Décision

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Commission municipale du Québec

(Division juridictionnelle)

 

 

 

 

Date : Le 30 septembre 2022

 

 

 

Dossier : CMQ-69226-001   (32522-22)

 

 

 

Sous la présidence du Juge administratif : Thierry Usclat

Vice-président

 

 

 

 

 

Direction des enquêtes et des poursuites

en intégrité municipale

Partie poursuivante

 

c.

 

Douce Labelle

Conseillère, Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu

Élu visé

 

 

 

 

ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE

EN MATIÈRE MUNICIPALE

D écision

(Plaidoyer de culpabilité et sanction)

APERÇU

[1]               La Commission municipale du Québec est saisie d’une citation en déontologie municipale concernant madame Douce Labelle, conseillère de la Municipalité de SaintDenissurRichelieu, conformément à l’article 22 de la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1] (LEDMM).

[2]               Cette citation déposée par la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale de la Commission (la DEPIM) allègue que l’élue aurait commis un manquement au Code d'éthique et de déontologie des élus de la Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu[2] :

 

« Entre le 8 novembre 2021 et le 21 septembre 2022, madame Labelle a eu un intérêt indirect dans un contrat entre la municipalité et l’entreprise enregistrée au nom de son conjoint, propriétaire d’un dépanneur et d’un poste d’essence, contrevenant ainsi à l’article 1.3 du Code de 2018 et à l’article 5.2.3.3 du Code de 2022. »

 

[3]               Lors de l’audience, madame Labelle admet avoir commis les manquements qui lui sont reprochés. Elle confirme que son plaidoyer est libre et volontaire et qu’elle connaît les conséquences de celui-ci.

CONTEXTE

[4]               Un exposé conjoint des faits signé par les parties le 26 septembre 2022, complété verbalement à l’audience, relate les faits et les circonstances relatives à ce manquement.

[5]               Le Tribunal considère utile den relater certains éléments :

  • Madame Labelle est conseillère de la Municipalité depuis les élections générales du 7 novembre 2021;
  • L’époux de madame Labelle est propriétaire d’un dépanneur avec stationservice, dont les revenus contribuent au revenu familial;
  • La Municipalité contracte avec le dépanneur notamment pour la fourniture d’essence. À cet effet, elle a un compte ouvert au dépanneur;
  • Entre l’élection de madame Labelle et le 21 juillet 2022, la Municipalité a contracté avec le dépanneur pour un montant de 5 105 $;
  • En date de la présente entente, madame Labelle s’engage à faire les démarches nécessaires afin que le dépanneur ne contracte plus avec la Municipalité à l’avenir.

[6]               La procureure de la DEPIM et madame Labelle soumettent en même temps que l’exposé commun des faits une recommandation conjointe de sanction qui suggère l’imposition d’une suspension de soixante (60) jours pour ce manquement.

[7]               La procureure de la DEPIM souligne les facteurs atténuants suivants :

  • Madame Labelle a collaboré à l’enquête administrative de la DEPIM;
  • L’admission faite par madame Labelle évite de devoir convoquer des témoins et de tenir une audience et évite le paiement de frais de représentation à la Municipalité;
  • L’engagement de madame Labelle de mettre fin aux contrats entre la Municipalité et le dépanneur.

[8]          Madame Labelle explique au Tribunal qu’elle a été élue il y a moins d’un an et que la Municipalité a cessé complètement toute transaction avec la station-service de son conjoint dès son élection, hormis pour l’essence, exclusivement pour les véhicules municipaux et les camions de pompiers, et ce, pour des raisons de sécurité publique, de saine gestion des fonds publics et pour des considérations environnementales.

[9]          Madame Labelle comprend maintenant qu’il est interdit à tout élu d’avoir un intérêt direct ou indirect avec la Municipalité, et d’en tirer des bénéfices directs ou indirects, si minimes soient-ils. Elle ajoute que dorénavant, la Municipalité cessera complètement toute transaction à la station-service de son conjoint et que la Municipalité ira s’approvisionner en essence dans le village voisin.

[10]           Le Tribunal note également que madame Labelle est de bonne foi et qu’elle n’a pas d’antécédents déontologiques.


ANALYSE

[11]           Les articles pertinents des Codes d'éthique et de déontologie de la Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu de 2018 et 2022, se lisent comme suit :

 

« Article 1.3 du Code de 2018 :

 

« 1.3. Un élu ne doit pas avoir sciemment un intérêt direct ou indirect dans un contrat avec la municipalité ou un organisme visé à l’article 4 du présent règlement. »

 

 

Article 5.2.3.3 du Code de 2022

 

« 5.2.3.3. Il est interdit à tout membre du conseil de contrevenir aux articles 304 et 361 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (RLRQ, c. E-2.2) sous réserves des exceptions prévues aux articles 305 et 362 de cette loi. »

 

[12]           Comme décidé par la Cour suprême[3], une recommandation conjointe ne devrait être écartée que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’ordre public. Elle a rappelé qu’une recommandation commune relative à la sanction devrait, en principe, être acceptée en raison des avantages que cela apporte pour tout le système de justice.

[13]           Après avoir pris connaissance de l’exposé des faits, des observations faites à l’audience et des circonstances de ce dossier, le Tribunal est d’avis que la recommandation commune n’est pas déraisonnable, susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ni contraire à l’ordre public.

[14]           Le Tribunal accepte donc le plaidoyer de culpabilité sur ce manquement et retient la recommandation conjointe sur la sanction.

EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL :

        ACCEPTE le plaidoyer de culpabilité de madame Douce Labelle.

        CONCLUT QUE madame Douce Labelle a commis un manquement à l’article 1.3 du Code d'éthique et de déontologie de la Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu de 2018 ainsi qu’à l’article 5.2.3.3 du Code d'éthique et de déontologie de la Municipalité de Saint-Denis-sur-Richelieu de 2022.

        IMPOSE à madame Douce Labelle à titre de sanction pour ce manquement, une suspension de soixante (60) jours de toutes ses fonctions de conseillère municipale.

        SUSPEND madame Douce Labelle de toute ses fonctions de conseillère municipale pour une durée de soixante (60) jours à compter du 5 octobre 2022, et ce, sans rémunération, allocation ou toute autre somme qu’elle pourrait recevoir de la Municipalité ou d’un autre organisme lorsqu’elle y siège à en sa qualité de membre du conseil.

 

 

 

Thierry Usclat, Vice-président et

Juge administratif

 

TU/lav

 

Madame Marie-Ève Poulin, stagiaire et Me Lucie Tritz

Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale

Partie poursuivante

 

 

Audience tenue en mode virtuel, le 29 septembre 2022

 

 

 

La version numérique de
ce document constitue l’original de la Commission municipale du Québec

 

 

Secrétaire

Président

 


[1]  RLRQ, chapitre E-15. 1. 0 .1.

[2]  Règlement no 2018-R-247 Code d’éthique et de déontologies des élus municipaux (applicable jusqu’au 8 février 2022, ci-après, Code de 2018) et au Règlement numéro 2022-R-281 édictant le Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux (applicable à partir du 8 février, ci-après, Code de 2022);

[3]  R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, par. 25 à 34. Cette question a aussi été traitée dans Jean Claude Gingras, CMQ-65167, 24 janvier 2018, ainsi que dans Donald John Philippe, CMQ-66829, 26 juillet 2019.

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