Décision

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Gabarit CSF

Chambre de la sécurité financière c. Khandaker

2021 QCCDCSF 3

 

COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-1385

 

DATE :

25 janvier 2021

_____________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Madeleine Lemieux

Présidente

 

M. Alain Legault

Membre

 

Mme Monique Puech

Membre

_____________________________________________________________________

 

SYNDIC DE LA CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

Partie plaignante

c.

 

MN PRINON KHANDAKER (certificat numéro 204616, BDNI 3101631)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L’ORDONNANCE SUIVANTE :

·               Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs concernés, ainsi que de toute information pouvant les identifier, étant entendu que cette ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[1]       L’intimé fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui contient deux chefs d’accusation qui se lisent comme suit :

LA PLAINTE

1.    À Montréal, vers novembre 2015 à avril 2017, l’intimé n’a pas exercé ses activités avec intégrité en effectuant plusieurs transactions dans des comptes bancaires et/ou d’investissements en fonds communs de placement de clients sans leur autorisation, contrevenant à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

2.    À Montréal, le ou vers le 4 avril 2017, l’intimé s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 28 500,20 $ provenant des comptes bancaires de R.T. et L.T., contrevenant ainsi à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[2]       L’audition a eu lieu par visioconférence.  La séance a débuté à 9h30 et l’intimé était présent.  Vers 11h50, la greffière audiencière a constaté que l’intimé avait quitté l’audition.  Le comité a dès lors suspendu l’audition pour permettre à la greffière audiencière de rejoindre l’intimé ce qu’elle n’a pas réussi à faire.

[3]       Lors de la reprise de l’audition vers 13h00, l’intimé était toujours absent.  Le comité a accordé la demande du syndic de procéder ex parte conformément à l’article 144 du Code des professions.  Vers 13h30, le comité a été informé que l’intimé avait indiqué qu’il ne serait pas présent pour la suite de l’audition.

CHEF D’ACCUSATION 1

[4]       À l’époque des faits, l’intimé est inscrit à titre de représentant de courtier pour un courtier en épargne collective pour le compte de Services d’investissements TD Inc. (« TD »).

[5]       L’enquête de la Chambre a été initiée par une demande de vérification consécutive à la démission avec irrégularités de l’intimé. Cette démission a eu lieu le 19 avril 2017 pendant la rencontre initiée par son employeur, la banque TD, pour lui permettre de donner des explications sur les nombreuses transactions faites par lui dans les comptes de clients de la banque et sans leur autorisation.

[6]       La banque TD a procédé à une enquête approfondie et minutieuse des transactions faites par l’intimé et une preuve documentaire abondante de chaque transaction a été produite. Le comité a entendu madame France Lauzon, enquêteur senior à la banque TD. C’est elle qui a supervisé l’enquête de la banque.

[7]       Cette enquête de la banque a débuté vers le 24 mars 2017 après un signalement fait par la sœur d’un client décédé; elle venait de constater des mouvements de fonds dans le compte de son frère après son décès.

[8]       Cette enquête a révélé un nombre important de transactions non autorisées faites par l’intimé entre 2015 et 2017.

[9]       Plusieurs consommateurs ont aussi signé des affidavits dans lesquels ils identifient les transactions faites dans leurs comptes sans leur autorisation.  Ces consommateurs ont produit des réclamations à TD.

[10]    De façon générale, la stratégie déployée par l’intimé consistait à ouvrir des comptes au nom de clients de la banque sans qu’ils n’en fassent la demande ni même qu’ils le sachent. Une fois les comptes ouverts, l’intimé y transférait des fonds provenant de comptes d’autres clients; une fois les fonds ainsi transférés, les fonds en étaient retirés puis les comptes nouvellement ouverts, fermés.

[11]    La majorité des transactions ont été faites avec le code d’identification personnel de l’intimé et à partir de la succursale où travaillait l’intimé.

[12]    L’enquête menée par la banque a permis de constater que les gestes de l’intimé ont fait plusieurs victimes. La banque a rencontré une quinzaine d’entre elles. Ces rencontres visaient à identifier les transactions non autorisées et permettre aux victimes de présenter des réclamations.

