Décision

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Sylvain et Assemblée nationale du Québec

2025 QCCFP 13

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N° :

2000203

 

DATE :

30 juin 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Nour Salah

______________________________________________________________________

 

 

Stéphane Sylvain

Partie demanderesse

 

et

 

 

Assemblée nationale du Québec

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 81.20, Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1.)

______________________________________________________________________

 

  1.                Le 28 avril 2025, M. Stéphane Sylvain dépose une plainte de harcèlement psychologique à la Commission de la fonction publique (Commission), en vertu de l’article 81.20 de la Loi sur les normes du travail (LNT), à l’encontre de son ancien employeur, l’Assemblée nationale du Québec (Assemblée).
  2.                Le 14 mai 2025, l’Assemblée soulève un moyen préliminaire concernant la compétence de la Commission à entendre le recours puisque M. Sylvain n’était pas un employé nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique[1] (Loi).
  3.                Le 20 mai 2025, la Commission demande aux parties de lui transmettre leurs commentaires afin de rendre une décision sur dossier.
  4.                Le 16 juin 2025, l’Assemblée soumet ses commentaires.
  5.                Le 17 juin 2025, M. Sylvain indique avoir pris connaissance des commentaires de l’Assemblée et mentionne qu’il ne souhaite pas argumenter à l’égard de la compétence de la Commission. Il ajoute qu’il attend « les résultats écrits de la délibération ».
  6.                Après analyse, la Commission accueille le moyen préliminaire présenté par l’Assemblée puisqu’elle juge ne pas avoir compétence pour statuer sur le recours de M. Sylvain.

CONTEXTE ET ANALYSE

  1.                Le 11 mars 2024, M. Sylvain est embauché à titre d’agent de sécurité occasionnel au sein de l’Assemblée pour une durée de moins d’un an, sans droit de rappel.
  2.                Le 28 avril 2025, il dépose un recours à la Commission dans lequel il allègue avoir été victime de harcèlement psychologique.
  3.                En vertu de l’article 81.20 de la LNT, deux conditions doivent être remplies par le plaignant afin que la Commission puisse se saisir de sa plainte de harcèlement psychologique. 
  4.            D’abord, il doit être un fonctionnaire, soit une personne nommée en vertu de la Loi. De plus, il ne doit pas être régi par une convention collective :

81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.15, 123.16 et 123.17 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Une personne salariée visée par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard. Le délai visé à l’article 123.7 s’applique à ces recours et les parties sont tenues d’indiquer celui-ci à la convention collective.

En tout temps avant le délibéré, une demande conjointe des parties à une telle convention peut être présentée au ministre en vue de nommer une personne pour entreprendre une médiation.

Les dispositions visées au premier alinéa, incluant celles de l’article 123.7, sont réputées faire partie des conditions de travail de toute personne salariée nommée en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F-3.1.1) qui n’est pas régie par une convention collective. Cette personne salariée doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.

[…]

  1.            Lorsqu’il était à l’emploi de l’Assemblée, M. Sylvain n’était pas un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi. Il ne respecte donc pas une des conditions requises pour que la Commission ait compétence pour entendre sa plainte de harcèlement psychologique.
  2.            Pour être un fonctionnaire au sens de la Loi, un employé doit être nommé en vertu de cette dernière comme le mentionne l’article 1 :
  1. La présente loi s’applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci.

Les personnes admises dans la fonction publique en vertu d’une loi antérieure à la présente loi sont réputées avoir été nommées suivant celle-ci.

Toute personne visée dans le présent article est un fonctionnaire.

 

[Soulignement de la Commission]

  1.            La Loi prévoit que les fonctionnaires sont recrutés et promus au moyen de processus de sélection conformément aux règles prescrites aux articles 42 à 54[2].
  2.            Pour qu’une personne soit nommée en vertu de la Loi, une disposition de la loi constitutive de l’organisme qui l’emploie doit le prévoir[3], ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.
  3.            En effet, la Loi sur l’Assemblée nationale[4] prescrit que les employés occasionnels de l’Assemblée ne font pas partie du personnel de la fonction publique au sens de la Loi :

110.  Sous réserve de la présente loi, la gestion de l’Assemblée continue de s’exercer dans le cadre des lois, règlements et règles qui lui sont applicables.

 

Toutefois, le Bureau peut, par règlement, déroger à ces lois, règlements et règles en indiquant précisément les dispositions auxquelles il est dérogé et les dispositions qui s’appliqueront en leur lieu et place.

