Décision

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Welch c. 9121-4759 Québec inc.

2020 QCCQ 2328

JD 2786

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE  LONGUEUIL

LOCALITÉ DE LONGUEUIL

« Chambre civile »

 

N° :            505-32-702324-188

 

DATE :      8 mai 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

JOANNE WELCH

                          Demanderesse

c.

9121-4759 QUÉBEC INC.

                          Défenderesse/demanderesse en intervention forcée

et

GE/MABE

ET SERVICE COMERCO INC.

                          Parties défenderesses en intervention forcée

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

[1]           En mai 2017, Joanne Welch (« Mme Welch ») achète de 9121-4759 Québec inc. (« Québec inc. ») une cuisinière fabriquée par GE/MABE assortie d’une garantie du manufacturier d’un an. Mme Welch achète par l’entremise de Québec inc. un plan de garantie prolongée de quatre ans assumé par Service Comerco inc. (« Comerco »).

[2]           Elle poursuit les parties défenderesses parce que la cuisinière est défectueuse : l’autonettoyage ne fonctionne pas correctement et cause un dommage irréparable à l’intérieur du four. Elle réclame le prix payé pour la cuisinière et des dommages pour un total de 7 500,00 $.

[3]           Québec inc. conteste au motif que le problème résulte d’une mauvaise utilisation par Mme Welch d’une part et que d’autre part, ce problème n’affecte pas le bon fonctionnement de la cuisinière. Elle ajoute finalement que les dommages réclamés sont indirects et exagérés.

[4]           Commerco conteste pour les mêmes motifs, ajoutant que le bris allégué n’est pas couvert par les termes et conditions du plan de protection.

[5]           Québec inc. demande l’intervention forcée de GE/MABE et de Commerco aux fins d’exercer contre celles-ci un recours en garantie pour qu’elles soient tenues de l’indemniser de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle.

[6]           GE/MABE fait défaut de déposer une contestation écrite. La cause procède par défaut contre elle tant sur l’action principale que sur l’action en garantie.

Questions en litige

[7]           La cuisinière achetée par Mme Welch est-elle affectée d’un défaut de fabrication?

[8]           La garantie prolongée doit-elle recevoir application?

[9]           Les montants réclamés par Mme Welch sont-ils justifiés?

[10]        L’action en garantie est-elle fondée?

Le contexte

[11]        Le 10 mai 2017, Mme Welch achète de Québec inc. deux électroménagers dont une cuisinière équipée d’un four autonettoyant General Electric[1] d’une valeur de 2 849,99 $.

[12]        La cuisinière comporte une garantie conventionnelle d’un an; Mme Welch achète par l’entremise de Québec inc. une garantie additionnelle de quatre ans au prix de 540,37 $[2].

[13]        La cuisinière est livrée le 12 mai 2017. En mai 2018, que Mme Welch utilise la fonction d’autonettoyage pour la première fois.

[14]        Même après une durée de trois heures, le four ne se nettoie pas correctement mais surtout, l’émail de l’intérieur du four se désagrège.

[15]        Il y a beaucoup de particules métalliques au fond du four que Mme Welch n’arrive pas à éliminer complètement. Elle craint qu’en raison de la circulation d’air lorsqu’elle utilise le mode Convection, ces particules se retrouvent dans la nourriture.

[16]        Le 23 mai, elle signale le problème au vendeur Québec inc. dont la représentante l’informe que la garantie du manufacturier d’un an est expirée.

[17]        Mme Welch veut faire valoir la garantie prolongée et communique avec Comerco qui dépêche sur les lieux son technicien. Dans son rapport du 30 mai 2018[3], il écrit :

PLAINTE

L’auto-nettoyant ne fonctionne pas bien. Il reste des résidus dans le fond qui ne sont pas nettoyables.

