une seule victime. Les arrêts récents de la Cour d’appel du Québec indiquent clairement que des gestes de la nature d’attouchements, même lorsqu’ils sont perpétrés au cours d’un incident unique et isolé, peuvent mener, voire mènent généralement à l’emprisonnement. Les sentences imposées ou confirmées en appel pour ce genre de délit peuvent aller jusqu’à 23 mois d’incarcération.
Les sentences de 2 ans moins un jour à 6 ans, avec une concentration importante des 3 à 4 ans : Selon le juge Sansfaçon, la ligne médiane des peines pour crimes sexuels se situerait autour de 3 ans et demi. (…). Les trames factuelles des affaires soumises tendaient donc naturellement à s’approcher des faits de l’affaire Cloutier : pas de casier judiciaire, abus de confiance, de pouvoir et d’autorité, mais absence de violence directe (autre que celle inhérente à la nature de l’infraction). Dans ce contexte, les jugements de la Cour d’appel confirment ce seuil.
iii) iii) Les sentences de 7 à 13 ans : Le juge Sansfaçon note que « les sentences de 7 à 13 ans ont été imposées en raison de circonstances particulières de violence, au-delà des gestes sexuels et/ou de la présence d’antécédents judiciaires et évidemment en relation avec des infractions comportant une gravité objective [élevée] ». La revue jurisprudentielle postérieure à l’affaire Cloutier indique que ces peines sanctionnent des situations d’abus prolongé, qui débutent généralement lorsque la victime ou les victimes sont de jeunes enfants, et qui comportent des relations sexuelles complètes, soit dans un contexte d’intimidation et de violence, soit en incitant des enfants à avoir des relations sexuelles entre eux.[40]
[44] En 2018, La Cour d’appel entérinait la suggestion que la jurisprudence suggérait une fourchette de peines allant de 30 mois à 8 ans pour un crime d’agression sexuelle sur un adolescent commis avec violence extrinsèque aux actes eux-mêmes.[41]
[45] Sans se prononcer spécifiquement sur une échelle de peine, la Cour suprême, en 2020, fournit notamment les directives suivantes :
_Afin de respecter la décision du législateur d’augmenter les peines maximales, les tribunaux devraient généralement infliger des peines plus lourdes que celles qui étaient infligées avant les augmentations (… et cela) devrait se concrétiser par un « durcissement des sanctions ». Les juges chargés de la détermination de la peine et les cours d’appel doivent donner effet aux signaux clairs et répétés du législateur d’infliger des peines plus lourdes pour ces infractions.[42] (La parenthèse est du soussigné aux fins de cibler le texte pertinent)
_ les peines peuvent et devraient s’éloigner des fourchettes antérieures lorsque le législateur augmente la peine maximale pour une infraction et que la société comprend mieux la gravité du préjudice qui découle de cette infraction[43];
_ les tribunaux devraient se garder d’invoquer des précédents qui peuvent être « désuets » et qui ne reflètent pas la reconnaissance actuelle par la société des répercussions d’une agression sexuelle sur les enfants[44];
_ les infractions d’ordre sexuel contre des enfants doivent être punies plus sévèrement que les infractions d’ordre sexuel contre des adultes[45] ;
_ plus le délinquant représente un risque élevé de récidive, plus le tribunal doit privilégier l’objectif d’isoler l’accusé de la société en vue de protéger les enfants vulnérables de l’exploitation fautive et du danger[46] ;
_ selon le risque de récidive que représente le délinquant, l’impératif d’offrir une protection immédiate et à court terme aux enfants peut faire obstacle à une libération anticipée[47].
[46] La Cour suprême invite les tribunaux à se focaliser sur le degré de responsabilité de l’accusé en examinant davantage le préjudice causé que d’accorder une importance indue à une hiérarchisation d’actes sexuels spécifiques sur la base de la notion traditionnelle de bienséance sexuelle tels un toucher aux parties intimes, par-dessus ou dessous les vêtements, une pénétration, avec ou sans le pénis. La Cour suprême indique qu’il n’existe pas nécessairement une corrélation entre le type d’acte physique et le préjudice causé à l’enfant, la violence sexuelle étant hautement répréhensible et porteuse de préjudices parfois beaucoup plus importants sur les plans émotionnel et psychologique que physique[48].
[47] Sans en faire une directive contraignante ni formellement une fourchette de peines, la Cour suprême énonce un « message global clair » :
_des peines d’emprisonnement se situant dans la portion centrale des peines inférieures à 10 ans infligées pour des infractions d’ordre sexuel à l’égard d’enfants sont normales ;
_des peines se situant dans la portion supérieure des peines de moins de 10 ans, ainsi que des peines de 10 ans et plus, ne devraient être ni inusitées ni réservées aux circonstances rares et exceptionnelles ;
_de lourdes peines peuvent être infligées lorsqu’il n’y a qu’un seul épisode de violence sexuelle ou une seule victime ;
_les peines maximales ne devraient pas être réservées au « scénario abstrait du pire crime commis dans les pires circonstances ».
_Une peine maximale devrait plutôt être infligée chaque fois que les circonstances le justifient.[49]
[48] Cependant, le Tribunal doit, malgré l’ensemble de ces indications jurisprudentielles, être guidé par la prééminence du principe de proportionnalité et que toute peine doit être individualisée[50]. Le Tribunal garde à l’esprit que l’établissement de fourchettes de peines n’est qu’un guide dans le cadre de la considération du facteur de l’harmonisation des peines. Il s’agit de « lignes directrices et non de règles absolues[51] ». La Cour ne s’intéresse pas aux formules mathématiques dans le prononcé d’une peine. Il s’agit de confectionner, pour chacun des individus, un habit sur mesure qui réponde aussi aux objectifs sociétaux établis par le législateur.
