Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 25 juillet 2023

Référence neutre : 2023 QCTAQ 07453

Dossiers : SAI-M-297292-2005 / SAI-M-297294-2005 / SAI-M-319052-2210 /
SAI-M-319060-2210

Devant les juges administratifs :

VÉRONIQUE PELLETIER

MARTINE DURAND

 

GROUPE PRO-PLUS INC.

Partie requérante

c.

VILLE DE LAVAL

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


[1]                    La partie requérante, Groupe Pro-Plus Inc. (Pro-Plus), conteste les valeurs inscrites aux rôles d’évaluation triennaux 2019-2020-2021 et 2022-2023-2024 par la partie intimée, la ville de Laval (Laval) en ce qui a trait aux unités d’évaluation situées aux 2111-2129, rue Berlier à Laval (l’Usine) ainsi qu’au terrain adjacent (Terrain), également situé sur la rue Berlier.

[2]                    Les valeurs inscrites et les prétentions des parties pour l’Usine pour chacun des rôles se résument comme suit :

USINE[1]

[3]                    Les valeurs inscrites et les prétentions des parties pour le Terrain pour chacun des rôles se résument comme suit :

TERRAIN[2]

[4]                    Le représentant de l’évaluateur municipal[3] recommande ainsi de hausser substantiellement la valeur tant de l’Usine que du Terrain pour les deux rôles alors que la partie requérante[4] demande d’en baisser la valeur. De sorte que dans les deux cas, la présomption de l’exactitude de la valeur inscrite aux rôles tombe et que le Tribunal doit alors analyser l’ensemble de la preuve et déterminer la valeur réelle en fonction de la règle de la prépondérance de la preuve.

Contexte

[5]                    Située au cœur du parc industriel Centre de Laval, à l’intersection de l’autoroute 440 et de l’autoroute 15, l’unité d’évaluation de l’Usine est composée d’un terrain de 38020  (409244 p²), sur lequel on retrouve un bâtiment ayant une aire au sol de 24145,1 m² (259896 p²) et une aire aux étages de 24901,5  (268038 p²)[5]. Le Terrain, situé de l’autre côté de la rue Berlier et utilisé pour des espaces de stationnement, un héliport et une partie non aménagée, possède pour sa part une superficie de 26127,6  (281235 p²)[6].

[6]                    L’Usine est composée de quatre sections de bâtiment, construites en 1965, 1975 et 1986 et a été agrandie à dix reprises entre 1967 et 2013[7].

[7]                    L’Usine est principalement occupée par Artopex, sur la majorité de sa superficie. On y retrouve également six autres occupants indépendants[8]. À noter que tant le Terrain que l’Usine sont grevés d’une servitude de non-accès en faveur du ministère des Transports le long de la bretelle reliant les autoroutes 440 et 15 qui longe les terrains de l’Usine et du Terrain[9].

[8]                    Pour les motifs ci-après exposés, le Tribunal conclut au maintien des valeurs au rôle tant pour le rôle triennal 2019 que pour le rôle triennal 2022[10].

Rôle de l’expert devant le Tribunal

[9]                    Avant de se pencher sur l’analyse des points en litige, la partie requérante invite le Tribunal à d’abord analyser et se prononcer sur le rôle de l’expert devant le Tribunal, en ce qu’elle prétend que l’expert de la partie intimée n’aurait pas fait preuve de l’objectivité et de la crédibilité exigées d’un expert témoignant devant un Tribunal.

[10]               Les principes entourant le témoignage d’un expert devant le Tribunal sont clairs et établis depuis longtemps. Son rôle est d’éclairer le Tribunal, et à cet égard, il doit faire preuve dans son analyse tant d’objectivité et de rigueur que du détachement ou du recul nécessaire pour empêcher que son rapport d’expert ne soit perçu comme conditionné par les seuls intérêts de son client. Dans ce dernier cas, le Tribunal pourrait rejeter son expertise.

[11]               L’expert doit donc faire preuve d’impartialité et d’objectivité tant dans son expertise que lors de son témoignage; il témoigne devant le Tribunal, non pas pour assurer la victoire de la partie qui retient ses services, mais bien pour donner son opinion d’expert, basée sur les règles de l’art de son champ d’expertise.

[12]               En l’espèce, il n’est pas inutile de rappeler que la science de l’évaluation n’est pas une science exacte et que la détermination d’une valeur ne peut se limiter à une simple question de précision ou d’opération mathématique. L’évaluateur doit faire preuve de jugement à chacune des étapes de son expertise et il en ressort qu’il existe un certain corridor d’indétermination ou marge de tolérance, qui résultent des choix posés par l’expert tout au long des différentes étapes de son analyse.

[13]               C’est d’ailleurs de ce dernier constat que résulte le principe édicté à l’article 144 de la Loi sur fiscalité municipale[11] (LFM), qui indique au Tribunal qu’il n’est tenu de modifier, ajouter ou supprimer une inscription au rôle foncier que si l’erreur constatée est susceptible de causer un préjudice réel.

[14]               Au surplus, faut-il rajouter que le Tribunal est lui-même un tribunal spécialisé en matière de fiscalité municipale, dont la connaissance approfondie des règles de l’art en matière d’évaluation immobilière est au cœur même de sa compétence.

[15]               Cela étant exposé, le Tribunal rejette l’argument de la partie requérante voulant que l’expert Limoges n’ait pas fait preuve d’objectivité et ait manqué de crédibilité dans son expertise et son témoignage. Il a défendu son point de vue selon sa lecture des conditions du marché immobilier et le Tribunal ne décèle aucune malhonnêteté intellectuelle ou de tentative d’induire le Tribunal en erreur.

[16]               Le Tribunal analysera donc la preuve présentée au mérite, tout en prenant en compte qu’en matière d’évaluation immobilière, tout n’est pas blanc et tout n’est pas noir; la lecture des conditions du marché particulièrement en période mouvante rend la lecture des grandes tendances du marché plus difficiles à décoder. La valeur probante, la rigueur du raisonnement d’évaluation et la crédibilité des experts guideront le Tribunal dans son analyse.

Admissions

[17]               À la suite d’un processus de conférence préparatoire, les parties ont convenu d’un certain nombre d’admissions[12], lesquelles se lisent comme suit :

  • Les experts conviennent de ne développer que la méthode du coût[13];
  • L’opportunité, la valeur et la date d’entrée en vigueur du certificat portant le numéro 19 044 636;
  • Les superficies de terrains des deux unités d’évaluation, soit de :
    • 38020,0 m² ou 409244 p² pour l’unité d’évaluation Usine;
    • 26127,6 m² ou 281235 p² pour l’unité d’évaluation Terrain.
  • La valeur de l’ensemble des bâtiments compris dans l’unité d’évaluation Terrain à 159900 $ pour le rôle triennal 2019 et 164700 $ pour le rôle triennal 2022;
  • Les superficies et les années originales pour l’ensemble des bâtiments, incluant les mezzanines et le sous-sol de l’unité d’évaluation Usine, le tout tel que détaillé au document Admission[14];
  • Sur le coût de base 1997 modernisé du MEFQ pour l’ensemble des bâtiments de l’unité d’évaluation Usine à 9 402 172 $, le tout tel que détaillé en Annexe 1 des Admissions[15];
  • Sur l’âge apparent pondéré du complexe industriel après les rénovations à 1989 : nous aurons cependant à revenir sur cette admission;
  • Sur les facteurs de rajustements suivants pour le bâtiment (blocs 10 à 49, 50 et 61) prévus aux bulletins de la version modernisée du MEFQ, à savoir :

Facteurs MEFQ

Triennal 2019

Triennal 2022

Temps

1,81

2,09

Taxes

1,00

1,00

Envergure

1,05

1,05

Économique

1,00

1,05

  • Sur l’absence de désuétude économique.

Points en litige

[18]               Sur la base de ces admissions, les points en litige à trancher sont donc les suivants :

  • Valeur du terrain : la partie requérante conclut essentiellement aux valeurs inscrites aux rôles T2019 et T2022 alors que la partie intimée recommande une hausse de valeur pour les deux rôles;
    • Comparables à retenir;
    • Ajustements pour l’évolution des conditions du marché dans le temps;
    • Autres ajustements.
  • Valeur du bâtiment :
    • Inclusion ou exclusion du rôle de certains items, soit parce qu’ils ne sont pas immeubles[16] ou soit parce qu’ils font partie du processus industriel[17]; 
    • Facteur de classe ;
    • Année apparente et la qualification de l’admission;
    • Vie économique et dépréciation physique incorrigible du bâtiment et de certains équipements et accessoires;
    • Désuétude fonctionnelle incorrigible.

Cadre juridique applicable

[19]               Rappelons que le Tribunal doit déterminer la valeur réelle selon les règles prescrites par la LFM.

[20]               La valeur recherchée par le Tribunal en fiscalité municipale, est la valeur réelle d’un immeuble, définie comme la valeur d’échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d’une vente de gré à gré, dans les conditions le vendeur et l’acheteur :

  • Désirent respectivement vendre et acheter, mais n’y sont pas obligés;
  • Sont raisonnablement informés de son état, de l’utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.

[21]               Pour établir cette valeur réelle, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective.

[22]               Lorsqu’un immeuble n’est pas susceptible d’être vendu de gré à gré, le législateur prévoit que le prix de vente le plus probable est établi en tenant compte du prix que la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur, dans les conditions prévues par l’article 43 LFM.

[23]               Les valeurs uniformisées des deux unités d’évaluation doivent représenter leurs valeurs à la date d’évaluation pertinente comme établie au premier alinéa de l’article 46LFM, soit :

  • Le 1er juillet 2017 pour le rôle triennal 2019-2020-2021;
  • Le 1er juillet 2020 pour le rôle triennal 2022-2023-2024.

VALEUR DU TERRAIN

[24]               Le différend entre les parties à cet égard est important.

[25]               La requérante retient une valeur qui reflète essentiellement la valeur du terrain telle que modifiée par la correction d’office au rôle T2019 et celle inscrite au rôle T2022 pour l’Usine. Pour le Terrain, la valeur obtenue par l’expert de la requérante est cependant inférieure à celle inscrite au rôle. En revanche, l’expert de l’intimée recommande une hausse importante de 35 % à ce chapitre[18].

[26]               Relevons que l’évaluation d’un terrain n’est pas chose simple lorsqu’il faut tenir compte de toutes ses caractéristiques et évaluer toutes les nuances qui peuvent être appréciées par un éventuel acquéreur selon le projet de développement envisagé. La localisation, la réglementation, l’utilisation permise, les services disponibles au terrain, les contraintes telles que servitude, milieux humides, bande de protection riveraine sont autant d’éléments qui influencent la valeur d’un site.

[27]               Déterminer l’usage le meilleur et le plus profitable d’un terrain (UMEPP) est la première étape et le fondement même de la valeur d’un terrain considéré comme vacant. À cet égard, il n’y a pas de litige fondamental puisque les deux experts conviennent que l’UMEPP des deux unités d’évaluation correspond à son utilisation actuelle, soit une utilisation industrielle.

[28]               Les unités d’évaluation à l'étude sont toutes deux affectées d’un zonage industriel IA, lequel est très permissif en ce qu’il permet à la fois un usage industriel et un usage commercial (vente au détail et service – commerce de type 1 et 2). Il conviendra donc de porter une attention particulière aux ventes comparables analysées afin de cerner l’intention des vendeur et acheteur et de s’assurer que la vente comparable s’inscrit dans l’UMEPP visé et correspond bien au même segment du marché immobilier recherché. À défaut de quoi les indications de marché qui en ressortent se devront alors d’être analysées avec circonspection.

[29]               Sur la base des ventes comparables présentées par les experts, le Tribunal doit ainsi déterminer quel taux unitaire ajusté retenir à la date de référence pour chacun des rôles d’évaluation T2019 et T2022 afin d’établir la valeur des unités d’évaluation. Les questions qu’il doit trancher sont essentiellement les suivantes :

  • Doit-on évaluer les deux terrains comme si regroupés comme le fait l’expert de l’intimée ou les évalue-t-on comme deux unités distinctes ?
  • Critères de sélection des comparables;
  • Opportunité et quantum des ajustements à apporter :
    • Restrictions au terrain et superficie constructible;
    • Évolution des conditions du marché dans le temps;
    • Localisation en front d’autoroute et superficie des terrains.
  • Conclusion T2019;
  • Conclusion T2022.

Faut-il évaluer les terrains comme s’ils n’étaient qu’une seule unité d’évaluation ou comme deux terrains distincts ?

[30]               Alors que le requérant évalue les deux terrains distinctement, l’expert de l’intimée évalue les unités d’évaluation comme si elles formaient un tout.

[31]               L’expert de l’intimée explique que le Terrain a été cédé par Laval au requérant en 1988 lorsque celui-ci a voulu procéder à l’agrandissement de l’Usine tout en respectant la réglementation municipale en ce qui a trait au nombre de cases de stationnements nécessaires pour les employés. Artopex obtenait au même moment de Laval une interdiction de stationner sur la rue Berlier afin de pouvoir mieux manœuvrer les camions-remorques qui accèdent à l’Usine.

[32]               Au soutien de son approche de regroupement pour fins d’évaluation, l’expert de l’intimée ajoute que certains baux prévoient des espaces spécifiques de stationnement sur le Terrain pour les locataires de l’Usine[19].

[33]               En s’appuyant tant sur les baux en vigueur, lesquels réservent des espaces spécifiques de stationnement sur le Terrain, ainsi que sur le règlement L-2000 de Laval, l’expert estime qu’un total de 290 cases de stationnement est nécessaire pour répondre aux exigences réglementaires. L’Usine ne disposant que de 65 cases de stationnement, l’expert conclut que l’utilisation du Terrain comme stationnement s’avère nécessaire afin de permettre à l’Usine de respecter la réglementation.

[34]               À son avis, considérant que l’immeuble est principalement utilisé pour des opérations de nature industrielle, et afin d’être conformes avec les usages autorisés à la réglementation de Laval, les deux unités d’évaluation se doivent donc d’être évaluées comme un tout et ce même si elles forment encore pour les rôles concernés deux unités d’évaluation.

[35]               Nous pouvons constater aux correspondances, résolutions et offre d’achat approuvant la vente du terrain par Laval à Artopex[20], l’existence d’une clause spéciale qui limite la cession du Terrain de façon distincte de l’Usine et qui accorde à Laval un droit de premier refus pour acheter le Terrain au même prix que celui offert par un promettantacquéreur, si toutefois il y avait une offre de cession séparément des deux unités d’évaluation. Notons que les deux unités d’évaluation n’ont jamais été regroupées par l’évaluateur municipal depuis cette acquisition en 1988.

[36]               Bien que l’approche de l’expert de l’intimée puisse susciter matière à réflexion, retenons que le Tribunal n’est pas saisi d’un recours devant décider du regroupement des deux terrains en une seule unité d’évaluation. Par ailleurs, les terrains sont cadastrés distinctement et il semble de prime abord qu’ils peuvent être vendus de façon séparée, du moins partiellement (si l’on pose l’hypothèse qu’une portion du Terrain restera nécessaire pour le respect des normes réglementaires de cases de stationnement) tel que le montre la clause de premier refus ci-haut mentionnée, ce qui correspond à l’un des critères permettant de déterminer le regroupement ou non des unités d’évaluation[21].

[37]               Il s’agit plutôt pour le Tribunal de savoir si on doit évaluer un terrain ayant une superficie totale de 64047 m² ou comme deux terrains de respectivement 38020 m² et 26127 m². La réponse à cette question déterminera les comparables à rechercher ainsi que certains ajustements.

[38]               Les terrains appartiennent au même propriétaire, qui se trouve être avantagé, puisqu’il conserve l’option de vendre les deux unités d’évaluation, soit comme un tout soit séparément, selon ses besoins et selon la demande du marché.

[39]               La preuve présentée par les experts démontre que peu de terrains d’une superficie telle que regroupée sont transigés. Par ailleurs, le Tribunal note que malgré cette approche de l’expert de l’intimée, les mêmes transactions sont recensées par les deux experts et l’impact de la superficie finit par s’avérer somme toute mineur.

[40]               Notre analyse de la situation juridique des terrains amène donc le Tribunal à constater que si les terrains étaient vacants, ils pourraient être transigés soit distinctement soit comme un tout, en fonction de l’offre et la demande du marché. La preuve démontre, en effet, d’une part une rareté de terrains industriels vagues et ce peu importe la superficie impliquée, et sans compter que les experts analysent somme toute les mêmes transactions.

[41]               Pour ces motifs, le Tribunal procédera à l’analyse en fonction de l’existence de deux unités d’évaluations distinctes. Retenons donc que le terrain de l’Usine est de forme rectangulaire avec une superficie de 38020 m² (409244 p²) et que le Terrain a une forme triangulaire allongée pour une superficie de 26127,6 m² (281235 p²).

Critères de sélections pour la recherche de comparables

[42]               Les principales caractéristiques suivantes de l’emplacement ont guidé les experts dans la sélection des terrains comparables vendus, de même que le Tribunal dans son analyse:

  • Les deux terrains sont situés de part et d’autre de la rue Berlier, qui se termine en cul-de-sac à leur hauteur;
  • Terrains situés dans un secteur à vocation industrielle;
  • L’emplacement fait front sur les voies de desserte des autoroutes 440 et 15 et bénéficie d’une bonne visibilité;
  • Les deux terrains sont totalement desservis, y compris par le gaz naturel;
  • Une servitude de non-accès aux voies de desserte de ces autoroutes affecte les deux terrains;
  • Rue avec très peu d’achalandage et essentiellement dédiée aux immeubles à l'étude.

