Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Girard | 2024 QCCDTSTCF 14 |
CONSEIL DE DISCIPLINE | ||||
ORDRE DES TRAVAILLEURS SOCIAUX ET | ||||
CANADA | ||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||
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No : | 37-21-090 | |||
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DATE : | Le 14 juin 2024. | |||
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LE CONSEIL : | Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO | Présidente | ||
Mme SONIA GILBERT, T.S. | Membre | |||
M. RICHARD LABERGE, T.S. | Membre | |||
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MÉLANIE PIN, travailleuse sociale, en sa qualité de syndique adjointe de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec | ||||
Plaignante | ||||
c. | ||||
PATRICK GIRARD, travailleur social | ||||
Intimé | ||||
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DÉCISION SUR CULPABILITÉ | ||||
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LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE FONDÉE SUR L’ARTICLE EN VERTU DE LA MÊME DISPOSITION, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE INTERDISANT LA DIVULGATION, LA PUBLICATION ET LA DIFFUSION DU NOM DU CLIENT VISÉ PAR LA PIÈCE DÉPOSÉE SOUS LA COTE RI-16, ET DE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE L’IDENTIFIER, ET CE, AFIN DE RESPECTER SON DROIT À LA VIE PRIVÉE ET DE PRÉSERVER LE SECRET PROFESSIONNEL. LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE DE MISE SOUS SCELLÉES EN APPLICATION DE POUVOIRS PRÉVUS À L’ARTICLE 143 DU CODE DES PROFESSIONS CONCERNANT LES PIÈCES DÉPOSÉES SOUS LES COTES I-2 À I-5, I-7, I-8, I-13 ET I-14, S’AGISSANT D’ÉLÉMENTS DE PREUVE LIÉS À L’ACTE D’ACCUSATION CRIMINELLE PORTÉE CONTRE L’INTIMÉ, LESQUELS SONT PRÉSENTÉS LORS DE L’ENQUÊTE PRÉLIMINAIRE À L’ISSUE DE LAQUELLE IL NE SE TIENT PAS DE PROCÈS. | ||||
APERÇU
[1] Le Conseil de discipline (le Conseil) est saisi de la plainte disciplinaire que Mme Mélanie Pin (la plaignante), syndique adjointe de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (l’Ordre), dépose contre M. Patrick Girard (l’intimé), lui reprochant de s’être approprié des sommes d’argent appartenant à des clients (chefs 1, 2 et 4) et d’avoir contrefait la signature de l’un d’eux (chef 3).
[2] La plaignante porte la plainte contre l’intimé le 12 janvier 2021.
[3] Le 21 janvier 2021, ce dernier présente une « Requête de la partie intimée en rejet sommaire du chef no 3 de la plainte », laquelle est modifiée le 11 février 2022.
[4] Le 1er avril 2022[1], le Conseil rejette cette requête.
[5] Le 26 mai 2022, l’intimé enregistre un plaidoyer de non-culpabilité sous chacun des quatre chefs contenus dans la plainte.
[6] Le 11 janvier 2023, conformément à l’article 2870 C.c.Q., la plaignante avise l’intimé de son intention de produire en preuve la déclaration écrite du client visé aux chefs 2 et 3, laquelle est datée du 23 novembre 2017, et ce, pour valoir témoignage (la Déclaration écrite), ce à quoi s’oppose l’intimé.
[7] Le 17 janvier 2023, le Conseil autorise le retrait du chef 4 comme demandé par la plaignante.
[8] La plainte modifiée est ainsi libellée :
En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 3.02.01 du Code de déontologie des membres de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec ou, à défaut d’application de cet article, a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article
En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article
En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article
[Transcription textuelle, sauf anonymisation]
[9] Le 27 janvier 2023, Me Dufour informe le Conseil qu’elle cesse d’occuper dans le présent dossier et que Me Rose-Mélanie Drivod (Me Drivod) lui substituera.
[11] Le 31 janvier 2023, il est convenu avec les parties de tenir un voir-dire sur la recevabilité de la Déclaration écrite, et ce, à même l’instruction de la plainte.
[12] Les parties consentent alors explicitement à ce que la preuve administrée lors du voir-dire soit considérée sur culpabilité parce qu’elle est essentiellement constituée du témoignage de personnes déjà citées à comparaître au mérite et des pièces qu’elles entendent leur faire produire.
[13] Le Conseil ouvre le voir-dire le 21 mars 2023 et poursuit concurremment l’instruction de la plainte.
[14] Les 17 et 18 mai et le 2 juin 2023, le Conseil poursuit l’instruction de la plainte modifiée sur culpabilité et tient le voir-dire.
[15] Au terme de l’audience qui a lieu à la dernière de ces dates, le voir-dire est complété et les parties sont avisées qu’une décision écrite serait rendue sur la question en ayant fait l’objet, et ce, avant la reprise de l’instruction de la plainte dont l’audience est prévue le 8 juin 2023.
[16] Le 7 juin 2023[2], le Conseil rend sa décision et déclare irrecevable en preuve la Déclaration écrite du client visé aux chefs 2 et 3, laquelle est identifiée « pièce P-9.16 » par la plaignante.
[17] Le 9 juin 2023, l’intimé dépose au Greffe une « Requête en arrêt des procédures sur les chefs 1 et 2 et avis au procureur général » au motif que son droit à une défense pleine et entière est enfreint sous ces deux chefs, en raison de la destruction d’éléments de preuve démontrant les montants d’argent ayant été retirés des comptes en fidéicommis des clients visés (soit les formulaires « Retrait en fidéicommis »), ceux déposés dans le coffre-fort (soit les fiches retrait/dépôt) et ceux remis aux deux clients en question (soit les Calendriers).
[18] Le 16 juin 2023, la plaignante annonce qu’elle s’oppose à la qualification d’expert recherchée par l’intimé à l’égard du deuxième témoin qu’il a l’intention de citer à comparaître devant le Conseil, afin de faire état de ses démarches de révision du travail effectué par l’expert qui a produit le rapport.
[19] Le 19 juin 2023, l’instruction se poursuit et les parties ont l’occasion de débattre de cette dernière question.
[20] Le même jour, le Conseil décide que suivant le principe de la proportionnalité, l’intérêt de la justice et la saine gestion de l’instance requièrent que l’intimé ne fasse pas entendre deux témoins experts en écriture sur un seul et même document expertisé.
[21] Le 19 janvier 2024, l’intimé dépose une « Requête amendée en arrêt des procédures sur les chefs 1 et 2 et avis au procureur général » (la Requête).
[22] L’instruction de la plainte prend fin le 29 février 2024 et au terme de l’audience qui se tient à cette date, l’intimé s’engage à transmettre un plan d’argumentation modifié, d’ici le 13 mars 2024.
[23] Les parties sont avisées que l’affaire sera prise en délibéré le lendemain.
[24] Cependant, le 12 mars 2024, en outre du plan d’argumentation modifié promis, l’intimé envoie une lettre datée du même jour constituant sa réponse à un argument invoqué le 29 janvier 2024 par la plaignante lors de l’instruction de la demande en arrêt des procédures et au paragraphe 30 du plan d’argumentation de cette dernière.
[25] Comme il s'agit d'observations additionnelles découlant d’un oubli de l’intimé et non d’un engagement pris lors de l’instruction et comme la plaignante conteste cette initiative de l’intimé, par souci d’équité envers les parties, le 18 mars 2024, ces dernières sont avisées que les observations contenues dans la lettre datée du 12 mars 2024 ne seront pas considérées par le Conseil pour la décision qu’il est appelé à rendre sur culpabilité.
[26] Les 20 jours d’audience tenus dans le présent dossier amènent en effet le Conseil à conclure que les parties ont eu pleinement l’occasion de soumettre leurs prétentions, et ce, dans le respect du déroulement de l’instruction prévue à l’article
[27] L’affaire est donc prise en délibéré le même jour.
[28] À la lumière des informations exposées précédemment, le présent dossier soulève les questions suivantes :
1) Y a-t-il lieu d’ordonner l’arrêt des procédures sous les chefs 1 et 2 comme le réclame l’intimé?
2) La preuve par présomption de faits administrée par la plaignante permet-elle de soutenir un verdict de culpabilité ou d’acquittement de l’intimé sous l’un et/ou l’autre des trois chefs de la plainte modifiée?
[29] Pour les motifs exposés ci-après, concernant la première question en litige, le Conseil est d’avis qu’il y a lieu de prononcer l’arrêt des procédures uniquement à l’égard des dispositions invoquées au soutien des infractions du chef 2.
[30] Concernant la seconde question en litige, l’examen de l’ensemble des éléments de preuve administrés lors de l’instruction permet de conclure que la plaignante satisfait son fardeau de preuve à l’égard des chefs 1 et 3.
[31] Par conséquent, le Conseil déclare l’intimé coupable sous chacun de ces deux chefs comme il est plus amplement décrit au dispositif de la présente décision.
CONTEXTE
[32] L’intimé entame des études en psychologie et termine avec succès des études en travail social à l’Université du Québec à Montréal.
[33] Il obtient son baccalauréat en travail social au mois d’octobre 2012 et ultérieurement, un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en toxicomanie.
[34] L’intimé est inscrit au tableau des membres de l’Ordre du 21 mai 2013 au 7 février 2018[3].
[35] Entre le 19 juin et le 17 juillet 2017, soit lors de la période des infractions alléguées dans la plainte modifiée, il exerce sa profession au Centre hospitalier de l'Université de Montréal (le CHUM).
[36] L’intimé agit alors comme chef de l’équipe du suivi intensif en itinérance (le SII), un service spécialisé relevant du département de la psychiatrie du CHUM et du Projet de réaffiliation en itinérance et en santé mentale (le PRISM) comprenant un suivi médical et infirmier ainsi qu’un accompagnement psychosocial individualisé.
[37] À ce titre, il exerce notamment les activités suivantes :
37.1. Procède à l’évaluation initiale des clients admissibles aux programmes PRISM et SII;
37.2. Encadre les intervenants du SII et, le cas échéant, leur offre du soutien;
37.3. Exerce des activités professionnelles comme travailleur social (dont celles nécessaires à l’ouverture de régime de protection ou à l’accompagnement psychosocial individualisé);
37.4. Participe aux rencontres fixées avec les personnes responsables des divers organismes communautaires visés par la psychiatrie urbaine;
37.5. Assiste aux rencontres fixées avec les directeurs du CHUM.
[38] Madame Caroline Pelletier (Mme Pelletier) est la supérieure immédiate de l’intimé, puisqu’elle supervise tous les travailleurs sociaux embauchés au CHUM alors que M. Jonathan Brière (M. Brière) est le gestionnaire désigné du département de la psychiatrie. Ils exercent donc sur l’intimé une autorité hiérarchique concurrente (cogestion) en fonction de la nature des situations qui se présentent à lui.
[39] En outre, M. Denis Lanteigne (M. Lanteigne) agit comme coordonnateur auprès de l’intimé. Son bureau est situé à l’Hôpital Notre-Dame.
[40] Soulignons que l’intimé participe activement à la mise sur pied du SII dont l’équipe multidisciplinaire se compose notamment d’infirmières, de travailleurs sociaux, de psychiatres, d’ergothérapeutes et de criminologues.
[41] Ces professionnels et les autres intervenants, qui travaillent sur place à la Mission Old Brewery (la Mission), offrent des services à plus de 50 personnes dans la communauté qui sont sans-abri ou à risque de le devenir, et qui souffrent de troubles de santé mentale graves.
[42] À la Mission, sont également offerts des services d’hébergement pour hommes (13 lits) et pour femmes (10 lits), des repas et un programme de suivi intensif d’une durée de six semaines, soit le PRISM.
[43] Parmi les professionnels du SII, certains procèdent à des évaluations initiales, mais ils sont tous appelés à la prise en charge des clients et à l’accompagnement de ceux-ci dans l’exercice de leurs activités de la vie quotidienne comme la gestion de leurs biens, laquelle inclut leurs finances personnelles.
[44] Dans le cadre de cet accompagnement, si le client y consent, un travailleur social, un gestionnaire de cas ou un intervenant pivot du SII peuvent transmettre à l’agent administratif disponible du « Service des comptes clients du CHUM », les renseignements requis pour l’ouverture d’un compte en fidéicommis.
[45] La création d’un compte en fidéicommis au nom du client permet à ce dernier notamment de recevoir les prestations versées par les organismes gouvernementaux ou les sommes d’argent versées par la curatelle publique, de payer ses dettes, son loyer et d’acquérir les biens nécessaires à subvenir à ses besoins.
[46] Les retraits des sommes d’argent déposées dans les comptes en fidéicommis sont encadrés par la « procédure de gestion des comptes en fidéicommis », laquelle s’adresse aux « travailleurs sociaux, gestionnaires de cas ou intervenants pivot » et leur impose, sauf exception, l’obligation de remplir un formulaire devant être signé par le client.
[47] La « procédure de gestion des comptes en fidéicommis » dicte en outre la marche à suivre si le client refuse et/ou est dans l’impossibilité de signer le formulaire en question.
[48] Concernant le PRISM plus particulièrement, il s’adresse aux personnes en situation d’itinérance souffrant de troubles psychiatriques nécessitant un refuge et une évaluation ainsi qu’un suivi médical, psychiatrique et psychosocial. L’objectif du PRISM étant de sortir la personne de l’itinérance.
[49] Les professionnels et intervenants formant l’équipe du SII et ceux du PRISM partagent le même local pour leur pause-repas et des espaces connexes et/ou communs dans le cadre de l’exercice de leurs activités respectives.
[50] Plus particulièrement, les locaux du SII sont situés au deuxième étage de la Mission et ceux du PRISM, au troisième étage. Néanmoins, tous les professionnels et intervenants du SII et du PRISM ont accès à la salle commune et au coffre-fort numérique s’y trouvant.
[51] Également, les professionnels et intervenants du SII et du PRISM utilisent les deux mêmes portes d’entrée et possèdent tous une clé pour l’ouvrir et un code d’accès leur permettant de déverrouiller la porte séparant le refuge adjacent aux locaux de leur programme respectif (SII ou PRISM).
[52] Cette clé donne aussi accès aux locaux du SII et du PRISM.
[53] En outre, comme les clients bénéficiant des services du PRISM sont généralement pris en charge par l’équipe du SII, les divers professionnels et intervenants, qui sont assignés à l’un ou l’autre de ces deux programmes, fournissent tous des services à la même clientèle fragilisée et vulnérable, souffrant de troubles mentaux graves.
[54] Concernant les locaux du SII et le coffre-fort numérique, plus spécifiquement, il est placé dans le meuble muni de deux portes non verrouillées sur lequel le micro-onde disponible aux employés est déposé.
[55] Le code d’accès du coffre-fort est inscrit sur le tableau accroché sur le mur qui se situe au-dessus du classeur déposé près de la porte d’entrée du local principal. Tous les professionnels et intervenants du SII en sont avisés.
[56] Il s’agit d’une initiative émanant de l’intimé qui est la personne responsable de la gestion du coffre-fort.
[57] Ce code d’accès demeure inchangé pendant toute la période des infractions alléguées dans la plainte modifiée.
[58] Les sommes d’argent en espèces appartenant aux clients du SII ayant été retirées de leur compte en fidéicommis peuvent être conservées dans le conffre-fort.
[59] Le coffre-fort contient aussi des pochettes identifiées au nom de chacun des clients dans lesquelles sont déposés leur argent comptant et une feuille tenant lieu de registre sur laquelle sont notées les entrées et les sorties d’argent, des cartes d’autobus, des lisières de billets de taxis et un tiroir constituant la petite caisse comportant une somme d'argent liquide pour payer les dépenses quotidiennes peu onéreuses des clients.
[60] Y sont également déposées les cartes de crédit prépayées, que l’intimé a acquises pour les clients, afin que les membres des deux équipes qu’il supervise puissent subvenir à leurs besoins essentiels et immédiats lorsqu’ils sont en attente de recevoir leurs prestations d’aide sociale ou pour éviter qu’ils soient privés de recevoir le plein montant de leur prestation en raison du montant excédant 2 500 $ conservé dans le compte en fidéicommis.
[61] Vers le 11 octobre 2017, l’intimé débute son congé parental. C’est M. Maxime Jalbert (M. Jalbert), un criminologue, qui le remplace comme chef d’équipe. Il prend déjà la relève lorsque l’intimé est en vacances et lorsqu’il s’absente du travail pour un autre motif.
