Décision

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Castillo et Directeur des poursuites criminelles et pénales

2025 QCCFP 21

 

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

2000233

 

DATE :

15 septembre 2025

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

NOUR SALAH

______________________________________________________________________

 

 

 

JosE SAMUEL CASTILLO

Partie demanderesse

 

et

 

Directeur des poursuites criminelles et pénales

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 33, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

______________________________________________________________________

 

  1.                Le 31 août 2025, M. Jose Samuel Castillo dépose un recours, en vertu de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique (Loi), à la Commission de la fonction publique (Commission) afin de contester la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) de refuser d’intenter une poursuite contre une policière, malgré la présentation d’éléments de preuve qu’il dit avoir effectuée.
  2.                À la lecture de son recours, la Commission soulève d’office son absence de compétence puisqu’elle constate que M. Castillo ne semble pas être un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi.
  3.                De plus, les sujets soulevés dans son recours ne relèvent pas de sa compétence d’attribution.
  4.                Le 3 septembre 2025, elle lui envoie une lettre pour l’en informer et s’enquérir des suites à donner à son recours :

[…] Nous avons bien reçu votre recours.

La Commission de la fonction publique (Commission) est un tribunal administratif qui tire sa compétence de la Loi sur la fonction publique (RLRQ, c. F-3.1.1) (Loi). Elle peut uniquement entendre les recours en matière de droit du travail pour les fonctionnaires non syndiqués nommés en vertu de la Loi.

À la lecture du recours que vous avez déposé, il est clair que vous n’êtes pas un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi et vous ne travaillez pas pour un ministère ou un organisme du gouvernement du Québec.

Ainsi, manifestement, la Commission ne peut se saisir de votre recours ni l’entendre. Elle n’en a pas la compétence.

Il serait, donc, opportun de faire des vérifications auprès d’un avocat ou d’une personne de votre choix afin d’adresser votre recours au bon tribunal ou organisme.

Dans ces circonstances, la Commission aimerait connaître vos intentions sur le recours que vous avez déposé. 

Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.

[Transcription textuelle]

  1.                Le 4 septembre 2025, M. Castillo répond. Il n’indique pas être un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi et insiste, une fois de plus, sur plusieurs éléments sur lesquels la Commission n’a pas compétence :

[…]

Je fais suite à votre lettre datée du 3 septembre 2025 concernant mon recours (dossier  2000233). Vous y indiquez que la Commission n’a pas compétence pour en disposer.

Par contre, il ne suffit pas de clore mon recours sans suite. Conformément aux principes légaux applicables, je vous demande de procéder à son transfert administratif, et de me remettre vos constats officiels, afin que je puisse les utiliser dans le cadre d’un recours judiciaire.

1. Transfert au département de surveillance

En vertu de l’article 16 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (A-2.1), tout organisme public doit traiter et classer ses dossiers conformément à son plan de classification et à son calendrier de conservation.

Je vous demande donc de transférer mon recours au département de surveillance de la Commission, afin d’assurer le suivi administratif requis et d’éviter un abandon injustifié du dossier.

2. Transfert au greffe/arbitrage compétent

En vertu des articles 9 à 12 de la Loi sur la justice administrative (RLRQ, c. J-3) :

  • Art. 9 : les procédures doivent permettre un débat loyal, dans le respect du devoir d’agir de façon impartiale.
  • Art. 10 : les parties doivent avoir l’occasion d’être entendues, les audiences étant publiques sauf exception justifiée.
  • Art. 11 : l’organisme doit mener les débats avec souplesse et rejeter toute preuve obtenue en violation des droits fondamentaux.
  • Art. 12 : l’organisme doit délimiter le débat, permettre aux parties de prouver leurs faits, leur apporter un secours équitable et impartial, et autoriser leur représentation.

Or, la décision contestée émane du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), qui a refusé ma demande. Une telle décision engage le ministère de la Justice et relève du contrôle juridictionnel.

Constat : sur le fondement explicite des articles 9 à 12 LJA, il vous incombe de réacheminer mon recours vers le greffe/arbitrage compétent (Tribunal administratif, Cour supérieure du Québec ou autre instance appropriée), afin que la décision du DPCP puisse être contestée devant l’autorité compétente.

3. Communication de vos constats

Conformément à la Loi A-2.1 (droit d’accès aux documents administratifs) et à la Charte des droits et libertés de la personne (art. 23 et 44), je vous demande de me remettre :

  • Les constats, analyses, notes internes et conclusions produits par la Commission dans l’étude de mon recours.
  • Tout document ou avis interne justifiant la décision de déclarer votre incompétence.

Ces documents serviront de fondement probatoire dans le cadre d’un éventuel recours judiciaire.

Fondements complémentaires

  • Articles 4, 23 et 49 de la Charte québécoise : droit à un recours utile, équitable et à réparation.
  • Article 24 de la Charte canadienne : droit à un recours approprié devant un tribunal compétent.
  • Articles 6 et 1375 C.c.Q. : obligation d’agir et d’exécuter ses responsabilités administratives de bonne foi.