Ces fourchettes ne devraient pas être considérées comme des « moyennes », encore moins comme des carcans, mais plutôt comme des portraits historiques à l’usage des juges chargés de déterminer les peines. Ces derniers demeurent tenus d’exercer leur pouvoir discrétionnaire dans chaque espèce.[52]
[49] La Cour suprême rappelle que lorsque la victime est un enfant, cela a pour effet d’accroître la responsabilité d’un accusé puisque l’exploitation sexuelle des enfants est hautement blâmable. La Cour suprême appelle cependant à des nuances, puisque certains facteurs peuvent atténuer la responsabilité morale :
Le principe de proportionnalité exige que la peine infligée soit « juste et appropriée, rien de plus » (…). Premièrement, comme l’agression sexuelle et les contacts sexuels sont des infractions définies de manière générale qui englobent une vaste gamme d’actes, la conduite du délinquant sera moins blâmable sur le plan moral dans certains cas que dans d’autres. Deuxièmement, la situation personnelle des délinquants peut avoir un effet atténuant. Par exemple, les délinquants ayant des déficiences mentales qui comportent de grandes limites cognitives auront probablement une culpabilité morale réduite. [53]
[50] Dans l’affaire Lévesque,[54] mon collègue, le juge Serge Cimon, inflige à l’accusée, sans antécédent judiciaire, une peine de 6 ans de pénitencier pour des agressions sexuelles sur un jeune enfant. Elle avait admis avoir masturbé X à six reprises; lui avoir fait trois fellations; s’être laissé pénétrer digitalement par lui à deux occasions et s’être exhibée nue devant lui et de l’avoir incité à lui toucher les seins. Dans son étude fouillée, mon collègue cite des cas de gravité différentes où les peines prononcées ont été de 32 mois è 8 ans, Il considère qu’une fourchette de peines allant de 4 à 10 ans de prison devrait s’appliquer dans les cas où un adulte, sans antécédent judiciaire, agresse sexuellement, sur une longue période, un enfant prépubère, dans un contexte d’abus de confiance ou d’autorité.
[51] Par ailleurs, mon collègue a reconnu que des circonstances peuvent justifier une peine moins élevée dans O.B.[55] . Dans cette affaire, l’accusé est en quelque sorte le demi-frère de la victime. À trois occasions, il l’a saisi pour frotter son entre-jambe, par-dessus ses vêtements. L’accusé éjacule et mouille le pantalon de la victime. La victime en vit des conséquences majeures. L’accusé est jeune et sans antécédent judicaire. Il se voit imposé une peine de deux ans moins un jour et une probation de 2 ans avec suivi pour 18 mois.
[52] Dans l’affaire J. F[56]., mon collègue, le juge Dennis Galiatsatos, aussi dans un jugement fouillé, est d’accord que les fourchettes de peine ne doivent plus référer à l’affaire Cloutier[57], mais doivent tenir compte des préjudices sur les enfants et s’adapter. Il signale que plusieurs cours d’appel à travers le pays ont formulé une nouvelle fourchette. Comme il le fait remarquer, la Cour d’appel du Québec, dans plusieurs décisions post-Friesen a référé à la fourchette de l’affaire Cloutier[58] et, dans Trottier,[59] la Cour d’appel a décidé qu’il ne s’agissait pas d’une situation pour formuler une nouvelle fourchette. Il a, pour sa part, infligé une peine de 5 ans et demi de pénitencier à un individu ayant commis des agressions sexuelles sur sa belle-fille de 11 ans. L’accusé s’était, à plusieurs occasions, frotté le bassin contre le sien de manière sexuelle jusqu’à ce qu’il atteigne l’orgasme. De plus, à une occasion, l’accusé avait touché à l’enfant dans son lit en se masturbant. La victime avait dénoncé les gestes à la police en 2019, soit 30 ans plus tard et pourtant elle vivait toujours avec les séquelles de ces agressions. L’accusé avait 61 ans, avait des problèmes de santé, n’avait aucun antécédent et travaillait comme professeur. Mon collègue cite une abondante jurisprudence où des peines de plus de quatre ans sont imposées.
[53] Dans l’arrêt Trottier[60] la Cour d’appel fait remarquer que la Cour suprême enseigne aussi que les fourchettes de peine ne sont pas un carcan, que la peine doit être un habit sur mesure .Il doit y avoir rehaussement de la sévérité des peines dans le cas de crimes d’ordre sexuel commis contre des enfants parce que le législateur en a exprimé la volonté en augmentant la durée des peines maximale, parce que la société comprend mieux la gravité et la nocivité de la violence sexuelle contre les enfants et que les peines doivent mieux les refléter. Par ailleurs, dans Friesen, la Cour suprême convient que même s’il est nécessaire d’établir des catégories de fourchette de peine qui tiennent compte d’une nouvelle façon de considérer le préjudice commis sur les enfants, il ne s’agit pas d’une tâche facile.