[62] Le 17 novembre 2017, les employés et les services offerts aux clients des programmes du SII et du PRISM doivent intégrer le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (le CIUSSS) (c’est-à-dire qu’ils sont d’abord embauchés par le CHUM puis sont ensuite affiliés au CIUSSS).
[63] Cela suppose la fermeture temporaire (soit pendant moins d’une semaine) de la fiducie du CHUM afin de coordonner, d’ici le 27 novembre 2017, le transfert des sommes d’argent appartenant aux clients, qui sont détenues dans le compte en fidéicommis du CHUM, à la fiducie du CIUSSS. L’intimé est la personne responsable de cette transition.
[64] Préalablement à son congé de paternité, il prend les moyens afin que les intervenants des programmes du SII et du PRISM puissent continuer à fournir l’accompagnement requis aux clients.
[65] À cette occasion, l’intimé se charge notamment du retrait des sommes d’argent importantes qu’il estime nécessaires pour répondre aux besoins des clients utilisateurs des comptes en fidéicommis pendant la suspension temporaire des activités exercées par les employés du Service des comptes clients.
ANALYSE
1) Y a-t-il lieu d’ordonner l’arrêt des procédures sous les chefs 1 et 2 comme le réclame l’intimé?
[66] Afin d’être en mesure de juger de cette question, passons en revue les principes de droit applicables à l’appréciation de la demande en arrêt des procédures, et plus particulièrement en matière disciplinaire.
[67] En droit criminel, l’arrêt R. c. Babos[4] établit le test applicable.
[68] Dans cet arrêt, la Cour suprême écrit :
[30] L’arrêt des procédures est la réparation la plus draconienne qu’une cour criminelle puisse accorder (R. c. Regan,
[31] La Cour a néanmoins reconnu qu’il existe de rares cas — les « cas les plus manifestes » — dans lesquels un abus de procédure justifie l’arrêt des procédures (R. c. O’Connor,
[32] Le test servant à déterminer si l’arrêt des procédures se justifie est le même pour les deux catégories et comporte trois exigences :
(1) Il doit y avoir une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable ou à l’intégrité du système de justice qui « sera révélé[e], perpétué[e] ou aggravé[e] par le déroulement du procès ou par son issue » (Regan, par. 54);
(2) Il ne doit y avoir aucune autre réparation susceptible de corriger l’atteinte;
(3) S’il subsiste une incertitude quant à l’opportunité de l’arrêt des procédures à l’issue des deux premières étapes, le tribunal doit mettre en balance les intérêts militant en faveur de cet arrêt, comme le fait de dénoncer la conduite répréhensible et de préserver l’intégrité du système de justice, d’une part, et « l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond », d’autre part (ibid., par. 57).
[33] Le test est le même pour les deux catégories parce que les problèmes touchant l’équité du procès et ceux touchant l’intégrité du système de justice sont souvent liés et se posent couramment dans la même affaire. Le recours à un seul test pour les deux catégories crée un cadre cohérent qui permet d’éviter une « dichotomie » inutile dans le droit (O’Connor, par. 71). Cela dit, bien que le cadre d’analyse soit le même pour les deux catégories, le test pourra s’appliquer — et s’appliquera souvent — différemment, selon qu’on invoque la catégorie « principale » ou la catégorie « résiduelle ».
[69] En 2022, dans l’affaire Gélinas c. Notaires (Ordre professionnel des)[5], le Tribunal des professions résume le droit applicable en matière disciplinaire et confirme l’application des principes de l’arrêt R. c. Babos précité :
[50] En matière disciplinaire, l’arrêt des procédures constitue un remède de nature exceptionnelle. La Cour d’appel du Québec dans Ruffo (Re) écrivait :
[64] L’arrêt définitif des procédures, que l’on soit en matière pénale ou disciplinaire, constitue un remède qui ne doit être accordé qu’exceptionnellement, lorsque aucune solution de rechange n’existe. Cette mesure extrême n’est appropriée que dans les cas les plus manifestes, lorsque le requérant démontre l’existence d’un préjudice irréparable qui compromet irrémédiablement son droit de présenter une défense pleine et entière ou l’intégrité du système judiciaire.
[Référence omise]
[51] L’arrêt Babos établit le test visant à déterminer s’il est justifié d’ordonner un arrêt des procédures. Il précise que deux types de conduite sont susceptibles d’entraîner un tel remède : La première réfère à une conduite qui compromet l’équité du procès. La seconde est une conduite qui risque de miner l’intégrité du processus judiciaire.
[52] Dans les deux situations, les exigences suivantes sont applicables :
− Il doit y avoir une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable;
− Il ne doit y avoir aucune autre réparation susceptible de corriger cette atteinte;
− S’il subsiste une incertitude quant à l’opportunité de l’arrêt des procédures à l’issue des deux premières étapes, le Tribunal doit mettre en balance les intérêts militant en faveur de cet arrêt, d’une part, et l’intérêt que représente pour la société un jugement définitif statuant sur le fond d’autre part.
[53] Concernant la seconde catégorie, la Cour suprême, toujours dans l’arrêt Babos, décrit qu’il s’agit « d’une conduite choquant le sens du franc-jeu et de la décence de la société et si la tenue d’un procès malgré cette conduite serait préjudiciable à l’intégrité du système de justice. ».
[70] En l’instance, rappelons que l’intimé invoque essentiellement que certains éléments de preuve autrefois disponibles ne le sont plus en raison de leur destruction, portant de ce fait, atteinte à son droit à une défense pleine et entière[6].
[71] Selon lui, il s’agit de circonstances exceptionnelles qui justifient l’arrêt des procédures sous les chefs 1 et 2 en l’absence d’autre mesure permettant de remédier à l’atteinte dénoncée.
[72] Qu’en est-il?
Chef 1
[73] Concernant ce chef, dans sa Requête, l’intimé soulève les éléments factuels suivants à la rubrique intitulée « Calendriers de M. [A] » afin de soutenir sa thèse selon laquelle « des documents ont été détruits » :
34. Les seuls calendriers retrouvés dans le dossier de M. [A] se retrouvent à la Pièce R-13, et incluent les mois de mai 2016, et juillet 2016 à janvier 2017;
35. Grâce aux calendriers retrouvés dans le dossier de M. [A], nous pouvons comprendre ce qui suit :
a. Pour le mois de mai 2016, nous comprenons qu’une somme de 200 $ provenant du coffre fort a été remise à M. [A] le 18 mai 2016;
b. Le 8 novembre 2016, nous comprenons qu’une somme de 400 $ provenant du coffre fort a été remise à M. [A] le 8 novembre 2016;
c. Le 15 décembre 2016, nous comprenons qu’une somme allant de 137 $ à 400 $ provenant du coffre fort a été remise à M. [A] le 15 décembre 2016;
d. Le 10 janvier 2017, nous comprenons qu’une somme allant de 104 $ à 300 $ provenant du coffre fort a été remise à M. [A] le 10 janvier 2017;
[Transcription textuelle, sauf anonymisation; Références omises]
[74] En se référant au texte de la plainte modifiée, on ne peut ignorer que l’infraction reprochée à l’intimé sous le chef 1 aurait été commise « le ou vers le 19 juin 2017 ».
[75] Or, les faits rapportés aux paragraphes 34 et 35 de la Requête, lesquels sont cités précédemment, réfèrent à des événements antérieurs survenus plus de cinq mois avant les infractions alléguées dans la plainte modifiée.
[76] Dans ce contexte, on ne peut retenir qu’il s’agit d’une preuve probante que des documents, comme ceux mentionnés aux paragraphes précités, contemporains aux infractions du chef 1, ont déjà existé ni le cas échéant, qu’ils sont rendus indisponibles parce qu’ils ont été détruits.
[77] Bref, de l’avis du Conseil, ces faits sont insuffisants pour tirer l’inférence proposée par l’intimé suggérant de mettre fin aux procédures en raison de la violation irréversible de son droit de présenter une défense pleine et entière.
[78] Mais il y a plus.
[79] En outre de l’affirmation générale selon laquelle « des documents ont été détruits », l’intimé omet de faire la démonstration, de manière prépondérante, qu’une telle preuve a déjà existé à l’époque des infractions reprochées.
[80] Le cas échéant, suivant le même fardeau de preuve, il est totalement silencieux sur les circonstances probantes, précises et concordantes de leur destruction en lien avec le chef à l’étude.
[81] Or, la prise en compte de l’ensemble des éléments de preuve administrés par les parties ne permet pas d’étayer la destruction d’éléments de preuve dénoncés par l’intimé concernant le chef 1 spécifiquement.
[82] Et même si c’était le cas, en l’espèce, il est loin d’être évident qu’il s’agit d’une preuve indispensable pour lui permettre de réfuter la commission des infractions que la plaignante lui oppose sous le chef 1.
[83] Comme le confirme le Tribunal des professions, notamment dans l’affaire Legault c. Larivée (notaires)[7], il y a lieu de rappeler que le droit du professionnel de présenter une défense pleine et entière ne doit pas être interprété comme étant la reconnaissance d'un droit à une défense idéale. La défense pleine et entière doit s’apprécier dans le contexte factuel du dossier à l’étude.
[84] À cet égard, toujours dans sa Requête, l’intimé avance ce qui suit à la rubrique intitulée « Fiches retraits-dépôts de M. [A] » :
27. Concernant le dossier [A], M. Georgiades a témoigné à l’effet qu’ils avaient rassemblé tous les documents de ce dossier qui étaient en leur possession;
28. Le 1er avril 2016, M. Girard a rédigé une note d’observation interdisciplinaire peu détaillée à l’effet qu’il avait déposé 1000 $ dans le coffre fort de M.[A];
29. On constate dans le compte détaillé de M. [A], qu’un retrait de 1 000 $ a effectivement été fait le 1er avril 2016;
30. La seule fiche retrait-dépôt retrouvée dans le dossier de Monsieur [A] est la fiche jointe à cette requête sous la cote R-12. Il est possible de constater que la somme de 1 000 $ retirée par le requérant le 1er avril 2016 a bel et bien été déposée au coffre fort et que d’autres intervenants ont par la suite retiré de l’argent provenant du coffre fort;
31. Sans cette fiche, il serait impossible de confirmer que le requérant avait bel et bien déposé dans le coffre fort l’argent retiré dans le compte de M. [A];
32. Le 19 juin 2017, le requérant a avisé l’Aide Sociale pour fermer le dossier de M. [A] vu qu’il avait quitté le pays et il a retiré 2 734,25 $ du compte client afin de faire préparer un mandat poste pour rembourser l’Aide Sociale;
33. M. Girard était en charge de sortir les gros montants d’argent, puis l’argent était déposé au coffre fort et il donnait la consigne d’émettre un mandat-poste pour rembourser l’Aide Sociale;
[Transcription textuelle, sauf anonymisation; Références omises]
[85] C’est donc dire qu’il reconnaît explicitement avoir été le principal sinon l’unique professionnel responsable de la gestion des prestations du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (le MTESS) versées au client dont il est question au chef 1.
[86] Il reconnaît en outre avoir lui-même procédé au retrait du montant d’argent visé au chef 1 ayant été déposé dans le compte en fidéicommis du client visé.
[87] Également, l’intimé raconte avoir entrepris les démarches auprès du MTESS après avoir obtenu la confirmation que le client avait quitté définitivement le pays.
[88] En somme, la preuve administrée lors de l’instruction démontre qu’il est un témoin important pour relater les faits entourant les infractions reprochées au chef 1, puisqu’il s’est personnellement chargé de l’administration des prestations totalisant le montant d’argent visé au chef 1.
[89] À cet égard, ajoutons qu’il ressort du témoignage de l‘intimé et de celui de ces anciens collègues cités à comparaître devant le Conseil, qu’en tant que chef d’équipe, c’est lui qui coordonne les activités exercées par les professionnels et les intervenants du SII et du PRISM et s’occupe de l’organisation interne concernant ces deux programmes.
[90] Aussi, comme chef d’équipe, l’intimé convient, notamment avec les membres de ces équipes, qu’il s’acquittera de la responsabilité de retirer des comptes en fidéicommis les sommes d'argent plus importantes (celles supérieures à 500 $) appartenant aux clients, comme celle visée au chef 1.
[91] Il est également le professionnel désigné responsable de la gestion du coffre-fort dans lequel, le cas échéant, la prestation du client visé a pu être déposée.
[92] On ne peut en outre ignorer le fait que, quoique la plaignante reconnaisse avoir administré une preuve par présomption de faits, les infractions reprochées au chef 1 sont circonscrite dans le temps puisqu’elles auraient été commises « le ou vers le 19 juin 2017 ».
[93] Les comportements reprochés à l’intimé n’impliquent donc pas une longue période, ce qui facilite sa défense.
[94] Bref, sans décider de sa culpabilité, le moins que l’on puisse dire c’est que tout indique que l’intimé sera en mesure de se défendre à cette étape de l’instruction puisqu’il est un témoin clé, sinon l’unique témoin ayant une connaissance personnelle de la trame factuelle qui entoure la commission des infractions alléguées au chef 1 de la plainte modifiée.
[95] Cette observation revêt une importance capitale dans la détermination de la recevabilité de l’arrêt des procédures sollicité en l’absence totale de preuve prépondérante démontrant l’existence et la destruction de documents essentiels à sa défense.
[96] On doit en outre gardé à l’esprit que c’est à la plaignante qu’incombe le fardeau de prouver de façon prépondérante les éléments substantiels générateurs des infractions fondées sur les dispositions invoquées sous le chef à l’étude et non à l’intimé.
[97] En conclusion, à la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que ce dernier échoue à démontrer l’atteinte à son droit à une défense pleine et entière et ce faisant, à l’équité procédurale justifiant l’arrêt des procédures recherché.
[98] De l’avis du Conseil, il ne s’agit certainement pas de l’un des cas les plus manifestes permettant d’avoir recours à une réparation aussi draconienne comme l’arrêt des procédures.
[99] La demande exceptionnelle sollicitée par l’intimé doit donc être rejetée concernant le chef 1.
Chef 2
[100] Concernant ce chef d’infraction, la situation est tout autre.
[101] Sans se prononcer sur le fond, le Conseil en arrive à la conclusion que la preuve prépondérante supporte l’idée que des éléments de preuve ont été détruits relativement à la gestion de la somme d’argent totalisant 5 300 $ invoquée au chef 2, compromettant ainsi de façon irrémédiable le droit de l’intimé à une défense pleine et entière.
[102] Ce faisant, on doit considérer que l’iniquité procédurale qui en découle justifie l’arrêt des procédures qu’il réclame en regard de ce chef.
[103] Voici pourquoi.
[104] Notons d’abord qu’à la lumière de la plainte modifiée et de la preuve, la période des infractions alléguées, soit entre le 5 juillet et le 4 octobre 2017, suppose une succession d’actes posés par l’intimé et par d’autres membres de l’équipe du SII.
[105] Il appert en effet de l’examen attentif de la preuve[8] que plusieurs retraits de fonds appartenant au client visé ont été effectués dans son compte en fidéicommis pendant la période des infractions d’environ trois mois (soit 12 retraits au total suivant la « Liste détaillée des retraits effectués dans le compte en fidéicommis du client »).
[106] Or, bien qu’au soutien de sa thèse, la plaignante présente 14 formulaires « Retrait en fidéicommis »[9] établissant les retraits de fonds appartenant au client visé détenus dans le compte en fidéicommis de ce dernier, seulement dix d’entre eux sont pertinents à la période des infractions reprochées.
[107] En outre, en examinant le contenu des dix formulaires en question, on constate que celui du 17 août 2017 et celui du 19 septembre 2017 sont remplis par un travailleur social (gestionnaire de cas/intervenant pivot) autre que l’intimé.
[108] Quatre formulaires « Retrait en fidéicommis » sont donc manquants pour expliquer les retraits effectués dans le compte en fidéicommis du client visé durant la période pertinente des infractions alléguées, privant de ce fait, l’intimé de la possibilité de soulever les arguments pertinents favorables à sa défense.
[109] La plaignante atteste néanmoins avoir divulgué à l’intimé tous les documents ayant été recueillis auprès du CHUM lorsqu’elle mène l’enquête sur sa conduite professionnelle.
