Peloteau c. JL Desjardins Auto Collection inc. |
2021 QCCQ 5413 |
||||||
COUR DU QUÉBEC |
|||||||
« Division des petites créances » |
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
DISTRICT DE |
QUÉBEC |
||||||
LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
||||||
« Chambre civile » |
|||||||
N° : |
200-32-703425-198 |
||||||
|
|
||||||
|
|||||||
DATE : |
4 mai 2021 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CHARLES TASCHEREAU, J.C.Q. |
|||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
PIERRE PELOTEAU |
|||||||
[...] Québec (Québec) [...] |
|||||||
|
|||||||
Partie demanderesse |
|||||||
c. |
|||||||
|
|||||||
JL DESJARDINS AUTO COLLECTION INC. |
|||||||
175, rue Marais Québec (Québec) G1M 3C8 |
|||||||
|
|||||||
et |
|||||||
|
|||||||
FORD DU CANADA LIMITÉE |
|||||||
P.O. Box 2000 Oakville (Ontario) L6J 0C8 |
|||||||
|
|||||||
Parties défenderesses |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
JUGEMENT |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
[1] Monsieur Pierre Peloteau a acquis une camionnette usagée Ford F-150 auprès du concessionnaire JL Desjardins Auto Collection inc. (ci-après Auto Collection) le 23 février 2015[1].
[2] Monsieur Peloteau indique que le dégivreur de la vitre arrière ne fonctionne plus et que le remplacement de la vitre est nécessaire. Dans la mesure où il est d’avis que ce mauvais fonctionnement survient prématurément, il invoque la garantie légale de qualité et réclame un montant égal au coût prévisible pour cette réparation, à savoir 1 431,73 $.
[3] Monsieur Peloteau réclame également le coût de remplacement du couvert de caisse installé sur la boîte arrière de la camionnette. Il appert que de l’eau s’infiltre dans certaines sections de ce couvert repliable. Monsieur Peloteau est d’avis que cette défectuosité survient prématurément et invoque la garantie légale de qualité. Sa réclamation s’élève à 1 667,03 $.
[4] Auto Collection et Ford du Canada Limitée (ci-après Ford) contestent la réclamation. Ils soulignent qu’aucune garantie n’est applicable tant à l’égard du problème du dégivreur qu’à l’égard du couvert de caisse installé sur la boîte arrière de la camionnette. Ils ajoutent que le couvert de caisse a été donné à monsieur Peloteau, de telle sorte qu’aucune garantie ne serait applicable.
L’ANALYSE ET LA DÉCISION
Dégivreur arrière
[5] Après avoir analysé la preuve testimoniale et documentaire, le Tribunal est d’avis que cette réclamation doit être partiellement accueillie. Voici pourquoi.
[6] Monsieur Peloteau fonde son recours sur la garantie légale de qualité à laquelle sont tenus le vendeur et le fabricant d’un bien, en application des articles 1726 et 1730 du Code civil du Québec (ci-après C.c.Q.), qui prévoient ce qui suit :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
[7] La Loi sur la protection du consommateur[2] (ci-après L.p.c.) comporte également diverses garanties au bénéfice du consommateur :
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[8] Le défaut de respecter ces garanties d’usage et de durabilité donne ouverture à un recours fondé sur le défaut caché du bien[3]. Ces garanties sont une application de la garantie légale de qualité prévue au C.c.Q.
[9] Les critères établis par la Cour d’appel[4] dans le contexte des garanties prévues dans la L.p.c. sont similaires à ceux applicables dans le contexte d’un recours fondé sur la garantie légale de qualité prévue à l’article 1726 C.c.Q., critères que la Cour d’appel résume comme suit :
[40] Pour se prévaloir de la garantie légale contre les vices cachés, quatre conditions doivent donc être respectées : (i) que le bien soit affecté d’un vice grave, l’intensité de cette gravité ayant été définie par la jurisprudence à partir des expressions « impropre à l’usage » et « diminuent tellement son utilité »; (ii) que le vice existait au moment de la vente; (iii) que le vice soit caché, qualité qui s’évalue objectivement et qui est accompagnée d’une obligation de s’informer; et (iv) que le vice soit inconnu de l’acheteur, qualité qui s’évalue subjectivement et dont le fardeau de preuve appartient au vendeur. [5]
[10] Le Tribunal est d’avis que les critères établis par la Cour d’appel sont satisfaits tant en vertu de la L.p.c. qu’en vertu du C.c.Q.
