Décision

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9347-9954 Québec inc. c. 6371019 Canada inc.

2022 QCCS 4576

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEauharnois

 

No :

760-17-006436-227

 

 

 

DATE :

9 décembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

christian immer, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

9347-9954 QUÉBEC INC.

Demanderesse

c.

6371019 CANADA INC.

Défenderesse

 

-et-

 

UTKAL MOULDINGS PVT LTD.

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT rectificatif

Injonction interlocutoire provisoire (510, al. 2, C.c.p.)

______________________________________________________________________

 

 

[1] VU le jugement rendu dans la présente affaire en ce jour;

 

[2] CONSIDÉRANT que le paragraphe 77 contient une erreur cléricale quant au nom et aurait dû se lire ainsi:

 

[77] Il y a donc forte apparence de droit que le fait d’invoquer un droit d’exclusivité durant la période transitoire est un comportement abusif, animé par la mauvaise foi et que le Tribunal doit donc ordonner à Iron4City de cesser un tel comportement. 

 

[3] CONSIDÉRANT l’article 338 du Code de procédure civile;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

[4] RECTIFIE le jugement rendu en ce jour;

 

[5] MODIFIE le paragraphe 77 pour qu'il se lise ainsi:

 

[77] Il y a donc forte apparence de droit que le fait d’invoquer un droit d’exclusivité durant la période transitoire est un comportement abusif, animé par la mauvaise foi et que le Tribunal doit donc ordonner à Iron4City de cesser un tel comportement. 

 

[6] LE TOUT, sans frais de justice.

 

 

 

__________________________________CHRISTIAN IMMER j.c.s.

 

Me François Viau

Me Ilias Hmimas

GOWLING WLG

Avocats de la demanderesse

 

Me Christophe Perron-Martel

Force-Légal Inc.

Avocats de la défenderesse

 

Gianni F. De Sua

ASTELL CAZA DE SUA

Avocat de la mise en cause

 

Date d’audience :

7 décembre 2022

 

 


9347-9954 Québec inc. c. 6371019 Canada inc.

2022 QCCS 4576

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

beauharnois

 

No :

760-17-006436-227

 

 

 

DATE :

9 décembre 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

christian immer, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

9347-9954 QUÉBEC INC.

Demanderesse

c.

6371019 CANADA INC.

Défenderesse

 

-et-

 

UTKAL MOULDINGS PVT LTD.

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Injonction interlocutoire provisoire (510, al. 2, C.c.p.)

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Les parties ont mené une entreprise commune de 2016 à mars 2021 pour importer et distribuer des produits de fonte dont principalement des cadres et couvercles de puisards. Ces pièces sont fabriquées en Inde par la mise en cause Utkal Mouldings PVT Ltd. (« Utkal »). 63711019 Canada Inc. («Iron4City») agissait comme importatrice alors que 9347-9954 Québec inc. (« CT Metal ») effectuait la distribution.

[2]                En fin 2020, Utkal accorde l’exclusivité de vendre sa production dans le marché québécois à Iron4City. Les pièces d’Utkal qui sont importées par Iron4City sont certifiées par le Bureau de la normalisation du Québec (« BNQ ») en Inde.

[3]                Au début 2021, les parties conviennent de mettre fin à leur entreprise. Elles négocient les termes de la fin de leur relation. Elles échangent aussi sur les modalités d’une période de transition d’une durée de deux ans au terme de laquelle CT Métal sera en mesure d’importer indépendamment les produits manufacturés par Utkal, sans intervention d’Iron4City. Au terme de ces échanges, un document formel est préparé par un avocat, mais les parties ne le signeront jamais.

[4]                À partir de mars 2021, conformément à ce qui avait été négocié et en toute connaissance dIron4City, CT Metal acquiert des pièces directement d’Utkal. Puisqu’elle n’a pas de certification, les pièces continuent de porter le logo Iron4City, pour bénéficier de sa certification BNQ. En 2021, des pièces totalisant près de 500 tonnes métriques sont produites par Utkal pour CT Metal et sont expédiées à CT Metal par 20 voyages distincts, par bateau.

[5]                En 2022, CT Metal reçoit sa propre certification BNQ. Iron4City intime alors Uktal de ne plus vendre de pièces Iron4City à CT Metal. Elle lui demande plutôt de vendre des pièces CT Metal, vu que CT Metal est maintenant certifiée. C’est effectivement ce qui se produit. Des quantités importantes de pièces continuent d’être commandées par CT Métal et sont produites et livrées par Utkal. En 2022, c’est 200 tonnes métriques qui sont expédiées en 9 voyages distincts. Ces quantités sont importantes, puisque la production totale d’Utkal est de 6 000 tonnes métriques par année.

[6]                Soudainement, en septembre 2022, sans préavis quelconque à CT Metal, Iron4City ordonne à Utkal de respecter le contrat d’exclusivité qui la lie à Iron4City et de cesser de produire des biens pour le compte de CT Metal au plus tard le 1er décembre 2022. Il s’agit d’un revirement brutal par rapport à la pratique adoptée à la connaissance de tous depuis mars 2021.

[7]                Le 30 septembre 2022, CT Metal met Iron4City en demeure de « cesser toute tentative d’obstruction visant à empêcher CT Métal de faire affaire avec Utkal » et de consigner par « écrit que l’entente d’exclusivité conclue avec [Utkal] n’est pas opposable à CT Metal ».  La lettre de mise en demeure reste sans aucune réponse.

[8]                Utkal continue à produire des biens pour CT Metal. Deux chargements doivent être expédiés en novembre et d’autres sont prévus en décembre.

[9]                Or, en fin novembre 2022, alors que la BNQ doit procéder à une visite de contrôle des installations d’Utkal pour maintenir la certification de CT Metal, Utkal informe CT Metal qu’elle devrait réévaluer l’opportunité d’une telle visite puisque vu l’exclusivité qui la lie à Iron4City, elle ne pourra plus produire de biens pour CT Metal. À l’audience, Utkal durcit le ton et indique qu’elle n’a aucune intention de permettre la visite de contrôle du mandataire du BNQ servant à maintenir la certification.