[110] Quoi qu’il en soit, pour le Conseil, la question de savoir si la partie plaignante a satisfait à son obligation de divulgation se distingue de celle de savoir si le professionnel est en mesure de présenter une défense pleine et entière.
[111] Comme l’invoque à juste titre l’intimé, signalons en outre qu’un seul élément de preuve est présenté par la plaignante (soit la « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort ») afin de démontrer les fonds qui ont été retirés du compte en fidéicommis du client visé ayant été déposés et/ou retirés du coffre-fort au cours de la période des infractions du chef 2.
[112] L’intimé avance au surplus que l’unique « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort » comporte les transactions (dépôts et retraits) réalisées concernant la somme d’argent qu’il a retirée le 4 octobre 2017 du compte en fidéicommis du client visé, c’est-à-dire celle de 1 500 $ (soit 1 200 $ plus 300 $).
[113] Il fait valoir qu’en se basant sur le contenu de cette « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort », il est en mesure de démontrer que la somme d’argent de 1 200 $ a effectivement été déposée dans le coffre-fort.
[114] L’intimé signale au passage que la somme d’argent totalisant 5 300 $ que la plaignante lui reproche de s’être approprié au chef 2 inclut notamment la somme de 1 200 $ qu’il dit avoir déposée au coffre-fort.
[115] Il met aussi en évidence que lors de son témoignage, M. Constantin Georgiades (M. Georgiades) confirme que d’autres « fiches retraits et dépôt faits au coffre-fort » auraient dû se trouver dans le dossier du client visé, mais qu’elles n’y étaient pas lorsqu’il a procédé à l’examen attentif de son contenu.
[116] En se basant sur les déclarations faites par d’autres témoins cités à comparaître devant le Conseil, l’intimé allègue ce qui suit :
5. Mme [Lise] Demers a confirmé que son supérieur était M. Jonathan Brière et non M. Patrick Girard. Elle se souvient s’être présentée devant le Curateur Public dans le cadre du dossier de M. […] et que cela avait trait à de la destruction de documents. Elle a également indiqué dans son témoignage que dans le cadre de son travail dans cette équipe, elle ne numérisait pas notamment les calendriers, elle numérisait les notes du psychiatre et les notes des intervenants. Elle a d’ailleurs confirmé se rappeler avoir utilisé la déchiqueteuse pour déchiqueter des documents, mais ne se rappelait pas si ces documents étaient importants ou non;
6. M. Lanteigne a concédé avoir entendu parler de la destruction de certains documents par une adjointe, et niait savoir quoi que ce soit à ce sujet.
7. Contrairement à ce qu’il alléguait, il avait bel et bien envoyé un courriel le 8 février 2017 attestant de la destruction de certains documents; En effet, M. Lanteigne a affirmé qu’il aurait bien aimé pouvoir avoir accès à sa boîte courriel de 20179. M. Renaud Turbis, technicien spécialisé informatique du CHUM a affirmé solennellement avoir retrouvé en accédant la boite courriel de M. Lanteigne, le courriel envoyé par ce dernier à M. Girard le 8 février 2017 à 9h44, tel qu’il appert de la pièce RI-16 déposée le 15 janvier 2024;
[Références omises]
[117] Bref, selon l’intimé, des documents essentiels à sa défense ont déjà existé, mais ils sont actuellement indisponibles.
[118] Au soutien de ce qu’il avance, il cite les faits additionnels qui sont exposés aux paragraphes subséquents.
[119] L’intimé affirme que la preuve[10] démontre que le 3 octobre 2017, l’infirmier, M. Olivier Lapointe (M. Lapointe), note dans le dossier du client visé avoir remis 300 $ provenant du compte en fidéicommis de ce dernier au propriétaire de la ressource qui l’héberge.
[120] Il relève par ailleurs l’absence de retrait de ce montant effectué à cette date apparaissant à la « Liste détaillée des retraits effectués dans le compte en fidéicommis du client ».
[121] Ce faisant, l’intimé en déduit que l’argent utilisé par M. Lapointe devait provenir d’une somme d’argent déposée dans le coffre-fort antérieurement au 3 octobre 2017. Il répète que l’absence de « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort » antérieure au 4 octobre 2017 le prive d’informations pertinentes à cet égard.
[122] Suivant la même logique, l’intimé invoque avoir retiré la somme de 700 $ le 26 septembre 2017 comme il appert de la « Liste détaillée des retraits effectués dans le compte en fidéicommis du client ».
[123] Il soutient qu’à cette date, l’ergothérapeute Mme Catherine Dugas (Mme Dugas), qui est intervenante du SII, répond à la demande formulée par le client de lui remettre 150 $ pour l’achat de souliers.
[124] L’intimé soumet à nouveau qu’aucune somme d’argent de ce montant n’est consignée à cette date dans la « Liste détaillée des retraits effectués dans le compte en fidéicommis du client ». Selon lui, cela suppose que Mme Dugas a pris une partie de l’argent qu’il retire le 26 septembre 2017, ayant été déposé dans le coffre-fort.
[125] Encore une fois, l’intimé démontre que l’absence de « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort » antérieure au 4 octobre 2017 l’empêche de le confirmer.
[126] En somme, les faits rapportés aux huit derniers paragraphes constituent des exemples concrets qui supportent son affirmation selon laquelle il existait d’autres « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort », lesquelles sont désormais indisponibles.
[127] Or, il s’agit de documents indispensables à sa défense si on tient compte du fait que tous les membres du SII et tous ceux qui composent le programme PRISM ont accès à ce coffre-fort.
[128] Rappelons en effet que le code d’accès du coffre-fort est porté à la connaissance de tous, s’agissant d’une information inscrite sur le grand tableau blanc accroché sur un des murs du local commun mis à la disposition de tous les professionnels et intervenants assignés à ces deux programmes.
[129] Tous les témoins ayant comparu devant le Conseil attestent de ces faits.
[130] Cela étant dit, il y a lieu de souligner le caractère hautement préoccupant de la procédure instituée par l’intimé relativement à l’administration du coffre-fort, compte tenu de la grande vulnérabilité des clients qui sont bénéficiaires des fonds déposés temporairement à cet endroit.
[131] Il en est de même à l’égard de l’application non conforme de la « Procédure de gestion des comptes en fidéicommis »[11] par l’intimé qui reconnaît avoir retiré les sommes d’argent de plus de 500 $ appartenant au client visé par le chef 2 presque toujours en contrevenant aux règles de fonctionnement interne imposées aux travailleurs sociaux (gestionnaire de cas/intervenant pivot).
[132] Plus particulièrement, il est difficile de comprendre pourquoi sur les dix formulaires pertinents à la période du chef 2, huit sont remplis par l’intimé dans un contexte « d’absence de signature du client » et dans six de ces cas, il signe en tant que travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) et en tant que personne responsable, soit en faisant défaut d’obtenir « l’approbation du coordonnateur ou du responsable du Service social » comme exigé.
[133] Également, il est surprenant de constater que plusieurs formulaires « Retrait en fidéicommis » sont remplis de façon incomplète ou comportent des informations invraisemblables provenant d’un travailleur social et chef d’équipe comme lorsqu’à la rubrique intitulée « En l’absence de signature de l’usager », l’intimé écrit sur deux de ces huit formulaires « absence » en guise de justification à l’empêchement du client à les signer et dans un autre, il n’en fournit même aucune.
[134] L’intimé reconnaît avoir été négligent à cet égard. C’est le moins que l’on puisse dire.
[135] Ce commentaire étant fait , il y a par ailleurs absence de preuve démontrant que l’intimé agit à l’insu de ses gestionnaires, que ceux-ci s’en préoccupent et/ou interviennent auprès de lui à un quelconque moment lors de la période des infractions reprochées au chef 2, afin qu’il modifie sa façon de procéder comme travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) utilisateur des comptes en fidéicommis, comme chef d’équipe du SII et du PRISM et comme professionnel responsable de la gestion du coffre-fort.
[136] En outre, il y a absence de démonstration que lors de la période des infractions alléguées au chef 2, les employés du « Service des comptes clients » refusent l’un ou l’autre des retraits réclamés par l’intimé lorsqu’il fait défaut de respecter la « Procédure de gestion des comptes en fidéicommis »[12], soit en raison de son omission à fournir toutes les informations prévues au formulaire ou à motiver sa démarche de manière suffisante et appropriée aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles il sollicite les retraits d’argent.
[137] Bref, les aspects préoccupants identifiés précédemment semblent découler de causes multiples et cumulatives.
[138] Quoi qu’il en soit, en définitive, on doit reconnaître qu’avec l’accès quasi illimité au coffre-fort des professionnels et des intervenants du SII et du PRISM, il paraît évident que l’absence de « fiche retraits et dépôt faits au coffre-fort » pour la presque totalité des retraits de fonds appartenant au client visé ayant été effectués dans le compte en fidéicommis de ce dernier prive l’intimé de présenter une défense pleine et entière.
[139] Plus particulièrement, ce faisant, de l’avis du Conseil, il est empêché de démontrer qu’il n’est pas l’auteur des appropriations reprochées au chef 2.
[140] On doit donc conclure que l’intimé ne peut valablement se défendre sous ce chef.
[141] Cela est d’autant plus vrai en l’absence totale de preuve probante ou d’indices établissant qu’il est à l’origine de la destruction des documents en question.
[142] Comme en l’instance, il n’existe pas d’autre façon permettant de remédier à la violation dénoncée par l’intimé, il y a lieu de souscrire à sa demande et de prononcer l’arrêt des procédures à l’égard du chef 2.
[143] Mentionnons enfin qu’en soupesant les divers intérêts qui sont en cause, soit l’intérêt de l’intimé à ce que son droit de présenter une défense pleine et entière soit respecté et l’intérêt du public à ce que le Conseil procède à l’instruction de la plainte modifiée sous le chef 2, la Conseil en vient à la même conclusion.
[144] Il en est ainsi en raison de la gravité objective de l’infraction d’appropriation et des conséquences graves et irréparables de la violation du droit fondamental consacré à l’article
2) La preuve par présomption de faits administrée par la plaignante permet-elle de soutenir un verdict de culpabilité ou d’acquittement de l’intimé sous l’un et/ou l’autre des trois chefs de la plainte modifiée?
[145] Compte tenu des conclusions émises concernant les chefs 1 et 2 visés par la première question en litige, à cette étape, il y a lieu de s’en tenir à la preuve administrée sous les chefs 1 et 3.
[146] Passons toutefois d’abord en revue les différents critères juridiques à considérer pour la détermination de la culpabilité d’un professionnel.
A) Les principes de droit applicables en matière de culpabilité disciplinaire
[147] Le 6 novembre 2006, la Cour d’appel du Québec (la Cour d’appel), dans l’arrêt Tremblay c. Dionne[13], s’exprime ainsi au sujet de la faute disciplinaire :
[42] […] En droit disciplinaire, « la faute s'analyse comme la violation de principes de moralité et d'éthique propres à un milieu et issus de l'usage et des traditions » (Yves OUELLETTE, « L'imprécision des codes de déontologie professionnelle », (1977) 37 R. du B. 669, p. 670). Ensuite, les lois d'organisation des ordres professionnels sont des lois d'ordre public, politique et moral ou de direction qui doivent s'interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés (Pauzé c. Gauvin, 1953 CanLII 65 (SCC), [1954] R.C.S. 15; Fortin c. Chrétien,
[43] À mon avis, le fondement de la responsabilité disciplinaire du professionnel réside dans les actes posés à ce titre tels qu'ils peuvent être perçus par le public. Les obligations déontologiques d'un ingénieur doivent donc s'apprécier in concreto et ne sauraient se limiter à la sphère contractuelle; elles la précèdent et la transcendent. Sinon, ce serait anéantir sa responsabilité déontologique pour tous les actes qu'il pose en dehors de son mandat, mais dans l'exécution de ses activités professionnelles et, de ce fait, circonscrire de façon indue la portée d'une loi d'ordre public qui vise la protection du public.
[44] La faute disciplinaire professionnelle est liée à l'exercice de la profession […]
[148] Le 22 janvier 2016, cette même Cour, dans Mailloux c. Fortin[14], réitère qu’il est bien acquis en droit disciplinaire que la charge de la preuve repose sur les épaules du syndic de l’ordre professionnel. Elle rappelle également que le degré de preuve requis est celui de la prépondérance des probabilités et non celui de la preuve hors de tout doute raisonnable.
[149] Le 21 juin 2016, la Cour d’appel, dans Bisson c. Lapointe[15], apporte la précision suivante relativement au fardeau de la preuve en matière disciplinaire :
[67] Cependant, la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Comme démontré plus haut, le Conseil avait bien à l’esprit cette norme et la proposition des juges majoritaires qui soutient le contraire est, avec égards, injustifiée.
[68] Comme le rappelle la Cour suprême, « [a]ussi difficile que puisse être sa tâche, le juge doit trancher. Lorsqu’un juge consciencieux ajoute foi à la thèse du demandeur, il faut tenir pour acquis que la preuve était, à ses yeux, suffisamment claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités ».
[Référence omise; Soulignement ajouté]
[150] Le 22 août 2019, dans l’arrêt Lapointe c. Chen[16], la Cour d’appel mentionne :
[43] Dans la décision Nadon c. Avocats (Ordre professionnel des), le Tribunal des professions s’exprimait ainsi sur la finalité de l’article
[76] En matière de déontologie, le recours fondé sur des dispositions de nature générale, comme l'art.
[77] La finalité d'un tel article est d'englober un large éventail d'actes dérogatoires non énumérés dans la codification.
[Référence omise]
[151] Concernant l’article
[72] L’article 59.2 est rédigé en termes larges. Il revient au Conseil, sous l’éclairage de la preuve faite, non contestée en l’espèce, de déterminer si un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession […] a été posé, qu’il s’agisse de l’exercice d’un commerce incompatible avec ces principes ou de tout autre acte. […]
B) Application des principes de droit aux faits du présent dossier
[152] D’entrée de jeu, soulignons que les infractions des chefs 1 et 3 de la plainte modifiée se fondent sur les deux mêmes dispositions de rattachement, soit l’article
Code de déontologie
3.02.01. Le travailleur social s’acquitte de ses obligations professionnelles avec intégrité et objectivité.
Code des professions
59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l’honneur, la dignité ou l’exercice de sa profession.
[153] Cela étant dit, comme les comportements reprochés à l’intimé à ces deux mêmes chefs et les clients visés diffèrent, par souci de clarté, il y a lieu d’étudier la preuve administrée sous chacun d’eux, et ce, de façon individuelle et consécutive.
[154] Préalablement à cet exercice, précisons que sous les chefs 1 et 3, la plaignante reconnaît avoir procédé à l’administration d’une preuve par présomption de faits.
[155] Il est donc utile d’examiner les principes applicables à ce type de preuve.
[156] À cet égard, l’article
2846. La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d’un fait connu à un fait inconnu.
[157] En ce qui concerne les présomptions de faits, soit celles qui, comme en l’espèce, ne sont pas établies par la loi, l’article
2849. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes.
[158] Dans l’arrêt Duchesneau c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne (BLC Valeurs mobilières)[19], la Cour d’appel explique la démarche appropriée pour l’appréciation d’une telle preuve. Elle écrit :
[56] Dans l’arrêt Barrette c. Union canadienne (L'), compagnie d'assurances, la Cour définit la preuve par présomption, explique la démarche appropriée pour l’apprécier et rappelle la norme d’intervention à cet égard :
[31] La preuve par présomption est l'un des cinq moyens de preuve mis à la disposition des plaideurs pour démontrer un fait. Souvent utilisée en matière civile pour démontrer un acte fautif et intentionnel, il s'agit d'un moyen de preuve qui répond à ses propres exigences.
[32] Qualifié de preuve indirecte ou indiciaire, ce moyen nécessite la mise en preuve de faits que l'on pourrait, au moyen d'une preuve directe, qualifiés d'indices, suivi d'un raisonnement inductif qui permettra ou non au tribunal de conclure à l'existence du fait à prouver, selon qu'il estime que les faits prouvés sont suffisamment graves, précis et concordants pour conduire à l'inférence qu'il en fera.