[11] La camionnette a été acquise le 23 février 2015. Il s’agit d’une camionnette mise en service le 29 juin 2013[6]. L’odomètre affiche à ce moment 43 186 km[7].
[12] Même si la garantie conventionnelle du manufacturier est échue, cela ne signifie pas que la garantie légale de qualité n’est plus applicable. Un bien doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable.
[13] La preuve prépondérante permet de conclure que le dégivreur arrière de la vitre de la camionnette ne fonctionne plus. Dans une déclaration pour valoir témoignage, monsieur Jean-François Clavet, mécanicien à l’emploi de Garage Central Charlesbourg inc., indique que la vitre arrière doit être remplacée[8].
[14] Le dégivreur de la vitre arrière est un accessoire essentiel à la conduite d’un véhicule automobile. Au moment où monsieur Peloteau constate le problème, au cours du mois de février 2018, le véhicule n’a pas encore 5 ans d’usure et l’odomètre affiche moins de 90 000 kilomètres.
[15] De l’avis du Tribunal, il est anormal que le dégivreur arrière d’un véhicule cesse de fonctionner moins de 5 ans après la mise en service du véhicule et alors que celui-ci a parcouru moins de 90 000 kilomètres, de surcroît en considérant le coût associé à la réparation requise. Monsieur Peloteau a payé plus de 35 000 $ pour ce véhicule.
[16] La preuve permet de conclure que le problème de mauvais fonctionnement du dégivreur de la vitre arrière n’est pas isolé. Le représentant de Auto Collection, monsieur Yves Nadeau, reconnaît que ce problème survient à l’occasion et qu’il s’explique, selon toute vraisemblance, par le mauvais fonctionnement d’un capteur qui détecte, à tort, que la vitre arrière serait ouverte, ce qui empêcherait le fonctionnement du dégivreur. Monsieur Nadeau ajoute que le remplacement de la fenêtre est alors nécessaire et concède que ce problème existe encore aujourd’hui.
[17] La loi prévoit qu’en cas de vente par un vendeur professionnel, comme c’est le cas en l’espèce, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée lorsque le mauvais fonctionnement du bien survient prématurément par rapport à des biens identiques[9]. Cette présomption est, de l’avis du Tribunal, applicable dans la présente affaire.
[18] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que le mauvais fonctionnement du dégivreur résulte d’un vice et que ce vice existait au moment de la vente du véhicule.
[19] Il ne fait par ailleurs aucun doute que monsieur Peloteau ignorait l’existence de ce vice lorsqu’il a acheté le véhicule et qu’il s’agit d’un vice caché au sens des règles applicables.
[20] Compte tenu de tout ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les conditions d’ouverture d’un recours fondé sur la garantie légale de qualité sont satisfaites.
[21] La loi prévoit que l’acheteur qui souhaite se prévaloir de la garantie légale de qualité doit dénoncer le vice à l’intérieur d’un délai raisonnable[10] et qu’il doit mettre le vendeur en demeure de corriger le vice[11].
[22] La preuve permet de conclure que monsieur Peloteau a respecté ces deux conditions. Il contacte d’abord Auto Collection par téléphone au cours du mois de février 2018. Le représentant à qui il parle lui indique que la vitre doit être remplacée, aux frais de monsieur Peloteau. Ce dernier se présente plus tard chez Auto Collection, au cours du mois de juin 2018, et offre à l’entreprise de vérifier le problème, ce que l’entreprise refuse de faire à ses frais.
[23] Monsieur Peloteau transmet ensuite une mise en demeure à Auto Collection et Ford[12] et ces dernières refusent d’y donner suite[13].
[24] Le Tribunal ne retient pas le moyen soulevé par les défenderesses, qui prétendent que le mauvais fonctionnement peut s’expliquer par une utilisation inadéquate de la vitre arrière, notamment par le passage occasionnel de matériaux de construction. Les défenderesses ont omis de procéder à leurs propres vérifications et ne peuvent donc pas faire échec au recours de monsieur Peloteau par le biais de simples hypothèses non supportées par la preuve.
