Fortin Ouellet c. Ford du Canada limitée | 2021 QCCQ 12591 | |||||
COUR DU QUÉBEC | ||||||
« Division des petites créances » | ||||||
CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | LAVAL | |||||
« Chambre civile » | ||||||
N° : | 540-32-702426-196 | |||||
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DATE : | Le 5 novembre 2021 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | LA JUGE | JOHANNE GAGNON, J.C.Q. | ||||
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Hughes FORTIN OUELLET | ||||||
Demandeur | ||||||
c. | ||||||
FORD DU CANADA LIMITÉE BLAINVILLE FORD INC. et AUTOMOBILES VAL ESTRIE INC. | ||||||
Défenderesses | ||||||
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JUGEMENT | ||||||
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APERÇU
[1] Monsieur Fortin Ouellet cherche à être indemnisé pour les montants qu’il devra encourir pour faire corriger un problème d’écaillement de la peinture du véhicule de marque Ford, modèle Focus P3K 200A de l’année 2014, qu’il a acheté neuf, le 10 octobre 2014.
[2] Il réclame également le remboursement des sommes qu’il a dû payer pour obtenir une estimation du coût des travaux correctifs.
[3] Le recours est dirigé contre Automobiles Val Estrie inc. (ci-après « Val Estrie ») à titre de vendeur ainsi que contre Ford du Canada Limitée («Ford») à titre de fabricant du véhicule. Quant à Blainville Ford inc. (ci-après « Blainville »), monsieur Fortin Ouellet la tient responsable considérant qu’elle a vu à l’entretien du véhicule à compter du mois de septembre 2015.
[4] Les défenderesses nient toute responsabilité.
[5] Ford allègue que les garanties offertes par le fabricant sont expirées (garantie de base et garantie contre la perforation) ou ne s’appliquent pas (garantie limitée du véhicule neuf). Elle soutient également que la rouille qui est apparue sur le véhicule résulte de l’utilisation du véhicule, de son exposition aux éléments ou encore de son entretien.
[6] Val Estrie plaide que la situation relève uniquement du fabricant de sorte qu’elle ne peut être tenue responsable.
[7] Quant à Blainville, elle se dit complètement étrangère à la situation, son rôle s’étant limité à voir à l’entretien du véhicule.
[8] Afin de solutionner le litige, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :
(a) Les défenderesses ont-elles respecté leurs obligations à l’égard de monsieur Fortin Ouellet?
(b) Dans la négative, à quel montant monsieur Fortin Ouellet a-t-il droit?
[9] Le Tribunal donne en partie raison à monsieur Fortin Ouellet. Voici pourquoi.
[10] Soulignons d’entrée de jeu que monsieur Fortin Ouellet ne se prévaut pas des garanties conventionnelles offertes par le fabricant, mais plutôt des garanties d’usage et de durabilité prévues aux articles
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[11] C’est donc sous cet angle que l’analyse doit être effectuée.
[12] Ceci étant dit, rappelons qu’il appartient à celui qui fait valoir un droit de convaincre le Tribunal du bien-fondé de sa réclamation selon la règle de la prépondérance[2]. Cette règle prévoit qu’un fait sera considéré prouvé si le Tribunal est convaincu que son existence est plus probable que son inexistence. Il ne s’agit donc pas de démontrer qu’un fait est possible, mais plutôt de démontrer qu’il est probable[3].
[13] Lorsque la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante ou si la preuve est contradictoire et qu’il est impossible pour le juge de cerner la vérité, celui sur qui reposait le fardeau perdra[4].
[14] Le Tribunal conclut tout d’abord que le recours de monsieur Fortin Ouellet doit être rejeté à l’égard de Blainville. Aucune preuve n’a été présentée pour permettre au Tribunal de conclure à un manquement de la part de Blainville, manquement qui serait à l’origine du problème d’écaillement de peinture.
[15] D’ailleurs, lors de son témoignage, monsieur Fortin Ouellet a candidement admis qu’il avait poursuivi Blainville par simple mesure de précaution.