[…]
[34] L'exercice prévu à l'article 2849 C.c.Q. consiste en deux étapes bien distinctes. La première, établir les faits indiciels. Dans cette première étape, le juge doit, selon la balance des probabilités, retenir de la preuve certains faits qu'il estime prouvés. Dans une deuxième étape, il doit examiner si les faits prouvés et connus l'amènent à conclure, par une induction puissante, que le fait inconnu est démontré.
[…]
[36] L'exercice auquel se prête le juge lorsqu'il détermine les faits inductifs commande une grande retenue de la part de la Cour d'appel, laquelle n'interviendra qu'en présence d'une erreur manifeste et déterminante. Par contre, traditionnellement, on estimait qu'une Cour d'appel était aussi bien placée que le juge de première instance pour tirer des faits prouvés l'inférence qui s'en dégage. Ainsi, la démarche inductive empruntée par le juge de première instance était parfois qualifiée de question de droit, ce qui la soumettait à une norme d'intervention moins sévère.
[37] En 2009, s'appuyant sur H.L. c. Canada (Procureur général), la Cour, dans l'affaire Christensen, a consacré un changement quant au critère d'intervention, estimant que tant l'appréciation des faits (les indices) que l'appréciation du caractère grave, précis et concordant (raisonnement inductif) sont soumises à la norme de l'erreur manifeste et déterminante. Le juge Morissette, dans un arrêt unanime, se dit d'avis que :
La règle d'intervention en appel pour les présomptions de fait, des inférences que le juge tire de faits connus vers des faits à déterminer, est donc la même que pour toute autre question de fait.
[38] La Cour n'interviendra donc qu'en présence d'une erreur manifeste et dominante.
[57] Qualifié de preuve indirecte ou indiciaire, ce moyen nécessite la mise en preuve de faits que l'on pourrait, au moyen d'une preuve directe, qualifiés d'indices, suivi d'un raisonnement inductif qui permettra ou non au tribunal de conclure à l'existence du fait à prouver, selon qu'il estime que les faits prouvés sont suffisamment graves, précis et concordants pour conduire à l'inférence qu'il en fera.
[Soulignements ajoutés; Référence omise]
[159] De son côté, le Tribunal des professions, dans l’affaire Harrison c. Médecins (Ordre professionnel des)[20], énonce ce qui suit concernant la question de la preuve par présomption de faits :
[25] Une preuve par présomption a pour effet d’établir l’existence d’une probabilité à partir d’un certain nombre de faits connus, qu’ils aient été admis ou prouvés.
[26] Il est utile de rappeler les propos du juge Lebel, alors à la Cour d’appel, dans l’arrêt Lacasse c. Octave Labrecque :
Pour une preuve par présomption, on n’exige pas de dégager une exactitude scientifique. On doit rechercher la conclusion la plus rationnelle, à partir des éléments de faits connus. Le continuum entre l'improbable, l'hypothétique, le possible, le probable et le certain ne se dégage pas toujours aisément. L'opération d'induction conduisant à la reconnaissance d'une présomption de fait, suivant la norme civile des probabilités, peut laisser une marge à un doute. Elle ne permet pas, habituellement, d'atteindre à la certitude absolue ou scientifique - si tant est que ces deux notions se confondent - ni même à celle que requiert, le plus souvent, le droit pénal, la preuve hors d'un doute raisonnable. Elle implique l'acceptation d'une solution comme la plus plausible, comme la plus raisonnable, à partir des faits prouvés et après constatation qu'aucun autre facteur connu ne semble expliquer l'état de fait observé de manière aussi rationnelle.
[Soulignements ajoutés; Références omises]
[160] Examinons ces différents principes de plus près en fonction de la preuve.
Chef 1 : l’appropriation de la somme de 2 734,25 $ provenant du compte en fidéicommis du client, Monsieur A
[161] Selon la plaignante, l’appropriation de la somme de 2 734,25 $ par l’intimé est fondée sur l’existence de présomptions de faits graves, précis et concordants permettant de qualifier son comportement de fautif en regard des obligations prévues aux dispositions de rattachement invoquées sous le chef 1 de la plainte modifiée.
[162] En résumé, elle soutient que l’intimé ayant retiré cette somme d’argent du compte en fidéicommis de Monsieur A et fait défaut de la payer au MTESS, comme il l’indique dans sa note professionnelle, il s’en est emparée.
[163] La prétention de la plaignante prend également en considération l’absence de preuve probante sur le traitement de la somme de 2 734,25 $ retirée par l’intimé.
[164] De son côté, ce dernier nie s’être approprié cette somme d’argent sans toutefois se rappeler clairement de ce qui en est advenue.
[165] Qu’en est-il?
[166] L’analyse attentive des renseignements contenus dans le dossier[21] détenu par le CHUM, ayant été constitué au nom de Monsieur A, révèle ce qui suit :
166.1. Le 1er avril 2016, l’intimé note au dossier de Monsieur A qu’il l’a avisé verbalement qu’une somme de 1 000 $ serait retirée de son compte en fidéicommis afin qu’il puisse procéder à l’achat de biens effectués avec la carte de crédit et que cet argent serait placé dans le coffre-fort du SII. L’intimé écrit que le client ne s’y oppose pas.
166.2. Le 15 avril 2016, Monsieur A est évalué par l’intimé.
166.3. Le 16 avril 2016, Dre Lyson Gagné (Dre Gagné), psychiatre au CHUM, le rencontre ensuite et note dans son dossier qu’il est d’origine chinoise, a immigré au Canada il y a environ 12 ans, est sans domicile fixe depuis six ans, a épuisé ses économies, est sans emploi, n’a aucun réseau social et est très isolé.
166.4. Elle souligne que Monsieur A accepte « implicitement (sans trop comprendre) un lit dans notre programme » au PRISM et mentionne qu’il utilise le refuge de la Mission depuis longtemps.
166.5. Dre Gagné note également avoir très peu de contact avec Monsieur A qui a une attitude bizarre, méfiante et fuyante.
166.6. Elle indique qu’il sera dorénavant prestataire de l’aide sociale « avec fiducie involontaire », car il est inapte.
166.7. Dre Gagné précise que « Depuis, l’équipe lui remet $ en petite qtt à la fois » ce qui le laisse complètement indifférent.
166.8. Le 22 mars 2017, M. Georgiades, travailleur social, répond à l’appel de la personne responsable de la ressource intermédiaire où Monsieur A est hébergé.
166.9. Il apprend alors que Monsieur A a communiqué avec cette personne pour l’informer de son retour en Chine et du fait qu’il va bien et ne prévoit pas revenir au Canada.
166.10. Le responsable de la ressource intermédiaire indique avoir rempli un avis de disparition concernant Monsieur A.
166.11. À la suite de cette information, M. Georgiades tente sans succès d’appeler Monsieur A en utilisant le numéro de téléphone que ce dernier a donné à la personne responsable de la ressource intermédiaire.
166.12. Puisque Monsieur A est visé par des ordonnances de traitement et d’hébergement, il informe ensuite le Service de police de la Ville de Montréal (le SPVM) de la situation et leur transmet les ordonnances en question.
166.13. Monsieur Georgiades note ensuite dans le dossier de Monsieur A, que l’agente du SPVM chargée d’enquêter sur la disparition de ce dernier lui confirme que le client a été aperçu à l’aéroport et qu’il a quitté le pays.
166.14. Il inscrit qu’elle s’engage à lui laisser savoir si Monsieur A revient au Canada.
166.15. Monsieur Georgiades indique enfin avoir poursuivi ses démarches en communiquant avec une personne de l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, laquelle atteste des renseignements recueillis au sujet de Monsieur A. Les démarches sont ensuite entreprises pour procéder à la « fermeture de son lit » à la ressource intermédiaire où Monsieur A était hébergé.
166.16. Toujours en lien avec le départ pour la Chine de Monsieur A, la note suivante de l’intimé datée du 22 mars 2017 se trouve également dans le dossier :
Courriels échangés avec [l’agente] du SPVM attitrée au dossier du client sous ord tx et elle me confirme que cliente a bien pris l’avion pour la Chine. Il sera inscrit comme disparu. Elle me demande ord tx du client et convenons que je lui enverrai par fax sous peu.
[Transcription textuelle, sauf anonymisation]
166.17. Le 16 mai 2017, Mme Le Le Nguyen, infirmière du SII, inscrit la note suivante au dossier de Monsieur A :
Réunion d’équipe
M. est toujours en fugue en Chine. N’avons pas eu d’infor ou de nouvelles le concernant. Pas d’infos quant à la région où il est. Laissons poursuivre ordonnances.
Poursuivons.
[Transcription textuelle]
166.18. Le 10 juin 2017, un état de compte provenant du centre de recouvrement du MTESS est envoyé à l’équipe du SII au nom de Monsieur A.
166.19. Le MTESS requiert que ce dernier rembourse la somme de 219 $.
166.20. À la suite de la réception de l’état de compte du MTESS, l’intimé inscrit la note suivante datée du 19 juin 2017, dans le dossier de Monsieur A :
Après réception document A. sociale pour client, appel à l’agent et convenu que dossier sera fermé car client a quitté le pays et que solde fiducie sera envoyé par mandat poste à A.S.
166.21. La note additionnelle suivante provenant de l’intimé et datée du même jour se trouve également dans le dossier de Monsieur A :
Retrait 2 734,25 $ compte client HSL pour préparer mandat poste pour $ remboursement A.S.
166.22. Toujours le 19 juin 2017, l’intimé remplit le formulaire « Retrait en fidéicommis ».
166.23. Il s’identifie alors comme travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) et comme personne responsable donnant son approbation pour le retrait d’argent effectué sans la signature de l’usager.
166.24. L’intimé omet toutefois de remplir la section « justification » située à la rubrique intitulée « en l’absence de signature de l’usager » du formulaire « Retrait en fidéicommis ».
166.25. Le 22 novembre 2017, à la suite d’une vérification auprès de la direction régionale de l’aide sociale, le CHUM apprend qu’aucun remboursement au montant de 2 734,25 $ n’a été effectué en date du 19 juin 2017 concernant Monsieur A.
[167] Étonnement, à la lecture des notes colligées dans le dossier de Monsieur A, on constate qu’en date du 22 mars 2017, tant M. Georgiades que l’intimé indiquent avoir communiqué avec l’agente du SPVM chargée d’enquêter sur la disparition du client.
[168] En outre, ils mentionnent tous les deux avoir obtenu la confirmation de l’agente en question que Monsieur A est désormais en Chine et s’être engagés à transmettre à cette dernière les ordonnances d’hébergement et de traitement visant ce dernier.
[169] Il y a cependant absence de preuve permettant de comprendre pourquoi M. Georgiades et l’intimé posent essentiellement les mêmes actes en lien avec la disparition de Monsieur A.
[170] Cette remarque étant faite, à ce stade, au mieux, on peut y voir un indice d’une situation inhabituelle sans par ailleurs être en mesure de tirer une inférence plus concluante sur la culpabilité de l’intimé en regard du chef 1.
[171] Continuons donc l’analyse de la preuve.
[172] Concernant le délai d’environ trois mois qui s’écoule entre le moment où l’intimé apprend que Monsieur A est retourné en Chine (soit le 22 mars 2017) et la communication de cette information au MTESS (soit le 19 juin 2017), l’intimé l’explique par les ordonnances de traitement et d’hébergement visant le client.
[173] Toutefois, le lien entre les prestations versées par le MTESS et ces ordonnances est loin d’être clair et l’intimé omet de fournir les renseignements nécessaires à la bonne compréhension de l’argument qu’il soulève en défense.
[174] D’ailleurs, il est difficile de faire abstraction des questions pertinentes suivantes que Mme Pelletier, chef du service social au CHUM, soulève au sujet de ce délai qu’elle juge inexpliqué dans l’annexe jointe à la demande d’enquête qu’elle présente au Bureau du syndic de l’Ordre :
Pourquoi ne pas avoir suspendu la réception du chèque d’aide sociale si l’objectif était de retourner l’argent à l’aide sociale?
Pourquoi avoir fait le retrait pour le remboursement des sommes indument reçu (retrait de 2 734,25 $) AVANT la réception du dernier chèque le 28 juin?
[175] L’intimé omet d’apporter l’éclairage requis entourant ces éléments alors qu’à cette époque, il est le chef d’équipe des membres du SII et du PRISM et qu’il entreprend lui-même les démarches auprès du MTESS à la suite de l’obtention de la confirmation que Monsieur A est retourné vivre en Chine.
[176] Cette omission lui est défavorable.
[177] Rappelons aussi que lors de son témoignage devant le Conseil, l’intimé affirme que la procédure de gestion des comptes en fidéicommis permet au travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) de procéder à un retrait d’argent d’au plus 500 $.
[178] Comme déjà mentionné, il précise avoir informé les membres de l’équipe du SII et du PRISM qu’il se chargerait lui-même des retraits d’argent supérieurs à 500 $ (soit « les gros montants d’argent » à retirer des comptes en fidéicommis des clients).
[179] Les autres témoins cités à comparaître devant le Conseil corroborent cette information.
[180] Également, dans ces cas (soit lorsque les retraits sont supérieurs à 500 $), l’intimé reconnaît avoir dérogé à la procédure de gestion des comptes en fidéicommis en signant le formulaire « Retrait en fidéicommis » comme travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) et comme personne responsable.
[181] Concernant Monsieur A plus particulièrement, il reconnaît avoir procéder au retrait du montant de 2 734,25 $ déposé dans le compte en fidéicommis de ce dernier sans avoir préalablement obtenu l’approbation du coordonnateur ou du responsable du Service social comme requis, puisque le client s’étant rendu en Chine, il est de ce fait dans l’impossibilité de signer ou de consentir au retrait d’argent.
[182] Or, il appert de la preuve qu’à cette époque, M. Lanteigne agit comme coordonnateur auprès de l’intimé et que son bureau est situé à l’Hôpital Notre-Dame.
[183] Objectivement, on peut donc penser que M. Lanteigne constitue l’un des gestionnaires en mesure d’approuver les retraits d’argent supérieurs à 500 $ effectués par l’intimé.
[184] Lors de l’instruction, M. Jalbert relate que les comptes en fidéicommis des clients du PRISM et du SII sont physiquement à l’Hôpital Notre-Dame.
[185] Par conséquent, pourquoi en se rendant à l’Hôpital Notre-Dame, l’intimé omet de prendre les moyens pour obtenir l’approbation de son supérieur (M. Lanteigne) avant de se présenter au Service des comptes en fidéicommis?
[186] L’intimé est totalement silencieux à cet égard.
[187] Devant le Conseil, il affirme plutôt que la procédure de gestion des comptes en fidéicommis imposée au travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) est difficilement conciliable avec l’exercice de ses activités professionnelles.
[188] Plus particulièrement, l’intimé affirme que cette procédure est trop contraignante lorsque, comme Monsieur A, le client est dans l’impossibilité de signer le formulaire.
[189] Si tant que ce qu’il avance est fondé, hormis cette affirmation générale, il ne soumet rien pour démontrer le caractère déraisonnable de la procédure dans les circonstances de l’unique retrait d’argent effectué dans le compte en fidéicommis de Monsieur A et de la somme substantielle d’argent que ce retrait implique.
[190] On ne peut en outre ignorer que l’intimé fait défaut d’expliquer pourquoi, comme chef d’équipe, il se satisfait de déroger à la procédure de gestion des comptes en fidéicommis alors qu’il l’estime inadaptée à sa réalité.
[191] Il y a absence de preuve démontrant qu’il fait preuve de diligence raisonnable à cet égard comme en demandant qu’elle soit modifiée ou en obtenant autrement (au moyen de l’envoi d’un courriel par exemple) l’approbation requise, soit de la part de M.°Lanteigne, de Mme Pelletier ou de M. Brière, et ce, en fonction de leur disponibilité.
[192] Ces constats et l’impression de négligence grave qui se dégage de son comportement sont défavorables à la thèse de l’intimé sachant qu’il a l’obligation d’établir, par une preuve prépondérante, les faits servant d’assise à son moyen de défense[22] voulant qu’il ne s’est pas approprié la somme d’argent qu’il a lui-même retirée du compte en fidéicommis de Monsieur A.
[193] L’argument additionnel qu’il invoque à la plaignante durant l’enquête, soit que l’agent administratif du Service des comptes clients l’autorise à procéder comme il le fait, ne peut non plus servir de justification à sa conduite professionnelle.