[43]               Considérant ces caractéristiques, nous relevons que les deux experts ont recherché des ventes comparables en retenant des critères de sélection similaires sauf quant à la période de temps, soit :

[44]               L’adage « localisation localisation localisation » est à la base de la valeur d’un terrain. Or, les deux experts ne l’apprécient pas de la même façon.

[45]               Retenons que le site est localisé directement dans la desserte qui permet la transition des automobiles de l’autoroute 440 vers l’autoroute 15. Il jouit d’une visibilité indéniable sur l’une des autoroutes les plus achalandées au Québec. À l’opposé de cette bretelle nord-est, la bretelle sud-ouest dévoile le Carrefour Laval qui est un centre commercial d’envergure.

[46]               La rue Berlier débouche sur le boulevard Le Corbusier, qui traverse la ville de Laval, en son centre, pratiquement de part en part et sur lequel se retrouve le service de transport en commun. Les unités d’évaluation à l'étude sont situées au cœur du parc industriel Centre, le plus important parc industriel de Laval, qui compte 46 % de tout l’espace industriel de Laval[23]. Au sud, en traversant l’autoroute 440, se trouve une pléthore de commerces et restaurants qui délimite le début du centre-ville de Laval.

[47]               Bien que les terrains se trouvent sur une rue en cul-de-sac leur étant strictement dédiée, l’accessibilité tant aux différents services et commerces que pour les fournisseurs et employés est bonne.

[48]               La nature des activités réalisées dans un immeuble industriel ne nécessite pas un accès direct à partir de l’autoroute. Il s’agit pour plusieurs d’un immeuble de destination où les utilisateurs ne se dirigent pas sur le coup d’une impulsion. Les accès rapides de et vers les autoroutes d’importance situées à quelques pas méritent toute l’appréciation qui leur revient compte tenu de l’usage potentiel et même actuel du site.

[49]               Afin de procéder à l’évaluation des terrains, les deux experts relèvent pour les deux rôles 31 transactions; l’expert de l’intimée en relève une 32e, dont 13 sont examinées par les deux experts.

[50]               De ces 32 transactions relevées, l’expert de la requérante retient huit ventes pour le rôle triennal 2019, soit les ventes 6 à 10, 14, 20 et 21 transigées entre mai 2014 et novembre 2018[24] (dont les avant-contrats sont conclus entre novembre 2013 et octobre 2017) et sept ventes pour le rôle triennal 2022, soit les ventes 18, 19, 24, 25, 28, 29 et 31 transigées entre octobre 2018 et octobre 2021[25] (dont les avant-contrats sont conclus entre janvier 2018 et juillet 2021). Il apprécie ensuite ces transactions en fonction de cinq caractéristiques, soit la vocation des terrains, leur accessibilité, l’achalandage et la visibilité et la distance de ces derniers à partir de l’autoroute[26].

[51]               Il n’apporte aucun ajustement aux transactions relevées, à l’exception de celui pour l’écoulement du temps, estimant n’avoir retenu que de très bons comparables.

[52]               Quant à l’expert de l’intimée, il rejette dans un premier temps huit transactions aux motifs qu’il s’agirait notamment d’une acquisition à des fins d’assemblage, ou que les lots sont affectés par des milieux humides ou parce que l’usage projeté est non comparable, ce dans les cas où il existe une addition de motifs de rejet d’ampleur significative. Parmi ces ventes rejetées, notons que les transactions 10 et 18 sont retenues par l’expert de la requérante, qui ne les rejette pas d’emblée.

[53]               L’expert de l’intimée analyse 14 ventes pour le rôle triennal 2019, soit les ventes 2, 6 à 9, 11, 13 à 17, 19, 20 et 21, dont les avant-contrats sont conclus entre novembre 2012 et mars 2017, et 19 ventes pour le rôle triennal 2022, soit les ventes 11, 13 à 17, 19 à 21 et 23 à 32, dont les avant-contrats sont conclus entre juin 2016 et juillet 2021. Il s’attarde particulièrement sur les caractéristiques suivantes pour sélectionner ses comparables, soit l’accès direct à une voie publique, la visibilité à partir de l’autoroute et les services disponibles au terrain.

[54]               Les transactions sont toutes réalisées dans les différents parcs industriels sur le territoire de Laval : peu dans le parc industriel Centre et beaucoup dans le parc industriel Impact 440. Les transactions réalisées dans le parc Autoroute 25 concernent toutes des terrains qui ne sont aucunement desservis.

[55]               Ce large éventail de transactions génère une grande variabilité au niveau des taux unitaires observés. L’expert de l’intimée analyse ensuite chacune des transactions et leur apporte plusieurs ajustements, tant pour tenir compte de certaines restrictions relevées au terrain transigé, que de l’écoulement du temps, et de la localisation des terrains vendus ou de leur superficie en comparant aux terrains sujets.

Opportunité et quantum des ajustements

Restrictions au terrain et superficie constructible

[56]               Nous avons vu que l’expert de la requérante est d’avis que les comparables retenues sont tellement similaires qu’il ne leur apporte aucun ajustement.

[57]               Pour sa part, puisque les terrains à l'étude sont totalement constructibles, l’expert de l’intimée détermine dans un premier temps la superficie nette constructible des terrains vendus en déduisant les portions de terrain non constructibles en raison de servitudes limitant la construction, de milieux humides présents, de bandes riveraines ou encore d’accès privés qui doivent être aménagés.

[58]               Il rajuste également les prix de vente pour tenir compte de travaux à réaliser pour permettre l’utilisation du terrain ou encore pour prendre en compte le prolongement des services municipaux nécessaire, puisque les terrains à l'étude sont totalement desservis. À titre d’exemple, la transaction 19 pour laquelle le sol a dû être compacté a vu son prix de vente ajusté pour le prix des travaux et une bande riveraine pour la protection d’un cours d’eau a été soustraite de la superficie.

[59]               L’expert de l’intimée redresse ainsi dès le départ certaines transactions en fonction de caractéristiques physiques qui leur sont spécifiques, ce que lui reproche sévèrement la partie requérante.

[60]               Le Tribunal est pour sa part d’avis qu’il est nécessaire que ces transactions soient ainsi analysées et redressées avant tout autre ajustement afin de traduire adéquatement ce que le prix payé reflète[27]. De prime abord, les ajustements peuvent sembler importants, mais le Tribunal y voit cependant une démarche nécessaire alors que les terrains vendus comportent des contraintes sous plusieurs aspects, ce dont les lots à l'étude ne souffrent pas. Ils sont desservis, lotis, prêts à construire, sans difficulté d’accès et sans milieux humides ou autre bande de protection riveraine. Le Tribunal constate que ces ajustements ont été effectués selon les règles de l’art, de manière rigoureuse et fondée. Nous en retenons donc l’essentiel.

Évolution des conditions du marché dans le temps

[61]               Les deux experts ont procédé à une analyse de l’évolution des conditions du marché afin de savoir comment ajuster les différentes transactions pour refléter une valeur en date de référence du 1er juillet 2017 d’une part et du 1er juillet 2020 d’autre part.

[62]               Quant au marché du 1er juillet 2017, l’expert de la requérante indique ne déceler aucune évolution du marché entre la période 2014 et 2017, sur la base de seulement deux paires de vente-revente de propriétés similaires relevées dans cette période[28]. Or, par analogie avec l’affaire Arcelor, le Tribunal est d’avis que l’absence d’ajustement de temps doit être démontrée et motivée par un échantillonnage suffisant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. D’autant plus qu’il est de connaissance judiciaire que le marché des immeubles industriels à Laval est en déficit d’offre depuis plusieurs années, ce qui ne peut qu’avoir un effet de progression des prix.

[63]               Le Tribunal est donc sceptique quant à cette analyse sommaire du marché effectuée par l’expert de la requérante. En effet, la même transaction 14, réalisée en 2017, est utilisée pour les deux paires d’indications observées par l’expert de la requérante. Qui plus est, le Tribunal ne peut que se questionner sur la validité du taux de la transaction 14, qui est contigu et similaire au terrain de la vente 8, transigée en 2014, car les deux taux sont exactement les mêmes alors que trois ans séparent les deux ventes.

[64]               Peut-être s’agit-il d’une indication prouvant que le marché n’a pas évolué. Mais le Tribunal constate aussi que le vendeur pour ces deux transactions 8 et 14, Montoni, acteur aguerri du marché immobilier, se trouve être aussi le constructeur de la bâtisse à construire au bénéfice des acheteurs. La preuve ne révèle pas les conditions des deux ventes, pas plus que les conditions liées à la construction des bâtiments. Et rien n’explique que le vendeur n’ait pas révisé à la hausse le taux demandé considérant la rareté des terrains disponibles.

[65]               En l’absence d’un nombre significatif de transactions dans le même créneau que celui des terrains à évaluer, le Tribunal considère légitime de porter un regard plus large lorsque vient le temps de déterminer l’évolution du marché d’un secteur. En ce sens, il ne faut pas se concentrer sur un seul usage ou encore sur une certaine envergure de terrain. L’expert de la requérante a pourtant adopté cette approche dans le cadre de ce même exercice à l’égard du rôle T2022.

[66]               Puisque le marché présente un nombre limité de transactions, il faut élargir l’horizon pour voir ce qui se passe dans ce marché et s’assurer que l’indication d’absence d’évolution de valeur dans le temps procurée par la transaction 14 reflète effectivement le comportement du marché. Il faut voir la preuve de la partie intimée à cet égard.

[67]               Pour le rôle T2019, l’expert de l’intimée analyse 23 paires de vente-revente de même immeuble ou d’immeubles similaires afin d’extraire une tendance entre 2011 et 2018. Toutes les transactions se situent dans un zonage similaire, mais plusieurs ont été réalisées dans une perspective d’utilisation plus commerciale que purement industrielle. Il y a des terrains de petites dimensions et d’autre comportent des superficies plus comparables aux terrains sujets.

[68]               Les indications obtenues varient entre - 0,7 %/an à 25,4 %/an. Comme démontré en contre-interrogatoire, les indications sont imparfaites, mais elles présentent en majorité une évolution positive, pour une moyenne de 10,1 % et une indication médiane de 8,7 %. L’expert de l’intimée retient une évolution de 9 % par année.

[69]               Le Tribunal est conscient que ces indications sont imparfaites. L’écart entre la moyenne et la médiane en témoignent entre autres. Par ailleurs, plusieurs indications se situent nettement à l’extérieur de la période de référence étudiée. Qui plus est, la revente des paires de transactions 21, 22 et 23 est réalisée plus de deux après la date de référence du 1er juillet 2017, ce qui ne s’avère d’aucune utilité dans l’exercice qui doit être réalisé.

[70]               Différents articles et publications produits en preuve démontrent que le marché industriel a connu une évolution importante des loyers demandés à la hausse et des taux de vacances à la baisse entre 2016 et 2022[29]. Cette évolution a nécessairement créé une pression à la hausse pour stimuler la construction et incidemment une pression à la hausse sur les prix de vente.

[71]               Selon une analyse de JLL – T2 2019, le taux d’inoccupation est passé de 9 % en 2015 à 5,5 % en 2017 et se termine à 2,7 % au 2e trimestre 2019. Selon un aperçu du marché industriel du Grand Montréal – T2 2018 de CBRE, le taux de disponibilité de 5,3 % est à un plancher record en 15 ans. Une demande soutenue pour les propriétés industrielles est constatée et il y a rareté de nouveaux produits, ce qui cause un resserrement de la disponibilité. L’analyse du marché industriel de Avison Young en fin d’année 2017 présente une hausse des taux de location à Laval, ainsi qu’une baisse marquée de l’inventaire disponible[30].

[72]               Le Tribunal constate que ces différentes publications démontrent un marché en forte demande, pour lequel peu d’espaces sont disponibles. Cette tendance va en accélérant depuis 2017. Par ailleurs, une publication de CBRE concernant l’évolution des taux d’actualisation démontre une diminution constante du taux d’actualisation depuis 2014 jusqu’à 2017 et une diminution marquée à partir de 2018.

[73]               La démonstration effectuée par l’expert de l’intimée ne convainc cependant pas le Tribunal d’une évolution du marché aussi soutenue que 9 % par année, et il reconnaît lui-même d’une part avoir recherché les conditions macro-économiques d’évolution du marché et d’autre part, être bien conscient que le marché peut ne pas avoir évolué de la même façon pour des terrains industriels de 4645 m² (50000 p²) que pour ceux de 55742 m² (600000 p²).

[74]               Le Tribunal n’est pas plus convaincu de l’exercice réalisé par l’expert de la requérante quant à l’absence d’évolution de 0 %, tous les indicateurs économiques militant en faveur d’une hausse des valeurs en raison de la rareté et de la forte demande.

[75]               Selon les paires de transactions 1, 2, 4 et 5 présentées par l’expert de l’intimée, une croissance importante du marché se constate dans la période 2011 à avril 2015, de l’ordre d’environ 12 % selon la tendance centrale. Par la suite, peu d’indications sont disponibles pour démontrer l’évolution du marché entre avril 2015 et janvier 2018. La paire de transactions 3 soumises au rapport de l’expert de l’intimée présente une première transaction réalisée en septembre 2010 et le même terrain revendu en août 2018. Si une croissance de 12 % annuelle est appliquée pour la période de septembre 2010 à avril 2015, il en ressort une croissance de 2,78 % par année pour la période allant d’avril 2015 à août 2018.

[76]               À la lumière des différentes observations émises, en regard de la preuve soumise par les deux experts, le Tribunal est d’avis de retenir une évolution annuelle du marché de 2 % pour toutes les transactions réalisées avant le 1er janvier 2018. Cette conclusion est corroborée par la première paire de transactions de l’expert de la requérante, qui indique un taux de progression de 1,79 % ainsi que par les indicateurs 11 et 13[31].

[77]               Quant à l’évolution à compter de janvier 2018 et applicable principalement au rôle T2022, le Tribunal se questionne sur l’approche du requérant qui a pour effet de diviser l’analyse sur deux périodes, soit l’une avant le déclenchement de la pandémie allant jusqu’à mai 2020 et la seconde période après la réouverture de l’économie à compter de mai 2020.

[78]               En effet, l’expert retient cette approche, car il estime que l’accroissement des valeurs ne s’est pas fait de façon linéaire et que la demande, et donc les prix, ont en quelque sorte explosé après mai 2020.

[79]               Sur la période prépandémie, il base son approche sur seulement quatre indicateurs puisque peu de transactions sont effectuées, dont une seule porte sur la vente-revente d’un même terrain. Les trois autres indicateurs comportent des terrains qui sont dits similaires, mais avec tout de même plusieurs différences qui peuvent biaiser le résultat. Au surplus, un de ces indicateurs provient d’une paire dont la vente a été réalisée en 2016 et comporte une nouvelle fois une hypothèse que le marché n’a pas évolué du mois d’août 2016 au 1er janvier 2018, alors qu’un autre de ces indicateurs provient d’une revente dans le cadre d’un assemblage. Il constate une progression de 8 % entre janvier 2018 et mai 2020.

[80]               L’augmentation annuelle de 51 % captée à compter du 1er mai 2020 provient quant à elle d’un plus grand ensemble d’indicateurs. Cependant, seulement quatre paires de transactions sont réalisées sur le territoire de Laval alors que toutes les autres paires sont réalisées à différents endroits sur le territoire du Grand Montréal. Potentiellement, il s’agit du reflet de l’ensemble du marché industriel du Grand Montréal, mais il est difficile d’extraire adéquatement cette augmentation d’une envergure aussi significative, d’autant que la prémisse d’une évolution de 0 % avant janvier 2018 et de 8 % à compter du 1er janvier 2018 au 1er mai 2020 est appliquée à toutes les transactions indépendamment de leur localisation, alors que ces conclusions ne proviennent que d’indicateurs extraits de transactions réalisées à Laval.

[81]               Il ressort de plus de cette analyse que la majorité des paires de transactions étudiées comportent une revente tardive en 2021, voire en 2022. Or, le Tribunal estime ne pouvoir retenir aucune transaction effectuée après juillet 2020, puisque la preuve révèle une progression considérable des valeurs du marché immobilier en raison de l’effet pandémique, ce qui aurait pour effet de fausser le portrait que l’on doit avoir de la valeur en date de référence en juillet 2020. Le tableau de l’expert de la requérante[32] montre ainsi des progressions de marché dans le marché du Grand Montréal (incluant Laval) variant entre 26,85 % et 116,35 %, alors que toutes les reventes sont effectuées en 2021 et 2022, avec une moyenne pour Laval de 53,81 % et une médiane de 57,07 %. La preuve révèle donc une période de grande effervescence des valeurs immobilières pendant cette période.

[82]               En situation plus normale, il est vrai que l’on puisse retenir des indicateurs survenus après la date de référence[33] s’il y a preuve d’une relative stabilité du marché, mais tel n’est clairement pas le cas ici, car le marché immobilier est dans un contexte de grande volatilité.

[83]               Pour cette raison, la transaction 31 provenant d’une entente survenue en juillet 2021 et notariée seulement en octobre 2021 ne sera pas utilisée par le Tribunal, ni pour déterminer une évolution du marché, ni pour déterminer le taux unitaire à retenir pour établir la valeur, puisque transigée plus d’un an après la date de référence en plein essor du marché immobilier en raison du contexte pandémique.