[16] Par conséquent, le recours est rejeté à l’égard de Blainville. Vu les circonstances et la discrétion dont le Tribunal dispose, le recours est rejeté sans frais.
[17] Il y a lieu de souligner que les garanties légales prévues aux articles
[18] En l’espèce, le Tribunal conclut que monsieur Fortin Ouellet a établi l’existence d’une détérioration prématurée de la peinture de son véhicule, laquelle lui permet d’invoquer les dispositions de l’article
[19] La preuve révèle en effet qu’en juillet 2018, soit après moins de quatre (4) ans de la prise de possession et après avoir parcouru 101 902 kilomètres, monsieur Fortin Ouellet constate que la peinture de son véhicule a commencé à s’écailler. La situation ne fait qu’empirer par la suite.
[20] Les photographies que monsieur Fortin Ouellet a prises à compter de 2018 sont révélatrices. On y voit que par endroits des bulles se sont formées sous la peinture et qu’à plusieurs autres endroits, la peinture s’est écaillée.
[21] Ces photographies ainsi que le témoignage de monsieur Fortin Ouellet convainquent le Tribunal que la situation ne résulte pas d’une usure normale, et ce, même si l’odomètre du véhicule indique plus de 100 000 kilomètres moins de quatre (4) ans après sa mise en service. En d’autres termes, le Tribunal conclut que l’écaillement de la peinture est anormal compte tenu de l’âge du véhicule et de l’entretien qu’en a fait monsieur Fortin Ouellet.
[22] Certes, les photographies montrent également l’existence de rouille à plusieurs endroits. Cependant, le Tribunal est d’avis que la seule présence de rouille ne fait pas en sorte que la situation constitue un problème de corrosion visé par les garanties conventionnelles offertes par Ford, lesquelles sont expirées. Monsieur Fortin Ouellet explique que tout a commencé par un écaillement de la peinture et que la rouille est apparue par la suite. C’est dans l’ordre des choses puisque la peinture protège la carrosserie des éléments extérieurs qui pourraient l’endommager. Ainsi, une fois que la peinture est écaillée, la rouille a le champ libre pour s’installer sur la tôle de la carrosserie.
[23] Aux yeux du Tribunal, la preuve en l’espèce confirme les prétentions de monsieur Fortin Ouellet selon lesquelles la peinture de la voiture fabriquée par Ford n’avait pas, au moment de la vente, les qualités de durabilité auxquelles un consommateur est en droit de s’attendre d’un véhicule neuf payé 23 279,53 $.
[24] Le Tribunal est également d’avis que la preuve présentée ne soutient pas la thèse avancée par Ford et selon laquelle la rouille qui est apparue sur le véhicule résulte de l’utilisation du véhicule, de son exposition aux éléments ou encore de son entretien. Il s’agit là d’un argument fort peu convaincant qui n’est aucunement supporté par la preuve.
[25] Ford et Val Estrie n’ont pas démontré que monsieur Fortin Ouellet avait fait un usage anormal de son véhicule ou que l’entretien de celui-ci était inadéquat.
[26] Le Tribunal estime que le fait que monsieur Fortin Ouellet n’ait effectué qu’une seule des visites obligatoires aux termes de la garantie limitée de protection antirouille est insuffisant pour conclure à un mauvais entretien du véhicule comme le soutient Val Estrie. De toute façon, cette garantie ne couvre pas la rouille extérieure des surfaces peintes résultant d’écailles ou de défauts de peinture et, au surplus, il s’agit ici d’un problème d’écaillement de peinture et non d’un problème de corrosion.
[27] Aussi, le Tribunal ne retient pas l’argument de Val Estrie selon lequel le remplacement du pare-chocs arrière effectué en 2016, par une pièce autre qu’une pièce Ford, aurait accéléré le processus de rouille en raison d’un ajustement qui n’aurait pas été optimal. Le Tribunal considère que le fait que la peinture ne présente aucun écaillement au niveau du pare-chocs arrière fait échec à cet argument.