[194] Indépendamment des préoccupations que cela soulève, en l’occurrence, ce sont les actions que l’intimé pose dans le cadre de l’exercice de sa profession qui est en cause et non celles de l’agent administratif en question.
[195] L’intimé soutient en outre étonnamment « qu’il a probablement remis l’argent à quelqu’un d’autre de l’équipe afin que cette personne le dépose dans le coffre-fort ».
[196] Il affirme par ailleurs n’avoir aucun souvenir de ce qu’il a fait de la somme d’argent comptant de 2 734,25 $ et de la personne qui la dépose dans le coffre-fort.
[197] Or, comme il reconnaît avoir retiré l’argent en espèce et qu’il s’agit d’un montant considérable et inhabituel, pour le Conseil, il apparaît invraisemblable qu’il n’ait gardé aucun souvenir au sujet de ces événements.
[198] À lui seul, ce motif serait suffisant pour conclure à l’appropriation.
[199] Mais il y a plus.
[200] Plus amplement interrogé, l’intimé poursuit en précisant que c’est peut-être la personne désignée comme « dispatch » qui s’en est chargée, mais il ne peut en attester.
[201] Le Conseil reste toutefois perplexe face à l’hypothèse avancée par l’intimé.
[202] Objectivement, on ne peut ignorer l’intérêt qu’il a à défendre l’idée que le montant de 2 734,25 $ a été déposé dans le coffre-fort par quelqu’un d’autre sachant que tous les membres du SII et du PRISM ont accès au coffre-fort.
[203] Cela affecte inévitablement la fiabilité des propos de l’intimé en l’absence de preuve plus objective pour étayer ce qu’il allègue.
[204] De surcroît, d’un point de vue administratif, le Conseil peine à voir l’avantage que représente pour l’intimé le fait de remettre une somme d’argent comptant aussi élevée que 2 734,25 $ à un autre membre de l’équipe du SII simplement pour qu’il la dépose dans le coffre-fort.
[205] Une telle manière de procéder paraît si illogique d’un point de vue organisationnel et de gestion des ressources, qu’elle soulève, de ce fait, des doutes au niveau de la fiabilité de ce qu’il avance.
[206] Sans compter le caractère hautement répréhensible de cette possible délégation de tâche par l’intimé et les vives critiques auxquelles il s’expose de ce fait, en raison du manque flagrant de vigilance assimilable à de la négligence grave que cela dénote, alors qu’il est le chef d’équipe et le travailleur social chargé de la gestion d’une telle somme d’argent comptant provenant du MTESS s’agissant d’une aide de dernier recours versée à un client vulnérable empêché de consentir au retrait de ces fonds déposés dans son compte en fidéicommis.
[207] Bref, le caractère invraisemblable des explications fournies par l’intimé amène le Conseil à considérer qu’il n’est pas crédible et que son témoignage entourant « le possible dépôt de la somme de 2 734,25 $ dans le coffre-fort par un autre membre de l’équipe du SII » n’est pas digne de confiance.
[208] L’absence totale de preuve probante corroborant le dépôt ou la présence de cette somme d’argent dans le coffre-fort supporte l’émission d’une telle conclusion.
[209] Rappelons également que la décision d’inscrire le code d’accès du coffre-fort sur l’un des tableaux du local commun utilisé par tous les professionnels et intervenants du SII et du PRISM émane de l’intimé.
[210] Sans être une mesure qui en soi est décisive sur la commission des infractions du chef 1, on peut néanmoins y voir l’indice d’une forme de planification de la part de ce dernier, de brouiller les pistes de vérification et de masquer l'origine de l’appropriation des fonds.
[211] En somme, tout bien considéré, force est de constater que l’intimé est toujours au cœur des faits générateurs des infractions qui lui sont reprochées sous le chef à l’étude.
[212] Au soutien de cette dernière perception, le Conseil retient que comme chef d’équipe, l’intimé est appelé à coordonner les activités exercées par les membres du SII et du PRISM.
[213] Ajoutons que lors de l’instruction, M. Jalbert affirme qu’à cette époque il incombe à l’intimé de s’assurer « que l’argent du coffre-fort balance ». Il y a absence de preuve contradictoire à cet effet.
[214] Il en est de même pour la gestion des feuilles (ou calendriers) établissant les retraits et les dépôts de sommes d’argent appartenant aux clients effectués par les membres du SII et du PRISM, lesquelles sont conservées dans le coffre-fort.
[215] Ultimement, c’est donc l’intimé qui exerce un contrôle sur les activités exercées par les membres du SII et du PRISM ainsi que sur l’utilisation et la conservation des fonds déposés dans le coffre-fort.
[216] D’aucuns diront qu’il ne s’agit pas là de moyens additionnels pouvant servir à faciliter ou à mener à terme l’appropriation de fonds s’y trouvant.
[217] Également, mentionnons que lorsque l’intimé rencontre la plaignante le 28 septembre 2018, il lui confie avoir développé une relation d’amitié avec M. Jalbert qu’il désigne comme « son boddy ». Ce dernier, qui est criminologue, le remplace durant ses vacances et lors de son congé parental.
[218] Afin d’expliquer le fait que M. Jalbert dénonce aux gestionnaires du CHUM les retraits de sommes d’argent importantes qu’il a effectués dans le compte en fidéicommis de Monsieur B, l’intimé laisse entendre que ce dernier était jaloux de lui et qu’il convoitait son poste comme chef d’équipe.
[219] Or, devant le Conseil, M. Jalbert est catégorique : il affirme qu’il avait clairement indiqué à l’intimé qu’il n’était aucunement intéressé par ce poste.
[220] Il n’y a rien pour mettre en doute la crédibilité de M. Jalbert et la fiabilité de ce qu’il avance, d’autant plus qu’il affirme continuer d’agir comme criminologue au sein du CIUSSS et non comme chef d’équipe ou gestionnaire.
[221] Comme justification additionnelle au signalement de M. Jalbert, l’intimé invoque que ce dernier est de nature anxieuse lorsque le Conseil est appelé à examiner les messages textes qu’ils ont échangés ensemble au sujet des retraits d’argent jugés problématiques effectués dans le compte de Monsieur A. L’intimé est alors en congé de paternité.
[222] Toutefois, le comportement observé chez M. Jalbert lors de sa comparution est difficilement conciliable avec le portrait que l’intimé dresse de ce dernier.
[223] Monsieur Jalbert relate en effet, d’une façon calme et posée, les faits qui sont de sa connaissance personnelle et qui s’inscrivent dans le contexte des infractions reprochées.
[224] Également, on ne peut ignorer l’impression qui se dégage de la lecture attentive du contenu des messages textes en question, soit que c’est plutôt l’intimé qui semble manifester une certaine anxiété.
[225] Il l’admet d’ailleurs lors de son contre-interrogatoire.
[226] Dans ce contexte, en l’absence de preuve mettant en cause la crédibilité de M. Jalbert, le Conseil qui a eu l’occasion de le voir et de l’entendre expliquer les faits relatifs au chef 1 de façon sereine et pondérée, juge qu’il est crédible et que son témoignage est fiable.
[227] Ajoutons qu’il est troublant d’apprendre que l’intimé reconnaît ne pas avoir préparé le mandat-poste au montant de 2 734,25 $ afin de rendre cet argent au MTESS contrairement à ce qu’il écrit dans le dossier de Monsieur A.
[228] Il s’agit d’un fait incriminant additionnel compte tenu de l’absence de motifs raisonnables permettant de le justifier.
[229] À ce chapitre, mentionnons que tant M. Jalbert que M. Georgiades confirment le caractère inhabituel et injustifié de la décision prise par l’intimé d’avoir recours à l’achat d’un mandat-poste pour l’envoi au MTESS du montant total des prestations versées à Monsieur A.
[230] Tout comme le relate l’intimé, ils indiquent en avoir été informés lors de la tenue d’une réunion d’équipe du SII et du PRISM.
[231] Pour sa part, M. Georgiades souligne au passage que la procédure de gestion des comptes en fidéicommis prévoit plutôt l’émission de chèque.
[232] Il ressort en effet de la lecture attentive de cette procédure qu’il s’agit de l’unique moyen offert au travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) afin que l'ordre soit donné au Service des comptes clients de payer une somme d'argent au profit d'un tiers comme le MTESS.
[233] L’intimé contrevient donc encore une fois à la procédure de gestion des comptes en fidéicommis lorsqu’il propose d’utiliser le mandat-poste comme mode de paiement aux prestations versées par le MTESS totalisant 2 734,25 $.
[234] Il est difficile de mettre de côté le fait qu’il adopte alors un comportement blâmable de plus.
[235] En défense, il plaide l’efficacité du mandat-poste ainsi que la simplicité qui entoure une telle modalité de paiement.
[236] L’intimé se plaint du fait que l’émission de chèque par le Service des comptes clients en fiducie suppose de la part du travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) qu’il se conforme à une procédure lourde impliquant plusieurs étapes et des délais.
[237] Or, on ne peut faire abstraction de la similitude frappante entre ces récriminations et celles qu’il formule concernant la procédure d’approbation imposée au travailleur social (ou gestionnaire de cas/intervenant pivot) lorsque le client est empêché de signer le formulaire de retrait de fonds détenus dans son compte en fidéicommis.
[238] Bien que l’explication fournie par l’intimé soit liée à un objectif qui semble de prime abord louable, en l’espèce, elle ne constitue pas une défense valable.
[239] Signalons qu’en droit disciplinaire, les défenses de diligence raisonnable ou d'erreur raisonnable de faits sont les seules recevables.
[240] Or, en l’instance, la décision de l’intimé d’utiliser le mandat-poste comme mode de paiement ne découle ni de l’une ni de l’autre de ces défenses.
[241] Le Conseil en arrive à cette conclusion en l’absence de preuve que l’intimé a pris les moyens pour s'assurer du respect de la procédure de gestion des comptes en fidéicommis ou qu’il a été induit en erreur par une personne en autorité sur l’application ou l’interprétation à y donner et que cette erreur est objectivement raisonnable.
[242] Bref, rien n’indique qu’il prend toutes les précautions nécessaires pour éviter de contrevenir de nouveau à la procédure de gestion des comptes en fidéicommis.
[243] Ajoutons que les frais inhérents à ce mode de paiement s’expliquent très mal.
[244] Par conséquent, en définitive, le Conseil statue que les explications de portée générale données par l’intimé paraissent non plausibles et non fiables, ce qui remet forcément en cause sa crédibilité. Elles ne font donc pas le poids face à l’ensemble des faits qui supporte de façon prépondérante, claire et convaincante, la prétention de la plaignante selon laquelle il s’est approprié la somme de 2 734,25 $.
[245] En ce qui concerne le montant de 1 600 $, l’intimé laisse entendre que la plaignante omet de satisfaire à son obligation de diligence en faisant défaut de vérifier si ce montant d’argent qui est transféré au CIUSSS et non au MTESS[23] provient de la somme de 2 734,25 $.
[246] Il est vrai que la plaignante est silencieuse à cet égard.
[247] Néanmoins, en examinant la liste détaillée des transactions effectuées dans le compte en fidéicommis de Monsieur A[24], on constate qu’entre le 31 mars 2017 et le 31 mai 2017, le total des sommes d’argent déposées dans ce compte et les intérêts accumulés s’élèvent à 3 472,06 $.
[248] Ainsi, lorsque l’intimé retire la somme de 2 734,25 $, il reste la somme de 737,81 $ dans le compte en fidéicommis de Monsieur A.
[249] En outre, comme le 28 juin 2017, le MTESS envoie de nouveau la somme de 898 $ à ce dernier, l’addition de ces deux montants d’argent (737,81 $ plus 898 $) et les intérêts totalisent environ 1 648,07 $.
[250] Également, on ne peut ignorer le courriel[25] suivant que Mme Nicole Savoie, agissant comme chef du Service des comptes clients du CHUM, transmet à Mme Pelletier, le 19 décembre 2017 :
Bonjour Caroline,
Vous trouverez ci-attaché la pièce pour le retrait de 2 734,25 $. Concernant le montant de 1 648,26 $, il n’y a pas eu de retrait. J’ai le chèque en ma possession au montant de 1 657,14 $ soit, 1 648,26 $ + intérêts cumulés.
Merci de me confirmer que je peux le remettre à Benoît Laroque du CIUSSS.
N’hésitez pas à me contacter si vous nécessitez de plus amples informations.
Nicole
[251] Par conséquent, les éléments factuels examinés précédemment permettent de distinguer nettement la somme de 2 734,25 $ de celle d’environ 1 600 $ envoyée au CIUSSS.
[252] Le doute que l’intimé soulève à l’égard de la provenance de ce montant d’argent (à savoir s’il émane ou non de la somme de 2 734,25 $ qu’il retire du compte en fidéicommis de Monsieur A), est non seulement insuffisant pour le disculper d’un point de vue disciplinaire, mais au surplus, il paraît factuellement incompatible avec la preuve du présent dossier.
[253] Le Conseil en vient donc à un verdict de culpabilité sous le chef 1 à l’égard des deux dispositions de rattachement (soit l’article 3.02.01 du Code de déontologie et l’article
[254] Toutefois, en application des principes établis dans l’arrêt Kienapple[26], il y a lieu de déclarer l’intimé coupable de l’infraction fondée sur l’article
[255] En effet, comme l’énonce la Cour d’appel, dans l’arrêt Cardinal c. Chartrand[27], l’exercice d’appréciation auquel le Conseil doit se livrer en lien avec l’infraction fondée sur l’article
[256] Or, il ne fait aucun doute que l’infraction d’appropriation reprochée à l’intimé va à l’encontre des valeurs et des principes éthiques[28] propres à la profession de travailleur social, dont le respect de la dignité de la personne et la promotion des principes de justice sociale.
[257] Dans le présent dossier, on doit aussi considérer qu’il y a eu abus de confiance[29] de la part de l’intimé, puisque la preuve probante démontre qu’il s’approprie les fonds appartenant à un client (Monsieur A) dans un contexte où son employeur lui donne une liberté quasi totale dans la gestion du fonctionnement interne du SII et du PRISM, ainsi que dans la gestion des fonds retirés des comptes en fidéicommis appartenant aux clients bénéficiant des services offerts par les professionnels et intervenants de ces deux programmes.
[258] Ce faisant, il enfreint l’obligation imposée aux membres de l’Ordre, de maintenir une conduite irréprochable envers toute personne avec laquelle il entre en relation dans l’exercice de sa profession[30].
[259] Ajoutons qu’il ressort de la lecture de l’arrêt Tremblay c. Dionne[31], qu’en substance, l’infraction fondée sur l’article
[260] Autrement dit, une telle infraction découle d’un comportement si répréhensible qu’il rejaillit négativement sur l’ensemble des membres de l’Ordre en nuisant au respect que le public accorde à la profession.
[261] Dans l’esprit du Conseil, l’appropriation par un travailleur social (qui au surplus est chef d’équipe du SII et du PRISM) d’une somme de 2 734,25 $ appartenant à un client vulnérable comme Monsieur A est assurément de nature à discréditer la profession.
Chef 3 : contrefaçon de la signature de Monsieur B sur un document autorisant l’intimé à des retraits d’argent du compte en fidéicommis de ce client.
[262] Sous ce chef, la plaignante prétend que l’intimé a produit la procuration datée du 17 juillet 2017, l’autorisant à retirer la somme de 5 000 $ du compte en fidéicommis de Monsieur B, en y apposant la signature falsifiée de ce dernier.
[263] La comparution du client visé lui paraissant déraisonnable, elle présente une preuve essentiellement documentaire pour convaincre le Conseil de la commission des infractions reprochées à l’intimé.
[264] De son côté, ce dernier reconnaît avoir écrit le texte manuscrit suivant de l’autorisation écrite à l’origine des infractions reprochées au chef 3, mais se défend vigoureusement d’avoir contrefait la signature du client, Monsieur B. :
2017-07-17
Par la présente, j’autorise mon équipe - SII CHUM- Patrick Girard ou Maxime Jalbert - à sorti 5 000 $ de fiducie d’ici novembre 2017 pour payer mes amendes à la Cour municipale soit par mandat poste ou en argent comptant que je retrouverai au palais de justice – Cour municipale, autres régions QC + Ontario entre 2002 (+/-) et aujourd’hui afin de démontrer au curateur public mon implication dans mes démarches.