[10]           CT Metal considère donc que Iron4City s’est immiscé fautivement dans sa relation d’affaires pour invoquer abusivement une exclusivité qui ne peut pas s’appliquer à CT Metal. Elle comprend, à la suite d’un appel tenu avec le représentant d’Utkal, que si Utkal n’était pas sous la menace indue de Iron4City, elle continuerait à lui fournir des pièces comme elle le fait depuis un an et demi.

[11]           À l’origine CT Metal requiert que le Tribunal rende l’ordonnance de sauvegarde suivante :

 i) Cesser et s’abstenir d’entraver la relation d’affaires entre […] CT Metal et la mise en cause Utkal [….];

ii) Cesser et s’abstenir d'inciter directement ou indirectement la mise en cause Utkal […] de ne pas faire affaire ou de cesser de faire affaire avec CT Metal autrement nuire à sa relation avec […] CT Metal, et ce que ce soit par le biais d’appels téléphoniques, de lettres et/ou toute autre forme de communication;

[12]             Le Tribunal a manifesté dès le début de l’audience que cette conclusion était trop vague et imprécise. Il est alors apparu que c’était le fait que Iron4City invoquait l’exclusivité qui posait un problème et qu’une ordonnance pour l’empêcher de ce faire était le remède qui pourrait être envisagé au stade provisoire.

[13]           Avant d’analyser cette demande, le Tribunal fera certaines remarques quant au contexte.

CONTEXTE

[14]           Cinq thèmes doivent être discutés c’est-à-dire : (1) la relation Iron4City et CT Metal de 2016 à 2021, (2) l’entente d’exclusivité entre Iron4City et Uktal, (3) la fin de la relation et les termes de la séparation entre les parties mettant en place une période de transition (4) le processus de certification de CT Métal auprès du BNQ et (5) la relation commerciale entre CT Metal et Uktal.

1.                 La relation Iron4city et CT Metal de 2016 à 2021

[15]           Les parties s’entendent sur peu de choses. Elles sont d’accord que leur relation s’est étalée de 2016 à 2021, qu’Iron4City importait les produits et qu’elle les vendait à CT Metal, que c’était Iron4City qui détenait la certification du BNQ pour les produits et que CT Metal distribuait les produits à des clients. C’est là que s’arrêtent les points de convergence.

[16]           CT Metal explique, en référant aux fichiers Excel préparés sur une base continue par les parties, que le prix de vente chargé au départ par Iron4City à CT Metal[1] est constitué du prix coûtant chargé par Utkal, majoré d’un montant équivalent à 50% du prix de vente que les parties estimaient serait gagné lors de la vente de ces pièces par CT Metal à des tierces parties clientes. Une fois de telles ventes effectuées, un ajustement était apporté à cette composante de 50%, en fonction du prix effectivement payé par les clients. CT Metal explique aussi que les dépenses étaient assumées en parts égales. Elle dépose des documents manuscrits signés par les parties qui ont trait à la répartition des dépenses et des ajustements qui ont été convenus en cas de déséquilibre[2]. Les documents produits sont loin d’être limpides, mais manifestement, du moins, les frais substantiels liés à la certification et au contrôle par le BNQ sont partagés 50/50 par les parties.

[17]           Iron4City pour sa part décrit la relation de la façon suivante qui, avec égards, comporte sa part d’imprécision:

En vertu d’une entente verbale conclue entre les parties en vigueur à partir du mois de septembre 2016 jusqu’au 15 janvier 2021 (L’Entente), la Défenderesse vendait au prix coûtant à la Demanderesse les produits fournis par la Mise en cause. Par la suite, la Demanderesse devait vendre les produits de la Mise en cause à diverses personnes. Les parties calculaient chacune leurs dépenses respectives, mais ne les partageaient pas. Seuls les profits respectifs des parties étaient partagés. Au besoin, les parties effectuaient les ajustements nécessaires en vertu des dépenses encourues afin que les profits soient distribués de manière égale entre elles.

[18]           Pour les fins de l’injonction provisoire, il n’y a pas lieu de départager les versions et conclure dans un sens et dans l’autre.

2.                 L’entente d’exclusivité entre Iron4City et Uktal

[19]             Vers la fin de la relation, Daniel Laroque croit qu’il est nécessaire qu’Utkal accorde l’exclusivité à Iron4City pour un certain territoire au Canada. Un projet d’entente est donc préparé par un avocat et Stéphane Poirier, président d‘Iron4City, le transmet à Utkal début octobre 2020 en plaçant Martin et Daniel Laroque, représentants de CT Metal en copie. Utkal y apporte des modifications et la renvoie à Poirier dès le lendemain en plaçant toujours les Laroque en copie. Poirier fait alors une transaction Google du document qu’il expédie aux Laroque le 24 novembre 2020 avec l’invitation suivante : « chum dit moi ton opinion sur ce contrat avec basant. Plz. Si ok, je vais le signer»[3].

[20]           Le contrat est ultimement signé le 15 décembre 2020[4] (le « Contrat Utkal »). Utkal consent à Iron4City un droit exclusif, valable jusqu’en 2030, pour le territoire de la province de Québec, de vendre, de distribuer ou d’offrir des produits de « iron castings ». La violation de ce droit entraîne de fortes pénalités, soit un dédommagement de l’ordre de 50% des profits de la vente ou de la distribution des produits avec un maximum de 100 000$ US.

3.                 La fin de la relation et les termes de la séparation entre les parties mettant en place une période de transition

[21]           Début 2021, la relation entre CT Metal et Iron4City bat de l’aile. S’ensuit une série de discussions et d’échanges, ces échanges étant déposés en liasse sous la cote P-9. 