[28] En somme, la preuve présentée par Ford n’est pas convaincante. Celle-ci n’a présenté aucune preuve concrète permettant d’expliquer la cause de cette détérioration prématurée et de repousser la présomption d’existence d’un vice au moment de la vente.
[29] Par conséquent, le Tribunal conclut que Ford et Val Estrie ont manqué à leur obligation de garantie légale de durabilité de l’article
[30] Ceci étant dit, conformément aux dispositions de l’article
[31] Au soutien de sa réclamation, monsieur Fortin Ouellet dépose les trois (3) estimations suivantes :
(a) une estimation émise par Centre de collision Laval (ci-après « Centre de collision ») le 22 novembre 2018, établissant le coût des travaux correctifs à la somme de 2 847,98 $;
(b) une estimation émise par Centre de collision le 13 août 2021, établissant le coût des travaux correctifs à la somme de 5 715,05 $; et
(c) une estimation émise par Carrosserie Procolor Terrebonne (ci-après « Procolor ») le 13 août 2021, établissant le coût des travaux correctifs à la somme de 4 126,88 $.
[32] Monsieur Fortin Ouellet réclame cependant le montant estimé par Centre de collision en août 2021, soit la somme de 5 715,05 $.
[33] Le Tribunal retient plutôt l’estimation émise par Centre de collision le 22 novembre 2018 au montant de 2 847,98 $. Aux yeux du Tribunal, monsieur Fortin Ouellet avait l’obligation de minimiser ses dommages. Il a choisi de ne pas procéder immédiatement aux réparations, faisant en sorte que la situation n’a fait que se dégrader et que le coût des réparations est maintenant plus élevé qu’en 2018. Le Tribunal est d’avis qu’il n’appartient pas à Ford de supporter les coûts additionnels résultant de la décision prise par monsieur Fortin Ouellet de repousser les réparations à une date ultérieure.
[34] Le Tribunal est également d’avis qu’il n’y a pas lieu d’appliquer une dépréciation au montant accordé étant donné que les réparations proposées ne constituent en somme qu’une remise du véhicule à la valeur qu’il devrait avoir. En d’autres termes, le Tribunal estime que ces travaux n’apporteront pas de plus-value au véhicule. D’ailleurs, aucune preuve n’a été faite en ce sens.
[35] Par conséquent, le Tribunal octroie la somme de 2 847,98 $ à monsieur Fortin Ouellet pour les travaux correctifs qui doivent être effectués sur son véhicule.
[36] En ce qui a trait à la réclamation de 172,46 $ payée à Procolor pour l’obtention de son estimation du 13 août 2021, le Tribunal n’octroie pas ce montant vu l’absence d’apport de cette estimation dans l’analyse des questions en litige.
ACCUEILLE en partie la demande;
CONDAMNE les défenderesses Ford du Canada Limitée et Automobiles Val Estrie inc., solidairement, à payer au demandeur la somme de 2 847,98 $ plus les intérêts au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue par la loi à compter du 19 février 2019;
CONDAMNE les défenderesses Ford du Canada Limitée et Automobiles Val Estrie inc., solidairement, à payer au demandeur les frais de justice limités aux droits de greffe payés lors du dépôt de la demande, soit la somme de 92 $;
DÉTERMINE, pour valoir uniquement entre les défenderesses Ford du Canada Limitée et Automobiles Val Estrie inc., que Ford du Canada Limitée doit assumer 100 % du paiement de la somme de 2 847,98 $ au demandeur, en plus des intérêts au taux de 5% l'an, de l'indemnité additionnelle prévue à l'article
REJETTE la demande à l’égard de Blainville Ford inc., sans frais de justice.
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| __________________________________ JOHANNE GAGNON, j.c.q. | |
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Date d’audience : | Le 20 septembre 2021 | |
[1] RLRQ c. P-40.1
[2] Articles
[3] Bell Canada c. Promutuel Lanaudière, société mutuelle d’assurances générales,
[4] DUCHARME, Léo, Précis de la preuve, 6e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2005, par. 146.
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