[13]    Le comité est d’avis que le syndic a produit une preuve claire et convaincante que l’intimé a commis l’infraction qui lui est reprochée dans le chef d’accusation 1 de la plainte.

[14]    Les transactions non autorisées suivantes ont été prouvées :

-               Concernant la consommatrice L.T., il y a eu quinze transactions non autorisées; sept de ces transactions ont été faites avec le code personnel de l’intimé, huit avec un code différent mais les fonds ont été transférés dans les comptes clients dans lesquels l’intimé transférait des fonds.  Cette consommatrice a signé des affidavits et elle n’a signé aucun document autorisant les transferts;

-               Concernant la consommatrice R.T., il y a eu cinq transactions non autorisées toutes réalisées avec le code personnel de l’intimé.  Il y a un affidavit de la consommatrice et elle n’a signé aucun document de transfert;

-               Concernant la consommatrice M.B.T., il y a eu trois transactions non autorisées et la consommatrice a signé un affidavit.  Aucun document de transfert n’a été signé par la consommatrice;

-               Concernant le consommateur O.S., il y a eu deux transactions non autorisées à partir d’un compte et d’une marge de crédit alors qu’O.S. était décédé.  Cette marge de crédit, avec découvert, a été ouverte par l’intimé.  Aucun document ne porte la signature du consommateur;

-               Concernant la consommatrice A.D., il y a eu une transaction non autorisée.  Les documents de transfert n’ont pas été signés par la consommatrice;

-               Concernant le consommateur A.H., il y a eu un transfert non autorisé tout comme pour le consommateur N.H., il y a eu une transaction non autorisée.

CHEF D’ACCUSATION 2

[15]    L’intimé est accusé de s’être approprié une somme de 28 000 $.  Cette somme provient de certains des transferts décrits sous le chef d’accusation 1 de la plainte.

[16]    Ainsi, le 16 février 2017, l’intimé transfère sans autorisation une somme de
15 000 $ d’un compte de la consommatrice L.D. dans un compte attribué à « Nicole », compte ouvert par l’intimé.

[17]    Le même jour, l’intimé transfère sans autorisation une autre somme de 15 000 $ provenant cette fois d’un compte de R.T. toujours dans un compte attribué à « Nicole ».

[18]    Le 27 février 2017, l’intimé transfère la somme de 6 000 $ d’un compte de R.T. vers le compte de la consommatrice M.B.T.

[19]    Le lendemain, l’intimé ferme le compte qu’il avait ouvert au nom de M.B.T., en retire le solde qui s’élevait à la somme de 5 996,56 $ pour le transférer encore une fois vers un compte attribué à « Nicole ».

[20]    Le 27 mars 2017, l’intimé ouvre un compte au nom de Steven Giaconelli.  Le même jour, il y transfère la somme de 28 500 $ provenant du compte attribué à « Nicole ».

[21]    Quelques jours plus tard, le 4 avril 2017, la somme de 28 500 $ est transférée du compte de Steven Giaconelli à un compte au nom de l’intimé.  Le jour de ce transfert, le compte de Giaconelli est fermé avec un solde à 0.  Ce compte n’aura été ouvert que pendant sept jours vraisemblablement pour y faire transiter la somme de 28 500 $ dirigée vers le compte de l’intimé puisqu’il n’y a eu aucune autre transaction dans le compte Giaconelli.

[22]    Cette somme de 28 500 $ appartenant à différents clients de la banque était encore dans le compte de l’intimé le 19 avril 2017 au moment de sa rencontre les enquêteurs de TD et date de sa démission.

[23]    Elle a été retirée du compte de l’intimé le 24 avril 2017 par TD.

ANALYSE ET CONCLUSION

[24]    Les deux chefs d’accusation reposent sur l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières :

« 14. Les activités professionnelles du représentant doivent être menées de manière responsable avec respect, intégrité et compétence. »

[25]    La preuve a démontré de façon claire que l’intimé a effectué de nombreuses transactions dans le compte de plusieurs consommateurs, que ces transactions n’étaient pas autorisées par les consommateurs et que l’intimé a tenté de camoufler ses gestes.