[54] Dans l’affaire Dufour[61], la Cour supérieure impose une peine de quatre ans de prison pour un individu ayant abusé sexuellement d’un jeune adolescent de 16 ans. Aux fins d‘obtenir des masturbations et fellations à plusieurs reprises culminant en une relation sexuelle complète. Il le menaçait de dévoiler à sa famille d’accueil que l’adolescent fumait cigarette et marijuana pour le manipuler psychologiquement. L’accusé était sans antécédent judiciaire. La victime avait subi d’importantes séquelles physiques et psychologiques.
[55] Dans l’affaire Rioux[62], l’accusée, sans antécédent judiciaire, technicienne en éducation spécialisée, s’amourache d’un jeune homme avec qui elle est initialement en contact dans le cadre scolaire en raison de ses difficultés personnelles. Ce dernier développe une relation fusionnelle avec celle-ci. Des gestes à caractère sexuel, dont des fellations et des relations sexuelles complètes, ont lieu sur deux périodes distinctes d’une durée de quatre et cinq mois. L’accusée voit la victime en cachette et désobéit à des ordonnances de mise en liberté. La juge considère qu’il s’agit d’une relation amoureuse atypique tout en relevant que l’acquiescement de l’adolescent n’était pas un facteur pertinent. Elle impose une peine globale de 40 mois.
[56] Dans l’affaire W.M[63], l’accusé a abusé sexuellement à deux reprises la sœur de sa conjointe, âgée entre 7 et 8 ans. À une occasion, il pénètre les parties génitales de l’enfant avec son doigt, lui fait un anulingus et lui frotte son pénis dans sa main. À une seconde occasion, il touche ses parties génitales durant quelques instants. Ses gestes ont causé de fortes répercussions sur l’enfant. L’accusé affichait des regrets et avait eu lui-même une enfance marquée par des traumatismes. L’accusé avait plaidé coupable et était sans antécédent judiciaire. Il a été condamné à une peine de 36 mois.
[57] Dans les jours précédents le présent jugement, le soussigné a rendu un jugement[64] concernant une personne membre des Premières nations ayant abusé sexuellement une personne de moins de 16 ans, aussi membre des premières nations alors qu’ils étaient tous deux fortement intoxiqués. L’accusée a reçu une peine de deux ans moins un jour à purger au sein de la communauté avec 240 heures de travaux communautaires. D’aucune façon, la situation de l’accusé, P..., ne peut être considérée avoir des similarités avec celle de l’accusée Niquay.
[58] Dans le présent dossier, tant l’accusé que la victime sont membres des Premières nations. Le législateur a tenu à préciser que ce ne sont pas seulement les accusés autochtones qui méritent une attention particulière, mais aussi les enfants et adolescents issus des Premières nations, notamment les jeunes filles :
Le Tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’une personne vulnérable en raison de sa situation personnelle, notamment en raison du fait qu’elle est une personne autochtone de sexe féminin, accorde une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l’agissement à l’origine de l’infraction.[65]
[59] Cela n’est pas sans raison, les adolescents et adolescentes des communautés autochtones sont souvent plus vulnérables puisque, dans certaines communautés, les problèmes sociaux sont importants. Ils ont notamment pour origine les conséquences intergénérationnelles reliées au racisme engendré par une situation issue de la colonisation et prolongée par des politiques d’assimilation, notamment les « pensionnats indiens ». Il en résulte malheureusement un taux de jeunes filles victimes d’agression sexuelle beaucoup plus important que chez les non-membres des Premières nations. La protection des enfants et adolescents des Premières nations demeure un enjeu.
[60] L’accusé est Atikamekw. Il est natif de [la réserve A], d’où son père est originaire. Il est né à Ville B. Parmi les écoles fréquentées, il a notamment fréquenté l’école primaire A qui donnait les cours en langue Atikamekw. Son père présentait une problématique de consommation d’alcool lorsqu’il était lui-même petit. Lors de la séparation de ses parents, alors qu’il avait sept ans, il est allé vivre à Ville A avec sa mère jusqu’à l’âge de 15 ans avant de s’établir dans la communauté A, d’où sa mère est originaire. Vers l’âge de 21 ans, il est revenu vivre à Ville A dans le cadre d’une nouvelle union pour une période d’environ 5 ans.
[61] L’accusé a atteint un niveau de scolarité de secondaire I. L’accusé a connu des difficultés sur le plan scolaire. Il faut dire qu’elles ne sont probablement pas étrangères au fait qu’il a connu des problèmes d’intimidation à connotation raciste dans ses relations avec les autres étudiants dans les autres écoles que celle de sa communauté.
[62] L’accusé s’était rapproché de son père jusqu’à ce qu’il apprenne que ce dernier avait commis des abus sexuels sur l’une de ses sœurs. L’accusé reconnaît avoir développé des problèmes de toxicomanie très jeune. Dès l’âge de 15 ans, il s’est mis à consommer alcool et méthamphétamine. Il a alors eu une liaison pendant 6 ans avec une amie de cœur. Au fil des ans, ils se sont laissés parce que l’accusé exerçait de la violence à son égard.
[63] Le Tribunal avait ordonné qu’un rapport Gladue soit confectionné et remis au Tribunal en même temps que les rapport présentenciel et l’évaluation psycho-sexologique. Le Tribunal a dû s’enquérir à plusieurs reprises des raisons pour lesquelles le rapport Gladue ordonné en janvier pour le 3 avril 2023 n’avait pas été complété. À certains égards, l’ordonnance et les délais n’ont pas semblé une préoccupation et à certains moments des efforts ont été faits. Finalement, il y a eu une remise d’audience le 17 mai 2023 jusqu’au 21 juin 2023. Malgré les différents engagements à cet égard, le rapport Gladue n’a pu être complété. Le rédacteur du rapport devait rencontrer l’accusé, mais ne s’est pas présenté au dernier rendez-vous prévu par lui-même sans aucun avis. L’accusé et son avocate ont renoncé à la production de ce rapport.