[265] Chaque partie soumet une preuve d’expertise à cet égard.
[266] En gardant ce bref résumé en tête, examinons désormais plus amplement l’ensemble de la preuve.
[267] Mentionnons que le 13 avril 2017, la Dre Carole Denault, neuropsychologue, produit son rapport après avoir procédé à l’évaluation de Monsieur B le 10 avril 2017.
[268] Ce rapport, qui est déposé en preuve, contient notamment les informations suivantes :
268.1. Le 27 mars 2017, Monsieur B, se présente à l’urgence psychiatrique de l’Hôpital-Notre-Dame du CHUM en raison d’une chute liée à sa surconsommation d’alcool. Il est alors sous la responsabilité du Dr Olivier Farmer (Dr Farmer);
268.2. Il bénéficie d’un hébergement à OBM, mais ayant consommé de l’alcool, il a de ce fait enfreint le règlement et risque de se voir perdre son hébergement;
268.3. Il est âgé de 58 ans, souffre d’un trouble psychotique chronique, a une forte propension à la consommation d’alcool, fait l’objet d’une ordonnance de traitement et d’hébergement depuis le mois d’avril 2016 et a un dossier judiciaire pour avoir proféré des menaces à un enfant avec des ciseaux;
268.4. Il a débuté une septième année d’études non complétée;
268.5. La neuropsychologue conclut que les anomalies observées ne sont pas d’une intensité suffisante pour entraîner des incapacités chez Monsieur B relativement à la gestion de ses biens. Les difficultés fonctionnelles qu’il présente apparaissent davantage liées à sa condition psychiatrique, sa consommation d’alcool et certains traits de sa personnalité qu’avec sa condition cognitive.
[269] Également, en lisant les notes que les professionnels ont consignées au dossier du CHUM constitué au nom de Monsieur B, on apprend ce qui suit :
269.1. Le 10 juillet 2017, Le Le Nguyen, infirmière au SII, note au dossier de Monsieur B que des démarches auprès de la personne responsable du YMCA seront entreprises afin qu’il obtienne le sursis des travaux compensatoires qu’il effectue à cet endroit pour acquitter ses amendes compte tenu de son hospitalisation;
269.2. Le 13 juillet 2017, Catherine Dugas, ergothérapeute au SII, note au dossier de Monsieur B qu’à la suite de ses vérifications, ce dernier ne peut bénéficier des soins dentaires dont les frais sont assumés par l’aide sociale. Elle écrit qu’il a toutefois la capacité financière de payer les soins dentaires urgents dont il nécessite puisqu’il possède 2 500 $ dans son compte en fidéicommis.
269.3. Le 17 juillet 2017, Le Le Nguyen, infirmière au SII, note au dossier de Monsieur B qu’elle le visite à l’hôpital avec la Dre Maryse Charron, psychiatre. Elle apprend alors que ce dernier ne veut pas dépenser pour aller consulter un dentiste et convient avec lui d’acquitter son amende de 400 $ et d’acheter ses effets personnels manquants le mercredi en après-midi suivant.
269.4. Le même jour, l’intimé inscrit au dossier de Monsieur B que celui-ci se présente aux locaux du SII pour discuter de l’ouverture possible d’un régime de curatelle tel qu’envisagé par l’équipe formée notamment du Dr Farmer pour la gestion de ses biens, qu’il est très perturbé par cette idée et souhaite démontrer qu’il est responsable.
269.5. Il note aussi qu’ils conviennent de payer ses amendes multiples que le client évalue à environ 5 000 $ et qu’à cette fin, un montant l’argent sera retiré de son compte en fidéicommis.
269.6. Plus spécifiquement, l’intimé écrit :
Convenons de sortir de l’$ sur deux mois pour acquitter dettes allons sortir ensemble 1 000 $ pour achat mandat poste pour tickets à régler – au coffre SII. Achat mandat à venir.
269.7. Toujours le 17 juillet 2017 jour, l’intimé rédige au nom de Monsieur B une autorisation écrite en précisant qu’il s’agit d’un papier officiel :
269.8. L’intimé signe l’autorisation écrite comme témoin et prévoit un espace spécifique pour apposer la signature de Monsieur B. L’espace réservé à cette fin comporte une signature réalisée à l’aide d’un crayon à l’encre rouge.
269.9. À cette date, M. Maxime Jalbert (M. Jalbert) qui est criminologue, a accepté un remplacement au sein de l’équipe du PRISM. Il ne compose donc plus l’équipe d’intervenants du SII et ce faisant, il n’a plus de contact avec Monsieur B.
269.10. Toujours le 17 juillet 2017, l’intimé remplit un formulaire de retrait en fidéicommis pour un montant de 1 000 $. Aucune justification n’est donnée concernant ce retrait d’argent bien qu’il mentionne que l’absence de signature de Monsieur B s’explique par le fait qu’il soit hospitalisé.
269.11. Le 19 juillet 2017, l’intimé obtient la signature de Monsieur B et procède à un retrait en fidéicommis d’une somme de 200 $ pour lui permettre d’acquitter des dépenses.
269.12. À cette date, il écrit ceci au dossier ce client :
Sortie avec usager pour aller acheter vêtements et croustilles (..) client demande à aller au La Baie. Comme l’heure est avancé, nous convenons de revenir demain avec lui pour achats vêtements (…) 200 $ ont été sortis fiducie. C’était gardé 12 $ environ avec lui. 180 $ restent amenés au SII pour achats demain client consent à ce que SII garde 1 000 $ +/- pour paiement amende + sur amende (à vérifier) – sortis car compte fiducie + de 2 500 $ (…)
269.13. Le 20 juillet 2017, Caroline Dugas, ergothérapeute au SII, écrit au dossier de monsieur B qu’elle le rencontre à 8 h 50 alors qu’il est hospitalisé à l’hôpital Notre-Dame afin de planifier la sortie accompagnée de magasinage chez La Baie prévue le même jour. À cette fin, elle procède à un retrait de la somme de 200 $ conservé dans le compte en fidéicommis de ce client.
269.14. Elle écrit également que Monsieur B procède à certains achats et qu’à leur retour à l’hôpital Notre-Dame, il conserve 20 $ et que « le reste (115 $) est remis à son infirmière pour la voûte ».
269.15. Le 28 juillet 2017, Le Le Nguyen, infirmière au SII, indique au dossier de Monsieur B qu’en raison des pressions ministérielles, ce dernier sera transféré au centre hospitalier Fleury dans l’attente d’obtenir une place d’hébergement.
269.16. Le 17 août 2017, un autre travailleur social (M. Félix Viau) demande le retrait de la somme de 200 $ détenue en fidéicommis pour payer les dépenses personnelles de Monsieur B. Étant donné l’absence de signature de ce dernier, il obtient l’approbation de l’intimé.
269.17. Le 24 août 2017, l’intimé note au dossier de Monsieur B qu’il le voit avec une infirmière du SII (Mme Carole B-Mucis) laquelle quitte au milieu de la rencontre. Il mentionne avoir informé le client du fait que Dr. Farmer et lui-même demanderont qu’il bénéficie de l’ouverture d’un régime de protection auprès du curateur public parce qu’ils l’estiment inapte à prendre soin de lui-même et à gérer ses biens. L’intimé indique que le client se montre surpris et nerveux face à cette éventualité et qu’il s’inquiète des changements possibles que cela pourrait avoir sur son quotidien. Il relate avoir fourni à Monsieur B les explications appropriées en vue de le rassurer.
269.18. À cette même date, il ajoute une nouvelle note au dossier de Monsieur B soulignant que ce dernier consent à sortir 200 $ pour « amendes et dépenses ».
269.19. Le 29 août 2017, l’intimé note au dossier de Monsieur B que celui-ci sort 1 000 $ de son compte en fidéicommis en exécution du plan établi avec lui pour le paiement d’une dette. Au formulaire de retrait en fidéicommis de la même date, il justifie cette démarche par « paiement à faire » et l’absence de signature du client par « absence – ressource- autorisation. Curatelle en cours ».
269.20. Les 1er et 20 septembre 2017, l’intimé note au dossier de Monsieur B que des retraits de 420 $ de son compte en fidéicommis sont effectués et donne comme justification à la première de ces deux dates « pour plan 5 000 $ dette client » et à la seconde, « pour tickets ».
269.21. Aux formulaires de fiducie de ces mêmes dates, l’intimé explique ainsi l’absence de signature de Monsieur B : le 1er septembre 2017, par « curatelle en cours – absent » et le 20 septembre 2017, par « dépenses - amende ».
269.22. Le 15 septembre 2017, Monsieur B appelle au SII parce qu’il cherche à comprendre pourquoi il n’a pas suffisamment d’argent dans son compte en fidéicommis pour être en mesure de payer son loyer.
269.23. Le 17 septembre 2017, en avant-midi, M. Jalbert envoie un texto à l’intimé afin d’obtenir des explications à cet égard.
269.24. Vers 13 h 00, il rencontre Monsieur B accompagné de Mme Le Le Nguyen, infirmière au SII. Monsieur B affirme alors ne pas avoir autorisé quiconque à retirer l’argent détenu dans son compte en fidéicommis pour le paiement de contraventions et souligne l’absence de nombreuses contraventions lui ayant été délivrées.
269.25. Vers 15 h 30, M. Jalbert se rend à la Cour municipale avec Monsieur B et ils constatent que ce dernier doit acquitter une contravention de 300 $ et qu’un paiement de 100 $ a été fait au mois de juin 2017.
269.26. Le 20 septembre 2017, Sébastien Dussault, conseilleur en intervention à la Mission, autorise Monsieur B à retirer 240 $ pour couvrir ses dépenses. En l’absence de signature du client, il obtient l’approbation de l’intimé.
269.27. Le 26 septembre 2017, l’intimé inscrit au dossier de Monsieur B que la somme de 700 $ est retirée de la fiducie pour le paiement d’amendes alors qu’aucun constat d’infraction n’a été retracé.
269.28. À cette date, il remplit aussi un formulaire de fiducie et indique « dépense » comme justification au retrait de la somme de 700 $. Il précise que l’absence de signature de Monsieur B résulte de son absence et du fait qu’il habite loin.
269.29. Le 4 octobre 2017, l’intimé note au dossier de Monsieur B qu’un montant totalisant de 500 $ (soit 200 $+ 300 $) est sorti de la fiducie « pour mettre au coffre ». Il précise également ce qui suit :
Voir autre note + 300 $ manquants pour entente ticket. À ce jour, 1 000 $ + 1 000 $ + 420 x 2 + 700 + 300 = 3 840 $ pour payer tickets – achats mandat post.
269.30. Le même jour, l’intimé note qu’il retire 1 200 $ de la fiducie de Monsieur B afin que cette somme d’argent soit conservée dans le coffre-fort du SII en raison de la fermeture de ce service pendant la période du 5 au 10 octobre 2017.
269.31. Le formulaire de retrait daté du 4 octobre 2017 rempli et approuvé par l’intimé pour retirer la somme de 1 500 $ est justifié par « argent coffre SII- -latence fiducie ». En outre, il écrit « transfert SII » somme justification à l’absence de signature de Monsieur B.
269.32. Le 5 octobre 2017, il remplit un autre formulaire de retrait en fidéicommis pour un montant de 100 $ qu’il signe et contresigne en justifiant l’absence de signature de Monsieur B par l’hospitalisation de ce dernier.
269.33. Le 15 novembre 2017, Le Le Nguyen, infirmière, inscrit dans le dossier de Monsieur B que ce dernier appelle le SII après avoir vérifié auprès du service de la fiducie s’il a reçu son chèque d’aide sociale à la suite de son constat qu’il ne lui reste plus suffisamment d’argent dans son compte en fidéicommis.
269.34. La situation rapportée par Monsieur B est ensuite portée à l’attention de Maxime Jalbert qui le rencontre le 17 novembre 2017 pour faire le point sur la situation en examinant les relevés des transactions de son compte en fidéicommis. Le Le Nguyen, infirmière, participe également à cette rencontre.
269.35. Toujours le 17 novembre 2017, M. Jalbert et Monsieur B se rendent à la Cour municipale afin d’obtenir l’information au sujet des amendes qu’il doit acquitter.
269.36. Monsieur Jalbert cherche à obtenir des explications de la part de l’intimé. Ils échangent des textos à cet égard.
269.37. Le 19 novembre 2017 (un dimanche), l’intimé texte à M. Jalbert qu’il aimerait avoir une communication téléphonique avec lui pour faire le point sur la situation de Monsieur B. Il fait référence à un mandat que le client lui a donné.
269.38. Le 20 novembre 2017, M. Jalbert fait part à l’intimé de son incompréhension face aux nombreux retraits d’argent réalisés dans le compte en fidéicommis de Monsieur B et de son intention de porter plainte.
269.39. L’intimé se rend donc ensuite au SII et sollicite une rencontre en personne avec M. Jalbert qui refuse de le voir seul.
269.40. Le lendemain (le 21 novembre 2017), Monsieur B rencontre M. Jalbert et M. Georgiades pour discuter de la disparition des fonds lui appartenant déposés dans son compte en fidéicommis et apprend que la situation a été dénoncée à la direction qui enquête à cet égard. M. Georgiades inscrit au dossier de ce client que celui-ci prend plusieurs notes pendant l’entrevue et que ces écrits et son discours semblent confus.
269.41. Par la suite, Mme Pelletier planifie la tenue d’une rencontre en personne avec le client en date du 23 novembre 2017, afin de comprendre les circonstances entourant l’autorisation datée du 17 juillet 2017 qu’il donne à l’intimé ou à M. Jalbert (criminologue au programme de suivi intensif en itinérance) de retirer la somme de 5 000 $ de son compte en fidéicommis.
269.42. Le 22 novembre 2017, Le Le Nguyen, infirmière au SII, écrit au dossier de Monsieur B qu’il appelle pour l’aviser de son intention de porter plainte à la police demain.
269.43. Comme Mme Pelletier ne connaît pas le client, elle demande à M. Georgiades, qui est le travailleur social désigné à ce dernier, de l’accompagner.
269.44. Madame Linda Lambert (Mme Lambert), responsable des relations de travail, participe également à la rencontre du 23 novembre 2017.
269.45. Lors de la rencontre, le client prend connaissance de l’autorisation écrite, affirme d’abord n’avoir jamais été informé de l’existence d’un tel document et croit donc l’avoir signé sans qu’on lui en ait lu le contenu ou expliqué la portée.
269.46. Au surplus, il s’inquiète d’amendes impayées et de la possibilité d’être emprisonné pour son défaut de les acquitter. Pour le rassurer, Mme Pelletier l’informe que la situation sera prise en charge.
269.47. Le même jour, M. Georgiades fait un résumé écrit de cette rencontre. Il écrit notamment :
(…) Mme Lambert présente un document rédigé à la main qu’elle lit à voix haute pour Monsieur. Le document en question précise que Monsieur aurait donné son accord à deux intervenants du Suivi Intensif Itinérance de faire des retraits en son nom de son compte de fidéicommis afin de rembourser des dettes liées à des contraventions, s’échelonnant sur un échéancier de juillet 2017 jusqu’en novembre 2017, pour un montant total de 5 000 $. Monsieur prend bien connaissance du document. Il stipule d’abord n’avoir jamais été informé d’un tel document et croit donc l’avoir signé sans qu’on lui en est lu le contenu ou expliqué la portée. Puis, après plusieurs vérifications, Monsieur affirme que la signature présente sur le document en question n’est pas la sienne, malgré le fait que ce soit bien avec son nom complet que le document ait été signé. (…)
[Transcription textuelle]
269.48. Le 24 novembre 2017, l’intimé est congédié.
269.49. Le 30 novembre 2017, M. Georgiades inscrit dans le dossier de Monsieur B que ce dernier se présente au SII accompagné d’une intervenante de la Mission, qu’ils se rendent à la Cour municipale, constatent qu’une amende de 300 $ demeure impayée et qu’il doit l’acquitter d’ici le 10 février 2018.
269.50. M. Georgiades note également au dossier qu’ils se rendent ensuite au Palais de justice et découvrent que le client a été condamné au paiement d’une suramende de 400 $ et l’acquitte sur le champ.
[270] À la lumière de ce qui précède, force est de constater que plusieurs des notes que l’intimé inscrit au dossier de Monsieur B sont controversées.