[22]           21 janvier 2021 : une première réunion a lieu. Manifestement, c’est là que les parties réalisent qu’elles ne pourront plus travailler ensemble.

[23]           25 janvier 2021 : Poirier communique par écrit à Daniel Laroque les raisons qui le mènent à ne plus vouloir travailler avec CT Metal. Il explique ses attentes. D’abord, les livres doivent être fermés au 1er mars. Pour la suite des choses, il voit deux possibilités.

[24]           La première possibilité envisagée est que CT Metal continue en affaires et une période de transition de 24 mois serait alors mise en place pour permettre à CT Metal d’opérer de façon indépendante. Il trace les grandes lignes de ce premier scénario où Utkal joue évidemment un rôle prépondérant :

Le 1er mars 2021 tu devras aussi acheté une quantité suffisante pour ton été à venir payable surcommande. Le stock sera calculé au cost selon été 2020.

Pour les autres stock à venir par la suite, il faudra que ce soit commandé directement à Basant [Uktal]. Je vais t'aider dans le processus.

Le but de ma séparation est que tu travailles avec ton argent et que je travail avec mon argent aussi, point final.

Je ne vois aucun sens logique que tu continue à de travailler avec une partie de mon argent été 2021, ça ne fait pas de Sens que je te rembourse des profits sans considéré la perte.

Ça fait quatre ans que je t'aide financièrement alors que je me suis associé avec toi pour l'effet contraire.

Et aussi:

En aucun cas je ne peux me permettre maintenant de te donner 50 % des droit d'exclusivité de Utkal et du BNQ tant qu'on n'as pas fait 24 mois de transition à se respecter.

En 24 mois tu dois faire fabriquer au minimum tes 6 patrons principaux portant ta Marque.

La date d'échéance (du 24 mois) est le 1 mars 2023. Après cette date, plus rien n'est possible.

N'oublie pas que le financement de ma part est exactement la raison principale du pourquoi qu'on n'est plus en affaires. On vas pas continuer ça.

[Reproduction littérale de l’original; soulignés du Tribunal]

[25]           L’autre possibilité qu’il envisage est que la fin des opérations de CT Metal.  Dans un tel scénario, il propose :

A l'inverse,

Advenant que tu ne poursuivent pas tes activités, j'accepterai de te rembourser ton 135k au complet plus les dépôts pour facture a venir et j'assumerai la perte des couvert de 230k seul de mon côté.

[Reproduction littérale de l’original]

[26]           Il conclut :

Je crois sincèrement que cette entente serait équitable.

Je suis prêt à t'aider à poursuivre mais non pas financièrement.

Mon bout de chemin est fait et je penses tu le sait.

[Reproduction littérale de l’original; soulignés du Tribunal]

[27]           27 janvier 2021 : Les discussions progressent. CT Metal veut manifestement continuer ses opérations et c’est dans cette perspective de transition que les discussions s’engagent résolument. Poirier transmet un nouveau courriel coiffé du titre « Sujet : transition honorable ». Il indique « si tu acceptes je vais mettre au propre sur une lettre ».

[28]           Pour l’approvisionnement en pièces, il propose les conditions suivantes :

D’acheter la moitié 850 Couvert au cost 2020 dites zone grise. (Moitié temporaire et moitié Mtl.)

Pour les quantité suivante, Daniel devras commander et Importer directement de Utkal.

D’acheter une quantité suffisante pour démarrer ton année au cost déterminé de 2020.

D’avoir logo CTMetal et travaillé avec ton nom a partir du 01 Mars 2021pour faire facturation et site web.

[Reproduction littérale de l’original]

[29]           Il exige aussi que CT Metal fasse faire 3 patrons pour les couvercles de puisards de 750 mm et 4 patrons pour les couvercles de puisard de 775 mm. 

[30]           Finalement, et cela est de grande importance, il indique qu’après le 1er mars 2023, une entente devra être conclue :

Période de transition se terminant le 01 Mars 2023, âpres cette date plus rien n’est possible

Dans le respect des conditions.

Stéphane s’engage à :

Accorder par contrat 50 % des droit d’exclusivité Utkal Moulding à Daniel le 01 Mars 2023.

Accorder par contrat 50 % des droit d’exclusivité avec le BNQ pour l’usine Utkal Moulding pour lequelle Daniel devra d’effrayer la moitié des coût relié au maintiens du certificat 2732BNQ.

[Reproduction littérale de l’original]

[31]           28 janvier 2021 : Manifestement d’autres discussions interviennent. Poirier transmet une nouvelle version des conditions en indiquant « chum, check ça plz et dis moi ton opinion ». Il indique que c’est une « épreuve non officiel » et que si Laroque accepte, « je vais mettre au propre dans une lettre ».  On retrouve les mêmes éléments que ceux énoncés précédemment, mais avec des précisions :

31.1.            Pour l’achat d’inventaire, l’achat ne se limitera pas aux seuls 850 couverts. D’autres achats sont entrevus, mais « cet achat du Stock à Stéphane se fera une seule fois le 01 Mars ou avant pour permette à Daniel de démarrer son année » et « cette commande doit être donné à Stéphane avant le 15 Fev.2021 et payé le ou avant le 01 Mars 2021 ». Dans ce contexte, CT Metal ne peut pas «acheter plus de la moitié des stocks entreposé ou sur le bateau».

31.2.            CT Metal doit avoir son logo et opérer sous ce nom à partir du 01 Mars 2021 pour les fins de facturation et du site web. Notons que depuis 2019, CT Metal fonctionne sous la raison sociale Iron4City Distribution et que tous l’adresse courriels des Laroque se trouve à Iron4City.

31.3.            Il est aussi préciser que « dans le respect des conditions », «Stéphane s’engage à  autoriser CT Metal à acheter et importer le produit Iron4City directement d’Utkal jusqu’au 1er mars 2023 ».