[64] Malgré l’absence d’un rapport Gladue, le Tribunal ne peut que conclure qu’il est probable que des facteurs systémiques, historiques et individuels ont certainement contribué à ce que l’accusé se retrouve aujourd’hui devant les tribunaux.
[65] L’agent de probation rappelle que la politique canadienne d’assimilation des membres des Premières nations comporte une page sombre de l’histoire, notamment en ayant rapatrié plusieurs enfants des communautés au sein de pensionnats, en ne respectant pas, voire en bannissant leur culture et, souvent même, en atteignant leur intégrité personnelle. La Commission de vérité et réconciliation, dans son rapport final de 2015, est d’avis que le gouvernement canadien a ainsi favorisé un « génocide culturel et une négligence institutionnalisée des enfants ».[66] Plusieurs ont même vécu de la violence et des agressions sexuelle.
Les politiques du gouvernement canadien, notamment de la violence physique, sexuelle, émotionnelle et spirituelle à l’endroit des enfants autochtones dans les « pensionnats indiens », ont favorisé l’établissement de conditions dans lesquelles les enfants et jeunes autochtones risquent davantage d’être victimes de violence sexuelle.[67]
[66] L’agent de probation signale aussi que les conséquences intergénérationnelles sont encore vécues douloureusement par plusieurs membres des communautés des Premières nations. Ainsi, la communauté de Manawan est durement frappée par différents problèmes sociaux, tels la consommation d'alcool et de drogues, la violence, les abus et le suicide. Un taux de décrochage scolaire élevé, un faible taux de diplomation, un important taux de chômage et un manque de logement criant sont également des réalités difficiles. Reconnaissant leur existence et leur gravité, la communauté a su développer divers services et ressources et veille à leur continuité afin de venir en aide aux membres de la communauté. À Joliette, un centre amitié autochtone offre divers services et programmes aux membres de la communauté résidant en milieu urbain.
[67] Sans oublier les torts causés à la victime, il serait erroné de ne pas examiner globalement la situation spécifique de l’accusé, comme membre des membres des Premières nations et de ne pas y donner suite au chapitre des peines :
Lorsque l’accusé est autochtone, le tribunal doit appliquer les principes établis dans les arrêts R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688, et Ipeelee. Le juge chargé de déterminer la peine doit appliquer ces principes même dans des cas extrêmement graves de violence sexuelle contre des enfants (voir Ipeelee, par. 84‑86). Les facteurs systémiques et historiques qui ont mené l’Autochtone devant le tribunal peuvent avoir un effet atténuant sur sa culpabilité morale (par. 73). De même, des sanctions différentes ou substitutives pourraient permettre d’atteindre plus efficacement les objectifs de détermination de la peine dans une communauté autochtone donnée (par. 74).[68]
[68] Dans Nahanee[69], où la Cour suprême est principalement intervenue en regard de la procédure lorsqu’un juge de première instance envisage de prononcer une peine supérieure à celle demandée par la Poursuite, la majorité n’est pas intervenue dans l’analyse du juge de première instance sur le fait que tant les victimes que l’accusé était autochtone. Le juge de première instance avait pris la peine de soigneusement examiner la situation spécifique de l’accusé comme autochtone. Elle avait conclu qu’aucun des facteurs personnels atténuants qu’on rencontre souvent dans le cas des délinquants autochtones n’était présent en l’espèce et qu’il n’y avait pas de raison de réduire sa culpabilité morale du fait de son autochtonie. Elle avait tenu compte des expériences vécues par la famille de M. Nahanee, y compris le fait que ses grands‑parents et son père avaient fréquenté des pensionnats. Elle considérait que ce facteur était en partie annulé par le fait que les deux victimes étaient des femmes autochtones qui étaient plus vulnérables aux agressions sexuelles que les femmes non autochtones.
[69] La Cour suprême précise cependant, pour cet individu relativement jeune, sans antécédent judiciaire combien sa situation se distingue de celle de l’accusé notamment en lien avec le nombre et la durée des agressions:
Les actes prolongés et profondément préjudiciables de M. Nahanee ont eu une incidence irréparable sur la vie de deux jeunes femmes autochtones. Ses actes mettent en évidence le risque accru d’agression sexuelle que courent les jeunes femmes marginalisées. Monsieur Nahanee était en situation de confiance en tant qu’oncle des victimes, et il les a violées alors qu’elles se trouvaient en situation de vulnérabilité, endormies chez leur grand‑mère. On ne saurait dire qu’un emprisonnement de huit ans est une peine manifestement non indiquée pour ses crimes.[70]
[70] Il est nécessaire, d’abord, de faire des distinctions avec une autre affaire soumise récemment au Tribunal, où des personnes de la même communauté de Manawan étaient concernées. Dans le dossier de madame Niquay[71], le Tribunal, a ordonné une peine d’emprisonnement avec sursis, à purger au sein de la communauté avec 240 heures de travaux communautaires. Il y avait chez l’accusée Niquay une reconnaissance pleine et entière des gestes commis et des séquelles chez la victime. Une thérapie avait été entreprise pour les abuseurs sexuels malgré l’absence de paraphilie. Elle avait aussi amorcé une démarche sérieuse pour cesser la consommation d’alcool. Elle avait la volonté de s’impliquer dans tout suivi et avait formulé des regrets sincères à l’égard de la victime. Les circonstances particulières comme membre des Premières nations, notamment les conséquences intergénérationnelles des « pensionnats indiens », étaient dévastatrices chez elle. Le risque de récidive était considéré faible. Il s’agissait d’une situation où le Tribunal a rendu une peine en étant conscient de ne pas s’inscrire dans les fourchettes de peine habituelles et en donnant toute l’importance requise aux circonstances spécifiques de l’accusée reliée notamment à son autochtonie.