TRAVAIL EFFECTUÉ

Intérieur du four et intérieur de porte l’email se desagrege. Piece pas disponible. Echange. (sic)

[18]        Aucune des défenderesses ne donne suite à ce rapport. Le 27 août 2018, Mme Welch leur adresse une mise en demeure[4] et réclame le remboursement complet du montant payé pour la cuisinière et pour la garantie prolongée dans les dix jours suivants la réception de la lettre.

[19]        Mme Welch ne veut plus se servir du four, vu la présence potentielle de particules métalliques en suspension ou collées sur les parois du four.

[20]        Elle fait donc entreposer la cuisinière et en achète une autre. Elle intente la présente action et réclame l’annulation de la vente de la cuisinière qu’elle offre de remettre, le remboursement du prix payé et des dommages.

[21]        Puisqu’il s’agit d’un vice de fabrication, Québec inc. réclame de GE/MABE qu’elle la tienne indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle. Elle demande la même conclusion à l’égard de Comerco, qui doit respecter le plan de garantie souscrit.

Analyse et décision

La cuisinière achetée par Mme Welch est-elle affectée d’un défaut de fabrication?

[22]        L’action dirigée contre le vendeur Québec inc. et le fabricant GE/MABE repose sur les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur[5] (« la L.p.c. »), applicables en l’instance :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[23]        Ces articles constituent une application particulière de la garantie légale de qualité imposée par le législateur au vendeur en droit civil[6]

[24]        Pour avoir gain de cause, Mme Welch doit démontrer par preuve prépondérante la preuve d’un déficit d’usage sérieux de la cuisinière et son ignorance de cette condition au moment de la vente.

[25]        Il y a déficit d’usage grave s’il y a une diminution importante de l’utilité du bien au point où le consommateur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas consenti à donner un si haut prix s’il avait connu l’usage réduit[7].

[26]        Les attentes raisonnables du consommateur quant à l’utilisation normale du bien correspondent à la norme objective du consommateur moyen en regard de la nature du produit et de sa destination[8].

[27]        Les rapports non contestés du technicien dépêché sur les lieux par Comerco prouve que l’émail de l’intérieur et de la porte du four se désagrège. Puisque la pièce n’est pas disponible, il écrit échange[9]. Le fait que l’autonettoyant ne fonctionne pas bien, comme rapporté par Mme Welch, n’est pas contesté.

[28]        Les défenderesses ne contestent pas non plus le témoignage de Mme Welch, à l’effet qu’elle n’a pu nettoyer toutes les particules métalliques se trouvant dans le four, ni que les particules qui restent peuvent circuler à l’intérieur du four lorsque la fonction convection fonctionne et risquent de se retrouver dans la nourriture.

[29]        Vu ce qui précède, il appartenait à Québec inc. d’établir le bien-fondé de ses prétentions à l’effet que le problème résulte d’une mauvaise utilisation de la fonction de four autonettoyant par Mme Welch. Or, elle ne fournit aucune preuve probante à cet effet.

[30]        Le four ne peut donc être utilisé vu sa condition. Le Tribunal conclut aisément que la cuisinière ne répond pas aux attentes raisonnables de Mme Welch quant à son utilisation normale, puisque les fonctions autonettoyant et convection sont des fonctions importantes qui motivaient Mme Welch à en faire l’acquisition.

[31]        Vu ce qui précède, le vendeur Québec inc. et le fabricant GE/MABE voient leur responsabilité engagée envers Mme Welch.

 

 

La garantie prolongée doit-elle recevoir application?

[32]        La responsabilité de Comerco s’analyse en fonction du contrat de garantie prolongée intervenu en mai 2017. Comerco produit un document reproduisant les termes et conditions d’application de cette garantie et ses exclusions. La preuve est muette quant à savoir si ce contenu a été porté à la connaissance de Mme Welch lorsqu’elle achète cette garantie prolongée.