[84]               Une fois cette transaction retirée du lot, la pertinence d’extraire une évolution du marché jusqu’à la période fin 2021 devient négligeable.

[85]               En conclusion, malgré l’imperfection des indications présentées par l’analyse de l’expert de l’intimée, le Tribunal l’estime tout de même plus convaincante et pertinente en regard du marché de Laval. Le Tribunal n’est pas convaincu par la preuve soumise par l’expert de la requérante quand il divise en deux périodes, en raison de l’insuffisance d’indicateurs du marché, notamment à Laval, et de la date à laquelle il faudrait en tenir compte.

[86]               Pour tous ces motifs, en retenant en partie l’analyse du requérant sur la période prépandémie et sur celle de l’expert de l’intimée telle qu’analysée, nous sommes d’avis de retenir une évolution annuelle linéaire des conditions du marché de 11 %, en appuyant cette conclusion plus particulièrement sur les indications 23, 24, 26, 27, 28, 30, 31 et 35 tirées du rapport de l’expert de l’intimée, ainsi que les indications provenant des trois paires de ventes-reventes de l’analyse de l’ajustement temps 01-2018 à 05-2020 de l’expert de la requérante. Ce sera le taux utilisé pour ajuster les transactions réalisées à compter du 1er janvier 2018.

Localisation en front d’autoroute et superficie des terrains

[87]               Après avoir indexé les transactions comparables pour tenir compte de l’évolution des conditions du marché, l’expert de l’intimée procède à l’analyse de deux caractéristiques supplémentaires afin de déterminer leur impact potentiel sur le taux unitaire, soit l’impact de la localisation d’un terrain qui comporte un front sur une autoroute comparativement à un terrain n’ayant pas front et la superficie élevée des terrains évalués comme un tout, soit 64147,6 m². À cet égard, il recherche des couples de transactions similaires, à l’exception de la caractéristique à observer.

[88]               Pour ce qui est de la localisation bénéficiant d’un front sur deux autoroutes, tout en ayant un accès direct en provenance de la rue Berlier, l’expert recense 10 indicateurs pour le rôle triennal 2019 desquels il n’a pu valablement extraire une prime qui serait payée par un acquéreur pour un terrain ayant front comparativement à un terrain n’ayant pas front sur une autoroute.

[89]               Le même exercice réalisé pour le rôle triennal 2022, cette fois-ci à partir de 27 indicateurs, lui indique cette fois qu’un acquéreur paierait une prime, qui s’élève à 14 %, lorsque seulement les indicateurs les plus fiables sont retenus par l’expert. Il complète cet exercice en comparant entre eux les indicateurs procurés par les 32 transactions retenues pour son analyse. Il constate ainsi un taux unitaire indexé moyen de 221,20 $ pour les ventes présentant des terrains qui n’ont pas front sur une autoroute comparativement à 229,81 $ pour celles dont les terrains font front sur une autoroute. Selon ces observations, il retient un ajustement de 10 % à appliquer aux 10 transactions pour lesquelles le terrain ne comporte pas de front sur l’autoroute.

[90]               Le Tribunal conçoit difficilement que l’expert de l’intimée constate de son observation du marché qu’un acquéreur ne paierait aucune prime potentielle pour un terrain avec front sur l’autoroute pour le rôle triennal 2019, mais qu’à peine trois années plus tard, ce même acquéreur serait prêt à en payer une de l’ordre de 10 %.

[91]               Il procède à un exercice comparable quant à l’ajustement concernant la différence de superficie du terrain. 48 indicateurs ont été répertoriés pour le rôle 2019. La tendance varie de 4 % à 15 % selon les trois strates observées. L’expert retient un ajustement de 5 % par tranche de 9290,3 m² de différence de superficie pour le rôle 2019, ce qui génère un ajustement global sur cet aspect qui varie d’une baisse de 28 % à une hausse de 10 % selon la transaction analysée.

[92]               Pour le rôle 2022, 19 indicateurs sont répertoriés par l’expert afin de reproduire le même exercice. Les indicateurs semblent cette fois démontrer que le prix payé pour des terrains de grande superficie tend à la hausse. Puisque les indications sont obtenues à partir de terrains qui comportent d’importantes contraintes de développement ou encore qui ne bénéficient pas de services municipaux, l’expert de l’intimée est toutefois d’opinion de n’appliquer aucun ajustement pour la superficie au rôle 2022.

[93]               Le Tribunal constate donc l’application de la même approche quant à l’ajustement fait sur la base de la superficie plus grande du terrain sujet. Un tel ajustement est observé et fait à hauteur de 5 % par strate de 9393 m² de différence de superficie pour le rôle 2019, alors qu’aucun tel ajustement n’est appliqué pour le rôle 2022.

[94]               Que retenir de ces exercices ?

[95]               L’expert a réalisé un exercice nécessaire et louable sur ces deux aspects qui ont potentiellement un impact sur la valeur. Cependant, le Tribunal ne peut que constater la grande variabilité des résultats obtenus, découlant sur une certaine incohérence de résultats. Les transactions retenues pour comparer les taux unitaires permettant d’extraire une distinction sur ces deux aspects recèlent par ailleurs d’autres particularités qui peuvent expliquer ces résultats. Pour déterminer une tendance, l’expert doit émettre plusieurs hypothèses qui semblent discutables au regard des résultats obtenus. Également, la même transaction est utilisée à répétition pour effectuer la comparaison, ce qui peut biaiser les résultats de façon importante advenant que cette transaction comporte à la base certaines réserves. Il s’avère que plusieurs éléments peuvent expliquer les résultats très variables observés. Il devient ainsi difficile d’extraire avec assurance et précision un tel impact. Retenons aussi que nous avons décidé d’évaluer les deux terrains distinctement, ce qui rend l’ajustement superficie moins pertinent.

[96]               L’expert de la requérante n'effectue pas ces ajustements, il préfère appuyer sa conclusion sur les transactions les plus comparables et nécessitant le moins d’ajustement.

[97]               Puisque le résultat de l’expert de l’intimée n’est pas convaincant et en considérant une sélection plus serrée quant au choix de transactions les plus comparables et pour lesquelles de tels ajustements ne sont pas requis, le Tribunal n’appliquera aucun ajustement ni pour la localisation ni pour la superficie.

Rôle T2019

[98]               Les transactions communes retenues par les deux experts sont les transactions 6, 7, 8, 9, 14, 20 et 21. L’expert de la requérante retient également la transaction 10 alors que l’expert de l’intimée rajoute à son analyse les transactions, 2, 11, 13, 15, 16, 17 et 19.

[99]               De ces transactions, celles qui retiennent le plus l’attention du Tribunal sont les suivantes : 6, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 16, 19, 20, 21 et 32.

[100]           Les transactions 13, 15 et 17 réalisées dans l’est de l’Ile dans le parc Autoroute 25 ne sont pas retenues par le Tribunal puisque leurs caractéristiques diffèrent de façon importante, particulièrement quant à leur localisation, mais aussi quant à leur visibilité à partir d’une autoroute, les services disponibles au terrain et même le zonage. Il est tout de même intéressant de noter que ces transactions présentent des taux variant de 84,85 $/m² à 108,60 $/m² pour des terrains non desservis, sans visibilité à partir de l’autoroute.

[101]           Les indications procurées par les transactions sont les suivantes une fois le prix de vente ajusté et indexé en fonction du temps, ainsi que la superficie constructible ajustée lorsque requis[34] : 

Numéro de vente

Date
de vente

Date
Avant-contrat

Superficie constructible

ajustée

Taux /m² - avant tout ajustement

Prix de vente indexé ajusté

 

Taux/m²
indexé

6

2014-05-30

2013-11-29

49782

96,88 $

5 178 007 $

104,01 $

7

2014-05-30

2013-11-29

39468

100,64 $

4 264 724 $

108,06 $

8

2014-10-31

2014-10-17

19931

91,49 $

2 106 844 $

105,71 $

9

2015-01-14

2014-10-10

19009

110,47 $

2 216 479 $

116,60 $

10

2016-01-25

2015-08-18

19276

71,68 $

1 434 275 $ 

74,41 $

11

2016-07-08

2016-06-13

11550

174,33 $

2 055 698 $

177,99 $

14

2017-10-19

2017-05-09

17517

91,49 $

1 773 979 $

101,27 $

16

2018-01-17

2016-10-13

17777

233,36 $

4 207 724 $

236,69 $

19

2018-10-26

2018-01-31

16841

129,17 $

2 530 286 $

150,25 $

20

2018-11-02

2017-03-31

83580

80,57 $

8 723 433 $

104,37 $

21

2018-11-07

2017-10-26

34350

87,61 $

6 364 156 $

185,27 $

32

2019-04-02

2018-04-16

24650

57,67 $

2 121 419 $

86,06 $

[102]           Selon l’expert de la requérante, la transaction 10 indiquerait un taux plancher. Cette transaction a été réalisée dans un contexte d’assemblage. Le terrain est de forme triangulaire très accentuée et est affecté par des milieux humides. Le Tribunal estime que le taux indexé de 74,41 $ de cette vente ne reflète pas un marché comparable aux terrains sujets.

[103]           Les transactions 20 et 21, à propos desquelles plusieurs échanges ont eu lieu lors de l’audience, font l’objet d’ajustements importants, tant au niveau du coût des infrastructures qui devait être déboursé par les acquéreurs, que de la compensation à payer pour le remblaiement de milieux humides, que de l’ajustement de la superficie nette constructible. La multiplication des ajustements limite grandement la qualité de l’indication obtenue et remet en question la comparabilité de ces transactions.

[104]           Le Tribunal est d’avis que les transactions, 6, 7, 8, 9, 11, 14, 16 et 19 sont celles qui représentent le mieux les caractéristiques des lots sujets.

[105]           Les transactions 11 et 16 sont des terrains contigus, acquis par le même acquéreur, dans le même parc industriel que les terrains sujets. Un commerce permettant d’accueillir un concessionnaire automobile a été construit sur ces terrains, une fois la démolition d’un bâtiment industriel existant réalisée, ainsi qu’un changement du zonage. Ces terrains sont desservis, n’ont aucune contrainte environnementale, ont front sur l’autoroute 15 et comportent également une servitude de non-accès à l’autoroute. La transaction 11 est de forme triangulaire, alors que la vente 16 provient d’une subdivision dans le contexte d’une vente non sollicitée par le vendeur et est de forme régulière. Les indications s’avèrent élevées. L’expert de la requérante ne retient pas ces transactions qu’il considère être des ventes d’assemblage. L’expert de l’intimée n’est pas de cet avis considérant le court délai survenu entre les deux transactions et retient celles-ci pour son analyse du marché, bien qu’il reconnaisse qu’elles indiquent un taux légèrement supérieur probablement lié à l’usage commercial que les acquéreurs recherchaient. Sur la base de cette preuve, le Tribunal estime que ces indications démontrent l’attrait du secteur, mais que les taux très élevés démontrent plus le reflet d’une utilisation commerciale plutôt qu’industrielle.

[106]           La transaction 19 présente plusieurs caractéristiques comparables aux terrains sujets. Le terrain est localisé sur une rue sans issue près du parc industriel 440, le site est entièrement desservi et le terrain a été utilisé pour la construction d’une usine de production alimentaire. Le terrain se situe cependant dans un zonage IB permettant un usage industriel lourd avec possibilité d’entreposage extérieur. Il est d’une plus petite dimension et l’emplacement ne bénéficie d’aucune visibilité à partir d’une autoroute. Cette transaction provient d’une vente non sollicitée qui se traduit potentiellement par un taux plus élevé en plus d’avoir été réalisée après la date de référence. Elle affiche un taux ajusté pour tenir compte de la superficie constructible et des coûts qui ont dû être déboursés pour la compaction dynamique du terrain de 150,25 $/m², qui s’avère un taux plafond selon le Tribunal.

[107]           Les transactions 6 et 7 possèdent une superficie qui se compare à celle des terrains sujets. Un centre de distribution a été construit sur ces terrains par l’acquéreur qui les a acquis et ils font front sur l’autoroute 440. L’expert de la requérante considère cet emplacement supérieur à celui des terrains sujets puisqu’ils sont accessibles à partir de la voie de desserte. L’expert de l’intimée considère qu’il s’agit également d’un avantage. Le Tribunal relève qu’au moment de la transaction, les services n’étaient pas rendus au terrain.

[108]           La transaction 9 est réalisée pour la construction d’un immeuble accueillant un concessionnaire automobile avec un accès direct le long de la desserte de l’autoroute 440, ce qui s’avère être une caractéristique supérieure aux terrains sujets.

[109]           Les transactions 8 et 14 sont des terrains localisés dans le même secteur et transigés par le même vendeur. Selon l’expert de la requérante, il s’agit des meilleures transactions comparables. Elles se situent face à l’autoroute 440 et bénéficient ainsi d’une excellente visibilité. Le secteur comporte une vocation industrielle similaire aux terrains sujets. L’accès se fait par une rue privée qui a dû être réalisée aux frais des acheteurs. Le Tribunal note que les transactions se sont réalisées au même taux unitaire, bien que trois années se soient écoulées entre les deux. Le vendeur était à la fois promoteur et constructeur des immeubles qui ont été construits pour les acquéreurs. Également, l’acquéreur du terrain de la transaction 14 a dû ultérieurement procéder à l’acquisition de deux bandes de terrains supplémentaires afin de concrétiser son projet[35]. L’expert de la requérante n'apporte aucun ajustement à ces transactions, alors que l’expert de l’intimée retranche la superficie dédiée au chemin privé qui permet d’accéder aux terrains, de même qu’il ajoute au prix de vente le coût à prévoir pour l’aménagement de ce chemin, redressements que le Tribunal retient.

[110]           Le Tribunal se questionne toujours lorsqu’il y a un délai important entre la date de l’avant-contrat et la signature de l’acte notarié. La date de la vente est toujours connue alors qu’il arrive souvent que la date de l’avant-contrat ne le soit pas. En utilisant parfois une, parfois l’autre, on se trouve à ne pas comparer des pommes avec des pommes et à créer une distorsion de l’ajustement tenant compte de l’évolution des conditions du marché notamment.

[111]           Parfois, plusieurs mois, voire parfois années, peuvent s’écouler entre la date de l’avant-contrat et le contrat notarié. Dans cet intervalle, des négociations se poursuivent, des vérifications diligentes sont faites, ou les parties attendent la levée d’une interdiction ou l’émission d’une autorisation et les conditions de l’offre initiale peuvent être renégociées. Seule une enquête précise pourrait le révéler, mais elle n’est pas toujours faite ou il peut être difficile d’obtenir l’information. Plus le délai entre les deux moments est élevé, plus l’indication présentée soulève des questions[36]. C’est pourquoi il nous apparaît préférable, en règle générale, de retenir la date de l’acte de vente, puisque c’est dans le contrat de vente que les conditions finales de la transaction sont alors consacrées.

[112]           Dans le présent dossier, les experts utilisent dans la majorité des cas la date de l’avant-contrat, lorsque cette dernière est connue; cependant, pour certaines transactions elle n’est pas connue. Dans le cas des transactions 20, 21 et 32, le Tribunal est d’avis que leur indication s’avère moins probante, car leur date notariée s’éloigne significativement de la date de référence et ne les retient donc pas.

Conclusion sur les taux unitaires à retenir au Rôle T2019

[113]           À la lumière de l’ensemble de notre analyse de la preuve, le Tribunal est d’avis que le taux de 91,50 $/m² retenu par l’expert de la requérante ne s’avère pas révélateur de la valeur des terrains sujets.

[114]           Sur la base de la preuve soumise, le Tribunal retient un taux de 105 $/m² qu’il applique de la même façon aux deux terrains, lequel est corroboré par les ventes 6, 7, 8 et 14. Bien que le Terrain soit d’une forme triangulaire, l’ajustement arbitraire de 5 % appliqué par l’expert de la requérante ne trouve pas de justification en regard du marché observé, d’autant qu’il s’agit d’un terrain ayant un long front sur la desserte et qu’il demeure facile à aménager malgré sa configuration.

[115]           La valeur réelle déterminée par le Tribunal est de 3 992 100 $ pour l’Usine et de 2 743 400 $ pour le Terrain.

Rôle T2022

[116]           Les transactions communes retenues par les deux experts sont les transactions, 19, 24, 25, 28, 29 et 31. L’expert de la requérante retient également la transaction 18 alors que l’expert de l’intimée rajoute à son analyse les transactions 11, 13 à 17, 20, 21, 23, 26 à 28, 30 et 32.

[117]           Le Tribunal ne peut que relever, dans un premier temps, que l’expert de l’intimée a retenu neuf transactions communes aux deux rôles, en raison de ses très longues périodes de temps analysées pour chacun des rôles. Ce faisant, le Tribunal se questionne sur la fiabilité du portrait que cette confusion peut engendrer, lorsqu’un aussi grand nombre de transactions sert pour l’analyse des valeurs sur deux rôles. Cette approche démontre peut-être un écueil que doivent éviter les experts évaluateurs lorsqu’ils traitent deux rôles en même temps au cours d’une audience. Mais voyons ce qu’il en est.

[118]           Les transactions 11 à 16 se transigent en 2016 et 2017, ce qui s’avère très éloigné de la date de référence; le Tribunal ne les retient pas.

[119]           Les transactions 13, 15, 17, 26 et 27 concernent des terrains non desservis, qui n’ont pas front sur l’autoroute ni de visibilité. Ils sont situés dans le parc Autoroute 25 et ne sont guère comparables. Le Tribunal relève que les taux ajustés obtenus pour ces transactions, indexés, oscillent entre 109 $/m² et 147 $/m².