[71] Dans le présent dossier, la situation est considérablement différente. D’abord bien qu’il s’agisse aussi d’un seul événement, il s’agit d’une situation où l’accusé a bâti tranquillement une situation de confiance. Il a progressivement changé la discussion amicale pour une discussions sexualisée, lui a fait parvenir des photos de son pénis. Il a planifié la situation en l’attirant à son lieu de travail, une place fermée où il savait que personne ne pourrait intervenir. Loin d’être une situation de perte des inhibitions en raison de l’intoxication extrême, il s’agit ici d’une situation où l’accusé se place en situation de contrôle sur une personne vulnérable. Après avoir admis les faits, il tend ensuite à les nier. Il ne se reconnaît pas de responsabilité ni quelque fragilité qu’il aurait à travailler. Il n’a pas d’empathie pour la victime. Dans un tel contexte, il devient considérablement difficile d’envisager une peine qui soit une mesure réparatrice. Une telle mesure n’atteindrait pas le but d’assurer la prévention du crime et la guérison individuelle et sociale. L’accusé doit approfondir sa prise de conscience et il apparait qu’une peine au sein de la communauté n’y parviendrait pas. L’accusé a si peu d’introspection que le risque de récidive demeure présent.
[72] Il ne faut pas oublier que, dans l’arrêt Gladue, la Cour suprême mentionne bien que ce ne sont pas nécessairement tous les membres des premières nations qui doivent bénéficier d’un emprisonnement avec sursis à purger au sein de la communauté.
L’alinéa 718.2 e) oblige un tribunal qui inflige une peine à examiner toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, « plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones».[72]
(…)
En décrivant ainsi l’effet de l’al. 718.2e), nous n’affirmons pas que, en règle générale, il faille toujours déterminer la peine des délinquants autochtones de façon à accorder le plus de poids aux principes de justice corrective, au détriment des buts tels la dissuasion, la dénonciation et l’isolement. Il est déraisonnable de présumer que les autochtones eux‑mêmes ne croient pas en l’importance de ces buts, et même s’ils n’y croient pas, que ces buts ne doivent pas avoir préséance dans les cas qui l’exigent. À l’évidence, il existe des infractions graves et des délinquants pour lesquels l’isolement, la dénonciation et la dissuasion sont fondamentalement pertinents.
Cependant, même lorsque l’infraction est jugée grave, il faut prendre en considération la durée de la peine d’emprisonnement. Dans certaines circonstances, la durée de la peine infligée à un délinquant autochtone pourra être inférieure à celle de tout autre délinquant, alors que dans d’autres, elle pourra être identique. De façon générale, plus violente et grave sera l’infraction, plus grande sera la probabilité que la durée des peines d’emprisonnement des autochtones et des non‑autochtones soit en pratique proche ou identique, même compte tenu de leur conception différente de la détermination de la peine. [73]
L’al. 718.2e) ne doit pas être interprété comme exigeant une réduction automatique de la peine, ou la remise d’une période justifiée d’incarcération, pour la simple raison que le délinquant est autochtone. [74]
Il n’est pas raisonnable de présumer que les peuples autochtones ne croient pas en l’importance des objectifs traditionnels de la détermination de la peine, tels la dissuasion, la dénonciation et l’isolement, quand ils sont justifiés. Dans ce contexte, en règle générale, plus grave et violent sera le crime, plus grande sera la probabilité d’un point de vue pratique que la période d’emprisonnement soit la même pour des infractions et des délinquants semblables, que le délinquant soit autochtone ou non-autochtone.[75]
[73] Vu le peu de reconnaissance par l’accusé et le peu d’introspection sur ce qu’il l’a amené à agir de façon criminelle à l’égard d’une personne vulnérable de sa communauté, une peine d’emprisonnement au sein de la communauté serait une peine inefficace. Nous sommes ici dans une situation où la dissuasion personnelle et collective doit prendre le pas, une situation où la responsabilisation de l’accusé prévaut. Il ne semble pas y avoir d’alternatives à l’emprisonnement dans le présent cas.
[74] Le Tribunal est d’avis qu’une peine de 36 mois aurait pu être justifiée. Cependant la peine suggérée de 24 mois de pénitencier semble suffisante pour amener l’accusé à améliorer son introspection, lui permettre d’identifier les facteurs personnels sur lesquels il doit obtenir de l’aide aux fins de réduire les risques de récidive. Il s’agit ici de tenir compte des facteurs systémiques et historiques qui ont contribués à la criminalité de l’accusé comme membre des Premières nations.
