Décision

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Lavoie c. O-Ben-Auto

2018 QCCQ 832

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

LOCALITÉ DE

MONT-JOLI

« Chambre civile »

N° :

135-32-700005-173

 

DATE :

Le 16 février 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

HERMINA POPESCU, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

DOMINIC LAVOIE

Demandeur

c.

O-BEN-AUTO

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]          Vers la fin de l’automne 2016, le demandeur, jeune père de famille, est à la recherche d’un camion à quatre roues motrices afin de faciliter les déplacements au chalet familial.

[2]          Le demandeur cherche un véhicule usagé mais avec peu de rouille et nécessitant peu de réparations.

[3]          Comme le demandeur ne trouve de tel véhicule à Montréal, il élargit ses recherches et contacte la défenderesse.

[4]          Le 14 décembre 2016, la défenderesse lui vend un véhicule.

[5]          Estimant que ce véhicule est atteint de vices cachés, le demandeur lui réclame, par demande modifiée lors de l’audience, la somme de 13 591,44 $.

[6]          Le 4 décembre 2016, le demandeur prend connaissance d’une annonce publiée par la défenderesse sur Kijiji.

[7]          Cette annonce concerne un véhicule GMC Yukon 2005, affichant à son odomètre 171 464 km. La transmission est à quatre roues motrices. La traction est intégrale (AWD), et la suspension est pneumatique.

[8]          Le demandeur explique qu’il était primordial pour lui d’avoir un véhicule à quatre roues motrices, et ce, afin de faciliter les déplacements de sa famille au chalet.

[9]          Le demandeur  appelle la défenderesse, représentée par Benoit Bertin qui lui dit que le véhicule a peu de rouille, puisqu’il y a beaucoup moins de sel sur les routes dans le Bas-St-Laurent qu’à Montréal.

[10]       L’échange de messages texte[1] du 6 décembre 2016, permet de constater que le demandeur demande à monsieur Bertin :

Merci Benoit. Tu m’as mentionné hier qu’il y avait un peu de rouille de surface sur le châssis (en dessous de la voiture), mais que c’était mineur. Est-ce que ça serait possible de prendre quelques photos ou est-ce que ça serait trop difficile avec la neige?  

(Réponse) : C’est mineur comme sur n’importe lequel des véhicules il y a toujours un peu de rouille en dessous.

[11]       Les photos P-10 de l’annonce sur Kijiji permettent au Tribunal de constater qu’il n’y a aucun signe de rouille apparent sur le véhicule.

[12]       Le prix de vente affiché sur Kijiji est de 5 975 $. Le demandeur indique toutefois qu’à la suite de ses conversations téléphoniques avec monsieur Bertin, celui-ci lui dit qu’il est prêt à laisser partir le véhicule à 5 000 $.

[13]       Les parties s’entendent pour une inspection préachat du véhicule le 14 décembre 2016. Comme le demandeur ne connaissait personne dans la région, et comme il se déplaçait en avion, il retient les services d’un garage situé à proximité de l’aéroport.

[14]       Le demandeur relate que cette inspection a révélé que le frein à main n’était plus fonctionnel, qu’une des roues était légèrement brisée, que les pneus étaient usés, que l’air climatisé ne fonctionnait pas ainsi que l’essuie-glace arrière, que les poignées de porte arrière étaient difficiles à ouvrir, que les lumières d’éclairage de la plaque d’immatriculation étaient brisées et que les plaquettes des freins étaient à changer.

[15]       En raison de ces problèmes révélés lors de l’inspection, les parties s’entendent pour un prix d’achat de 4 000 $ pour le véhicule.

[16]       C’est ainsi qu’un contrat de vente d’un véhicule d’occasion intervient entre les parties.

[17]       Le contrat fait état du véhicule qui affiche à son odomètre 171  332 km (alors que sur l’annonce Kijiji il est indiqué 171 464 km).

[18]       Le demandeur explique qu’avant l’achat, monsieur Bertin lui a dit que le système audio-vidéo de l’automobile ne fonctionnait pas, que les suspensions arrière n’étaient pas originales et qu’il y avait une légère bosse dans la carrosserie avant droite du camion.

[19]       C’est pour ça que le contrat précise que la vente est faite sans garantie et que le véhicule nécessite des « réparations mécaniques et body ».

[20]       Lors de la conclusion de ce contrat, la défenderesse remet au demandeur l’étiquette qui se trouvait dans le véhicule[2].

[21]       Cette étiquette fait également état d’un odomètre de 171 464 km, d’une transmission automatique et d’une traction AWD. Elle précise que le véhicule est de la classe D au sens de la Loi sur la protection du consommateur et contient la mention suivante :

RÉPARATIONS

Les réparations suivantes ont été effectuées sur cette automobile depuis que le commerçant l’a en sa possession :

Aucune

Réparations facultatives :

Aucune

[22]       Aucune autre remarque quant à l’état du véhicule.