[271] Plus précisément, elles soulèvent les préoccupations suivantes de la part du Conseil :
[272] Signalons que lors de l’instruction, M. Jalbert témoigne aussi du fait qu’il a été étonné, voire choqué, d’apprendre que son nom apparaissait sur l’autorisation écrite du 17 juillet 2017 rédigée par l’intimé. Il affirme ne pas avoir consenti à une telle démarche et avoir été informé de l’existence de ce document a posteriori, soit lors de l’enquête administrative réalisée par le CHUM.
[273] Il y a absence totale de preuve contradictoire mettant en doute la fiabilité de ce qu’il avance et ce faisant, sa crédibilité.
[274] L’intimé justifie l’inclusion du nom de M. Jalbert au texte de l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 par le fait que c’est le professionnel désigné pour le remplacer lorsqu’il s’absente ou est empêché d’agir.
[275] Toutefois, dans ce contexte, il devient très difficile d’adhérer à la prétention de l’intimé selon laquelle il n’avait pas à aviser M. Jalbert de l’existence de cette autorisation écrite.
[276] Quelle est donc l’utilité d’impliquer M. Jalbert à sa démarche si ce dernier ignore qu’il peut s’en servir en cas d’absence ou d’empêchement d’agir de l’intimé?
[277] L’explication de l’intimé apparaît invraisemblable nuisant, de ce fait, à sa crédibilité.
[278] Cela étant dit, que nous révèle l’étude des autres éléments de preuve?
[279] À la lecture de l’évaluation psychiatrique datée du 4 avril 2018 produite par le Dr Farmer afin d’obtenir le renouvellement de l’ordonnance de traitement et d’hébergement pendant une période de trois ans, on apprend notamment ce qui suit :
279.1. Monsieur B souffre de psychose chronique liée à un diagnostic de schizophrénie paranoïde et d’un usage d’alcool important et chronique;
279.2. Il s’oppose à la prise d’une médication pour traiter sa condition de santé;
279.3. Il est en rémission partielle de son trouble lié à l’usage d’alcool.
[280] Soulignons qu’à cette date, soit environ neuf mois après l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017, le Dr Farmer est silencieux sur le fait qu’il estime que Monsieur B n’est plus totalement apte à administrer ses biens ou à faire valoir ses droits en raison de sa maladie ou de ses problèmes de consommation d’alcool.
[281] Pour le Conseil, il paraît inexplicable que le Dr Farmer n’indique pas que ce client bénéficie d’un régime de protection ou qu’il propose d’entreprendre l’ouverture d’un régime de protection pour ce dernier dans le cadre du renouvellement de l’ordonnance de traitement et d’hébergement sollicité. Il s’agit pourtant d’un facteur qui pourrait être considéré pertinent eu égard à la décision attendue à cet égard.
[282] Ce constat est grandement défavorable à la défense de l’intimé qui justifie l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 et les retraits d’argent qu’elle lui permet d’effectuer dans le compte en fidéicommis de Monsieur B, par le fait que l’équipe formée du Dr Farmer souhaite entreprendre les démarches pour l’ouverture d’un régime de protection à l’égard de ce client.
[283] Mentionnons aussi que devant le Conseil, l’intimé fournit les détails suivants au sujet de l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 :
283.1. Il rédige le texte de l’autorisation écrite[32] datée du 17 juillet 2017 en utilisant une feuille ayant l’entête du CHUM afin de rassurer Monsieur B;
283.2. Il ne fait aucune vérification pour retracer les contraventions délivrées contre un client. Il se fie plutôt sur ce que ce dernier lui rapporte;
283.3. C’est inhabituel qu’un client, comme Monsieur B, indique avoir des amendes à payer totalisant 5 000 $;
283.4. Il reconnaît que c’est « questionnable » qu’il ait fait signer l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 à Monsieur B dans le contexte de sa défense selon laquelle l’équipe formée du Dr Farmer souhaite entreprendre les démarches pour l’ouverture d’un régime de protection concernant ce client. Il avoue que ce faisant, sa conduite professionnelle est atypique;
283.5. Il prépare des autorisations écrites similaires à l’égard de deux autres clients non visés par la plainte modifiée à l’étude.
[284] Lors de son témoignage, il affirme par ailleurs n’avoir gardé aucun souvenir de l’endroit où il a produit l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017.
[285] Il est difficile de croire que l’intimé ne soit pas en mesure de se rappeler d’un élément essentiel comme le lieu où il a préparé le document en litige. Son incapacité à se remémorer un fait aussi marquant concernant la production d’un tel document inhabituel apparaît invraisemblable.
[286] On ne peut ignorer l’intérêt évident que l’intimé a à tenir un tel discours ni sa ressemblance avec l’absence de souvenir qu’il a conservé à l’égard d’informations importantes relatives au contexte des infractions reprochées au chef 1 de la plainte modifiée.
[287] En se basant sur cette dernière observation, la preuve déjà analysée et les autres affirmations que l’intimé fait lors de l’instruction, lesquelles sont abordées aux paragraphes subséquents, le Conseil juge son témoignage peu fiable. Cela porte inévitablement atteinte à sa crédibilité.
[288] En somme, il est difficile d’écarter l’idée qui s’infère de l’ensemble de la preuve, soit que l’intimé semble avoir une mémoire sélective en se souvenant de certains faits dont ceux les plus susceptibles d'avoir un intérêt pour lui.
[289] L’appréciation du Conseil est renforcée par la déclaration spontanée qu’il fait à l’audience du 2 octobre 2023.
[290] Plus particulièrement, lorsqu’il est contre-interrogé[33] sur les circonstances inexpliquées de l’autorisation écrite du 17 juillet 2017, l’intimé affirme d’abord de manière impromptue que « c’est impossible de se faire pogner pour un tel crime ».
[291] Puis après avoir pris conscience de la teneur de sa déclaration et de son caractère potentiellement incriminant, il se ravise et modifie son témoignage en affirmant plutôt « que c’est impossible de ne pas se faire pogner ».
[292] Également, devant le Conseil, il soutient avoir ajouté la mention « papier officiel » dans la procuration rédigée sur la feuille appartenant au CHUM dont il se sert. Il explique que cette inscription découle d’une demande du client et a pour but de le sécuriser, de le rassurer.
[293] Or, les différentes mesures (l’utilisation d’un papier portant l’en-tête du CHUM et l’ajout de la mention « papier officiel ») que l’intimé prend afin de démontrer qu’il a mis Monsieur B en confiance soulèvent aussi des inquiétudes.
[294] Elles dénotent une forme de planification de sa part.
[295] En somme, il est malaisant d’entendre l’intimé raconter en détail les moyens qu’il prend pour apaiser Monsieur B, alors qu’il est incapable de se souvenir d’informations importantes plus générales et intrinsèquement plus marquantes, comme l’endroit où il se trouve lors de la production et de la signature de l’autorisation écrite par ce client.
[296] L’amnésie dont souffre l’intimé à l’égard de ces faits rend le Conseil perplexe d’autant plus qu’il affirme avoir préparé des autorisations écrites similaires pour deux seuls autres clients.
[297] Le nombre restreint d’autorisations écrites semblables qu’il dit avoir rédigées (soit trois autorisations écrites au total) et le caractère exceptionnel de ce type de documents produits par l’intimé sont des faits peu compatibles avec les trous de mémoire qui l’affectent entourant celle à l’étude.
[298] Néanmoins, revenons sur le contexte ayant donné lieu à l’autorisation écrite visée au chef°3.
[299] L’intimé fournit les explications suivantes :
299.1. Il y avait des discussions au sein de l’équipe du SII sur l’ouverture possible d’un régime de protection concernant Monsieur B;
299.2. C’est l’intimé qui est le travailleur social désigné comme professionnel responsable lorsqu’une telle demande est envisagée à l’égard d’un client du SII;
299.3. Comme il incarne l’autorité auprès de Monsieur B, il se charge de l’informer du mécanisme juridique projeté afin de le protéger vu son inaptitude à administrer ses biens;
299.4. Lorsque l’intimé aborde cette question avec le client, ce dernier lui confie avoir des amendes importantes à payer;
299.5. Monsieur B est effrayé à l’idée de l’ouverture d’un régime de protection ordonné par le Tribunal.
[300] Contre-interrogé sur le rapport neuropsychologique du 13 avril 2017 et l’absence de recommandation suggérant de procéder à l’ouverture d’un régime de protection concernant Monsieur B, l’intimé signale le fait que ce rapport découle d’une seule évaluation.
[301] Il ajoute que pendant les trois mois subséquents, le psychiatre (Dr Farmer) et les membres de l’équipe du SII observent « une conduite trop erratique » chez ce client, de sorte qu’ils considèrent avoir recours à une telle mesure de protection.
[302] Le Conseil réitère que rien dans la preuve ne permet d’étayer une telle théorie.
[303] D’ailleurs, si tant est que ce qu’avance l’intimé soit avéré, comment justifier le fait qu’aucun de ses anciens collègues (M. Jalbert, criminologue, Mme Le Le Nguyen, infirmière et M. Georgiades, travailleur social), ayant formé l’équipe du SII pendant une partie ou toute la période des infractions reprochées au chef 3 de la plainte modifiée, n’en fasse mention lors de leur comparution devant le Conseil?
[304] Au contraire, M. Jalbert (désigné par l’intimé comme son ancien « boddy ») et M.°Georgiades sont catégoriques : il n’a jamais été question de procéder à l’ouverture d’un régime de protection concernant Monsieur B.
[305] Mentionnons en outre que M. Georgiades, qui est le travailleur social assigné à Monsieur B à l’époque des infractions du chef 3, relate que des montants d’argent peu significatifs sont généralement retirés du compte en fidéicommis de ce client (soit environ 100 $ à 200 $).
[306] Ce qu’il avance est corroboré par les informations contenues dans la « Liste détaillée des comptes » de Monsieur B[34] faisant état des transactions réalisées dans le compte en fidéicommis de ce client.
[307] L’intimé reconnaît d’ailleurs que Monsieur B était « quelqu’un qui dépense peu » et que ses demandes d’argent étaient raisonnables.
[308] Dans ce contexte, M. Georgiades invoque avoir été surpris d’apprendre l’existence d’un écrit signé par Monsieur B autorisant l’intimé et M. Jalbert à retirer la somme de 5 000 $ de son compte en fidéicommis.
[309] Il relate s’être rendu à la Cour municipale de Montréal le 30 août 2017 et avoir appris que Monsieur B devait une somme d’argent totalisant 700 $.
[310] Monsieur Georgiades, qui suit Monsieur B, rapporte n’avoir retracé aucune autre dette opposable à ce client.
[311] Relativement à ce dernier point, ajoutons qu’il est pour le moins curieux de voir que dans l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017, l’intimé cible une quantité impressionnante d’amendes ayant pu être imposées à Monsieur B (soit celles émanant du « Palais de justice-Cour municipale, autres régions Qc + Ontario entre 2002 (+/-) et aujourd’hui »).
[312] La période d’environ quinze ans ainsi que les diverses juridictions et provinces visées par l’intimé apparaissent excessives et de ce fait, déraisonnables, ce qui est de nature à éveiller les soupçons ou le doute sur le fondement réel de sa démarche.
[313] En d’autres mots, quel intérêt a-t-il de ratisser aussi large si ce n’est que de donner l’apparence d’une justification raisonnable à la somme d’argent significative de 5 000 $ que l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 lui donne le droit de retirer du compte en fidéicommis de Monsieur B?
[314] Cette question demeurée sans réponse est fatale pour l’intimé.
[315] Objectivement, ce comportement donne des raisons de croire qu’il cherche à dissimuler et légitimiser un acte condamnable supportant, de ce fait, la prétention de la plaignante qu’il contrevient à l’obligation d’intégrité prévue à l’article 3.02.01 du Code de déontologie et à l’interdiction de poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession énoncée à l’article
[316] Mais il y a plus.
[317] Lors de l’instruction, la plaignante dépose le rapport d’expertise que Mme Vickie Mercier (L’experte Mercier) a produit à la demande que lui formule la sergente détective Stéphanie Masson (la Sergente détective Masson) du Service de police de la Ville de Montréal, Division des crimes économiques.
[318] L’experte Mercier, qui témoigne devant le Conseil, se présente comme spécialiste judiciaire en documents. Elle explique que depuis l’année 2003, elle travaille auprès du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale qui relève du ministère de la Sécurité publique.
[319] Le Conseil lui attribue la qualité « d’experte spécialiste judiciaire en documents » après avoir considéré ses formations, ses connaissances spécialisées, son expérience professionnelle pertinente découlant notamment du fait qu’elle et sa collègue du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale sont les deux seules spécialistes judiciaires en documents au Québec.
[320] L’experte Mercier explique que la Sergente détective Masson fait appel à ses services afin de déterminer si l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 est signée par Monsieur B dans le contexte de la plainte à la police portée par ce dernier et de la poursuite criminelle intentée contre l’intimé[35].
[321] En exécution de son mandat, le 27 mars 2018, la Sergente détective Masson lui envoie dix formulaires « retrait en fidéicommis » remplis au cours des mois de mai à septembre 2017, lesquels comportent la signature du client (les documents de comparaison).
[322] Dans son rapport, à la rubrique intitulée « Examens et constatations », l’experte Mercier écrit ce qui suit au sujet des documents de comparaison et de l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 qu’elle désigne comme « le document en litige » :
Les signatures des documents en litige et de comparaison ont été examinées selon les méthodes reconnues en matière d’expertise judiciaire de documents, avec le soutien technique d'instruments optiques (loupe et stéréo microscope). Les documents de comparaison soumis s'avèrent quantitativement et qualitativement adéquats.
L’étude analytique et comparative des dix signatures « [Monsieur B] », sur les documents de comparaison C-1 à C-10, révèle des signatures stylisées présentant des similitudes graphiques au niveau des caractéristiques générales (ex. : calibre, proportions, niveau graphique, position à la ligne de référence) et morphologiques (ex. : forme des lettres, présence des dépassantes [des initiales de Monsieur B] , p et y, ponctuation liée, présence de guirlandes pour figurer les minuscules), confirmant ainsi un scripteur unique pour ces signatures présentant un patron répétitif selon une échelle de variation normale.
Le document en litige est une reproduction de bonne qualité qui permet, en l’espèce, une observation adéquate du tracé. L’analyse de la signature en litige révèle, sur reproduction transmise, une ligne d’écriture de mauvaise qualité, ralentie, sans liaisons virtuelles, présentant des coupures et des tremblements contrôlés ainsi que des départs et des finales massués, toutes caractéristiques typiques des tentatives d’imitation.
Par ailleurs, on retrouve sur la signature en litige des caractéristiques graphiques qui se distinguent de façon hautement significative de celles observées sur les signatures « de [Monsieur B] », telle que l’absence de la liaison ascendante en fin vers la ponctuation de [premier prénom de Monsieur B], omission des minuscules de « [deuxième prénom de Monsieur B] », absence du « D », mouvement inverse du « R » et une finale longue et haute vers 14h.
[Soulignement ajouté]
[323] Selon elle, l'ensemble des observations faites détermine une attribution d'origine différente, ce qui l’amène à conclure que la signature apparaissant sur l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 n’émane pas de Monsieur B et constitue une imitation.
[324] L’opinion avancée par l’experte Mercier, dans son rapport et lors de l’instruction, est sans équivoque, motivée et utile à la question en litige.
[325] Le Conseil la juge très fiable et lui accorde une valeur probante importante plus grande que celle de M. Marc Gaudreau (l’expert Gaudreau), soit l’expert mandaté par l’intimé.
[326] Soulignons d’ailleurs que dans le rapport d’expertise d’analyse judiciaire préparé par l’expert Gaudreau, ce dernier reconnaît ouvertement être généralement d’accord avec ce que l’experte Mercier exprime.
[327] Voici les autres motifs supportant l’appréciation du Conseil quant à la force probante de l’expertise produite par M. Gaudreau, ce dernier ayant été en outre appelé à témoigner comme « expert en examen judiciaire de documents ».
[328] Devant le Conseil, l’expert Gaudreau convient que l’analyse d’écriture manuscrite ne constitue pas sa plus grande expertise depuis les treize dernières années et que c’est sa conjointe qui révise son rapport d’expertise.