[75] En regard de l’ordonnance prévue au paragraphe a) de l’article 161 C.Cr. le Tribunal est d’avis que l’interdiction ne doit pas viser, sans nuances, les parcs et autres centre communautaires d’activité sportives étant donné que l’accusé a de jeunes enfants. L’interdiction doit seulement faire en sorte que l’accusé ne se retrouve pas seul en de tels endroits en présence de personnes de moins de 16 ans et ce, à l’exception de ses enfants. De même, il n’y a pas lieu par ailleurs d’interdire totalement l’utilisation d’internet, un outil particulièrement indispensable dans des communautés éloignées.
[76] La période où l’accusé devra se soumettre à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels,[76]sera de 20 ans, ceci en application de l’article 490.013 (4) C. Cr. et de l'arrêt Ndhlovu[77], rendu le 28 octobre dernier, par lequel la Cour suprême déclare inopérants l’article 490.012 et le paragraphe (2.1) de l'article 490.013 du Code criminel, mais non son sous-paragraphe (4), tout en ordonnant une suspension de cette déclaration pour l'article 490.012 pour une durée d'un an.
[77] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[79] L’accusé sera soumis à une période de probation pour une période de trois ans, avec suivi pour une période de deux ans. Il devra donc :
_ Garder la paix, avoir une bonne conduite ;
_Se conformer aux convocations de la Cour;
_Aviser la Cour et l’agent de probation de tout changement de nom, d’adresse, d’emploi et d’occupation;
_Rencontrer l’agent de probation dans les 10 jours de sa sortie de prison et par la suite suivant ses convocations;
_Suivre ses conseils et directives en regard de toute thérapie sur les abus sexuels, sur la toxicomanie, sur les relations interpersonnelles;
_ Ne pas communiquer de quelque façon avec la victime ni avec sa famille immédiate, ni se trouver en sa présence, ni se trouver à son domicile, lieu de travail ou d’étude ni faire référence à elle sur quelque réseau social numérique que ce soit, le tout sauf suivant des modalités écrites de l’agent de probation dans le cadre d’une démarche individuelle d’excuse ou de partage et de guérison collective, en autant que la victime y consente préalablement.
_ Ne pas harceler, importuner, molester ou épier X;
_ S’abstenir de consommer de l’alcool ou toutes autres substances intoxicantes et d’en avoir en sa possession pour une période de 12 mois;
[80] PRONONCE une ordonnance suivant l’article 161 Code criminel.
Il sera interdit à l’accusé :
- a) de se trouver dans un parc public ou une zone publique où l’on peut se baigner s’il y a des personnes âgées de moins de seize ans ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il y en ait, une garderie, un terrain d’école, un terrain de jeu ou un centre communautaire, sauf avec ses propres enfants et en présence d’autres adultes sans antécédents en matière d’infractions sexuelles.
a.1) de se trouver à toute maison d’habitation où réside habituellement la victime identifiée, lieu d’étude ou de travail où elle se trouve;
b) de chercher, d’accepter ou de garder un emploi — rémunéré ou non — ou un travail bénévole qui le placerait en relation de confiance ou d’autorité vis-à-vis de personnes âgées de moins de seize ans;
c) d’avoir des contacts — notamment communiquer par quelque moyen que ce soit — avec une personne âgée de moins de seize ans, sauf pour ses propres enfants, à moins de le faire sous la supervision d’une personne adulte connaissant la présente ordonnance et n’ayant elle-même aucun antécédent judiciaire relié à une infraction sexuelle.
d) d’utiliser Internet ou tout autre réseau numérique à des fins illégales et aux fins d’avoir accès, de créer, de recevoir ou d’envoyer de la pornographie ou quelque image ou photo de nudité ou de parties intimes ou d’enfants ou d’adolescent.
Et ce, pour une période de dix ans après sa mise en liberté.
[81] IMPOSE l’ordonnance prévue à l’article 109 (1) a) du C. Cr., soit une interdiction de posséder toutes armes à feu, munitions ou explosifs pour une période de 10 ans et armes prohibées et à autorisation restreinte, à vie.
[82] REND, toutefois, une ordonnance suivant l’article 113 du C. Cr. autorisant le Contrôleur des armes à feu à délivrer une autorisation, un permis permettant à l’accusé, membre des Premières nations, à posséder une arme dans un contexte de chasse avec au moins un adulte, lui-même membre des Premières nations, aux fins d’une chasse à titre d’activité d’appartenance aux Premières nations et de subsistance individuelle ou collective.
[83] INTERDIT, toutefois, à l’accusé d’avoir des armes dans sa résidence ou d’être en possession d’arme dans tout autre contexte que la chasse tel que précédemment mentionné.
[84] IMPOSE à l’accusé une ordonnance relativement à l’ADN (super-primaire) et lui impose de se soumettre aux prélèvements requis;
[85] ORDONNE aux policiers de la Sûreté du Québec de prendre, dans un délai de quatre-vingt-dix jours depuis la présente ordonnance, les prélèvements nécessaires pour obtenir l’ADN sur l’accusé. Les policiers devront l’informer de ses droits, lui expliquer les modalités des prélèvements et s’assurer que ceux-ci sont pris par une personne ayant l’expertise et le statut nécessaires.
[86] ORDONNE, suivant l’article 490.012 du Code criminel,[78] à l’accusé, à l’égard de tous les chefs de se soumettre à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels,[79] et ce, pour 20 ans
[87] Dans les sept jours suivant sa sortie de prison, l’accusé devra se présenter en personne une première fois au bureau d’inscription du secteur où se trouve sa résidence principale conformément au paragraphe 4(1) de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.[80]
[88] Il devra se présenter au bureau d’inscription du secteur où se trouve sa résidence principale chaque fois que l’exigent les articles 4.1 ou 4.3 de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels,[81] et ce, pour 20 ans suivant le prononcé de la présente peine.