[120]           Les transactions pertinentes, ajustées et indexées pour le temps pour le rôle 2022 sont les suivantes [37] :

Numéro de vente

Date
de vente

Date
Avant-contrat

Superficie ajustée

Taux vendu - avant tout ajustement

Prix de vente indexé - ajusté

Taux unitaire indexé m²

18

2018-10-16

2018-07-24

63952

90,65 $

7 097 649 $

110,98 $

19

2018-10-26

2018-01-31

16841

129,17 $

3 299 305 $

195,91 $

20

2018-11-02

2017-03-31

83580

80,57 $

11 435 252 $

136,82 $

21

2018-11-07

2017-10-26

34350

87,61 $

8 342 646 $

242,87 $

23

2020-02-20

2019-12-16

71871

136,09 $

10 582 362 $

147,24 $

24

2020-02-20

2019-11-25

22329

201,82 $

4 797 658 $

214,86 $

25

2020-06-12

2019-09-06

18581

322,92 $

6 535 420 $

351,73 $

28

2020-11-26

2020-07-27

35254

161,46 $

5 649 938 $

160,26 $

29

2021-04-09

2020-11-30

38783

252,95 $

9 393 194 $

242,20 $

30

2021-07-27

2021-04-27

64779

325,61 $

20 329 529 $

313,83 $

31

2021-10-20

2021-07-02

15937

200,75 $

3 698 700 $

232,09 $

32

2019-04-02

2018-04-16

24650

57,67 $

2 729 609 $

110,74 $

[121]           La transaction 25 présente l’indicateur le plus élevé qui provient d’un contexte de relocalisation à la suite d’une expropriation et ne semble pas démontrer un marché standard.

[122]           Le terrain sur lequel porte la transaction 18 est en partie situé dans un zonage commercial, est affecté par d’importants milieux humides et a fait l’objet d’un développement multirésidentiel. L’expert de l’intimée n’a pas considéré cette transaction et le Tribunal est de la même opinion.

[123]           Le Tribunal a conservé au tableau la transaction 31 qui est retenue par l’expert de la requérante et qui présente un taux désindexé de 232,09 $/m². Cette transaction est réalisée dans le même secteur que la transaction 14 retenue au rôle 2019 et s’avère comparable. Elle possède une forme de triangle arrondi. La date de la transaction en pleine période d’effervescence pandémique n’est pas adéquate pour apprécier le marché correctement en date de référence. Cette transaction ne sera donc pas retenue.

[124]           La transaction 30 survenue en avril 2021 n’est pas plus retenue, puisqu’aussi survenue loin après la date de référence en pleine période d’effervescence pandémique, bien qu’elle soit localisée dans le même parc industriel et présente plusieurs caractéristiques comparables aux terrains sujets.

[125]           Les transactions 20 et 21, en plus d’être éloignées de la date de référence, sont rejetées pour les mêmes raisons que celles soulevées dans le cadre du rôle T2019.

[126]           La transaction 23 se situe dans le même secteur que les transactions 20 et 21, dans le secteur de l’autoroute 13. Le terrain est affecté d’un milieu humide, le sol a dû être réhabilité, des conduits ont dû être retirés du sol. Un changement de zonage devait être accordé par la municipalité pour permettre un développement industriel, ce qui n’a pas été obtenu. Le Tribunal ne retient pas cette transaction.

[127]           De l’ensemble de ces indications, l’expert de l’intimée retient un taux de 215 $/m², alors que l’expert de la requérante, particulièrement sur la base des transactions 19, 28 et 31, retient un taux de 156 $/m² considérant l’ajustement temps appliqué.

[128]           Les transactions 19, 24, 28 et 29 conservées par le Tribunal présentent des taux oscillants entre 160,26 $/m² et 242,20 $/m².

[129]           Les transactions 28 et 29 sont des terrains entièrement desservis localisés dans le parc industriel Saint-Vincent-de-Paul. Il s’agit d’un secteur en développement le long de la desserte sud de l’autoroute 440. Alors que la transaction 28 est de forme légèrement irrégulière et se situe en deuxième rangée et est peu visible de l’autoroute, le terrain de la transaction 29 fait front sur la desserte.

[130]           L’expert de la requérante indique que la transaction 29, acquise par le même acquéreur que la transaction 28, correspond à une vente d’assemblage. Selon ce dernier, la localisation s’avère supérieure aux terrains sujets puisqu’elle comporte un accès direct en provenance de la desserte de l’autoroute 440 et un volet commercial présent dans l’environnement immédiat. Le Tribunal retient pour sa part qu’il s’agit d’une transaction représentative, mais que la date à laquelle la transaction a été réalisée en novembre 2020 peut nécessiter un ajustement temps plus important que celui appliqué.

[131]           L’expert de l’intimée indique au Tribunal que le terrain concerné par la transaction 28 n’est toujours pas développé puisqu’il se trouve en attente pour obtenir une autorisation du ministère de la Faune et de l’Environnement afin de permettre la construction d’un bâtiment sur cet emplacement. Le Tribunal est d’avis que cette transaction présente des caractéristiques inférieures aux terrains sujet et présente ainsi un taux plancher.

[132]           La transaction 19 était également utilisée au rôle T2019 et comme déjà décrit, présente plusieurs caractéristiques comparables aux terrains sujets, mais fait également l’objet d’un important ajustement. Le taux ajusté et indexé se traduit à 195,91 $/m².

[133]           Les transactions 19 et 24 sont toutes deux des terrains qui n’ont pas été affichés sur le marché puisque c’est l’acquéreur qui a approché le vendeur pour convenir d’une entente. Les indications ainsi présentées peuvent tendre vers un taux plus élevé, mais démontrent le peu de terrains disponibles dans le marché face à une demande soutenue.

Conclusion sur les taux unitaires à retenir au Rôle T2022

[134]           Le marché n’est pas parfait, surtout en cette période plus mouvementée qu’est celle de la pandémie. Comme déjà indiqué, estimer la valeur d’un terrain vacant n’est pas chose aisée considérant les caractéristiques particulières pouvant motiver le comportement des acteurs du marché.

[135]           Aux vues de l’ensemble de ces indications, le Tribunal est d’opinion que le taux à retenir se situe entre le taux plancher de 160 $/m² présenté par la transaction 28 et la tendance constatée autour de 200 $/m² pour des transactions présentant des caractéristiques plus avantageuses. Un taux de 180 $/m² est ainsi retenu pour déterminer la valeur des deux terrains, soit une valeur de 6 843 600 $ pour l’Usine et de 4 703 000 $ pour le Terrain.

VALEUR DU BÂTIMENT

[136]           Dans le cadre de la méthode du coût, une fois la valeur du terrain établie comme s’il était vacant et utilisé à son usage le meilleur et le plus profitable, il faut ensuite ajouter le coût des bâtiments et améliorations au sol, desquels on doit soustraire toutes les formes de dépréciation[38].

[137]           Cette méthode repose sur le principe de substitution selon lequel un acheteur avisé ne paiera pas plus pour un bâtiment que le coût requis pour en produire un semblable et offrant les mêmes avantages[39].

[138]           Pour établir le coût neuf des bâtiments, les deux experts s’appuient sur le Manuel d’évaluation foncière du Québec, version modernisée (MEFQ). Il faut donc dans un premier temps :

  • Établir le coût de base 1997 de tous les bâtiments;
  • Soustraire tous les éléments non évaluables selon l’article 1 ou 65 LFM;
  • Appliquer les différents facteurs prévus au MEFQ;
  • Soustraire les différentes dépréciations applicables.

[139]           Le MEFQ indique en effet que pour obtenir le coût neuf d’un bâtiment en date de référence, le coût de base doit être rajusté, car il est établi :

  • à une date unique, soit au 1er juillet 1997, d’où l’application du facteur temps pour ramener ce coût de base en date de référence;
  • ne vise que les constructions usuelles à cette date en termes de caractéristiques relatives à la complexité de construction, la qualité des matériaux et la spécialisation des matériaux, soit celles de la classe 5, d’où l’application d’un facteur de classe pour tenir compte des différences entre celles-ci et l’immeuble à évaluer;
  • ne comprend pas les taxes de vente applicables à la date de référence de l’évaluation, d’où l’application du facteur taxes;
  • sans tenir compte des effets de l’envergure des constructions non résidentielles, soit des économies d’échelle et de financement temporaire, d’où l’application du facteur d’envergure;
  • exclut les spécificités locales ou régionales applicables en date de référence, d’où l’application d’un facteur économique.

[140]           Dans l’établissement de la valeur des bâtiments, les parties admettent les points suivants :

  • Le coût de base 1997 modernisé du MEFQ pour l’ensemble des bâtiments de l’unité d’évaluation Usine à 9 402 172 $, dont la répartition est détaillée en Annexe 1 des Admissions[40]. Il est le même pour les deux rôles;
  • La valeur de l’ensemble des bâtiments compris dans l’unité d’évaluation Terrain à 159900 $ pour le rôle triennal 2019 et 164700 $ pour le rôle triennal 2022;
  • Les superficies et les années originales pour chaque partie des bâtiments, incluant les mezzanines et le sous-sol de l’unité d’évaluation Usine, le tout tel que détaillé au document Admission[41];
  • L’âge apparent pondéré du complexe industriel après les rénovations à 1989. À noter que nous aurons cependant à revenir sur cette admission, les parties ne l’interprétant pas de la même façon;
  • Les facteurs de rajustements suivants pour le bâtiment (blocs 10 à 49, 50 et 61) prévus aux bulletins de la version modernisée du MEFQ, à savoir :

Facteurs MEFQ

Triennal 2019

Triennal 2022

Temps

1,81

2,09

Taxes

1,00

1,00

Envergure

1,05

1,05

Économique

1,00

1,05

  • L’absence de désuétude économique pour les deux rôles.

[141]           Les questions en litige sur la valeur du bâtiment concernent:

  • Les exclusions du rôle de certaines composantes;
  • Facteur de classe et son application à l’ensemble des blocs;
  • Détérioration physique incorrigible :
    • Âge apparent
    • Vie économique
  • Désuétude fonctionnelle incorrigible.

Exclusion du rôle – article 65 LFM

[142]           L’article 31 LFM énonce le principe général voulant que, sauf exception, tous les immeubles doivent être portés au rôle.

[143]           Afin de finaliser le coût de base admis entre les parties, la partie requérante demande d’en retirer certaines composantes, en application de l’article 65 LFM, qui prévoit que ne sont pas portés au rôle, une machine, un appareil et leurs accessoires, autres que ceux d’une raffinerie de pétrole, qui sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou d’exploitation agricole ou qui sont utilisés ou destinés à des fins de lutte contre la pollution pouvant découler de la production industrielle ou à des fins de contrôle de cette pollution.

[144]           Notre visite des lieux nous a permis de constater la production industrielle effectuée par Artopex, à savoir la fabrication de classeurs de bureaux et de composantes de chaises corporatives. L’expert de la requérante décrit ce procédé dans son rapport[42], à partir de la réception de composantes de bases, soit des feuilles et tubes de métal, et de leur manipulation, par le pont roulant, vers les machines de découpe au laser pour des coupes, soudure et pliage.

[145]           Les composantes sont ensuite transportées vers l’accrochage sur la ligne de peinture pour être, dans un premier temps, nettoyées et séchées avant d’être peinturées dans la chambre de peinture. Il y a ensuite cuisson des composantes dans un four conçu à cet effet, puis refroidissement.

[146]           Les composantes sont ensuite décrochées et envoyées pour l’assemblage du produit final et l’emballage. Si nécessaire, il y a entreposage des produits fabriqués et emballés, puis expédition de la marchandise.

[147]           La requérante demande d’exclure du rôle les composantes suivantes :

  • Réservoir sous pression Praxair;
  • Les fenêtres fixes de la chambre à peinture;
  • Le récupérateur de chaleur.

Réservoir sous pression Praxair

[148]           Il s’agit d’un réservoir d’oxygène liquide[43] installé à l’extérieur de l’usine, qui alimente les appareils de découpe au laser pour les composantes de métal.

[149]           L’expert de l’intimée reconnaît qu’il sert à alimenter un équipement non porté au rôle, mais le considère plutôt comme un réservoir d’entreposage de matière qui ne joue aucun rôle actif dans la production industrielle. La requérante est plutôt d’avis que ce réservoir, dont le coût de base s’élève à 9410 $, constitue un accessoire aux appareils de découpage laser et qu’il n’a pas à jouer un rôle actif pour être exclu.

[150]           Bien qu’admise, la production industrielle se déroulant dans l’immeuble ne découle pas nécessairement sur le fait qu’un bien qui se trouve dans l’aire de production industrielle doit être exclu du rôle de ce simple fait. Il doit aussi être utilisé ou destiné à des fins de production industrielle, pour être exclu du rôle en vertu de l’article 65 LFM[44].

[151]           Le Tribunal retient du témoignage de Daniel Lévesque[45], superviseur, entretien mécanique et bâtiment chez Artopex, la présence de deux machines à découpe au laser, soit la première pour la découpe des feuilles de métal et la seconde pour la découpe des tubes.

[152]           La machine à découpe laser pour les feuilles doit être alimentée par un mélange de trois gaz pour fonctionner, soit par de l’oxygène liquide, contenu dans le réservoir Praxair, ainsi que par un autre gaz contenu dans de grosses bonbonnes situées à côté de la machine à découpe (bonbonnes non portées au rôle) et par de l’air calibré par domotique.

[153]           La machine à découpe laser pour les tubes est pour sa part alimentée par un mélange de deux gaz, soit par l’oxygène liquide du réservoir Praxair et par de l’air calibré par domotique.

[154]           M. Lévesque explique que chaque bonbonne et réservoir ne contiennent qu’une seule composante. Les gaz sont envoyés vers la machine et aucun mélange n’est effectué dans le réservoir. Le Tribunal en comprend que le mélange des trois ou deux gaz requis se fait dans les machines de découpes, qui, elles, sont exclues du rôle, car faisant partie du procédé industriel.

[155]           Dans l’affaire Delon[46], des réservoirs ont été exclus du rôle, car la preuve révélait que des mélanges de différents éléments liquides et solides nécessaires à la fabrication du produit y étaient effectués et qu’ils jouaient donc un rôle actif dans la production industrielle.

[156]           Ce n’est pas le cas ici. La preuve révèle que le réservoir Praxair ne sert qu’à entreposer l’une des composantes premières nécessaires à l’alimentation des machines à découpe laser et le témoignage de M. Lévesque est clair à l’effet qu’aucun mélange n’y est fait.

[157]           Par ailleurs, la requérante demande de considérer le réservoir comme un accessoire de la machine. Retenons que le terme accessoire est défini en jurisprudence[47] comme un instrument ou un autre objet immobilier qui ne fait pas partie intégrante d’une machine, ou qui sert à une activité particulière, mais qui est indissociable d’une machine ou d’un appareil. Les faits et la visite des lieux par le Tribunal ont permis de constater que le réservoir Praxair n’est clairement pas partie intégrante de la machine à découpe et qu’il est clairement dissociable de la machine à découpe. Le Tribunal est d’avis qu’il n’est qu’un réservoir de matière première qui pourrait notamment servir d’alimentation à d’autres équipements. À ce titre, il ne peut être exclu du rôle.

[158]           Que l’on examine la question sous l’angle de l’intimée ou sous celui de la requérante, il en ressort que le réservoir Praxair doit être porté au rôle.

Les fenêtres fixes de la chambre à peinture[48]

[159]           La preuve révèle que toute la chambre à peinture a fait l’objet d’une exclusion du rôle par l’évaluateur municipal, à l’exclusion des fenêtres fixes du mur de la chambre de peinture, ce qui permet la surveillance des opérations.

[160]           Il apparaît au Tribunal assez incongru que les composantes de la chambre à peinture, tels la porte à battant en métal simple, la porte basculante en métal, le panneau isolé préfabriqué ainsi que l’unité de climatisation soient exclus du rôle, mais pas les fenêtres qui sont pourtant tout autant une composante du mur servant à clore ou isoler cette chambre, même si elles ont pour utilité de permettre de voir les travailleurs à l’intérieur de la chambre à peinture. La position de la partie intimée n’est pas défendable.

[161]           Les fenêtres fixes de la chambre à peinture, dont le coût de base admis est de 1988 $, doivent être exclues du rôle, car elles servent à isoler la chambre à peinture au même titre que d’autres composantes des murs de ladite chambre, elle-même exclue.

Le récupérateur de chaleur (SRC)[49]

[162]           Dans un but de maximiser l’efficacité énergétique de la production de ses composantes, Artopex fait installer en 2016 un système de récupération de la chaleur provenant tant du four à séchage que du four à cuisson.

[163]           L’ajout de ce SRC ne modifie aucunement le processus de fabrication des composantes en place avant 2016. Avant l’implantation dudit système, les brûleurs des deux fours sont alimentés à 100 % par du gaz naturel. Des composantes d’évacuation de la chaleur étaient présentes au-dessus des fours à séchage et cuisson. Après l’implantation du système, il y a récupération de la chaleur provenant de l’utilisation des deux fours, afin qu’elle soit réutilisée dans le but de diminuer l’utilisation de gaz naturel pour l’alimentation des fours.

[164]           Toujours dans un souci d’économie d’énergie, la requérante ajoute aussi un mur Lubi, qui a pour principale fonction de préchauffer l’air neuf extérieur[50]. Ce mur Lubi est lui-même porté au rôle.