[32]           8 février et 9 février 2021 : Laroque et Poirier continuent leurs discussions. Les éléments essentiels de la transaction demeurent. CT Métal ajoute des précisions. Ainsi le nombre exact de « couverts » et les modalités de paiement pour les inventaires sur les bateaux sont précisés. Il est aussi entrevu que si le délai de certification est plus long que le 1er mars 2023, une extension des mesures transitoires serait convenue. De plus, il est convenu que CT Métal sera remboursée à concurrence de 50% des coûts pour les patrons fabriqués durant le « partenariat ».

[33]           9 février 2021 : Poirier écrit : « je pense que Claude peux monter une épreuve avec ça et on discuter s’il y a de quoi ».  Claude est Me Claude Prévost.

[34]           10 février 2021 : Poirier insiste sur le fait que c’est à CT Metal de payer Me Prévost, car c’est elle qui l’a mandaté. Il réitère qu’il va « collaborer à 100%». Cela montre bien que Poirier croit que cette étape est une formalité inutile.

[35]           17 février 2021 : Poirier fournit d’autres suggestions pour gérer la question des « couverts ». Il indique « on va faire un décompte après 36 mois et on va se racheter de l’un ou l’autre un nombre de couvert pour créer un équilibre dans le but de s’aider à diluer cette perte ».

[36]           20 février 2021 : en lien avec la question des patrons, Stéphane écrit à Utkal le 20 février un courriel intitulé « Pattern cost », en mettant Daniel en copie.  Il demande :  « For some adaptation between me and mr. Daniel, Could you please send me a copy of all the bills No rush plz».  Utkal répond et fournit la liste de factures suivantes:

Invoice no. UM/DN/17-18/001 Dated 07.05.2017  -US$   7983.00

Invoice no. UMES/K/18-19/001 Dated 13.08.2018  -US$ 10750.00

Invoice no. UMES/K/18-19/002 Dated 14.08.2018  -US$   6708.70

Invoice no. UMES/K/19-20/005 Dated 05.08.2019  -US$   4840.00

[37]           Jusque-là, il y a manifestement accord parfait.

[38]           26 février 2021 : Provost génère un projet de lettre et y annexe la dernière version du 9 février 2021. Son projet ne sera jamais signé.  CT Metal allègue que Poirier a indiqué à Daniel Laroque qu’il n’était pas nécessaire de signer le projet d’entente, car « sa parole était suffisante ».  Poirier nie avoir dit cela.

[39]           Le Tribunal a beau cherché dans la déclaration sous serment de Poirier une explication pourquoi il ne l’a pas signé et à quoi il s’objectait, le cas échéant, mais aucune telle explication n’est fournie. Le supposé refus de donner son consentement que Poirier invoque aujourd’hui est d’autant plus curieux vu que c’est lui-même qui a donné le feu vert pour que le document soit envoyé à « Claude » pour qu’il monte une « épreuve » et qu’en fait, à part quelques interventions de CT Metal les 8 et 9 février, c’est Poirier qui est l’auteur de toutes les versions qui ont circulé.

[40]           Le supposé refus de Poirier de reconnaitre qu’une entente est intervenue, au stade provisoire où le Tribunal se retrouve, n’est nullement crédible.

[41]           Cela est d’autant plus frappant lorsque l’on constate que toutes les étapes qui sont entrevues dans les échanges rapportés ci-dessus ont été intégralement accomplies, et ce jusqu’au revirement de Iron4City en septembre 2022.  En effet :

41.1.            L’année financière au 1er mars est fermée comme envisagé et les ajustements et redressements sont convenus.

41.2.            Bien que la déclaration sous serment de Poirier semble le nier, son avocat précise au Tribunal que sa cliente ne nie pas que les inventaires ont été achetés. 

41.3.            Le registre des entreprises montre que dès le 4 février 2021, Iron4City Distribution n’est plus un nom inscrit au registre des entreprises par la demanderesse et elle reprend le nom CT Metal.

41.4.            CT Metal achète sa production directement de Uktal. En 2020, elle reçoit par bateau 20 chargements pour une masse totale d’environ 500 t.m. En 2021, elle reçoit près de 200 t.m. par 9 voyages de bateaux.

41.5.            CT Metal entame sa certification auprès de la BNQ. Ce processus est plus rapide qu’entrevu. Dès lors, les pièces portent le logo CT Metal.

41.6.            Uktal convient de produire de nouveaux patrons pour les couverts avec Utkal.

[42]           Le Tribunal doit donc tirer l’inférence, au stade provisoire, qu’il y avait entente du moins pour la phase transitoire, c’est-à-dire, jusqu’au 1er mars 2023.

[43]           Il est utile en guise d’épilogue à ce thème de rappeler que la Cour d’appel explique dans Jolicoeur qu’il faut rejeter des « bornes rigides » pour établir s’il y a échange de consentement. Elle souligne qu’« il est impérieux qu'il y ait émergence d'une volonté commune sur tous les éléments essentiels du contrat » [5]. L’article 1387 C.c.Q. prévoit d’ailleurs qu’il peut y avoir contrat, même si les parties se réservent leur accord sur certains éléments secondaires.    En l’instance, il est clair qu’il y a eu entente sur tous les éléments essentiels et sur la substance des mesures transitoires.

[44]           Le Tribunal doit conclure au stade provisoire que cette entente prévoit sans équivoque que CT Metal peut faire affaire avec Utkal au moins jusqu’au 1er mars 2023 et après, pourvu que les conditions de l’entente soient respectées durant la phase transitoire. Iron4City est donc forclose d’invoquer le Contrat Utkal et sa clause d’exclusivité pour empêcher Utkal de faire affaire avec CT Metal.

4.                 Le processus de certification de CT Métal auprès du BNQ

[45]           Le 28 septembre 2021, CT Métal signe un contrat avec le BNQ afin de certifier les produits qu’elle entend importer et distribuer (l’ « Entente BNQ »). Cette Entente BNQ prévoit que le BNQ fournira les services de certification et qu’il ou son mandataire effectuera cinq visites de contrôle en Inde aux frais de CT Métal. Utkal est le « Client» alors que CT Métal le «Paying Client» puisque c’est les pièces d’Utkal qui sont certifiées[6].