[89] Un préposé à la collecte au bureau d’inscription prendra des renseignements sur l’accusé au titre des articles 5 et 6 de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.[82]
[90] Les renseignements recueillis le concernant seront enregistrés dans une banque de données et pourront être consultés, communiqués et utilisés conformément à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.[83]
[91] L’accusé pourra demander au préposé à la collecte des renseignements au bureau d’inscription du secteur où se trouve sa résidence principale de corriger tout renseignement enregistré dans la banque de données qu’il croit erroné ou incomplet.
[92] L’accusé a le droit de demander au Tribunal de révoquer la présente ordonnance et, le cas échéant, d’appeler de la décision qui sera rendue.
[93] Le défaut de l’accusé de se conformer à la présente ordonnance et le fait de faire une déclaration fausse ou trompeuse constituent des infractions qui le rendent passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende, ou de l’une de ces peines.
[94] ORDONNE au greffe de se conformer aux exigences prévues à l’article 490.018 du Code criminel[84], notamment de communiquer cette partie de l’ordonnance à la Commission d’examen, au responsable du lieu de détention où l’accusé purgera sa peine, au responsable du service de police à l’origine de l’inculpation de l’accusé, soit la Sûreté du Québec, division de l’exploitation sexuelle et au Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.
| __________________________________ NORMAND BONIN, J.C.Q. | |
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Me Ariane Roy-Drouin & Jade Coderre | ||
Procureures aux poursuites criminelles et pénales
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Me Marie-Pier Gagné Lavoie Procureure de la défense | ||
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Dates d’audience : | Plaidoyer de culpabilité le 19 janvier 2023; Réception du rapport présentenciel avec volet sexologique le 4 avril 2023; Rapport Gladue non reçu. Remise du dossier en l’attente du rapport Gladue pour le 17 mai 2023; Remise du dossier en l’attente du rapport Gladue - représentations sur la peine le 21 juin 2023 sans le rapport Gladue ordonné. | |
[1] Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46.
[2] Code criminel, voir note 1 précitée.
[3] R. c. Friesen, 2020 CSC 9 par.42 citant R. c. L. (J.-J.), [1998] R.J.Q. 971 (C.A.) et par. 51.
[4] Article 718.01 (version française et anglaise) du Code criminel, voir note 1 précitée.
[5] R. c. Friesen, voir note 3 précitée, par. 101 à 104.
[6] Ibid, par.123
[7], Ibid., par.45.
[8] R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 50, p. 558.
[9] Article 718.1 du Code criminel, voir note 1 précitée; R. c. Friesen, note 3 précitée, par. 30; R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206, voir aussi R. c. Lacasse 2015 CSC 64 et IPeelee 2012 CSC13.
[10] Article 718 du Code criminel, voir note 1 précitée.
[11] R.c. Friesen, note 3 précitée, par. 31.
[12] Article 718.2 du Code criminel, voir note 1 précitée
[13] Article 718.2a) (vii) e) du Code criminel, voir note 1 précitée.
[14] R c.Friesen, voir note 3 précitée.
[15] R.c. L. (J.J .), voir note 3 précitée.
[16] R c. Friesen, voir note 3 précitée, par. 63 citant R. c. Hajar, 2016 ABCA 222, par. 44 et 67.
[17] R. c Friesen, voir note 3 précitée, par.5 ; voir aussi R c. X, 2022 QCCCA 266, rendu le 21 février 2022, parag. 14 ss
[18] Desjardins c. R., 2012 QCCA 2298 citant R. c. Hamelin 1991 A.Q. 1217
[19] Croisetière c. R. 2022 QCCA 980, par. 102
[20] R. c. L. (J.J.), voir note 3 précitée.(C.A. ; requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 1998-10‑01, 26653), p. 979.
[21] R. c. Bergeron, 2013 QCCA 7, par. 36.
[22] R. c. Londono, 2022 QCCA 1097, par. 114.
[23] R. c Friesen, note 3 précitée, par.87.
[24] Ibid, par. 43, 50.
[25] Ibid, par.55 à 59.
[26] Art. 151 : R. c. Caron Barrette 2018 QCCA 516; Art. 172.1 (2) a) : R. c. Bertrand Marchand, 2021 QCCA 1285 La demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême a été accueillie le 26 mai 2022 CanLII 42891 (CSC- No. 39935) ; Art. 172.1 (1) 2 (2) b) : R. c. H.V. 2022 QCCA 16 La demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême a été accueillie le 18 août 2022 2022 CanLII 74311 (CSC-No.40093).
[27] La sexologue mentionne deux études : l’une suivant laquelle les outils de prédiction de la récidive ne devraient pas être biaisés culturellement et ainsi offrir la même prédiction pour les personnes autochtones que pour les allochtones; l’autre étude plus récente indique que l’outil serait un peu moins précis, pour les autochtones.
[28] Sur les préjudices additionnels potentiels de l’absence d’un condom, voir notamment R. c. Kirkpatrick, 2022 CSC 33, par.71.