[25] Monsieur Peloteau réclame le remboursement des coûts prévisibles pour le remplacement de la vitre. Ce faisant, il se trouve à réclamer une diminution du prix de vente égale au coût des réparations. Il s’agit, dans les circonstances de la présente affaire, du montant approprié de la diminution du prix de vente. Auto Collection et Ford seront donc condamnées, solidairement[14], à payer un montant de 1 431,73 $ à monsieur Peloteau. Ce montant ne portera pas intérêt puisque la réparation n’a toujours pas été effectuée.
Couvert de caisse
[26] Après avoir examiné la preuve testimoniale et documentaire, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’accueillir partiellement cette réclamation. Voici pourquoi.
[27] La livraison du véhicule a eu lieu le 3 mars 2015. Monsieur Peloteau indique avoir constaté dès l’hiver 2017 que le recouvrement souple du couvert se décollait du matériau rigide. Il n’en a toutefois pas avisé Auto Collection. Ce n’est qu’en février 2018 qu’il en avise Auto Collection, alors qu’il constate que les panneaux se gorgent d’eau lorsque la neige fond.
[28] Le Tribunal est d’avis qu’il est anormal qu’un couvert de caisse soit défectueux après seulement deux ans d’utilisation. Rappelons que le coût de remplacement de ce couvert s’élève à plus de 1 650 $. Il s’agit là d’une détérioration prématurée, qui rend applicable la présomption d’antériorité du vice prévue à l’article 1739 du C.c.Q. et qui constitue un accroc à la garantie de durabilité prévue à l’article 39 de la L.p.c.
[29] Auto Collection a omis d’examiner le couvert de caisse, de telle sorte que toute hypothèse soulevée quant à la cause de cette détérioration n’est pas prépondérante.
[30] Le Tribunal est d’avis que les conditions d’ouverture d’un recours fondé sur la garantie légale de qualité et de durabilité du bien sont satisfaites.
[31] Les conditions d’exercice d’un tel recours sont également satisfaites. Même si la dénonciation du vice est tardive, le vendeur professionnel ne peut généralement pas se plaindre d’une dénonciation tardive d’un vice[15]. De surcroît, Auto Collection a refusé d’examiner le produit lorsqu’elle a été informée des doléances de monsieur Peloteau verbalement et ensuite par le biais d’une mise en demeure, alors que le couvert de caisse n’avait pas été remplacé.
[32] Le Tribunal ne retient pas le moyen soulevé par Auto Collection qui prétend que le couvert de caisse a été « donné » à monsieur Peloteau, de telle sorte qu’aucune garantie ne serait applicable. Il s’agit d’un accessoire qui a été ajouté au véhicule vendu à la demande de monsieur Peloteau, dans le contexte des négociations qui ont précédé la transaction.
[33] Monsieur Peloteau a droit à une diminution du prix de vente. Le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de tenir compte d’une dépréciation, compte tenu de l’utilisation du couvert de caisse durant plusieurs années. Le Tribunal fixe à 700 $, toutes taxes incluses, le montant auquel monsieur Peloteau a droit. Seule Auto Collection sera condamnée à payer ce montant à monsieur Peloteau. La preuve ne permet de conclure que Ford puisse être considérée comme le manufacturier ou le distributeur de ce couvert de caisse. À nouveau, ce montant ne portera pas intérêt.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la demande en justice de monsieur Pierre Peloteau;
CONDAMNE JL Desjardins Auto Collection Inc. à payer à monsieur Pierre Peloteau un montant de 700 $;
CONDAMNE JL Desjardins Auto Collection Inc. et Ford du Canada Limitée, solidairement, à payer à monsieur Pierre Peloteau un montant de 1 431,73 $ ainsi que les frais de justice fixés à 103 $.
|
||
|
__________________________________ CHARLES TASCHEREAU, J.C.Q. |
|
|
|
|
|
||
Date d’audience : |
12 avril 2021 |
|
|
||
[1] Pièce D-2.
[2] RLRQ, c. R -40.1.
[3] Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, par. 57.
[4] Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31, par. 57.
[5] Leroux c. Gravano, 2016 QCCA 79
[6] Pièce D-1.
[7] Pièce D-2.
[8] Déclaration pour valoir témoignage de monsieur Jean-François Clavet, datée du 12 mars 2021 et pièce jointe.
[9] C.c.Q., art. 1729.
[10] C.c.Q., art. 1739.
[11] C.c.Q., art. 1590.
[12] Pièce P-2.
[13] Pièces P-3 et P-4.
[14] Paquette c. John Scotti Subaru, 2019 QCCQ 7931.
[15] C.c.Q., art. 1739
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.