[46]           La certification a effectivement lieu et un certificat est émis le 22 janvier 2022 qui demeure valide jusqu’au 31 janvier 2024, pour « des cadres, grilles et tampons – Moulages en fonte grise ou en force ductile pour travaux de génie civil », une liste complète des produits étant fournie en annexe[7].

[47]           Manifestement, Poirier en est avisé. En avril 2022, il écrit à Basant Ajmera d’Utkal ce qui suit :

We inform you that CT Metal are no more authorized buying IRON4CITY products.

IRON4CITY is a brand belong to 6370119 Canada inc.

Meanwhile,

Since they are certified

They can ONLY order CT Metal brand from Utkal for which they are certified.

[Reproduction littérale de l’original; soulignés du Tribunal]

 

[48]           Une fois certifiée, l’Entente BNQ indique que le « normal process to issue and for maintaining the certificate of conformity requires 5 control visits at Client’s [Utkal]».

[49]           La seule conclusion à laquelle le Tribunal peut en venir est que si le « control visit » n’est pas effectué en temps utile, le certificat de conformité n’est pas « maintained » et sera donc suspendu ou annulé.

5.                 La relation commerciale entre CT tal et Utkal

[50]           Dans la foulée de l’entente pour la période transitoire, une série de commandes est passée par CT Metal auprès de Utkal audébut mars 2021. Durant cette année 2021, près de 500 tonnes métriques de produits de fonte seront commandées et seront expédiées par 20 bateaux différents. Il s’agit donc d’environ 8% de la production totale annuelle d'Utkal[8].

[51]           En janvier 2022, comme déjà indiqué, les produits Utkal sont certifiés.

[52]           En avril 2022, Utkal reçoit le courriel de Poirier l’intimant de désormais produire des biens CT Metal pour CT Metal. Amerja écrit alors à Daniel Laroque et lui souligne que CT Metal n’est plus autorisé à acheter des produits Iron4City. Il lui explique que puisque CT Metal a maintenant sa propre marque (brand), CT Metal devrait dorénavant produire les produits sous sa propre marque. Il lui indique aussi que cela est très important vu les contrôles du BNQ à venir. Utkal doit pouvoir démontrer à BNQ qu’elle a produit des pièces CT Metal. Il lui recommande aussi de développer de nouveaux patrons. Il lui propose de les développer et de les lui facturer, à concurrence de 50% en mars 2023 et le reste en juin juillet 2023. Cela montre bien qu’il entrevoit une relation à long terme et c’est précisément ce qu’il représente à CT Metal. Amerja conclut sur cette note lyrique :

Please give your thoughts and wish that, let bitter passed be forgotten and you could start with clean slate so that, you can concentrate on your brand and we are there to support you. I am sure, this is a way forward to work as sky is the limit for your hard working and contacts.

[53]           L’enthousiasme et le désir de Uktal de faire affaire avec CT Metal sautent donc aux yeux.

[54]           La production se poursuit en 2022 au même rythme qu’en 2021. D’avril à septembre, près de 200 tonnes de pièces sont placées sur 9 bateaux différents à destination de CT Metal.

[55]           Et c’est là que tombe la lettre de mise en demeure de Iron4City qu’il y a lieu de reproduire :

 In terms of the agreement signed by you on 19.12.2020 with Iron4city which is a protected trademark owned by 6371019 Canada Inc. (Iron4city).

You are therefore under obligation to respect the agreement signed between you & lron4city.

The deficiency of your suppling the product to CT Metal is violation of the agreement & this deficiency needs to be corrected.

We, therefore, no longer allow CT Metal to buying from our supplier Utkal Moulding Pvt. Ltd.

Any goods manufactured in the name of CT Metal or in the process of being manufactured must in all cases have been manufactured before December 01, 2022 and sent before or at the latest on March 01, 2023.

The reason for our decision:

Lack of respect. Intimidation attempt. Unfair competition.

It was a privilege to have given them this right, for which they are far from respecting us.

IRON4CiTY is a protected trademark owned by 6371019 Canada Inc. (Iron4city)

Attached contract between Utkal and lron4city.

They must find a new supplier to get their full independence.

We believe that delay is acceptable.

This is a normal Business decision.

[Reproduction littérale de l’originale; soulignés du Tribunal]

[56]           Utkal continue donc de produire des biens puisque l’échéance du 1er décembre est loin. Le 14 novembre 2022, Uktal indique qu’elle est prête remplir deux nouveaux conteneurs avec près de 50 tonnes de pièces et demande à CT Metal de lui envoyer ces conteneurs. Des échanges ont lieu quant à la livraison de ces conteneurs au cours des deux semaines suivantes. Le 29 novembre à 2 :03, Ajmera écrit indiquant qu’ils n’ont toujours pas de nouvelles de la société de conteneurs KSR. Il alerte CT Metal au fait que « this is causing a delay due to which the schedule of December 2022 will be affected and will lead to complication»[9]. Ainsi, Ajmera est préoccupé et veut maximiser la production pour décembre, soit après la date d’échéance.

[57]           Deux heures plus tard, Ajmera écrit à nouveau à CT Metal cette fois-ci à propos du contrôle (audit) de la BNQ. Il explique :

We are informed by SGS (BNQ representative in India) that the surveillance audit will be due in month of Dec. 2022 (Licence no. 3972). As you know under agreement signed with Iron4City we are restricted in supplying material to any other buyer. Hence, as you already know you will need to find a new supplier. In these circumstances, kindly speak with BNQ and informed them that, this surveillance audit which is due in Dec. 2022 may not be needed.

[58]           À partir de ce moment, les récits divergent sensiblement.