[29] Sur la notion d’abus de confiance, voir Pierre c. R., 2023 QCCA 84, par. 33s citant R.c. Friesen, voir note précitée 3, par. 125-126; R. c. Audet, [1996] 2 R.C.S. 171, par. XXXVIss; R. v. Lemay, 2020 ABCA 365, paragr. 33; Mentor c. R., 2022 QCCA 1270, paragr. 98; R. c. Londono, voir note 22 précitée, par. 126ss
[30] R. c. Friesen, voir note 3 précitée, par. 148 à 154.
[31] R. c. Bergeron, voir note 21 précitée, par. 70
[32] R. c. Friesen, note 3 précitée, par.98.
[33] Perron c. R., 2015 QCCA 601
[34] R c. Friesen, voir note 3 précitée.
[35] Morasse c. R. 2015 QCCA 74.
[36] R. c. St-Cyr 2018 QCCA 768; Notons par exemple l’affaire R.c.L.B. 2013 3018 où l’accusé avait reçu une peine de 12 mois d’emprisonnement après avoir fait 3 fois des cunnilingus à la fille de 5 ans de sa conjointe et R.c.M.L. 2014 QCCQ 4412 a reçu une peine de 12 mois alors qu’à deux reprises, il avait fait des contacts sexuels a sur sa fille de 13 ans.
[37] Côté c. R., 2018 QCCA 1430
[38] J.D. c. R., 2020 QCCA 1108, par.93ss
[39] Hughes Parent et Julie Desrosiers, La Peine : Traité de droit criminel, Tome 3, Les Éditions Thémis, 2012, p. 539 à 543.
[40] R. c. Bergeron, 2016 QCCA 339, par.41.
[41] R. c. Trottier, 2020 QCCA 703, par. 21.
[42] Friesen, voir note 3 précitée, par.100.
[43] Ibid., par. 108 citant Lacasse, voir note 9 précitée, par. 62-64 et 74.
[45] Ibid, par.115ss.
[46] Ibid,.123ss.
[47] Ibid, par. 124.
[48] Ibid, par. 141 à 147.
[49] Friesen, voir note 3 précitée, par.113,114.
[50] R. c. Ipeelee, note 9 précitée. 433 par. 35 et ss.
[51] R. c. Parranto 2021 CSC 46, par. 16ss.; R. c. Friesen, note 3 précitée, par. 37 citant R. c. McDonnell, [1997] 1 R.C.S. 948, par. 33; R. c. Wells, 2000 CSC 10, [2000] 1 R.C.S. 207, par. 45; R. c. Nasogaluak, voir note 9 précitée, par. 44; Lacasse, voir note 9 précitée, par. 60; R. c. H.V. 2022 QCCA 16, par. 37ss.
[52] R. c. Lacasse, voir note 9 précitée, par. 57; voir aussi R. c. Nasogaluak, voir note 9 précitée, 2010 CSC 6, par. 44; R. c. Duhamel, 2017 QCCA 98, par. 13ss.
[53] R. c. Friesen, note 3 précitée, par. 91 citant R. c. M. (C.A.), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 80; R. c. IPeelee voir note 9 précitée, par.37; R. c. Scofield, 2019 BCCA 3, 52 C.R. (7th) 379, par. 64; R. c. Hood, 2018 NSCA 18, 45 C.R. (7th) 269, par. 180
[54] R. c. Lévesque 2022 QCCQ 6808.
[55] R. c. O.B Jugement du 13 juin 2023 rendu par le juge Serge Cimon, 540-01-083723-182.
[56] R.c.J.F., 2022 QCCQ 8119.
[57] R c. Cloutier, 2004 CanLII 48297.
[58] Ibid.
[59] R. c. Trottier, 2020 QCCA 703 aux paras. 52-58.
[60] R. c. Trottier, voir note 59 précitée.
[61] R. c. Dufour,2022 QCCS 4414
[62] R. c. Rioux, 2022 QCCQ 2656
[63] R. c. W.M., 2023 QCCQ 2994
[64] R. c. Niquay, 2023 QCCQ 4141, jugement du 14 juin 2023.
[65] Article 718.04 du Code criminel, voir note 1 précitée.
[66] Pensionnats du Canada : L’histoire, partie 1 des origines à 1939, Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, vo,1.2015
[67] Friesen, voir note 3 précitée, par. 70 citant Colombie‑Britannique, Representative for Children and Youth, Too Many Victims: Sexualized Violence in the Lives of Children and Youth in Care (2016), p. 8 (« Too Many Victims »); Exploitation sexuelle des enfants au Canada: une action nationale s’impose, p. 31‑35).
[68] Friesen, voir note 3 précitée, par. 92.
[69] R. c. Nahanee, 2022 CSC 37.
[70] R. c. Nahanee, voir note 69 précitée, par., 69.
[71] R. c. Niquay, voir note 64 précitée.
[72] R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 RCS 688, par. 36.
[73] R. c. Gladue, voir note 72 précitée, par. 78,79; voir aussi R. c. Ipeelee, voir note 9 précitée, par. 75.
[74] Ibid, par. 88.
[75] Ibid, par.93-13
[76]Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, L.C. 2004, ch. 10, art. 20; 2007, ch. 5, art. 12.
[77] R. c. Ndhlovu, 2022 CSC 38
[78] Code criminel, voir note 1 précitée.
[79]Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, voir note 76 précitée.
[80] Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, voir note 76 précitée.
[81] Ibid.
[82] Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, voir note précitée 76.
[83] Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, voir note précitée 76.
[84] Code criminel, voir note 1 précitée.
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