[33]        Comerco invoque l’exclusion suivante[10] :

SONT EXCLUS DE LA RESPONSABILITÉ DE SPP

(…)

2. LES PRODUITS OU COMPOSANTES SUIVANTS :

(…)

2.3 Toute pièce ou composante structurelle dont le bris ou la condition n’empêche pas le produit de fonctionner.

[34]        Dans la correspondance échangée entre Québec inc. et Comerco, cette dernière prétend que l’émail désagrégé est un problème purement esthétique et n’empêche pas la cuisinière de fonctionner. Même si une partie de la cuisinière peut fonctionner, le Tribunal ne peut conclure que le bris dont se plaint Mme Welch n’empêche pas le produit de fonctionner.

[35]        Tel que dit précédemment, les fonctions autonettoyant et convection sont des composantes importantes et essentielles de la cuisinière achetée par Mme Welch. Le Tribunal ne peut conclure à l’application de l’exclusion citée plus haut.

[36]        La garantie prolongée doit donc recevoir application.

Les montants réclamés par Mme Welch sont-ils justifiés?

[37]        Mme Welch réclame l’annulation de la vente de la cuisinière et les montants suivants répartis comme suit :

-      Remboursement du prix de la cuisinière                                       3 817,15 $

-      Déménagement de la cuisinière                                                       200,00 $

-      Entreposage de la cuisinière à raison 75$/mois X 60                4 200,00 $

[38]        Vu ce qui précède, Mme Welch a droit à l’annulation du contrat de vente de la cuisinière. Le Tribunal prend acte de son offre de la remettre.

[39]        Bien que la valeur de la cuisinière apparaisse à la facture comme étant de 2 849,99 $ plus taxes. Cette même facture permet de constater que Mme Welch bénéficie d’un rabais promotionnel de 1 050,00 $. Le prix de vente incluant les taxes est donc de 2 069,53 $[11], que le Tribunal accorde à Mme Welch.

[40]        Quant aux frais de déménagement et d’entreposage, Québec inc. et Comerco plaident qu’il s’agit de dommages indirects dont elles ne peuvent être tenues : Mme Welch a l’obligation de minimiser ses dommages[12], le fait de payer pour l’entreposage de la cuisinière pendant tout ce temps est contraire à ce principe. Elle aurait dû s’en départir et réclamer uniquement des dommages.

[41]        L’article 272 L.p.c. donne le choix à Mme Welch du recours lorsque le commerçant ou le fabricant manque notamment aux obligations imposées par les articles 37 et 38 L.p.c.

[42]        Mme Welch a choisi le recours en annulation du contrat de vente, ce qu’elle peut faire sans préjudice à sa demande en dommages-intérêts. Elle doit alors être en mesure de restituer la cuisinière et doit donc la conserver[13].

[43]        Elle n’est obligée de garder la cuisinière chez elle puisqu’elle doit la remplacer par une autre. Par conséquent, le Tribunal rejette ce premier argument des parties défenderesses.

[44]        Mme Welch demande la permission de produire le jour même de l’audience une série de factures émanant apparemment de Déménagement Roger[14] qui transporte et entrepose la cuisinière à sa place d’affaires, pour soutenir sa réclamation des frais d’entreposage et de déménagement.

[45]        Le Tribunal permet la production, mais puisque le délai de 21 avant l’audience pour ce faire n’est pas respecté, il accorde aux parties défenderesses un délai après l’audience pour effectuer certaines vérifications.

[46]        Vu la preuve fournie quant au paiement des frais de transport et les informations transmises par Mme Welch après l’audience avec la permission du Tribunal, le Tribunal lui accorde la somme de 150,00 $ pour le déménagement de la cuisinière.

[47]        Le Tribunal n’accorde cependant pas les frais réclamés pour l’entreposage. Voici pourquoi.

[48]        Le représentant de Québec inc. soulève plusieurs irrégularités apparaissant aux quatre factures d’entreposage.

[49]        Ainsi, les numéros de facture ne suivent pas d’ordre logique et sont toutes dans la même dizaine même si elles s’étalent sur une période de deux ans. De plus, les factures ne comportent pas de date précise.