[26]    Lorsqu’il a été convoqué par la banque pour expliquer ses gestes, l’intimé a choisi de démissionner sur le champ mettant fin abruptement à la rencontre.

[27]    L’intimé n’a pas fourni d’explication, au contraire, tout porte à croire qu’il n’a pas dit la vérité à l’enquêteur de la Chambre de la sécurité financière (« CSF »).

[28]    L’intimé n’a pas non plus témoigné lors de l’audition sur culpabilité.  Le syndic a déposé l’enregistrement de deux conversations téléphoniques entre l’enquêteur de la CSF et l’intimé.

[29]    Ces conversations de courte durée fournissent peu d’éclairage sur les gestes posés par l’intimé. L’intimé nie de façon générale les reproches qui lui sont faits par TD et prétend qu’il a agi de façon générale selon les instructions des consommateurs.

[30]    Pourtant, les consommateurs ont presque tous signé des affidavits dans lesquels ils déclarent ne pas avoir autorisé les transferts de fonds effectués par l’intimé.

[31]    L’intimé, dans une de ces conversations téléphoniques mentionnées plus haut, affirme qu’il a appris que la somme de 28 500 $ avait été transférée dans son compte par l’entremise de TD.  Pourtant, la preuve démontre de façon éloquente que c’est lui qui a fait les opérations de transfert.

[32]    Le comité ne retient pas les dénégations de l’intimé et ne peut y accorder de crédibilité.

[33]    La preuve est donc claire et convaincante que l’intimé a commis l’infraction reprochée au chef d’accusation 1 de la plainte : l’intimé n’a pas agi avec intégrité en effectuant plusieurs transactions non autorisées dans les comptes de ses clients.

[34]     L’intimé sera donc déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[35]    Pour ce qui est du chef d’accusation 2, la démonstration a été faite que des sommes appartenant à des clients de la banque se sont retrouvées dans le compte de l’intimé et que l’intimé a utilisé un subterfuge pour tenter de camoufler son geste.

[36]    Il s’agit bel et bien d’appropriation de fonds appartenant à des clients de la banque. Le fait que la banque ait pu récupérer cette somme dans le compte de l’intimé ne change rien au fait même de l’appropriation.

[37]    Dans la décision Chambre de la sécurité financière c. Létourneau[1], le comité de discipline écrit que l’infraction d’appropriation doit recevoir une interprétation large et libérale, qu’elle est essentiellement basée sur le défaut d’autorisation du client et n’exige pas la preuve d’une intention coupable.

[38]    L’intimé sera donc déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières en transférant dans son compte la somme de 28 500 $[2] appartenant à des clients de la banque.

 

 

POUR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous le chef d’accusation 1

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r 7.1);

Sous le chef d’accusation 2

DÉCLARE l’intimé coupable d’avoir contrevenu à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (RLRQ, c. D-9.2, r 7.1);

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de convoquer les parties à une audition pour entendre la preuve et les représentations sur sanction.

 

 

 

 

(S) Me Madeleine Lemieux

_______________________________

Me MADELEINE LEMIEUX

Présidente du comité de discipline

 

 

(S) Alain Legault

                                                                      

M. ALAIN LEGAULT

Membre du Comité de discipline

 

 

(S) Mme Monique Puech

                                                                      

MME MONIQUE PUECH

Membre du Comité de discipline

 

Me Vivianne Pierre-Sigouin

CDNP AVOCATS INC.

Procureurs de la partie plaignante

 

M. MN Prinon Khandaker

Présent et non représenté

 

 

 

Date d’audience : 2 juillet 2020

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Chambre de la sécurité financière c. Létourneau, 2012 CanLII 97211 (QC CDCSF).

[2]     Il y a une différence de 0,20 $ entre le montant approprié inscrit à la plainte disciplinaire et la preuve, mais le Comité juge que cela est sans incidence sur la culpabilité de l’intimé.

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