[59]           Selon la déclaration sous serment additionnelle de Martin Laroque, il communique alors avec Ajmera et lui explique que l’inspection est nécessaire au maintien du certificat octroyé par le BNQ. Ajmera lui explique alors ce qui suit :

 5. Lors de cet appel, M. Ajmera m’a indiqué que dans l’éventualité où un jugement serait rendu et permettrait à Utkal de maintenir sa relation d’affaires avec CT Metal, sans aucune restriction de la part de [Iron4City] et sans qu’Uktal soit considérée comme étant en violation de ses obligations envers Iron4City, Uktal permettrait aux représentants de la BNQ de procéder à l’inspection et maintiendrait sa relation d’affaires avec CT Metal;

 

[60]           C’est donc cette conversation qui a animé l’institution de la déclaration.

[61]           M. Ajmera relate toutefois une histoire très différente dans sa déclaration sous serment du 7 décembre 2022.

[62]           Vu l’historique de relations cordiales et intenses entre CT Metal et Utkal, cette déclaration sous serment est déroutante à bien des égards, autant par son contenu que par son ton agressif. 

[63]           Ajmera y affirme qu’ « UTKAL business relationship with 9347 is solely contingent to our sovereign business discretion and availabilities of products», qu’«UTKAL is not bound nor has agreed to continue or entertain any business endeavour with the latter» et que les allégations de «potential future business with UKTAL is not accurate at all».

[64]           Il est impossible de concilier ces affirmations avec le fait qu’Utkal a produit en 2022 250 tonnes métriques de pièces de fonte en six mois, soit environ 8% de sa production totale et qu’elle expédie à CT Metal avec une grande régularité. Ces affirmations sont aussi en contradiction flagrante avec les promesses d’Utkal qu’elle est là  «to support you» et «sky is the limit». Finalement, pourquoi avoir offert de produire des moules et avoir assorti cette offre de termes de paiement avantageux en mars et en juin 2023 s’il est faux de prétendre qu’il y avait une attente de la part de CT Metal de «potential future business»? Manifestement c’est précisément une relation à long terme et privilégiée qui était envisagée et certainement pas des livraisons sporadiques au gré de la disponibilité du produit. 

[65]           Aussi surprenante est l’affirmation que « UTKAL takes offence to any allegation that our affairs are influenced by Iron4City nor shall we be forced to do business with [CT Metal]». Or, Ajmera expliquait dans le courriel du 29 novembre: «As you know under agreement signed with Iron4City we are restricted in supplying material to any other buyer». En termes daffirmations contradictoires, il est difficile de faire mieux. Quelle version est fausse?

[66]           L’affirmation la plus invraisemblable d’Ajmera vient toutefois à la fin de la déclaration sous serment :

[62] We also ask this Honourable Court to recognize UTKAL position that it is absolutely extraneous, nor has it made any promises nor has it accepted to be bound in any way towards 9347 commercially or in assisting towards BNQ Certification.

[67]           Il affirme cela sous serment, alors que le 4 avril 2022 il s’évertuait à expliquer comment Utkal l’aiderait à se mettre en meilleure posture pour le très important prochain audit de la BNQ et l’alertant quant à un «big technical problem» à cet qu’il faut adresser prioritairement.

[68]           Au final, l’explication qu’offre CT Metal pour ce comportement troublant est le plus vraisemblable, c’est-à-dire : les pressions exercées par Iron4City ont eu le meilleur de la volonté clairement affirmée d’Utkal de faire affaire avec CT Metal. Utkal veut à présent éviter tout recours d’Iron4City pouvant découler d’une possible violation de l’exclusivité et des graves pénalités prévues au contrat.

[69]           Cette mise en contexte ayant été faite, le Tribunal effectue à présent son analyse des critères applicables.

ANALYSE

[70]           En matière d’injonction interlocutoire, CT Metal a le fardeau d’établir une apparence de droit, un préjudice sérieux ou irréparable, que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur et qu’il y a urgence.

[71]           Le Tribunal est d’avis qu’elle se décharge de ce fardeau pour les raisons qui suivent.

1.        Droit apparent

[72]           La demanderesse plaide qu’elle a un droit apparent à demander au Tribunal d’ordonner à Iron4City de cesser d’entraver la relation entre Uktal et CT Metal en invoquant son prétendu droit à l’exclusivité découlant du Contrat Uktal.

[73]           Elle dit que Iron4City invoque cette exclusivité de façon abusive et fautive, car d’une part, Iron4City a explicitement permis qu’Uktal fournisse CT Metal en pièces dans l’entente sur la période transitoire et ce nonobstant la clause d’exclusivité au Contrat Uktal et que, d’autre part, l’exclusivité du Contrat Utkal a toujours été au bénéficie de CT Metal, car elle était toutes deux des parties à une société en participation et qu’il y avait donc mise en commun des actifs.

[74]           Le Tribunal estime que la première proposition est bien fondée et qu’il n’a donc pas à se prononcer sur la deuxième. Il se limitera à remarquer pour ce deuxième argument que si les parties ont négocié une entente de mesures de transition que la demanderesse croit exécutoire, et que celle entente prévoit spécifiquement que la cession de 50% des droits d’exclusivité (un concept de prime abord nébuleux) arrivera à la fin de la période de transition « sous réserve du respect des modalités prévues de l’entente pendant la période de transition », alors cela semble à première vue incompatible avec le deuxième argument. Le Tribunal n’a toutefois pas à décider de cette deuxième question puisque la seule existence d’une entente pendant la période de transition qui échoit le 1er mars 2023 suffit pour disposer de la question dont il est saisi.

[75]           Le Tribunal juge effectivement que l’entente intervenue entre les parties pour gouverner leur séparation pour la période de transition jusqu’au 1er mars 2023 établit un droit clair pour CT Metal de faire affaire avec Utkal durant cette période. Le Tribunal vient à cette conclusion en fonction des constats suivants :

75.1.            Tel qu’expliqué à la section 3 du contexte, il y a forte apparence de droit que les parties en sont venues à une entente pour la période transitoire et que cette entente prévoit que CT Metal peut continuer à s’approvisionner auprès d’Utkal, nonobstant l’exclusivité prévue au Contrat d’Utkal qu’Iron4City renonce à invoquer pour cette période.