[329] Plus particulièrement, il précise que pour l’année en cours il a été appelé à réaliser des expertises comme celle requise par l’intimé à une fréquence d’environ une fois par mois, alors que dans le passé, il en a fait environ de quatre à cinq fois par année.
[330] Notons également qu’à la rubrique intitulée « Mandat », l’expert Gaudreau fait état des instructions reçues de la part de l’intimé. Il écrit :
J’ai été retenu par Me Rose-Mélanie Drivod, Drivod Services Juridiques, au nom de son client. Selon les instructions reçus de Me Drivod le 12 mai 2022, on m’a demandé de procéder à une contre-expertise du rapport de Mme Vickie Mercier, ainsi que mon opinion complémentaire d’expertise.
[331] Cette information est utile puisqu’elle établit le contexte particulier dans lequel l’intimé demande à M. Gaudreau d’exercer son rôle d’expert.
[332] Dans cet optique, il est difficile d’ignorer les préoccupations que soulève la mission qu’il doit accomplir « de procéder à une contre-expertise du rapport de l’experte Mercier et de donner une opinion complémentaire ».
[333] De l’avis du Conseil, une telle commande risque d’emblée de placer l’expert Gaudreau, de manière consciente ou inconsciente, dans un état d’esprit d’opposition, ce qui, à première vue, semble aller à l’encontre de l’objectivité attendue de l’expert.
[334] Du moins, ces instructions sèment un doute raisonnable sur une caractéristique essentielle de l’opinion qu’on lui demande d’exprimer en l’instance, laquelle se distingue de l’intérêt qu’a l’intimé de chercher à contredire l’opinion émise par l’experte Mercier.
[335] En effet, faut-il le rappeler, dans l’arrêt White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co.[36], la Cour suprême souligne à grand trait l’obligation du témoin expert envers le tribunal à savoir, qu’il doit être juste, objectif et impartial.
[336] Or, outre le fait d’avoir inclus dans son rapport d’expertise une formule générale attestant du devoir qui lui incombe comme expert[37], on ignore si l’expert Gaudreau est conscient du piège découlant du mandat que l’intimé lui demande d’exécuter et s’il comprend bien qu’il doit pouvoir et vouloir s’acquitter de l’obligation qui lui incombe envers le Conseil.
[337] D’ailleurs, étonnamment, lors de son contre-interrogatoire, il reconnaît ouvertement « que lorsqu’il lit le rapport d’expertise de Mme Mercier, il est biaisé d’avance ». Une telle déclaration est loin d’être rassurante.
[338] Ces remarques préliminaires étant faites, à la rubrique intitulée « Révision du rapport d’expertise d’écriture daté de Vickie Mercier », l’expert Gaudreau mentionne ceci :
Un examen interne complète de ce matériel a été entrepris pour établir que ces écrits adhèrent à un domaine de variation qui peuvent être interprétées comme étant le produit d’un seul scripteur.
Bien qu’il existe des similitudes graphiques au niveau des caractéristiques générales, selon mon examen des spécimens de comparaison C1 à C10, ceci révèle un domaine de variation très large au niveau de la vitesse d’exécution accompagné d’un manque de contrôle de l’instrument dans l’exécution des mêmes éléments graphiques entre les différentes signatures.
De son rapport, il ressort clairement que Mme Mercier a examiné une copie de bonne qualité du document en litige. En ce qui concerne son examen, mes observations sont de façon générales en accord avec celles de Mme Mercier comme elle le décrit ci-dessous.
[Transcription textuelle, soulignement ajouté]
[339] Concernant la conclusion émise par l’experte Mercier, il écrit :
Mme Mercier conclus avec certitude que la signature en litige est une imitation, et que celle-ci n’émane pas de [Monsieur B]. Une imitation d’une signature authentique qui a été exécuté de façon naturelle et spontanée, résulte d’une exécution laborieuse et consciente, résultant en une image plus ou moins fidèle à la signature imitée, avec plusieurs les caractéristiques d’une imitation incluant un tracé lent, des tremblements, des arrêts, des levées. Bien que l’on retrouve ces caractéristiques dans la signature en litige, cette signature constitue une pauvre imitation de la signature de [Monsieur B] si on se fie sur les spécimens de comparaisons C1 à C10.
Il semble malaisé dans cette expertise de pouvoir conclure de façon catégorique, excluant toutes autres possibilités pouvant menées à cette signature en litige. Dans le domaine d’examen judiciaire de documents, il et toujours préférable que l’examen fait à partir des originaux, si possible. Dans le cas présent, les documents étaient disponibles.
L’opinion exprimée par Mme Mercier exclus la possibilité d`une signature non naturelle soit de [Monsieur B] ou autre(s) scripteur.
[Transcription textuelle, soulignement ajouté]
[340] À la lumière de ce qui précède, il est difficile d’avoir une idée claire de l’opinion formulée par l’expert Gaudreau.
[341] D’une part, il écrit que l’experte Mercier « a examiné une copie de bonne qualité du document en litige », mais indique qu’il est préférable d’obtenir les originaux en soulignant que c’est ce qu’il a fait puisqu’ils étaient disponibles.
[342] Or, en outre de l’affirmation générale selon laquelle « il est préférable d’examiner les originaux », l’expert Gaudreau omet d’expliquer pourquoi sa méthode doit être privilégiée dans les circonstances de la présente affaire.
[343] En d’autres mots, il ne traite aucunement de l’impact concret que l’utilisation d’une copie de qualité par l’experte Mercier a pu avoir sur l’analyse et la conclusion émise par cette dernière.
[344] De la même façon, devant le Conseil, l’expert Gaudreau se satisfait de déclarer que sans accès à ces originaux, il n’aurait pas été en mesure d’arriver aux mêmes conclusions.
[345] Il oublie toutefois d’identifier précisément les éléments ayant été notés sur les originaux en question, lesquels sont invisibles ou absents sur les documents de comparaison et l’autorisation écrite examinés par l’experte Mercier.
[346] Ce faisant, l’expert Gaudreau prive le Conseil de déterminer si l’argument qu’il met de l’avant lié à la qualité des documents expertisés par l’experte Mercier affecte la valeur probante de l’opinion rendue par cette dernière.
[347] On doit donc écarter l’argument qu’il avance portant sur la nécessité d’expertiser les documents originaux sachant qu’il reconnaît lui-même que l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 examinée par l’experte Mercier « est de bonne qualité ».
[348] Il est difficile de faire fi de l’autre contradiction que cet argument émanant de l’expert Gaudreau soulève, soit qu’il semble, de ce fait, vouloir diminuer la valeur de l’opinion émise par l’experte Mercier, mais reconnaît par ailleurs être généralement en accord avec la conclusion à laquelle elle en vient.
[349] Ajoutons que, lors de l’instruction, ce dernier précise qu’avec les dix documents de comparaison examinés, il est incapable d’exprimer une conclusion catégorique comme le fait l’experte Mercier.
[350] Plus amplement interrogé sur cette question par la Présidente, l’expert Gaudreau soumet que l’analyse de « 12 à 20 spécimens de comparaison auraient été mieux, mais affirme qu’ici, il en aurait fallu 20 à 30 ».
[351] Non seulement il ne fournit pas l’éclairage approprié permettant de bien comprendre la logique derrière ce qu’il affirme, mais il finit par reconnaître qu’il s’en tient lui-même aux seuls dix documents de comparaison examinés par l’experte Mercier pour émettre son avis.
[352] Le mystère demeure néanmoins complet entourant le nombre exact de documents que cette dernière aurait dû examiner, selon l’expert Gaudreau et le cas échéant, les conséquences spécifiques que cela a pu avoir sur son analyse et le résultat auquel elle en vient.
[353] L’expert Gaudreau omet de se prononcer sur ces aspects importants, ce qui affecte forcément la valeur de l’avis qu’il exprime au sujet du nombre insuffisant de documents de comparaison étudiés par l’experte Mercier.
[354] De surcroît, dans son rapport, l’expert Gaudreau écrit que « possiblement, un examen judiciaire de plusieurs autres spécimens de comparaison pourrait résoudre cette limitation » et formule les deux hypothèses suivantes concernant la signature apparaissant sur l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 qu’il désigne comme « pièce C1 » :
Hypothèse A :
[Monsieur B] a exécuté la signature en litige sur la pièce C1.
Hypothèse B :
Une personne autre que [Monsieur B] a exécuté la signature en litige sur la pièce C1.
[Transcription textuelle, sauf anonymisation
[355] Cette dernière opinion de l’expert Gaudreau soulève une nouvelle question : est-ce la qualité des documents examinés par l’experte Mercier qui, selon lui, pose un problème ou le nombre de documents de comparaison analysés par cette dernière?
[356] Le Conseil l’ignore.
[357] Également, dans son rapport d’expertise, M. Gaudreau fournit une explication additionnelle au soutien de l’hypothèse B qu’il avance :
La principale limite dans cette comparaison revient du fait que certaines caractéristiques de l’écriture observées dans les spécimens de comparaison et la signature en litige peuvent être aussi observées dans une imitation et une signature non naturelle cause par les facteurs externes (c.a.d. des facteurs médicaux).
[358] À ce stade, on est donc justifié de s’interroger à savoir si c’est la qualité des documents examinés par l’experte Mercier qui constitue selon lui un enjeu, le nombre de documents de comparaison analysés par cette dernière ou ni l’un ni l’autre, puisque des facteurs médicaux propres à Monsieur B pourraient être la cause des différences observées sur les spécimens de comparaisons et l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017.
[359] Impossible de le déterminer. L’expert Gaudreau est totalement silencieux sur la portée concrète des différents facteurs qu’il cible comme particularités pertinentes à considérer.
[360] En outre, lors de son témoignage, il déclare que Monsieur B étant hospitalisé à la date mentionnée sur l’autorisation écrite, il est possible que sa médication explique ce qu’il observe en examinant la signature se trouvant sur ce document. Il poursuit en affirmant « que l’état de santé du client peut l’expliquer ».
[361] La preuve[38] révèle effectivement que Monsieur B est hospitalisé à l’Hôpital Notre-Dame du CHUM, du 12 mai au 28 juillet 2017.
[362] Néanmoins, le 17 juillet 2017 (soit à la date indiquée sur l’autorisation écrite en litige), il est raisonnable de croire que sa condition de santé et sa médication sont relativement stables, ce qui est difficilement conciliable avec l’hypothèse B formulée par l’expert Gaudreau, soit « qu’elle fait partie des issues possibles et acceptables eu égard à la preuve produite ».
[363] Du moins, il y a absence de preuve à l’effet contraire démontrant la condition de santé instable de Monsieur B et le cas échéant, les particularités supportant une telle prétention découlant de sa médication.
[364] Bien qu’en matière disciplinaire le fardeau de preuve incombe à la plaignante, le Conseil rappelle que l’intimé a l’obligation d’établir, par une preuve prépondérante, les faits servant d’assise à sa défense, dont ceux supportant l’hypothèse B soulevée par son expert.
[365] En l’instance, il ne lui suffit pas de soulever un doute, comme il est permis de le faire en matière criminelle.
[366] Relativement à ces mêmes facteurs, soulignons que l’experte Mercier se prononce aussi sur l’influence possible de la maladie, de l’intoxication et du stress sur l’écriture d’une personne.
[367] Il s’agit, selon elle, de facteurs intrinsèques qui n’affectent pas significativement la signature d’une personne. Elle écarte donc, de ce fait, l’hypothèse B retenue par l’expert Gaudreau.
[368] Ajoutons que lors de l’instruction, ce dernier reconnaît explicitement ce qui suit :
L’analyse d’écriture de personnes intoxiquées ou médicamentées, il n’en a pas fait souvent. Il en a réalisé entre 1981 et 1985, mais il n’en a plus fait ensuite.
[369] L’expert Gaudreau est en outre incapable de nommer les drogues qui auraient pour effet de rehausser ou de diminuer la qualité de l’écriture d’une personne, comme il l’avance. Cela atténue la valeur de l’hypothèse B qu’il avance.
[370] En somme, pour tous les motifs énoncés précédemment, à l’instar de la plaignante, le Conseil est d’avis qu’il y a lieu de retenir l’opinion émise par l’experte Mercier selon laquelle « nous sommes clairement dans un cas d’imitation » de la signature de Monsieur B.
[371] L’opinion de l’expert Gaudreau comporte plusieurs faiblesses importantes pour les raisons déjà mentionnées.
[372] En s’appuyant sur l’expertise de Mme Mercier et sur l’ensemble des autres éléments de preuve administrés par les parties, le Conseil est en définitive d’avis que la preuve probante, claire et convaincante démontre que l’intimé rédige le texte de l’autorisation écrite datée du 17 juillet 2017 et contrefait la signature de Monsieur B.
[373] Ainsi, il doit être déclaré coupable sous le chef 3, d’avoir contrevenu à l’article 3.02.01 du Code de déontologie et à l’article
[374] Toutefois, en application des principes de l’arrêt Kienapple[39], pour les mêmes raisons que celles exprimées sous le chef 1, il y a lieu de prononcer la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de la première de ces deux dispositions.
[375] L’imitation de la signature d’un client par un travailleur social, qui est chef d’équipe du SII et du PRISM, est sans contredit une infraction grave, laquelle est dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession.
EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :
Sous les chefs 1 et 3 :
[376] DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction fondée sur l’article 3.02.01 du Code de déontologie des membres de l’Ordre professionnel des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec et sur l’article
[377] PRONONCE la suspension conditionnelle des procédures à l’égard de l’article
Sous le chef 2 :
[378] PRONONCE l’arrêt des procédures à l’égard de l’article
[379] DEMANDE à la secrétaire du Conseil de discipline de l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec d’entreprendre les démarches en vue de poursuivre l’instruction de la plainte sur sanctions.
| ________________________________ Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO Présidente
________________________________ Mme SONIA GILBERT, T.S. Membre
________________________________ M. RICHARD LABERGE, T.S. Membre | |
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Me Marie-Christine Bourget | ||
Avocate de la plaignante | ||
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Me Rose-Mélanie Drivod | ||
Avocate de l’intimé | ||
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Dates d’audience : | 26 et 27 mai 2022, 17 et 18 janvier, 21, 24 et 31 mars, 17 et 18 mai, 1er, 2, 8, 12 et 19 juin, 29 septembre, 2 et 3 octobre 2023, 15 et 29 janvier et 29 février 2024 | |
Date de délibéré : | 18 mars 2024 | |
[1] Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Girard, 2022 QCCDTSTCF 8.
[2] Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Girard, 2023 QCCDTSTCF 17.
[3] Pièce P-1.
[4] R. c. Babos,
[5] Gélinas c. Notaires (Ordre professionnel des),
[6] Consacré à l’article
[7] Legault c. Larivée (notaires),
[8] Pièce P-9.4.
[9] Pièce P-9.6.
[10] Pièce P-6 c), p. 57.
[11] Pièce P-6 a).
[12] Pièce P-6 a).
[13] Tremblay c. Dionne,
[14] Mailloux c. Fortin,
[15] Bisson c. Lapointe,
[16] Lapointe c. Chen,
[17] Id.
[18] RLRQ, c. C-26, r. 286.
[19] Duchesneau c. Valeurs mobilières Banque Laurentienne (BLC Valeurs mobilières),
[20] Harrison c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 63.
[21] Pièce P-6 b).
[22] Cuggia c. Champagne,
[23] Voir la demande d’enquête, Pièce P-2.
[24] Pièce 6 b), p.19.
[25] Pièce P-6 b), p. 15.
[26] Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).
[27] Cardinal c. Chartrand,
[28] Article 5 du Code de déontologie.
[29] Article 17 du Code de déontologie.
[30] Article 13 du Code de déontologie.
[31] Tremblay c. Dionne,
[32] Pièce P-21.
[33] Lors de l’audience qui se tient le 2 octobre 2023.
[34] Pièce P-9.4.
[35] Cette poursuite a été éventuellement retirée.
[36] White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23, paragr. 46.
[37] Pièce I-16, p. 10 : « Je reconnais que mon devoir en tant qu’expert est d’assister le tribunal/juge des faits, et non de défendre une partie. J’ai fait tout mon possible pour que mon rapport soit conforme à ce devoir et je le ferai, si j’étais appelé à témoigner oralement et par écrit, conformément a ce devoir ».
[38] Pièce P-18.
[39] Kienapple c. R., supra, note 26.
AVIS :
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