[50]        Le représentant de Québec inc. réitère les mêmes observations dans ses observations que le Tribunal lui permet de transmettre après l’audience, suite au dépôt tardif des factures d’entreposage.

[51]        Vu ce qui précède et en l’absence de toute autre preuve probante présentée par Mme Welch, le Tribunal rejette cette partie de la réclamation.

Conclusion

[52]        Par conséquent, le Tribunal condamne in solidum les parties défenderesses à payer à Mme Welch la somme de 2 219,53 $.

[53]        Il s’agit d’une solidarité imparfaite, puisque les obligations de Québec inc. et de GE/MABE tirent leur source du contrat de vente alors que celles de Comerco proviennent du plan de garantie souscrit par Mme Welch.

[54]        Mme Welch pourra obtenir satisfaction du jugement en totalité de l’une ou l’autre des parties défenderesses.

[55]        La loi permet au Tribunal de déterminer pour ne valoir qu’entre les parties défenderesses seulement, la part de chacune dans la condamnation[15].

[56]        Puisque le problème affectant la cuisinière résulte selon toute probabilité d’un vice de fabrication, le Tribunal détermine que la part de GE/MABE dans la condamnation est de 100 %.

L’action en garantie est-elle fondée?

[57]        Vu ce qui précède, l’action en garantie de Québec inc. contre GE/MABE est fondée, cette dernière doit la tenir indemne de toute condamnation prononcée contre elle.

[58]        Il en va autrement du recours en garantie contre Comerco, puisqu’il y a absence totale de lien contractuel entre les deux parties. Comerco n’est liée qu’envers Mme Welch en l’absence de toute preuve contraire.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[59]        ACCUEILLE en partie l’action de la demanderesse;

[60]        ANNULE le contrat de vente de la cuisinière GEPRO PCS940SFSS;

[61]        CONDAMNE in solidum les défenderesses à payer à la demanderesse la somme de 2 219,53 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 27 août 2018, date de la mise en demeure;

[62]        DÉTERMINE pour ne valoir qu’entre les parties défenderesses, que la part de GE/MABE dans la condamnation est de 100%, celle de 9121-4759 Québec inc. est de 0% et celle de SERVICES COMERCO INC. est de 0%;

[63]        PREND ACTE de l’offre de la demanderesse de remettre la cuisinière GEPRO PCS940SFSS;

[64]        PERMET aux défenderesses, sur paiement de la condamnation en capital, intérêts et frais, de reprendre la cuisinière GEPRO PCS940SFSS en cause à leurs frais, après avis écrit de 48 heures à la demanderesse;

[65]        À DÉFAUT par les défenderesses de procéder à l'enlèvement de la cuisinière dans un délai deux mois du présent jugement, PERMET à la demanderesse d'en disposer;

[66]        LE TOUT avec frais de justice;

[67]        ACCUEILLE en partie l’action en garantie;

[68]        CONDAMNE la défenderesse GE/MABE à tenir indemne 9121-4759 Québec inc. du montant de la condamnation prononcée contre elle dans le cadre de l’action principale, en capital, intérêts et frais;

[69]        REJETTE l’action en garantie contre SERVICES COMERCO INC., sans frais.

 

 

__________________________________

MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.



[1]     Pièce P-2.

[2]     Pièce P-3.

[3]     Pièce P-4.

[4]     Pièce P-1.

[5]     RLRQ, c. P-40.1.

[6]     Art. 1726 C.c.Q.

[7]     Fortin c. Mazda Canada inc., 2016 QCCA 31.

[8]     Fortin c. Mazda Canada inc., déjà cite note 7.

[9]     Pièce P-4.

[10]    Pièce D-1.

[11]    2 849,99 $ - 1 050,00 $ plus taxes applicables.

[12]    Art. 1479 C.c.Q.

[13]    Art. 1699 C.c.Q.

[14]    Pièce P-6.

[15]    Art. 328 du Code de procédure civile.

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