75.2.            Iron4City a de plus instruit Utkal le 4 avril 2022 que CT Metal « can ONLY order CT Metal brand from Utkal for which they are certified».  Ceci est totalement incompatible avec l’affirmation qu’une exclusivité existait.

75.3.            Le 1er septembre 2022, Iron4City met toutefois Utkal en demeure de cesser de fournir des produits à CT Metal : «the deficiency of your suppling the product to CT Metal is violation of the agreement & this deficiency needs to be corrected».  Dans cette lettre de mise en demeure, Iron4City reconnaît qu’il avait « given this right » à CT Metal, mais qu’il le retire.

75.4.            Il fixe un délai (totalement aléatoire) au 1er décembre pour cesser de produire des produits et au 1er mars 2023 pour cesser d’envoyer des produits.

[76]           Conformément à l’article 6 du Code civil du Québec, Iron4City doit exercer ses droits civils, dont le Contrat Utkal, selon les exigences de la bonne foi. Elle ne répond pas à ces exigences en faisant abstraction des engagements contractés pour la période de transition.  Par ailleurs, il y a aussi apparence de droit qu’Iron4City exerce le Contrat d’Uktal en vue de nuire à CT Metal ou d’une manière excessive et déraisonnable.

[77]           Il y a donc forte apparence de droit que le fait d’invoquer un droit d’exclusivité durant la période transitoire est un comportement abusif, animé par la mauvaise foi et que le Tribunal doit donc ordonner à CT Metal de cesser un tel comportement. 

2.                 Préjudice irréparable

[78]             La demanderesse n’a pas à démontrer un préjudice irréparable. Un préjudice sérieux suffit. La Cour d’appel dans Groupe CRH invite les tribunaux québécois à respecter non seulement la spécificité de la procédure québécoise et de l’article 511C.p.c. traite de préjudice sérieux ou irréparable, mais aussi la spécificité du droit civil substantif puisque le Code civil à l’article 1601 C.c.Q. énonce le droit à l’exécution en nature «dans les cas qui le permettent »[10]. C’est ce qui amène la Cour d’appel à dire :

[33]    Ainsi, particulièrement s’il s’agit d’une demande relevant du droit privé et opposant un créancier à son débiteur en cas d’inexécution de son obligation, dans les circonstances qui s’y prêtent une injonction interlocutoire peut être émise au Québec si celui qui la demande établit un préjudice « sérieux », et ce, même si le préjudice n’est pas nécessairement « irréparable » en ce qu’il pourrait être compensé au moyen de dommages-intérêts.

 [Soulignés du Tribunal]

[79]           CT Metal explique avec précision le préjudice sérieux sinon irréparable qu’elle subira aux paragraphes 64 à 68 de sa demande.

[80]           En l’instance, il est évident que l’arrêt brutal de production aura des effets délétères importants sur CT Metal. Le Tribunal a manifestement connaissance judiciaire des grands défis que posent les chaînes d’approvisionnement mondiales.  Par ailleurs, consolider une relation avec un fournisseur, faire confectionner des moules, certifier le nouveau fournisseur par le BNQ et obtenir les livraisons par bateau entraînera de très grands délais. Cela pourra avoir un effet sur les engagements actuels ou futurs de CT Metal envers ses clients et mettra à mal sa réputation.

[81]           Le préjudice sérieux ou irréparable est donc établi.

3.                 Prépondérance des inconvénients

[82]             Les inconvénients que CT Metal subiraient sans injonction sont ceux expliqués sous la rubrique précédente.

[83]           Les seuls inconvénients qu’Iron4City invoquent dans sa demande sont ceux ayant trait au caractère vague et imprécis des conclusions. Or, les conclusions que le Tribunal ordonne n’ont rien de vague. Elles contraignent Iron4City à maintenir la même posture qu’elle a adoptée volontairement de mars 2021 au 1er septembre 2022 et qu’elle s’est ensuite engagé à maintenir jusqu’au 1er mars 2023.

4.        Urgence

[84]           Le refus catégorique de permettre la visite de contrôle crée une situation de grande urgence.

[85]           En avril 2022, Utkal, faisant preuve d’une grande sollicitude qui s’est évaporée depuis, mettait CT Metal en garde contre un «  big technical problem» à l’approche du contrôle par le mandataire du BNQ. Aujourd’hui on tente de minimiser les impacts d’une absence de contrôle. Les avocats d’Iron4City et Utkal ont avancé que le défaut d’Utkal de se soumettre au contrôle n’aurait pas de conséquence pour les biens déjà livrés ou en transit. CT Metal pourrait donc les vendre, et cela malgré que les conditions de maintien de la certification ne sont pas remplies.  Ils n’ont fourni aucun appui pour cette affirmation surprenante. Or, cette conclusion est très invraisemblable et contraire à tout l’esprit du régime de certification soumis à des contrôles réguliers. Le Tribunal est d’avis qu’il est très téméraire d’avancer une telle chose sans appui explicite dans les normes du BNQ applicables. 

[86]           Le Tribunal retient au contraire que le refus de soumettre au contrôle aura vraisemblablement comme effet de suspendre sinon d’annuler la certification et que dès lors, CT Metal ne pourra plus représenter au public que ses biens sont certifiés. Faut-il le rappeler, ces produits sont destinés en grande partie à l’usage des municipalités. Cela exige de hautes normes de sécurité. Il serait déroutant que le fournisseur de matériaux n’ait pas à divulguer la perte ou suspension de la certification dès qu’elle survient et qu’il puisse tranquillement continuer d’écouler ses inventaires.

[87]           Il y a donc clairement urgence.