[…] 

158. Commet une infraction et est passible d’une amende de 1 000 $ à 10 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 3 000 $ à 30 000 $ dans les autres cas quiconque

159. Commet une infraction et est passible d’une amende de 5 000 $ à 100 000 $ dans le cas d’une personne physique et de 15 000 $ à 150 000 $ dans les autres cas quiconque:

164.2. Toute poursuite pénale doit être intentée dans un délai de cinq ans de la perpétration de l’infraction.

167. Lorsqu’une atteinte illicite à un droit reconnu par le chapitre III cause un préjudice et que cette atteinte est intentionnelle ou résulte d’une faute lourde, le tribunal accorde des dommages-intérêts punitifs d’au moins 1 000 $.

Cordialement, dans le respect de mes droits constitutionnels […]

[Transcription textuelle, soulignements de la Commission]

  1.                Après la réception des arguments de M. Castillo, la Commission prend le dossier en délibéré et juge qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur le recours.

CONTEXTE ET ANALYSE

  1.                À titre de tribunal administratif, la Commission entend des recours en droit du travail déposés par des membres du personnel non syndiqué de la fonction publique.
  2.           M. Castillo indique notamment ce qui suit dans son recours à la Commission :

Je demande formellement à la Commission de la fonction publique d’ouvrir une enquête sur les manquements administratifs et déontologiques commis par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et ses procureurs, en lien avec leur refus d’intenter une poursuite contre une policière malgré la preuve officielle que j’ai fournie.

En vertu des articles 33 et suivants de la Loi sur la fonction publique (RLRQ, c. F3.1.1), la Commission a compétence pour examiner les fautes liées à la gestion de la fonction publique, y compris les manquements à la probité, à l’impartialité et aux obligations professionnelles des personnes exerçant une charge publique.

Je demande donc :

1. Que la Commission fasse enquête sur les circonstances entourant le refus du DPCP.

2. Qu’elle établisse un constat écrit et détaillé des faits et des manquements observés.

3. Que ce constat me soit communiqué afin que je puisse l’utiliser comme pièce justificative devant la Cour supérieure du Québec, dans le cadre d’un recours en contrôle judiciaire et en responsabilité civile contre le DPCP et le ministre de la Justice.

[Transcription textuelle]

  1.                L’article 33 de la Loi prévoit :

33. Un fonctionnaire non régi par une convention collective peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :

1° de son classement lors de son intégration à une classe d’emplois nouvelle ou modifiée ;

2° de sa rétrogradation ;

3° de son congédiement ;

4° d’une mesure disciplinaire ;

5° qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.

Un appel en vertu du présent article doit être fait par écrit et reçu à la Commission dans les 30 jours de la date d’expédition de la décision contestée.

Le présent article, à l’exception du paragraphe 1° du premier alinéa, ne s’applique pas à un fonctionnaire qui est en stage probatoire conformément à l’article 13.

[Soulignements de la Commission]

  1.            Ainsi, deux conditions doivent être réunies afin que la Commission ait compétence. L’employé doit d’abord être un fonctionnaire nommé en vertu de la Loi. Puis, il doit être non régi par une convention collective.
  2.            Or, M. Castillo, qui ne travaille pas au sein d’un ministère ou d’un organisme du gouvernement du Québec, n’est pas un fonctionnaire nommé conformément à la Loi. En effet, l’article 1 de celle-ci prévoit son champ d’application et définit la notion de fonctionnaire :
  1. La présente loi s’applique aux personnes qui sont nommées suivant celle-ci. […]

Toute personne visée dans le présent article est un fonctionnaire.

  1.            La Commission a maintes fois déterminé qu’elle n’a pas compétence pour entendre tout recours déposé par un employé qui ne détient pas le statut de fonctionnaire au sens de la Loi[1].
  2.            De plus, même si M. Castillo avait été un fonctionnaire au sens de la Loi, la Commission aurait tout de même refusé d’entendre son recours, car elle n’a pas compétence sur les sujets dont il souhaite débattre.
  3.            En effet, les sujets concernant le refus d’une poursuite en justice contre une policière ne relèvent pas des matières mentionnées à l’article 33 de la Loi et ne font pas partie de la compétence de la Commission.
  4.            La Commission est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[2] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal.

 [Soulignements de la Commission]

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Jose Samuel Castillo.

 

                                                      Original Signé par :

 

__________________________________

Nour Salah

 

 

M. Jose Samuel Castillo

Partie demanderesse

 

Directeur des poursuites criminelles et pénales

Partie défenderesse

 

 

Date de la prise en délibéré :

5 septembre 2025

 


[1]  Vachon et Commission de la capitale nationale du Québec, 2023 QCCFP 9; Cool et Centre de services scolaire des Affluents, 2024 QCCFP 11; Villeneuve et Administration de pilotage des Laurentides, 2024 QCCFP 20; Fortier et Collège de BoisdeBoulogne, 2021 QCCFP 22; Migneault et Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022 QCCFP 20; Delisle et Société des établissements de plein air du Québec, 2021 QCCFP 8; Fellah et Ville de Montréal, 2021 QCCFP 1; Laliberté et Centre de la petite enfance Jolibois, 2020 QCCFP 17.

[2]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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