 

120. Tout membre du personnel de l’Assemblée, à l’exception d’un employé occasionnel, fait partie du personnel de la fonction publique, qu’il soit nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F3.1.1) ou par dérogation en vertu du deuxième alinéa de l’article 110, à moins que, dans ce dernier cas, le Bureau ne l’en exclue.

 

Le secrétaire général exerce, à l’égard du personnel de l’Assemblée, les pouvoirs que la Loi sur la fonction publique attribue au sous-ministre.

 

[Soulignement de la Commission]

  1.            L’Assemblée précise à la Commission que M. Sylvain a été nommé en vertu du Règlement sur les emplois occasionnels et étudiants et les stages ainsi que leurs titulaires à l’Assemblée nationale.
  2.            La Commission comprend que ce règlement régit l’embauche, la nomination et la détermination des conditions de travail du personnel occasionnel, étudiant et stagiaire de l’Assemblée. L’article 2 mentionne expressément que la Loi ne s’applique pas à un employé occasionnel de l’Assemblée :

2. Le présent règlement s’applique à tout employé occasionnel, sous réserve des dispositions de la convention collective de travail intervenue entre le Syndicat de la fonction publique du Québec et l’Assemblée nationale pour le personnel occasionnel des restaurants, ainsi qu’à tout étudiant et employé stagiaire embauché à l’Assemblée nationale.

 

Toutefois, il ne s’applique pas à un cadre des classes d’emplois 1 à 4 ni à un cadre juridique.

 

Le chapitre III de la Loi sur l’administration publique (L.R.Q., chapitre A-6.01), la Loi sur la fonction publique (L.R.Q., chapitre F-3.1.1), l’article 75 de la Loi sur les normes du travail (L.R.Q., chapitre N-1.1), l’article 11 de la Directive concernant les emplois étudiants et les stages dans la fonction publique adoptée par le C.T. 206632 du 17 juin 2008, les règlements et règles pertinents de même que les directives ayant trait spécifiquement au personnel occasionnel ne s’appliquent pas aux emplois occasionnels, étudiants et aux stages de l’Assemblée nationale, sauf dans les cas et dans la mesure prévus par le présent règlement. […]

 

[Soulignements de la Commission]

  1.            Conséquemment, à la lecture de ces articles, il apparaît clairement que M. Sylvain n’était pas un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi, puisqu’il était un employé occasionnel de l’Assemblée.
  2.            La Commission est d’accord avec la position de l’employeur et juge qu’elle n’a pas compétence pour entendre la plainte de M. Sylvain.
  3.            La Commission a déjà établi à plusieurs reprises qu’elle n’a pas compétence pour entendre tout recours déposé par un employé qui ne détient pas le statut de fonctionnaire au sens de la Loi[5]. Elle a d’ailleurs déjà décliné compétence pour statuer sur un recours soumis par un employé occasionnel de l’Assemblée[6].
  4.            Finalement, la Commission souligne qu’elle est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[7] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus.

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]

Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions – notamment de délai – il peut être introduit […].

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

ACCUEILLE le moyen préliminaire présenté par l’Assemblée nationale du Québec;

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur la plainte de harcèlement psychologique de M. Stéphane Sylvain.

 

                                 Original signé par :

 

 

 

__________________________________

Nour Salah

M. Stéphane Sylvain

Partie demanderesse

 

Me Anne-Marie Vézina

Procureure de l’Assemblée nationale du Québec

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré : 18 juin 2025

 

 


[1]  RLRQ, c. F-3.1.1.

[2]  Voir également la Directive concernant la dotation des emplois dans la fonction publique,  C.T. 225477 du 11 janvier 2022 et ses modifications.

[3]  Voir à titre d’exemples les lois suivantes : Loi sur le ministère de la Culture et des Communications, RLRQ, c. M-17.1, article 6; Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec, RLRQ, c. R-5, article 11.

[4]  RLRQ., c. A-23.1.

[5]  Vachon et Commission de la capitale nationale du Québec, 2023 QCCFP 9; Cool et Centre de services scolaire des Affluents, 2024 QCCFP 11; Villeneuve et Administration de pilotage des Laurentides, 2024 QCCFP 20, Fortier et Collège de Bois-de-Boulogne, 2021 QCCFP 22; Migneault et Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022 QCCFP 20; Delisle et Société des établissements de plein air du Québec, 2021 QCCFP 8; Fellah et Ville de Montréal, 2021 QCCFP 1; Laliberté et Centre de la petite enfance Jolibois, 2020 QCCFP 17.

[6]  Lajoie et Assemblée nationale du Québec, 2013 QCCFP 13.

[7]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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