[88]           Poirier indique dans sa déclaration sous serment que « la situation dont se plaint [CT Metal] relative à la certification du BNQ n’est aucunement attribuable à la Défenderesse ». À la lumière du courriel d’Ajmera du 29 novembre 2022, cela est faux. C’est précisément le fait qu’Iron4City invoque son droit à l’exclusivité qui est la cause de la décision d’Utkal de ne plus vouloir de contrôle par le mandataire du BNQ.

REMARQUES FINALES

[89]           À la lumière de la déclaration sous serment d’Ajmera, il est fort possible qu’Utkal maintiendra sa position de ne pas faire affaire avec CT Metal et que la présente ordonnance n’ait aucun effet concret.  

[90]           Ce serait regrettable, car un litige attendra assurément les parties dont les coûts directs et indirects risquent d’être considérables.

[91]           Si la conclusion provisoire du Tribunal voulant qu’Iron4City agit de façon abusive et de mauvaise foi en invoquant soudainement un droit à l’exclusivité en violation de ses engagements était confirmée au fond, Iron4City s’exposerait à des dommages prévisibles très importants en interdisant à CT Metal de fournir des pièces pendant cette période convenue. 

[92]           Toujours au stade provisoire et sans évidemment qu’une audience ait été tenue sur le fond pour donner tout l’éclairage utile, il appert que la nature de la relation entre Utkal et CF Metal ne correspond nullement à la description qu’en fait Ajmera dans sa déclaration. De prime abord, des attentes ont été créés par Utkal. Rappelons que l’article 1375 C.c.Q. précise que «la bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction ». L’article 7 de la Charte empêche une partie d’abuser de ses droits contractuels. Le concept de « sovereign business decision » est bien plus relatif que ne semble le suggérer Ajmera. Cela étant dit, il est indiscutable qu’Utkal a, en fin de compte, le droit, sous réserve de ses obligations d’agir de bonne foi, de choisir ses partenaires commerciaux.

[93]           Il semble aussi évident que tout refus d’Utkal de permettre le contrôle de son établissement pour les fins du maintien de la certification de CT Metal durant au moins la période de transition risque fort d’entraîner la suspension ou l’annulation de la certification. Les représentations des parties laissent le Tribunal sous la nette impression que les tenants et aboutissants d’une telle décision n’ont pas été examinés avec le soin qu’ils commandent. S’il y a suspension ou annulation, il est tout à fait prévisible qu’il y aura une chute de dominos. Utkal ne sera alors certainement pas « expunged » du dossier, comme elle le souhaite au paragraphe 16 de la déclaration sous serment d’Ajmera. Bien au contraire, elle en deviendra une partie intégrante puisque qu’en matière d’action personnelle, tout préjudice subi au Québec donne compétente aux tribunaux québécois en vertu de l’article 3148 (30) C.c.Q.

[94]           Finalement, si effectivement l’entente intervenue pour les mesures de transition est telle que la décrit Me Prévost, et que la « cession de 50% des droits du contrat d’exclusivité » est sujette au respect des conditions de l’entente sur les modalités de transition, toute discrétion d’Iron4City à ce sujet est modulée. Toute refus de partager l’exclusivité doit être exercé de bonne foi. Cela commande comme première étape qu’Iron4City explique en quoi les conditions ne sont pas respectées par CT Metal pour permettre, potentiellement, à CT Metal d’y remédier. Le contenu de la lettre du 1er septembre 2022 ((P-16) est clairement insatisfaisant à ce propos ne donnant aucune information.  Le choix de ne pas répondre à la mise en demeure depuis deux mois s’inscrit très mal dans le cadre de l’exercice raisonnable et de bonne foi de toute discrétion.

[95]           Le Tribunal encourage donc les parties à trouver une solution commerciale cohérente à leur litige, plutôt que d’adopter une perspective de somme nulle où le gain de l’un signifie nécessairement la perte de l’autre.  

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[96]           PRONONCE une injonction interlocutoire provisoire pour valoir jusqu’au 19 décembre 2022 comprenant les ordonnances qui suivent;

96.1.            ORDONNE à 6371019 Canada inc., et à son dirigeant Stéphane Poirier de de ne pas exiger qu’Utkal Mouldings PVT Ltd. cesse de produire, vendre ou livrer des biens à 9347-9954 Québec inc.;

96.2.            ORDONNE à 6371019 Canada inc. et à son dirigeant Stéphane Poirier de ne pas faire valoir par quelque moyen de communication que ce soit à Utkal Mouldings PVT Ltd. qu’elle viole l’Exclusive Distribution Agreement intervenu le 15 décembre 2020 en faisant affaire avec 9347-9954 Québec inc;

[97]           DISPENSE la demanderesse de fournir un cautionnement;

[98]           AUTORISE la demanderesse à signifier le présent jugement hors des heures légales de signification;

[99]           LE TOUT, frais à suivre le sort du litige;

 

 

 

__________________________________christian immer j.c.s.

 

Me François Viau

Me Ilias Hmimas

GOWLING WLG

Avocats de la demanderesse

 

Me Christophe Perron-Martel

Force-Légal Inc.

Avocats de la défenderesse

 

Gianni F. De Sua

ASTELL CAZA DE SUA

Avocats de la mise en cause

 

Date d’audience :

7 décembre 2022

 

 


[1]  Pièce P-4 et P-4A.

[2]  Pièce P-5.

[3]  Pièce P-7.

[4]  Pièce P-8.

[5]  Jolicoeur c. Rainville, 2000 CanLII 30012 (QC C.A.), par. 50.

[6]  Pièce P-

[7]  Pièce P-12.

[8]  Basan Ajmera explique dans sa déclaration sous serment que Utkal produit environ 6000 tonnes métriques de produit par année.

[9]  Pièce ML-1 au soutien de la déclaration sous serment additionnelle de Martin Laroque.

[10]  Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard, 2018 QCCA 1063, par. 30 à 33.

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