[165]           Finalement, un module de ventilation, qui ne sert pas à la production industrielle et qui est donc évaluable et inclus dans les coûts de base, a été ajouté près de la section des fours pour le chauffage et la ventilation de cette section du bâtiment. Ce module sert à réutiliser l’air chaud provenant des fours pour le redistribuer dans cette section, avec pour conséquence la diminution de l’apport des aérothermes au gaz présents dans l’usine[51].

[166]           Dans un premier temps, la requérante demande l’exclusion de 50 % du coût du SRC (les coûts admis comprenant la totalité du SRC), puisque 50% de l’utilisation du système se fait dans le cadre de la recirculation de chaleur dans les fours pour diminuer l’apport des brûleurs au gaz et que l’autre 50 % de la chaleur récupérée sert à chauffer le bâtiment.

[167]           La partie intimée[52] retient pour sa part que les systèmes mécaniques de chauffage et de ventilation décrits au bloc 44 de la fiche municipale des aires d’entrepôt, d’usine et de bureaux, incluant le SRC, se trouvent en deçà de la norme qui correspond selon l’expert au normalement nécessaire de l’article 65 LFM [53] pour le maintien en bon état des espaces et pour l’occupation par des personnes et sont portés au rôle. Depuis l’installation du SRC en 2016, les aires de production dans le bâtiment sont chauffées en partie par la chaleur provenant du SRC et l’expert Limoges est d’avis d’inclure la totalité du coût de base du SRC puisqu’il contribue, selon lui, au maintien en bon état du bâtiment[54].

[168]           Plus précisément, l’expert de l’intimée pose l’hypothèse que le SRC ne joue aucun rôle actif dans la production industrielle et choisit en fonction de l’usage de l’espace, qu’il détermine comme « atelier d’usinage » que 10 changements d’air à l’heure, selon son calcul des superficies, sont nécessaires[55]. Il est d’avis que même avec l’ajout du SRC, l’usine ne répond qu’à peine au nombre de changement d’air nécessaire correspondant à la norme du « normalement nécessaire » et pour cette raison, porte la totalité du SRC au rôle.

[169]           Constatant en cours d’audience que le coût admis pour le SRC par l’expert Limoges correspond au critère du « normalement nécessaire », la partie requérante révise sa position et demande maintenant d’exclure à 100 % le SRC, car elle est d’avis qu’il n’est aucunement « normalement nécessaire » pour le maintien en bon état de la construction et pour l’occupation par des personnes.

[170]           La requérante justifie son changement de position par le fait que le système déjà en place dans l’immeuble avant l’ajout du SRC est toujours fonctionnel et comble tous les besoins du « normalement nécessaire » prévu à l’article 65 LFM et qu’il est déjà porté au rôle.

[171]           Le SRC est ainsi considéré par la requérante comme un équipement accessoire aux fours de séchage et de cuisson et intimement lié à la production; en effet, si la production industrielle cesse, le SRC ne fonctionnera pas et ne peut donc faire partie du « normalement nécessaire ».

[172]           Que retenir?

[173]           Le Tribunal comprend que tous ces systèmes sont intégrés. Avant l’installation du SRC et du mur Lubi, tout était fonctionnel, conforme aux normes et porté au rôle. La mise en place du SRC a eu deux utilités ou fonctions soit une première pour chauffer en partie le bâtiment et une deuxième pour réinjecter une partie de la chaleur récupérée dans les fours de production, le tout dans le but de diminuer la consommation de gaz. Schématiquement, identifions pour fins de compréhension le système en place avant 2016 comme le système 1 et l’installation du SRC et mur Lubi comme le système 2.

[174]           De l’avis du Tribunal, il appert que le SRC ne joue pas de rôle actif dans la production industrielle, bien qu’il permette d’économiser l’énergie par la récupération de la chaleur provenant des deux fours utilisés dans la production industrielle. En effet, les fours fonctionnaient parfaitement sans le SRC avant 2016. Il ne peut donc se qualifier de machine ou d’appareil utilisé ou destiné à des fins de production industrielle au sens du premier paragraphe de l’article 65 LFM.

[175]           Le SRC peut-il être considéré comme un accessoire, défini en jurisprudence[56] comme un instrument ou un autre objet immobilier qui ne fait pas partie intégrante d’une machine, ou qui sert à une activité particulière, mais qui est indissociable d’une machine ou d’un appareil?

[176]           À cet égard, la preuve est limpide pour dire que si le SRC était retiré, cela ne changerait strictement rien au fonctionnement des fours de l’usine, qui reprendraient comme avant la mise en place du SRC. C’est pourquoi, de l’avis du Tribunal, le SRC ne peut non plus se qualifier d’accessoire indissociable des fours industriels, puisque la preuve révèle que ces fours fonctionnaient parfaitement sans le SRC. Le SRC ne sert donc qu’à économiser en partie l’énergie nécessaire au fonctionnement des fours.

[177]           Cependant, la preuve révèle qu’une partie de la chaleur récupérée par le SRC est réinjectée dans les fours industriels dans une proportion de 50 % selon la seule preuve disponible au dossier[57].

[178]           Demeure donc l’analyse sous l’angle des paragraphes 3 et 4 de l’article 65 LFM qui édictent :

Toutefois, un système destiné à des fins mécaniques ou électriques et intégré à une construction visée au paragraphe 1º du deuxième alinéa est réputé ne pas faire partie de cette construction et peut être visé par le paragraphe 1º ou 1,1º du premier alinéa.

Lorsqu’un tel système n’entre que partiellement dans le champ d’application du paragraphe 1º ou 1,1º du premier alinéa et qu’il est notamment destiné à l’éclairage, au chauffage, à la climatisation, à la ventilation, à l’alimentation en eau ou à l’évacuation des eaux d’une construction visée au paragraphe 1º du deuxième alinéa, est exclue du rôle la partie de ce système qui entre dans ce champ d’application et qui excède ce qui serait normalement nécessaire pour le maintien en bon état de la construction et pour l’occupation de celle-ci par des personnes.

[179]           Il est indéniable que le SRC fait partie d’un système destiné à des fins mécaniques ou électriques intégré à une construction destinée à loger ou abriter des personnes. Entretil partiellement ou non dans le champ d’application du premier alinéa et si oui, quelle partie excède ce qui serait normalement nécessaire pour le maintien en bon état de la construction et pour l’occupation de celle-ci par des personnes?

[180]           En posant un regard plus global sur l’ensemble de ce système intégré (chauffage, ventilation et climatisation), le Tribunal comprend que la totalité du système 1 est déjà portée au rôle et que l’expert de l’intimée recommande de porter également la totalité du système 2 sur la base de son calcul de nombre de changements d’air nécessaires[58].

[181]           Le Tribunal est perplexe face à cette approche, car il conçoit difficilement qu’avec la mise en place du nouveau système, on ne répondrait qu’à peine à la norme selon l’option choisie par l’expert de l’intimée qui retient un usage de l’espace comme atelier d’usinage, ce qui demanderait 10 changements d’air (MEFQ, Annexe 2C.4). Il faudrait en déduire qu’avec le seul système 1 et toujours selon la même norme choisie par l’expert, l’usine n’aurait pas été conforme aux normes nécessaires pour le maintien en bon état du bâtiment et pour le confort de ses occupants.

[182]           Le Tribunal constate surtout que l’expert de l’intimée ne semble avoir considéré que le seul système 2 dans son analyse et le Tribunal se questionne sur le choix de la catégorie « Atelier d’usinage » plutôt que celui qui indique « toutes activités de production ou d’antipollution industrielle pour lesquelles le système est utilisé ou destiné ».

[183]           Chose certaine, cette approche de l’expert de l’intimée soulève un questionnement assez sérieux sur la validité des prémisses posées par l’expert, car elle impliquerait que le bâtiment n’aurait pas été conforme aux normes avant l’installation du SRC, ce qui s’avère hautement improbable, voire impossible. Or, rien dans la preuve n’indique qu’avant l’installation du SRC, les normes du « normalement nécessaire » n’étaient pas rencontrées. Le Tribunal ne peut retenir cette preuve car imparfaite et non probante.

[184]           Selon le témoignage crédible et non contredit de M. Daniel Lévesque[59], auteur et responsable de la mise en place du SRC, le Tribunal retient que :

  • Les fours ne fonctionnent que pour un seul quart de travail de 5h30 à 14h30; au-delà de cette période, lorsqu’il n’y a plus assez de chaleur à récupérer, le système retombe automatiquement sur les aérothermes.
  • Lorsque les fours ne fonctionnent pas, 100% de la chaleur provient des aérothermes (système1).
  • Le mur Lubi sert exclusivement à chauffer ou rafraîchir l’usine (partie du système 2 porté au rôle);
  • En hiver, la chaleur récupérée par le SRC est utilisée dans une proportion de 50% pour chauffer l’usine et l’autre 50 % pour la production industrielle;
  • En été, la chaleur récupérée par le SRC est en très grande majorité retournée dans les fours pour la production industrielle;

[185]           L’expert de la partie intimée reconnaît par ailleurs en témoignage[60] que lorsque les fours ne fonctionnent pas, le SRC ne fonctionne pas plus.

[186]           Il faut donc en conclure, à l’instar de la partie requérante, que ce SRC est exclusivement tributaire de la production industrielle, et ce même s’il permet, de façon subsidiaire, une meilleure efficacité énergétique de l’usine. Surtout, il ne faut pas oublier que tant les aérothermes que les ventilateurs ainsi que le mur Lubi (mur solaire) sont déjà portés au rôle et qu’ils couvrent la portion du «normalement nécessaire» dicté par l’article 65 LFM pour le maintien en bon état du bâtiment ou pour le confort des personnes qui y travaillent.

[187]           Dans l’affaire Delon, confirmée par la Cour du Québec[61], le Tribunal a indiqué que pour chaque système partiellement visé par l’alinéa 1 et notamment destiné à l’une des six fonctions énumérées, dont notamment l’éclairage, le chauffage, la climatisation ou la ventilation, il faut d’abord déterminer quel est le « normalement nécessaire » pour le maintien en bon état de la construction et le confort des personnes qui l’occupent. Par la suite, s’il y a un écart entre ce qui est en place et ce qui est normalement nécessaire, l’excédent doit être exclu du rôle.

[188]           Pour les motifs énumérés,

     Considérant les systèmes dans leur ensemble;

     Considérant que le SRC constitue en quelque sorte un doublon du système 1;

     Considérant que selon la preuve disponible, le système 1 et la partie du système 2 (Mur Lubi et autres), mais excluant le SRC, répondent au critère du « normalement nécessaire » pour le maintien en bon état du bâtiment et le confort des personnes qui y travaillent, dans le contexte d’un système mixte[62];

     Considérant la règle établie par l’affaire Delon qui dicte que tout ce qui excède le normalement nécessaire doit être exclu du rôle, conformément à l’intention du législateur;

Le Tribunal exclut du rôle 100% du SRC en considérant les systèmes dans leur ensemble.

FACTEUR DE CLASSE

[189]           Les parties s’entendent sur tous les facteurs à appliquer au coût de base sauf quant au facteur de classe afin d’établir le coût neuf du bâtiment en date de référence. En outre, bien que la question ait un faible impact monétaire, le Tribunal relève que les experts ne déterminent pas le même facteur d’envergure quant aux équipements et autres améliorations. La partie requérante détermine que l’immeuble correspond à une classe 7, résultant sur un facteur de rajustement de 0,7 alors que la partie intimée détermine une classe 6, résultant sur un facteur de rajustement de 0,817.

[190]           Le MEFQ précise que la détermination de la classe d’un bâtiment non résidentiel s’effectue par l’observation de neuf éléments composant le bâtiment[63], eu égard au niveau de qualité et de complexité qui caractérise à la fois les matériaux utilisés et la main-d’œuvre qui a été requise pour en réaliser l’assemblage. L’évaluateur doit ainsi déterminer la classe selon une cote numérique, qui peut aller de 1 (haute qualité) à 9 (basse qualité).

[191]           L’exercice de l’attribution d’une classe au bâtiment demande à l’évaluateur de sélectionner une seule cote alphabétique par élément ou sous-élément à évaluer pour l’ensemble du complexe. Chaque cote alphabétique correspond à un nombre de points qui sera ensuite multiplié par le poids relatif de l’élément selon son coût de base. C’est l’agrégation de toutes ces cotes qui résultera sur l’attribution d’une seule cote numérique de classe pour tout l’immeuble. Comme on peut le constater, il s’agit d’un exercice très technique[64].

[192]           À titre d’exemple, si un immeuble possède une finition sur seulement 10 % de sa superficie et aucune finition sur 90 % de sa superficie, une seule cote devra être normalement sélectionnée, malgré les sections du bâtiment qui peuvent différer entre elles.

[193]           Dans cette perspective, l’expert de la requérante a procédé à deux exercices, qui résultent en fin de compte sur le même résultat, soit un premier exercice d’appréciation globale de chacun des neufs éléments du bâtiment sans faire appel aux repères suggérés au MEFQ et un autre en tenant compte de la pondération proposée par les repères suggérés au MEFQ[65] selon les caractéristiques du sous-élément à apprécier, comme dans l’exemple donné au paragraphe précédent[66].

[194]           L’expert de la partie intimée a, pour sa part, détaillé dans son rapport la méthodologie prescrite par le MEFQ et donné sa description de l’usine et inscrit ensuite son tableau résumé de l’exercice. Notons qu’il n’a cependant pas fourni son calcul détaillé et que son Annexe 10 ne contient non pas le détail du calcul, mais quelques pages guides extraites du MEFQ, à partir desquelles il explique sa démarche lors de son témoignage[67].

[195]           Finalement le Tribunal relève que l’expert de l’intimée retient une classe 5 pour les blocs 51 à 72[68], soit pour les équipements et autres constructions ainsi que pour les améliorations d’emplacement; il leur applique donc un facteur de classe de 1,00. L’expert de la requérante retient la même classe pour l’ensemble de l’exercice.

[196]           Après analyse de la preuve soumise, le Tribunal retient une classe 7, sur la base de la preuve de l’expert de la requérante, et ce tout en étant conscient que l’exercice d’appréciation que doit effectuer l’expert se fonde sur une comparaison entre le standard observé sur le marché (classe 5) et les caractéristiques propres au bâtiment évalué, ce qui demeure affaire d’opinion et que l’appréciation globale ou pondérée peut introduire une marge d’incertitude. Il demeure tout de même que, même sans être parfaite, c’est la meilleure preuve dont le Tribunal dispose[69].

[197]           Les deux experts ont procédé à la détermination systématique de la classe[70] en qualifiant les neuf éléments suivants de l’immeuble à évaluer en fonction de leur qualité et complexité :

1- Murs de fondation;

2- Charpente;

3- Murs extérieurs;

4- Toit;

5- Cloisons;

6- Fini de plafond;

7- Fini de plancher;

8- Appareils de plomberie;

9- Chauffage, ventilation et climatisation.

[198]           L’exercice de la détermination systématique du facteur de classe impose ainsi à l’évaluateur de porter un jugement sur une trentaine de sous-éléments de ces neuf éléments, en attribuant une cote alphabétique (de A à E) à chacun des sous-éléments, qui sont ensuite pondérés en fonction de la réalité propre à ce bâtiment. L’exercice systématique débouchera sur l’attribution d’une seule classe, par l’agrégation de toutes les observations. Comme il s’agit d’opinion, il est donc possible que les experts aient des opinions divergentes[71].

[199]           Retenons donc que sur la détermination systématique du facteur de classe, c’est sur la qualité et la valeur probante du témoignage de l’expert ainsi que sur les justifications à la base de son opinion que le Tribunal se basera pour prendre une décision sur cet aspect.

[200]           En l’espèce, l’exercice effectué par l’expert de la partie intimée ne peut recevoir notre approbation, car il ne nous apparaît pas appliqué en conformité avec le but visé, en ce qu’il évalue chacun des sous-éléments non pas en date de référence, date à laquelle on cherche pourtant à établir le coût neuf de la construction, mais plutôt en date de l’année de la construction ou de l’ajout de la composante examinée, en l’occurrence en 1965, 1975 ou encore 1986. Ce faisant, le Tribunal constate qu’il accorde une note ou cote qui ne correspond pas à l’immeuble en date de référence; il en découle que cet exercice nous apparaît vicié à la base par cette prémisse qui n'est pas conforme au but recherché.

[201]           Par exemple, lorsqu’il doit qualifier le sous-élément 2.2, en ce qui a trait à la hauteur et l’envergure de la charpente, l’expert de la partie intimée explique qu’il doit se prononcer en fonction des normes de construction à l’époque de la construction, soit en l’espèce en 1965, et qu’à cette date, la hauteur des bâtiments industriels était beaucoup plus basse qu’en date de référence (autour de 30 pieds). Ce faisant, il qualifie la hauteur et l’envergure de la charpente de l’usine à l'étude, qui dispose d’une hauteur libre moyenne de 16 pieds[72] comme correspondant à celle d’un bâtiment de hauteur et d’envergure conventionnelle sous la cote C.

[202]           À l’opposé, l’expert de la requérante retient une cote D pour la hauteur, soit que le bâtiment, en date de référence, correspond à un bâtiment de hauteur et d’envergure inférieure à la moyenne, puisque la norme de construction en date de référence correspond plus à une hauteur d’environ 30 pieds.

[203]           Cette différence d’approche entre les deux experts découle sur des résultats d’opinions divergentes pour plusieurs des 30 sous-éléments, dont notamment :

  • la hauteur et l’envergure ainsi que la complexité de l’ingénierie structurale de l’élément Charpente;
  • la hauteur et l’envergure, l’ornementation extérieure ainsi que les caractéristiques et proportions des ouvertures de l’élément Murs extérieurs;
  •  la qualité de l’ornementation intérieure et des parois, qu’ils qualifient en date d’installation ou de construction, ainsi que les ouvertures de l’élément Cloisons;
  • l’agencement des finis de planchers, la qualité des matériaux et les escaliers de l’élément Finis de plancher, évalués encore une fois en date de construction de l’usine;
  • la qualité des appareils de plomberie et des accessoires ainsi que la complexité des installations de l’élément Plomberie;
  • la complexité des appareils et des accessoires de chauffage, ventilation et climatisation ainsi que le niveau de confort des occupants de l’élément Chauffage, ventilation et climatisation;

[204]           Selon cette méthodologie, le Tribunal comprend des réponses de l’expert de l’intimée que s’il avait à qualifier les fondations d’une usine construite en 1920, il qualifierait ses fondations de conventionnelles même si construites en moellon, ce qui correspondait probablement à la norme de 1920, mais qui ne correspond plus du tout à la norme conventionnelle en date de référence.

[205]           À la limite, cette façon d’envisager la question forcerait quasiment la tenue d’un procès dans le procès pour déterminer à quoi correspondaient effectivement les normes de la construction en 1920 ou de toute autre date que la date contemporaine de référence à laquelle on doit évaluer l’immeuble. Nous voyons bien que cette méthodologie ne peut tenir la route, car elle ne correspond nullement au véritable but de l’exercice, soit de déterminer en date de référence un coût neuf de construction de l’immeuble à évaluer. En d’autres mots, établir le coût de construction neuf de l’usine selon ses caractéristiques propres en date de référence.

[206]           Le MEFQ précise « que le facteur de classe sert à rajuster le coût de base de tout bâtiment non résidentiel pour tenir compte des caractéristiques relatives à sa complexité de construction, à la qualité de ses matériaux et à la qualité de la main-d’œuvre, lorsque ces caractéristiques s’écartent significativement de celles qui ont servi de référence pour élaborer le barème de coûts unitaires utilisés. »[73]. Les taux unitaires du barème utilisé pour déterminer le coût neuf sont basés sur une construction conventionnelle correspondant à la classe 5 et la détermination systématique de la classe et l’application du facteur de classe correspondant est donc nécessaire pour quantifier la différence de coût attribuable aux différences de caractéristiques qui ne sont pas prises en considération par la classe 5.

[207]           L’expert de l’intimée reconnaît d’ailleurs en contre-interrogatoire que sa méthodologie n’est mentionnée ni à la doctrine ni au MEFQ, tout en étant plutôt d’avis que c’est au niveau de la dépréciation qu’il faudra tenir compte du fait que le bâtiment ne correspond pas aux normes d’aujourd’hui.

[208]           Sur ce dernier point, et bien qu’il faille effectivement porter attention à ne pas déprécier en double un bâtiment, nous croyons que l’expert semble confondre la qualification de la classe de l’immeuble selon le MEFQ avec la dépréciation. La qualification de la classe sert simplement à qualifier le coût de base établi par le Manuel en comparant l’immeuble à évaluer avec celui d’un immeuble non résidentiel conventionnel sur lequel les taux de base du barème 1997 sont établis. Autrement dit, établir que construire tel immeuble pourrait coûter moins cher ou plus cher que l’immeuble conventionnel. Cela n’empêcherait pas que, par exemple, sa toiture soit ensuite en fin de vie, et qu’il faille appliquer une dépréciation sur le coût neuf comme établi par le barème et les facteurs de classe pour en tenir compte. Cela étant dit, en méthode du coût, ce qui importe le plus est la cohérence du raisonnement pour effectivement ne pas déprécier ou apprécier outre mesure un bâtiment; tout est finalement affaire de jugement de l’évaluateur dans l’application de cette méthode.

[209]           En l’espèce, le Tribunal estime ne pouvoir retenir l’exercice établi par l’expert de l’intimée en raison de l’erreur de perspective dans son application. Cette erreur soulève un doute sur le résultat et le Tribunal ne peut donc le retenir.

[210]           Le Tribunal doit décider selon la règle de la meilleure preuve. Or, ne demeure que la preuve de la partie requérante. Sur la base de notre analyse, et après révision du témoignage et des explications de l’expert de la partie requérante sur chacune des 9 caractéristiques et de ses 30 sous-éléments, le Tribunal est d’avis que cette analyse correspond à la meilleure preuve disponible.

[211]           Demeure la question du facteur de classe à appliquer en ce qui a trait aux améliorations d’emplacement, dépendances et équipements; l’expert de la requérante attribue la même classe à l’ensemble du complexe alors que l’expert de l’intimée applique deux facteurs de classe différents, soit une classe 6 pour le bâtiment et une classe 5 aux équipements et améliorations[74].

[212]           Sur la base de l’affaire Arcelor Mittal[75] , qui a spécifiquement traité de la question de savoir si on pouvait attribuer un facteur de classe distinct à certaines composantes, le Tribunal décidait qu’il fallait des « circonstances particulières pour ne pas retenir le même facteur pour les équipements et améliorations, considérant leur complémentarité aux bâtiments. Certes, le MEFQ permet de considérer un facteur différent, mais cela doit se refléter concrètement, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier. » Il en est de même dans le présent dossier. Aucune preuve ou circonstance particulière ne nous permettent de retenir un facteur distinct pour les équipements, qui doivent suivre le sort du bâtiment.

[213]           Pour tous ces motifs, le Tribunal retient la classe 7, ce qui découle sur un facteur d’ajustement de 0,7.

[214]           De la même façon, le Tribunal appliquera le même facteur d’envergure pour l’ensemble de l’immeuble.

DÉPRÉCIATIONS

[215]           Une fois les coûts neufs établis, trois types de dépréciation peuvent être appliqués pour tenir compte de l’âge du bâtiment et de différentes problématiques pouvant affecter la valeur d’un bâtiment, savoir :

  • Détérioration physique, qui résulte d’une perte de valeur en raison de la détérioration, l’usure et la vétusté de différentes composantes. Elle est de deux types :
    • Détérioration physique corrigible : si on peut constater que des travaux de réparation ou de remplacement sont possibles et économiquement rentables.
    • Détérioration physique incorrigible : qui correspond à l’effet de l’usure normale et du temps;
  • Désuétude fonctionnelle, qui correspond à la perte d’utilité résultant de l’absence ou de l’incapacité, d’un ou de plusieurs éléments de la construction, de remplir convenablement sa fonction compte tenu des normes et exigences modernes. Elle est de deux types :
    • Désuétude fonctionnelle corrigible : s’il est démontré que les travaux de correction sont techniquement possibles ou économiquement justifiables.
    • Désuétude fonctionnelle incorrigible : s’il est démontré que les travaux de correction sont techniquement impossibles ou économiquement injustifiables;
  • Désuétude économique.

[216]           En l’espèce, les parties ne retiennent aucune détérioration physique corrigible ni de désuétude fonctionnelle corrigible ni de désuétude économique tant pour le bâtiment que pour les autres équipements et améliorations d’emplacement.

Détérioration physique incorrigible

[217]           Il y a reconnaissance de l’existence d’une détérioration physique incorrigible par l’effet de l’usure et du temps, mais litige sur son quantum comme suit :

T2019

Requérante

Intimée

Détérioration physique incorrigible

50 %

41,6 %

T2022

 

 

Détérioration physique incorrigible

55 %

46,4 %

[218]           Les deux experts appliquent la même méthode de quantification de la détérioration physique incorrigible, mais comme ils ne retiennent pas les mêmes paramètres, le résultat final est différent. Ils utilisent tous deux la technique âge/vie, qui se mesure selon le rapport entre l’âge effectif (que les experts ont appelé ici âge apparent) et la vie économique, et tout en retenant un pourcentage de valeur résiduelle), selon la formule suivante :

 

% dépréciation =       _âge apparent      x  (1 - % résiduel)

                Vie économique

[219]           Les experts s’entendent sur le pourcentage de valeur résiduelle à 20 % pour le bâtiment en fin de vie économique. Bien que les parties aient conclu une admission sur l’âge apparent de l’usine, à 1989, il semble y avoir une incompréhension sur la véritable portée de l’admission, puisque Laval retient finalement un âge apparent de 1991 dans son calcul selon la technique âge/vie. Et quant à la durée de vie économique, l’expert de la requérante retient 45 ans et l’expert de l’intimée 50 ans.

[220]           Quant aux équipements et améliorations d’emplacement, les experts s’entendent sur l’année apparente de chacun de ces éléments. Il y a cependant litige concernant la vie économique qui doit être appliquée, l’expert de la requérante utilisant les tables de Marshall & Swift[76] et l’expert de Laval, essentiellement celles du Guide de dépréciation des bâtiments industriels[77]. Également, le pourcentage de valeur résiduaire retenu par l’expert de la requérante est de 10 % sur la base que les équipements et améliorations ont peu de chance d’être réutilisés ou récupérés en fin de vie, alors que l’expert de Laval retient le même pourcentage de valeur résiduaire de 20 % pour l’ensemble des constructions, sans plus d’explications.

[221]           Pour les motifs exprimés ci-dessous, le Tribunal retient un âge apparent de 1991 et une vie économique de 50 ans.

[222]           Quant aux équipements et améliorations d’emplacement, le Tribunal se range aux arguments de l’expert de la requérante à l’effet qu’il y ait peu de chance que ces différents éléments puissent être récupérés d’une quelconque façon et retient un pourcentage de valeur résiduaire de 10 %. Cependant, au niveau de la vie économique, le Tribunal retient les vies soumises au rapport de l’expert de l’intimée, basé essentiellement sur le Guide de dépréciation des bâtiments industriels.

[223]           Voyons ce qu’il en est.

Âge apparent

[224]           L’admission entre les parties précise que les évaluateurs s’entendent sur l’âge apparent pondéré du complexe industriel, après les rénovations, soit 1989.

[225]           Considérant l’admission conclue, l’expert de la requérante ne présente pas de preuve élaborée sur cette question.

[226]           Quant à l’expert de l’intimée, il mentionne bien l’admission[78] telle que formulée, mais rajoute cependant que le résultat final du calcul de l’âge apparent n’a pas fait consensus entre les parties. Il réfère ainsi à l’exercice du calcul systématique de l’âge apparent des bâtiments non résidentiels prescrit par le MEFQ[79], qui prévoit neuf étapes dans le calcul de l’âge apparent, soit :

  1. Épurer le coût de base 1997 pour en soustraire le coût d’éléments qui n’influencent pas l’âge apparent du bâtiment principal;
  2. Identifier le groupe de référence auquel appartient le bâtiment principal ainsi que la durée de vie économique des bâtiments du groupe;
  3. Déterminer l’importance relative de chaque composante dans le coût de base ainsi épuré;
  4. Rajuster la durée de vie typique de chaque composante par le ratio obtenu en divisant la durée de vie économique du groupe de référence par la durée de vie typique pondérée;
  5. Identifier les années minimales à considérer dans le calcul, selon la durée de vie typique rajustée pour chaque composante et l’année de construction du bâtiment;
  6. Mesurer l’effet « rajeunissant » des rénovations et agrandissements apportés au bâtiment;
  7. Mesurer l’effet « rajeunissant » des composantes non rénovées, mais encore en bon état au terme de leur durée de vie typique rajustée;
  8. Mesurer l’effet « vieillissant » des composantes détériorées à remplacer à court terme;
  9. Établir l’âge apparent du bâtiment, à l’année de référence, en tenant compte de son année de construction originelle et des effets rajeunissants et vieillissants mesurés aux étapes 6, 7 et 8.

[227]           Le Tribunal retient du témoignage de l’expert de l’intimée que l’admission entre les experts porterait sur le résultat à la suite de l’étape 6 du calcul détaillé. L’expert de l’intimée explique qu’il est nécessaire de procéder aux étapes 7 à 9 pour compléter l’exercice du calcul de l’âge apparent, exercice auquel il s’est livré pour conclure à un âge apparent de 1991[80]. Ces étapes concernent le rajeunissement, ou ce qu’on pourrait plutôt nommer arrêt de vieillissement de composantes qui, bien qu’arrivant vers la fin de leur vie économique, sont toujours utiles et en utilisation, démontrant bien qu’elles ont donc encore une certaine valeur.

[228]           L’avocat de la requérante précise que son expert n’a pas utilisé la méthode du calcul systématique de l’âge apparent; il a simplement considéré les années de constructions du bâtiment et des agrandissements et l’influence des rénovations sur celles-ci, et qu’il estime ainsi, sur la base de son opinion, un âge apparent de 1989. Son exercice se serait fait selon la méthode utilisée avant l’instauration du calcul systématique de l’âge apparent. L’avocat de la requérante insiste ainsi sur la distinction avec le fait de s’être arrêté à l’étape 6, tel que mentionné par le témoignage de l’expert de l’intimée et l’utilisation d’une autre méthode pour arriver à une conclusion finale sur l’âge apparent.

[229]           D’abord, le Tribunal est étonné sur cet imbroglio entre deux experts aguerris et rompus aux techniques d’évaluation. Mais d’où que provienne cet imbroglio, le Tribunal estime que même si l’expert de la requérante dit ne pas avoir utilisé la méthode du calcul systématique de l’âge apparent, l’effet de son approche demeure que l’âge apparent auquel il arrive ne peut que correspondre à la fin de l’étape 6, avant l’application des étapes 7 à 9, qui n’existaient pas auparavant et qui se sont rajoutées pour répondre à la problématique des composantes en fin de vie, mais toujours pleinement utiles.

[230]           Évincer cette partie du calcul revient à défaire l’équilibre du calcul systématique de l’âge apparent basé sur la vie typique de chacune des composantes du bâtiment et de la pondération que chacune apporte au calcul, le tout en fonction de la vie économique déterminée pour le bâtiment.

[231]           La requérante argue que l’expert de l’intimée n’a pas appliqué l’étape 8 à ce calcul systématique. Cette étape étant celle qui prend en considération les éléments qui doivent être rénovés à court terme afin d’annuler le rajeunissement de celui-ci. À ce sujet, le Tribunal ne trouve nulle trace que l’expert de l’intimée n’a pas appliqué cette étape. Le Tribunal retient surtout qu’aucune preuve n’a été présentée devant lui quant à des éléments qui nécessiteraient que des travaux à court terme doivent être réalisés pour maintenir en bonne condition le bâtiment. Les experts sont également tous deux d’avis qu’aucune détérioration physique corrigible à court terme n’est à prendre en compte pour l’immeuble.

[232]           Entre deux preuves, le Tribunal retient la meilleure preuve et ici, la preuve et les explications de l’expert de l’intimée quant à l’âge apparent du bâtiment sont nettement plus probantes et correspondent au surplus aux prescriptions du MEFQ, sur la base duquel tout l’exercice précédant la présente étape a été réalisé.

[233]           Le Tribunal voit aussi un avantage de cohérence de méthodologie en retenant l’approche de l’expert de l’intimée, et retiendra donc un âge apparent de 1991.

Vie économique

[234]           La durée de vie économique[81] correspond à la période pendant laquelle une construction contribue à la valeur de la propriété. Elle peut coïncider avec la vie physique d’une construction ou lui être inférieure, mais jamais supérieure. À la fin de la vie économique d’un bâtiment, un propriétaire a deux options, soit celle de le conserver jusqu’à ce qu’il soit économiquement rentable d’y apporter des améliorations ou le démolir et alors requalifier le site.

[235]           L’estimation de la vie économique est une composante essentielle de la technique âge/vie dans le calcul de la dépréciation physique incorrigible. Elle permet de faire le lien entre le coût neuf rajusté et la valeur réelle recherchée.

[236]           Pour déterminer la durée de vie économique d’un bâtiment, il faut s’en remettre à l’observation de ses caractéristiques physiques, des activités qui y sont exercées ainsi que du contexte externe. À cet effet, le MEFQ souligne que trois sources de références peuvent être utilisées pour l’estimer, soit des anticipations d’experts, des études de longévité de bâtiments existants ou ayant existé ainsi que les tables suggérées par des manuels spécialisés. C’est sur cette dernière source que les experts ont basé leurs opinions.

[237]           Tant la durée de vie économique du bâtiment que celle de certains équipements sont en litige.

[238]           L’expert de la requérante retient une vie économique de 45 ans en s’appuyant sur deux sources de données[82], soit dans un premier temps, le Manuel Marshall & Swift ainsi que le Guide de dépréciation des bâtiments industriels. Il est d’avis que le bâtiment se qualifie de construction de qualité économique. Le Guide indique une vie économique de 45-50 ans pour un bâtiment de production industrielle et entreposage afférent de qualité inférieure.  Quant au M&S, l’expert est d’avis que le bâtiment appartient à une classe D ou S, de type « average » avec une vie économique suggérée de 45 ans. Il retient une vie économique de 45 ans.

[239]           L’expert de l’intimée retient pour sa part une vie économique de 50 ans, sur la base de son calcul détaillé de l’âge apparent relevé en I-3. Il indique que pour des bâtiments d’un tel gabarit, pour un usage industriel, la vie économique est intimement liée à la vie typique qui se situe entre 50 et 55 ans selon le bâtiment.

[240]           L’estimation de la vie économique d’un bâtiment résulte de l’observation et de l’analyse du comportement du marché immobilier pour des immeubles du même groupe. Et les experts s’en remettent donc à bon droit, comme en l’espèce, pour se former une opinion, à la consultation de sources telles le M&S ou le Guide.

[241]           Après l’analyse des preuves soumises, le Tribunal retient une vie économique de 50 ans sur la base de la référence de la partie requérante quant au Guide de dépréciation des bâtiments industriels avec le bémol suivant. Ce guide indique une vie économique de 45 à 50 ans pour des bâtiments ayant une structure de béton ou d’acier où il y présence de production industrielle et entreposage afférent et ayant une qualité dite inférieure. La vie économique du même bâtiment, mais de qualité supérieure oscillera entre 50 et 55 ans.

[242]           Sur la base de la longévité démontrée du bâtiment à l'étude et de sa qualité moyenne plutôt qu’inférieure, tel que notre visite des lieux et les descriptions et photos aux rapports d’expertises nous ont permis de constater, le Tribunal est d’avis que la vie économique de 50 ans s’inscrit parfaitement dans la comparaison avec son groupe de référence.

[243]           Nous sommes également peu convaincues par la valeur probante des explications et de la validation de la classification du bâtiment retenue par l’expert de la requérante, qui d’une part catégorise le bâtiment comme étant une industrie légère de qualité moyenne et qui, d’autre part, le catégorise comme classe D, ce qui correspond à « building generally have wood frame, floor and roof structure. They may have a concrete floor on grade and other substitute materials, but are considered combustible construction» ou de classe S, qui correspond à «buildings have frames, roofs and walls of incombustible metal.  This class includes the pre-engineered metal buildings, including slant-wall and quonset structures. »[83].  À notre avis, le bâtiment se classifie plus comme une classe C, soit « buildings have masonry or concrete exterior walls, and wood or steel roof and floor structures, except for concrete slab on grade ». Or, le M&S indique une vie économique de 50 ans pour une industrie manufacturière de qualité inférieure et moyenne de classe C, qui est d’ailleurs la classe indiquée en premier lieu par l’expert, bien qu’il ait souhaité la corriger par la suite.

[244]           Notre analyse de la preuve confirme donc la vie économique de 50 ans pour le bâtiment, tant par le Guide de déprécation des bâtiments industriels que par le M&S.

[245]           Quant à la vie économique des équipements et améliorations d’emplacement, l’expert de la requérante se base sur les indications du manuel M&S et retient des vies économiques oscillant entre 4 et 25 ans selon la composante évaluée. Il calcule ainsi un coût déprécié de ces composantes pour le rôle 2019 de 297616 $, selon une valeur résiduaire de 10 %. L’expert de Laval réfère pour sa part au Guide de dépréciation et retient des vies économiques qui oscillent entre 10 et 45 ans, pour un coût déprécié global de 505190 $, tout en considérant une valeur résiduaire de 20 %. Le Tribunal constate que ce coût est réduit à 355253 $ lorsqu’une valeur résiduaire de 10 % est retenue.

[246]           La différence n’est pas considérable et les experts n’ont pas témoigné longuement sur cet aspect; les avocats n’ont pas plus argumenté longuement pour justifier leur position sur ce sujet. L’expert de la requérante a cependant soulevé quelques erreurs dans le tableau de calcul de l’expert de Laval, qui retient essentiellement les vies économiques suggérées au Guide. Une fois ces erreurs corrigées[84], le Tribunal est d’avis de retenir les vies économiques basées sur le Guide qui reflète la vie probable de diverses composantes couramment rencontrées dans les bâtiments industriels québécois et provient de l’analyse de données procurées par plusieurs sources, dont M&S, et n’est donc pas le fruit d’une seule source d’information[85].

[247]           Ces vies plus longues que celles procurées par M&S semblent également se confirmer par ce qui est observé dans l’immeuble pour des équipements qui sont toujours en fonction, mais qui ont une vie déjà éloignée comme certaines étagères d’entreposage qui ont été installées en 1980, des convoyeurs également installés en 1980, des cheminées qui sont là depuis la construction du bâtiment original en 1965, pour n’en nommer que quelques-uns.

[248]           Certains éléments n’apparaissent pas au guide, tels que laveuse industrielle et sécheuse industrielle ou armoires de mélamine. Le Tribunal, considérant qu’il s’agit de différences qui n’ont pas un impact significatif sur le résultat global, préfère retenir la position d’un seul expert quant aux vies économiques pour maintenir une cohérence, soit celle de l’expert de l’intimée.

[249]           Quant au pourcentage de valeur résiduaire pour les équipements et autres améliorations et dépendances, le Tribunal adopte l’approche de l’expert de la requérante et retient un pourcentage de 10 % des coûts à maintenir comme valeur en fin de vie économique puisque tout comme le requérant, le Tribunal est d’avis que ces différents éléments sont difficilement récupérables une fois leur vie économique complétée.

Application de la technique âge-vie

[250]           Une fois tous les ingrédients de la formule de la technique âge-vie déterminés, il reste à estimer globalement la dépréciation d’un bâtiment par le rapport entre son âge apparent et sa durée de vie économique, tout en tenant compte, le cas échéant, de sa valeur résiduaire au terme de sa vie économique restante.

[251]           Pour le rôle triennal 2019, le résultat du calcul de la dépréciation physique incorrigible pour le bâtiment, en calculant un âge apparent de 26 ans en date de référence (2017 – 1991) est :

26 x (1 – 20 %) = 41,6 % ou 1,6 %/ année

50

 

% global de dépréciation des autres éléments selon les vies économiques de l’expert de l’intimée, avec une valeur résiduaire de 10 % :

 

Les dépendances et constructions spéciales :   0,0 %

 

Les améliorations d’emplacement :  85,7 %

 

Les équipements :     56,2 %

[252]           Pour le rôle triennal 2022, le résultat du calcul de la dépréciation physique incorrigible pour le bâtiment, en calculant un âge apparent de 29 ans en date de référence (2020-1991) est :

29  x (1 – 20 %) = 46,4 % ou 1,6 %/ année

50

 

% global de dépréciation des autres éléments selon les vies économiques de l’expert de l’intimée, avec une valeur résiduaire de 10 % :

 

Les dépendances et constructions spéciales :   7,0 %

 

Les améliorations d’emplacement :  86,6 %

 

Les équipements :     61,8 %

Désuétude fonctionnelle incorrigible

[253]           Les deux experts reconnaissent l’existence d’une désuétude fonctionnelle incorrigible en raison de certaines des caractéristiques du bâtiment, qu’il serait techniquement impossible ou économiquement injustifiable de corriger, mais divergent d’opinion sur son quantum.

[254]           Les causes identifiées par l’expert de la requérante concernent particulièrement :

  • les additions successives au bâtiment original résultant de dix agrandissements réalisés au fil des années, faisant en sorte que d’anciens murs extérieurs soient maintenant devenus des cloisons intérieures et que l’agencement de ces divers agrandissements ne soit plus optimal et résulte sur un périmètre excessif, qu’il reconnaît ne résulter quen un quantum marginal ne représentant que 0,4 % du coût de base total[86];
  • des hauteurs inadéquates ou variables (variant entre 12 et 25,5, pieds), au fil des diverses années de construction des agrandissements; cette situation occasionnerait des coûts supplémentaires d’entretien et dont il quantifie la désuétude sur la base d’un écart de coût de base de 4,1 % entre le coût de reproduction et un coût de remplacement selon un modèle plus moderne[87];
  • des problématiques au niveau des dalles de béton, résultant de la présence de pyrite et d’humidité dans les sections 1, 2 et 3 du bâtiment, qui sont les plus anciennes et qui souffrent de ce problème depuis de nombreuses années. Cette problématique commanderait, en théorie du moins, des coûts importants pour casser les dalles de béton, remplacer le remblai granulaire, ajouter un isolant, puis couler une nouvelle dalle de béton. Cette solution s’avérant trop onéreuse, il présente une solution de réparation pour une somme d’environ 2 360 000 $[88];
  • des problèmes de pression d’eau qui affecteraient selon lui cette portion de la rue Berlier, où la pression, qui oscille entre 48 et 55 PSI selon l’information fournie par Laval, serait cependant inférieure aux normes exigées par les assureurs en ce qui a trait à l’alimentation des gicleurs du complexe industriel. Des travaux de l’ordre de 392000 $ pour la fourniture et l’installation d’une pompe à feu et la modification des soupapes d’alarme pour remédier à cette situation conformément à la réglementation[89]; et
  • implantation des bâtiments causant des problématiques de circulation, les manœuvres de véhicules lourds devant se faire à partir de la rue (sans issue).

[255]           L’expert de la requérante décrit le détail des agrandissements successifs[90] et il est bien évident que le remplacement du bâtiment aujourd’hui ne se ferait pas à l’identique, qu’il s’agisse de l’agencement du bâtiment ou de sa hauteur et de son périmètre. Lorsque les bâtiments ont un certain âge, cela est quasi toujours le cas.

[256]           Il est d’avis qu’un acheteur tiendrait compte de toutes ces problématiques et que malgré que l’exercice de quantification de ces nombreuses problématiques soit ardu, il demeure convaincu qu’elles exerceraient une influence certaine sur un prix de vente, même s’il reconnaît que le rapport entre les sommes estimées pour les corriger et l’ajustement sur le prix de vente ne serait pas nécessairement direct.

[257]           Pour ces motifs et « compte tenu de l’existence d’une désuétude anormale non considérée dans la technique de répartition utilisant le procédé âge/vie »[91], l’expert de la requérante retient une désuétude fonctionnelle incorrigible de l’ordre de 20 %, qu’il applique après le calcul de la détérioration physique incorrigible.

[258]           Elles représentent une somme de 1 112 800 $ pour le rôle triennal 2019 et 1 214 300 $ pour le rôle triennal 2022.

[259]           L’expert de l’intimée reconnaît également l’existence de certaines désuétudes fonctionnelles incorrigibles identifiées par l’expert de la requérante, soit celles relatives aux différentes hauteurs et faible hauteur sur près de 60 % de la superficie du complexe, de la forme particulière du bâtiment causé par les différents agrandissements, sur le fait que d’anciens murs extérieurs en briques et cloisons de blocs soient maintenant devenus des murs intérieurs coûteux à démanteler. Il identifie également le fait que le bâtiment ne soit pas conventionnel pour la location à plusieurs occupants ainsi que les espaces de stationnements soient situés de l’autre côté de la rue.

[260]           L’expert de l’intimée applique pour sa part une désuétude fonctionnelle incorrigible difficilement quantifiable pour tous ces éléments de 10 %, applicable au bâtiment uniquement.

Analyse de la désuétude fonctionnelle incurable

[261]           Le Tribunal constate dans un premier temps que les deux experts sont d’accord sur le fait que l’immeuble souffre d’une désuétude fonctionnelle incorrigible; ils divergent cependant d’opinion sur les facteurs qui la composent ainsi que sur son quantum.

[262]           L’écart de 10 % entre les deux experts pour le quantum de la désuétude fonctionnelle incorrigible s’explique majoritairement par le fait que l’expert de l’intimée ne considère ni le problème de la pyrite ni celui de la pression d’eau en regard de la protection incendie ni celui de la circulation des camions.

[263]           En ce qui a trait à la problématique de la pyrite affectant la dalle de béton, le Tribunal a pu consulter les nombreuses photographies aux rapports d’expertise, mais a surtout pu constater de visu l’état de la dalle lors de sa visite des lieux.

[264]           Il faut aussi souligner que le rapport Inspec-Sol[92] portant sur la qualité du remblai granulaire situé sous la dalle et réalisé en 2015 ne traite que la seule partie du bâtiment occupé par Bell Solutions, identifié comme le bâtiment 1 et qui n’a qu’une superficie de 1011,4 par rapport à la superficie totale de l’usine de 24901,47 . Seulement trois sondages par forage ont été effectués en mars 2015 et uniquement dans cette Section Bell de l’Usine.

[265]           Le Tribunal retient surtout du rapport Inspec-Sol que la cause du problème constaté à quelques endroits proviendrait du fait qu’aucune membrane pare-vapeur n’a été installée avant la mise en place de la dalle (cela n’était pas requis lors de la construction en 1975) et que le remblai granulaire sous cette partie de la dalle, construite en 1975, présente un potentiel de gonflement d’origine pyritique de faible à moyen. Nous constatons surtout qu’ils ne recommandent d’intervenir que localement dans la dalle de béton, et ce uniquement aux endroits affectés[93].

[266]           Bref, force est de constater que la correction préconisée par l’expert de la requérante repose sur une extrapolation aux bâtiments 2 et 3 de l’Usine d’une problématique constatée uniquement dans le bâtiment 1, et que cette extrapolation de la problématique n’est nullement supportée par une preuve substantielle justifiant un tel niveau d’ajustement. En effet, on peut bien constater une problématique dans les locaux de Bell, ce que le Tribunal a effectivement pu observer; cependant, le complexe de l’Usine a été agrandi à de nombreuses reprises à différentes années et rien n’indique que le remblai granulaire problématique de la portion Bell a été utilisé à chaque agrandissement.

[267]           Il faut aussi constater que le correctif proposé pour la section Bell par Inspec-Sol en juin 2015 se chiffrait à 71517 $[94], et que l’expert de la requérante, sur la foi de seulement trois sondages dans cette unique section, extrapole la même problématique à la presque totalité de l’Usine en y exportant le même correctif, pour une somme de 2 360 000 $.

[268]           Le Tribunal ne peut reconnaître une telle désuétude fonctionnelle incorrigible sur la foi d’une preuve aussi faible et aussi peu convaincante.

[269]           D’ailleurs, notons que la requérante n’a jamais donné suite à cette problématique pour y apporter autre que certaines réparations somme toute mineures, qui peuvent se qualifier d’entretien régulier. Certes, la dalle de béton d’un bâtiment vieillit avec le temps et présente des craques qui doivent être réparées et entretenues, comme cela est souvent le cas dans un bâtiment d’un certain âge, ce qui ne correspond ici qu’à l’usure normale du temps. La preuve révèle d’ailleurs qu’une somme approximative de 10000 $ est consacrée à ces réparations d’entretien.

[270]           Au surplus, le Tribunal ne peut ainsi que constater que la fonctionnalité du bâtiment est maintenue malgré ce désagrément.

[271]           Quant au problème de la pression d’eau, le Tribunal ne retient pas non plus cette forme de désuétude fonctionnelle incorrigible, car nous n’avons pas reçu une preuve crédible et substantielle à son appui.

[272]           La preuve la plus importante à fournir aurait été de démontrer l’existence d’une réelle problématique exigeant des travaux de cette envergure. La problématique proviendrait, semble-t-il, des assureurs, qui demandent aux entreprises commerciales à vocation industrielle de maintenir un débit de pression minimal d’alimentation d’eau pour desservir notamment les gicleurs du complexe industriel. L’expert de la requérante affirme que le débit de pression de la rue Berlier serait inférieur aux normes exigées par les assureurs. Laval a bien indiqué que le débit pression sur cet endroit de la rue Berlier variait entre 48 et 55 PSI selon l’heure de la journée.

[273]           Ce que nous ne savons pas en revanche, et que la preuve ne révèle pas, c’est quelles sont les véritables exigences des compagnies d’assurance de la requérante à cet égard et a-t-elle réellement exigé un changement de la pompe incendie et une modification de l’entrée d’eau pour continuer à couvrir le risque? Nous ne savons pas non plus si le débit pression fourni par Laval correspond à ce qui est usuel ou ce débit pression est réellement sous les normes nécessaires pour bien répondre à une problématique d’incendie.

[274]           Bref, y a-t-il un réel problème ? Aucune analyse technique ou preuve d’expert ne nous a démontré l’existence de cette problématique, ce qui aurait été le minimum pour convaincre de l’existence du problème de débit pression.

[275]           Puisque la preuve est nettement insuffisante pour convaincre le Tribunal d’une telle désuétude fonctionnelle incorrigible, le Tribunal ne la retient pas.

[276]           Finalement, il n’existe non plus aucune preuve en ce qui a trait à une problématique de circulation des camions. L’Usine est située en fond d’une rue cul-de-sac et est propriétaire des terrains des deux côtés de la rue. La rue est peu achalandée, et Artopex a obtenu de Laval l’interdiction de stationnement sur la rue. La rue est quasi privée à leur usage.

[277]           En conclusion, et pour tous ces motifs, le Tribunal est d’avis de retenir le pourcentage de désuétude fonctionnelle incorrigible applicable aux bâtiments de 10 % tel qu’expliqué par l’expert de la partie intimée, et qui couvre des problématiques identifiées par les deux experts.

RÉSUMÉ DE LA MÉTHODE DU COÛT

[278]           Considérant la conclusion du Tribunal sur la valeur du terrain soit de 3 992 100 $ pour le rôle triennal 2019 et de 6 843 600 $ pour le rôle triennal 2022.

[279]           Considérant les admissions des parties sur les coûts de base et certains facteurs de rajustements ainsi que des conclusions du Tribunal tant sur les équipements à inclure ou exclure du rôle, que sur le facteur de classe et les dépréciations à appliquer, le Tribunal est d’avis que la valeur du bâtiment est de 6 128 000 $ pour le rôle triennal 2019 et de 6 805 000 $ pour le rôle triennal 2022[95].

CONCLUSION

[280]           Les conclusions de l’analyse du Tribunal, sur la base de la meilleure preuve disponible, sont donc de :

Unité d’évaluation Usine

 

Rôle T2019

Rôle T2022

Terrain

3 992 100 $

6 843 600 $

Bâtiment

6 128 000 $

6 805 000 $

Immeuble

10 120 100 $

13 648 600 $

 

Unité d’évaluation Terrain

 

Rôle T2019

Rôle T2022

Terrain

2 743 400 $

4 703 000 $

Bâtiment

159 900 $

164 700 $

Immeuble

2 903 300 $

4 867 700 $

 

[281]                     En règle générale, le Tribunal doit modifier la valeur inscrite au rôle, à la baisse ou à la hausse, lorsqu’il estime que cela est requis pour éviter un préjudice réel[96].

[282]                     Retenant que la science de l’évaluation immobilière n’est pas une science exacte et qu’une certaine marge de tolérance ou corridor d’indétermination ou d’incertitude[97] peut exister, la notion de préjudice réel, généralement estimée en termes de pourcentages d’écart avec la valeur globale inscrite au rôle, a ainsi été interprétée par les tribunaux avec nuances selon les circonstances propres à chaque affaire, et plus particulièrement en ce qui a trait au degré de certitude de la preuve soumise.

[283]                     En règle générale, la jurisprudence bien établie retient qu’on doit conclure à un écart minimum variant de 5% à 10 % entre la valeur inscrite au rôle et la conclusion du Tribunal pour justifier une modification de l’inscription au rôle. Il peut aussi arriver que le Tribunal intervienne pour un écart inférieur à 5% lorsqu’il fait face à un très haut degré de certitude de la preuve soumise, éliminant ainsi la marge de tolérance ou le corridor d’incertitude; dans un tel cas de figure, le préjudice réel est alors quasi-certain et le Tribunal doit alors intervenir.

[284]                     Par ailleurs, il arrive aussi, comme c’est le cas en l’espèce, que la preuve soumise par les parties comporte justement ce corridor d’imprécision ou marge de tolérance. Il est reconnu que la méthode du coût, la seule administrée dans le présent dossier, constitue une méthode indirecte d’évaluation[98] et c’est pourquoi les meilleures pratiques reconnues[99] recommandent généralement que plusieurs méthodes soient développées afin de corroborer le résultat.

[285]                     Le Tribunal est conscient de l’admission faite par les parties de ne retenir que la seule méthode du coût[100] et reconnaît qu’en contexte industriel, il est parfois difficile d’appliquer une autre méthode d’évaluation, faute de données du marché disponibles selon le jugement de l’évaluateur. Il faut tout de même retenir que l’utilisation d’une seule méthode d’évaluation, au surplus une méthode indirecte, peut comporter son lot d’inconvénients et de conséquences potentielles.

[286]                     En l’espèce, le Tribunal ne dispose pas en preuve d’autres méthodes d’évaluation et ne peut se rabattre que sur la seule méthode du coût. Sans établir de règle générale à cet égard, il est reconnu que plus l’âge et l’état physique d’un bâtiment sont âgés, plus l’estimation des dépréciations, désuétudes fonctionnelles, facteurs de classe et autres aspects de la déclinaison de la méthode du coût, qui sont pour beaucoup affaire d’opinions, peuvent s’avérer un exercice imprécis, rendant le résultat moins ou peu fiable selon le cas, ou à tout le moins, tributaire d’une marge d’imprécision plus grande[101].

[287]                     Pour tous ces motifs, considérant la marge d’imprécision plus grande fournie par la méthode du coût en présence d’un bâtiment plus âgé, seule preuve disponible au dossier, et considérant le faible écart de la conclusion générale de l’analyse du Tribunal avec les valeurs inscrites au rôle, le Tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir et rejette donc les recours.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ORDONNE la non-publication, non diffusion et non divulgation de la pièce I-1A3, Annexe 4, laquelle ne peut être accessible qu’aux juges qui entendent la cause, ainsi qu’aux parties et leurs représentants.

REJETTE le recours à l’encontre du rôle triennal 2019 et maintient les valeurs inscrites au rôle, soit :

Matricule 8548-28-0078-7-000-0000 – Usine

Selon la correction d’office

Terrain :    3 350 800 $

Bâtiment :     7 526 800 $

Immeuble :  10 877 600 $

Après le certificat 19 044 636, en date effective du 01-01-2019 :

Terrain :    3 350 800 $

Bâtiment :     7 275 700 $

Immeuble :  10 626 700 $

Matricule 8548-38-4606-0-000-0000 – Terrain

Selon la correction d’office

Terrain :  2 609 200 $

Bâtiment :      159900 $

Immeuble :  2 769 100 $

REJETTE le recours à l’encontre du rôle triennal 2022 et maintient les valeurs inscrites au rôle.

LE TOUT chaque partie assumant ses frais.

 


 

VÉRONIQUE PELLETIER, j.a.t.a.q.

 

 

MARTINE DURAND, j.a.t.a.q.


 

David Sauvé S.E.N.C.R.L.

Me Eric David

Procureur de la partie requérante

 

Services des affaires juridiques Ville de Laval (SAJVL)

Me Alexandre Macbeth

Procureur de la partie intimée


 


[1] Dossier SAI-M-297294-2005 pour le rôle T2019 et SAI-M-319060-2210 pour le rôle T2022.

[2] Dossier SAI-M-297292-2005 pour le rôle T2019 et SAI-M-319052-2210 pour le rôle T2022.

[3] 1-1 : Rapport d’évaluation de Monsieur Francis Limoges, daté du 13 février 2023 et sa mise à jour du 23 mars 2023 1-1B.

[4] R-1 et R-3 : Rapports d’évaluation de Monsieur Guillaume Couture, tous deux datés du 9 février 2023.

[5] R-1, p. 6 : Aire au sol de 24145,1 m² et aire aux étages de 24901,5 .

[6] R-1, p. 26127,6 m².

[7] Voir I-1, p. 9, 33, 42, 48 pour les photos aériennes et croquis des terrains et bâtiments; également en R-1, p. 12, 15. 28 et 32.

[8] Admissions sur les superficies et années de constructions et d’agrandissement, tel que relaté en détail en I-1, p. 9 et R-2, annexe J, page 5.

[9] R-1, page 13 et I-1, page 23.

[10] À noter que le Tribunal a procédé à une visite des lieux et de l’environnement en compagnie des parties le 13 mars 2023, que l’audience s’est déroulée entre le 13 mars et le 24 mars 2023 et que le dossier a été pris en délibéré à compter du 7 avril 2023, à la suite de la réception des derniers documents mis en preuve.

[11] RLRQ, chapitre F-2.1.

[12] I-2 et R-2, annexe J.

[13] Pour les motifs expliqués en audience.

[14] Déposé en pièce I-2.

[15] Déposé en pièce I-2.

[16] Article 1 LFM.

[17] Article 65 LFM.

[18] Et le Tribunal ne retient aucunement l’argument de l’avocat de la requérante voulant que ce soit l’expert de l’intimée qui a créé le litige sur la valeur du terrain; la requérante a contesté la valeur inscrite au rôle dans son ensemble, et cela inclut tant la valeur du terrain que la valeur du bâtiment. Et le Tribunal doit fixer la valeur aux dates de référence sans se soucier des valeurs inscrites aux rôles.

[19] Pièce I-1A - Annexe 4 : Bail avec Bell Solutions techniques qui prévoit la location d’un terrain de stationnement de 60000 pieds carrés sur le Terrain et 40 places réservées près de l’héliport. Un bail avec Groupe Dijon qui réserve l’usage exclusif de 25 places de stationnement sur le Terrain.

[20] Pièce I-1A - Annexe 3 – A-71: Page 4 de l’offre d’achat du 20 octobre 1988.

[21] Article 34 LFM, 4e alinéa.

[22] Les parties ont aussi retenu les dates d’avant-contrat.

[23] Rapport R-1, page 18. Pièce I-11 : Selon étude CBRE 21 millions pi² d’aire locative, soit 70 % de l’espace locatif industriel.

[24] L’expert utilise la date de l’avant-contrat lorsque disponible.

[25] L’expert utilise la date de l’avant-contrat lorsque disponible.

[26] R-1, p. 56.

[27] Ce que The Appraisal of Real Estate indique comme étant des « transactional adjustments - expenditures made immediately after purchase » et dont l’ajustement se décline avant celui pour les conditions du marché. The Appraisal of Real Estate, Appraisal Institute, Chicago, 2001, pages 361 et ss.

[28] Arcelormittal Produits Longs Canada c Montréal (Ville), 2022 CanLII 77433 (QC TAQ) par. 42, dont la permission d’appeler sur d’autres points a été accordée dans ArcelorMittal Produits Longs Canada c. Ville de Montréal, 2023 QCCQ 76 (CanLII), par. 77.

 

[29] Pièce I-11 : Articles et publications du marché en liasse.

[30] Ibid.

[31] I-1, p. 87 : indicateur 11 (vente 3 et vente 14) indique une progression de 2,6% et l’indicateur 13 (vente non retenue et vente 14) indique une progression de 1,8 % entre 2013 et 2017.

[32] R-1, p. 98 et 99.

[33] Article 46 LFM.

[34] Les données du tableau des ventes qui sont en italique sont celles pour lesquelles il y a eu un ajustement soit quant à la superficie nette constructible ou le prix payé ajusté des coûts qui devaient être déboursés pour permettre la construction selon les ajustements appliqués par l’expert de la Ville. Les transactions surlignées en gris pâle sont celles qui sont retenues plus particulièrement par le Tribunal.

[35] Une bande de 1760 m² a été transigée à un taux de 102,26 $/m² le 20 décembre 2017 et une deuxième bande de 3709,2 m² a été transigée à un taux de 118,40 $/m² le 11 novembre 2019.

[36] Transaction 20 : date avant-contrat le 31-03-2017 et date notariée le 02-11-2018. Transaction 21 : date avant-contrat le 26-10-2017 selon l’expert de la requérante et 23-03-2017 selon l’expert de l’intimée et date notariée le 07-11-2018. Transaction 32 : date avant-contrat le 16-04-2018 et date notariée le 02042019.

[37] Les données du tableau des ventes qui sont en italique sont celles pour lesquelles il y a eu un ajustement soit quant à la superficie nette constructible ou le prix payé ajusté des coûts qui devaient être déboursés pour permettre la construction selon les ajustements appliqués par l’expert de la Ville. L’indexation est à 11 % à compter du 1er janvier 2018.

[38] Traité de l’évaluation foncière, 2è édition, Wilson & Lafleur, 2021, p. 141.

[39] Aluminerie Bécancour inc. c Bécancour, C.Q. 400-02-004607-014 et als, 31-01-2003, Juge Raoul Barbe.

[40] I-2.

[41] I-2.

[42] R-1, p. 108 et suivantes.

[43] De l’oxygène gazeux selon R-1, p. 109; ou du dioxyde de carbone selon I-1, p. 132.

[44] ArcelorMittal c. Montréal, 2022 QCTAQ 08173, par. 123.

[45] 13 mars 2023, à compter de 13h36.

[46] 2018 QC TAQ 11 325.

[47] Ciment Québec inc. c. Saint-Basile, ,91993 2 RCS, p. 846; Ciment St-Laurent c. Laval, 2012 QCTAQ 08152 (paragraphe 35 sur le rôle actif); confirmé en appel sous Holcim Canada c. Laval 2014 QCCQ 1051; confirmé en révision judiciaire 2016 QCCS 4853 et requête pour permission d’en appeler à la Cour d’appel rejetée 2017 QCCA 85.

[48] R-1, p. 110 et I-1, p. 131.

[49] R-1, p. 111 ss et I-1, p. 131.

[50] I-5, p.6

[51] R-1, p. 111

[52] I-1, p. 131 ss.

[53] I-5, p. 7 et 8: M. Limoges pose l’hypothèse que le SRC ne joue aucun rôle actif dans la production industrielle et choisit en fonction de l’usage de l’espace que 10 changements d’air sont nécessaires.

[54] I-5, p. 7 pour son choix de 10 changements d’air nécessaire (MEFQ, version 2011, p. 2C.4-63) et 8.

[55] I-5, p. 7 pour son choix de 10 changements d’air nécessaire (MEFQ, version 2011, p. 2C.4-63) et 8.

[56] Ciment Québec inc. c. Saint-Basile, ,91993 2 RCS, p. 846; Ciment St-Laurent c. Laval, 2012 QCTAQ 08152 (paragraphe 35 sur le rôle actif); confirmé en appel sous Holcim Canada c. Laval 2014 QCCQ 1051; confirmé en révision judiciaire 2016 QCCS 4853 et requête pour permission d’en appeler à la Cour d’appel rejetée 2017 QCCA 85.

[57] En plaidoirie, l’avocat de la partie intimée a bien mentionné une autre proportion si le Tribunal retenait cette approche, mais plaidoirie n’égale pas preuve.

[58] Pièce I-5 et témoignage : L’expert Limoges retient que 10 changements d’air par heure sont nécessaires pour un atelier d’usinage sur la base d’une superficie calculée dédiée aux aires de travail de 3627,1m².

[59] Superviseur de l’usine.

[60] Témoignage du 20 mars 2023, en contre-interrogatoire.

[61] 6108639 Canada inc. c. Pointe-Claire, 2018 QCTAQ 11325 et 2021 QCCQ 1903

[62] Le tableau de l’annexe 2C.4 montre que si on choisit plutôt l’option d’un système qui est partiellement destiné à jouer un rôle actif dans la production industrielle, le nombre de changements d’air par heure nécessaire au maintien en bon état du bâtiment et à son occupation par des personnes n’est pas de 10, mais bien de 2.

[63] Énumérés ci-dessous.

[64] Keurig Canada c. Montréal, 2019 QCTAQ 08197.

[65] Le MEFQ prévoit des repères d’aide à la prise de décision quant à l’appréciation de chacun des neuf éléments considérés pour déterminer la classe du bâtiment.

[66] R-1, p. 118 à 120 et R-2, Annexe F pour le calcul détaillé.

[67] I-1, p. 124 à 129 et I-1A, Annexe 10.

[68] I-1, p. 123.

[69] Keurig Canada c. Montréal, 2019 QCTAQ 08197, par. 176.

[70] MEFQ, version modernisée.

[71] Keurig Canada c. Montréal, 2019 QCTAQ 08197.

[72] R-1, p. 30 : hauteur libre minimale de 8 pieds et hauteur libre maximale de 23 pieds pour une hauteur libre moyenne du complexe de 16 pieds.

[73] MEFQ, chapitre 5.2.36.5 et I-1, p. 124.

[74] Les avocats au dossier n’ont présenté aucune plaidoirie sur cette question, s’en remettant au Tribunal. Ils ont cependant tous deux soumis un volumineux cahier d’autorités.

[75] ArcelorMittal Produits Longs Canada c. Montréal, 2022 QCTAQ 08173, par 150 et suivants.

[76] R-2, Annexe K.

[77] Pièce I-7, Annexe F: La dépréciation des bâtiments industriels aux fins d'évaluation foncière municipale au Québec.

[78] I-1, p. 139.

[79] MEFQ, chapitre 5, partie 3E.

[80] Détail de son calcul détaillé en I-3 et I-4.

[81] Résumé inspiré de la décision Labatt Ltée c Montréal, 2022 QCTAQ 11475, par 68 à 72 ainsi que du Guide de dépréciation des bâtiments industriels du Québec.

[82] R-1, p.125, M&S, Version décembre 2020, page 12 de la section 97 concernant les bâtiments de type industriel léger et Annexe K.

[83] R-2, Annexe K, p. 134.

[84] Compacteur à déchet : une vie économique de 20 ans sera appliquée. Niveleur de quai : une vie économique de 20 ans sera appliquée. Cheminée en métal : une vie de 30 ans sera appliquée.

[85] Pièce I-7 – Annexe F : Plus précisément, on mentionne dans la note à l’utilisateur de cette liste : Aussi, la durée de vie « typique » indiquée pour chaque composante (ou groupe de composantes) recensée correspond à l'observation la plus fréquente, la plus probable ou même la plus logique dans le contexte québécois.

 

[86] R-1, p. 129 et 130.

[87] R-1, p. 131 et 132 pour le détail du calcul.

[88] R-1, p. 133 à 138 ainsi que le Rapport Inspec-sol en R-2, Annexe G et photos en R-9.

[89] R-1, p. 139 et Annexe H pour la soumission de Protection Idéal.

[90] R-1, p. 129.

[91] R-1, p. 142.

[92] R-2, Annexe G.

[93] R-2, Annexe G, p. 80 et 81.

[94] R-2, Annexe G, proposition datée du 15 juin 2017, par la firme Construction Désormeaux & Bibeau inc.

[95] Calculs faits avec le fichier Excel fourni par l’expert de la partie requérante.

[96] 144 LFM.

[97] Centre d’achat Beauward Ltée c. Joliette, 2003 TAQ 595, par. 50.

[98] MEFQ, Partie 3, Chapitre 7.4.3

[99] Normes de pratique de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec, Règle 1.2, Élément 12.  MEFQ partie 3F – Conciliation des indications de valeur.

[100] Le Tribunal a questionné les avocats sur la raison de cette admission en cours d’audience.

[101] Corporation d’habitation Porte Jaune inc. c. Montréal, 2022 QCTAQ 07595; Traité de l’évaluation foncière, 2è édition, 2021, p. 148 qui reconnaît les limites de la méthode du coût lorsque les bâtiments sont âgés.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.