[23]       La défenderesse remet une procuration au demandeur pour le changement d’immatriculation auprès de la SAAQ qui effectue ce changement le jour même. Il paie alors des frais de 912,33 $.

[24]       Le demandeur explique que lors de l’inspection avant achat, il a constaté que le véhicule semblait en bon état, à part les détails qui avaient été révélés par le mécanicien.

[25]       Le demandeur rentre avec le véhicule à Montréal.

[26]       Le 15 décembre 2016, par une période de grand froid, le demandeur constate que le véhicule ne démarre pas. Il réussit à survolter le véhicule et se rend chez Canadian Tire pour faire l’acquisition d’une batterie qu’il a payée 333,42 $[3].

[27]       Le 19 décembre 2016, le demandeur amène le véhicule chez son garagiste habituel, puisqu’il souhaite y effectuer un traitement antirouille.

[28]       Il explique qu’il constate alors des signes de rouille qui commencent à apparaître sur le véhicule. En sortant du lave-auto automatique, il constate que le contour arrière droit du véhicule démontre des signes de rouille.

[29]       Le Tribunal a pu constater la présence de ces signes de rouille sur les photos P-6 prises par le demandeur entre décembre 2016 et janvier 2017. Le Tribunal a aussi pu constater que les photographies accompagnant l’annonce Kijiji de la défenderesse ne démontraient aucun signe de rouille à cet endroit.

[30]       Le 19 décembre 2016, le demandeur apprend qu’il y a une fuite de liquide de transmission qui doit être réparée. Il découvre aussi que le système AWD n’était pas fonctionnel et qu’il nécessitait une réparation. De plus, le système de refroidissement est défectueux.

[31]       Le 20 décembre 2016, le demandeur effectue des réparations de 1 755,64 $ sur le véhicule, pour remplacer la pompe à eau, mettre de l’huile à transmission, remplacer la courroie de l’alternateur, installer un moteur usé d’essuie-glace arrière, remplacer la batterie, établir une connexion pour la radio.

[32]       Le 29 décembre 2016, alors qu’il revient du chalet avec sa famille, le demandeur constate que les freins ont lâché. Il doit faire remorquer son véhicule dans un garage à proximité, et il doit payer un montant de 242,89 $[4] pour le remplacement des freins.

[33]       Le demandeur explique que cette situation lui a causé des inconvénients, puisque la famille avait des engagements sociaux la journée du 29 qui a dû être retardé au 30 décembre.

[34]       Dès le 29 décembre, le demandeur avise par courriel le défendeur des problèmes éprouvés avec le véhicule.

[35]       Ainsi, il lui explique que la pompe à eau était brisée et qu’il y avait une fuite importante de « prestone ». Il a dû remplacer le système de refroidissement.

[36]       La défenderesse ne donne pas suite à ces nombreux courriels.

[37]       C’est ainsi que le 4 avril 2017, le demandeur adresse une mise en demeure à la défenderesse et lui réclame la somme de 7 500 $.

[38]       Voici le détail de la réclamation du demandeur :

Système de quatre roues motrices :

2 493,17 $

Freins :

1 640,99 $

Freins :

242,89 $

Prix d’achat du véhicule :

4 000 $

Batterie :

333,42 $

Refroidisseur du système :

1 755,64 $

Bougies :

125,33 $

Troubles et inconvénients (temps perdu) et paiement de l’immatriculation :

3 000 $

Total :

13 591,44 $

[39]       La défenderesse opère un garage spécialisé dans la réparation et la vente de véhicule automobile. Son unique propriétaire est Benoît Bertin.

[40]       Monsieur Bertin explique qu’il avait mis au courant le demandeur du fait que le véhicule avait besoin de réparations.

[41]       Il prétend qu’il a remis au demandeur une étiquette d’un véhicule d’occasion (pièce D-14).

[42]       Ce document mentionne qu’il y a des réparations effectuées au niveau du parechoc arrière, qu’il y a eu des réparations au ball-joint ainsi qu’au joint privé shift.

[43]       Il mentionne également certaines défectuosités non réparées : système de frein à refaire puisqu’il y avait de la rouille sur le tuyau, le système AWD était défectueux, bâti à refaire car mal fait.

[44]       Le demandeur explique qu’il n’a jamais vu ce document avant la conclusion de la vente et il ne l’a certainement pas signé. S’il avait connu l’existence des réparations effectuées ainsi que des défectuosités non réparées, il n’aurait jamais acheté ce véhicule.

[45]       Monsieur Bertin estime que la réclamation du demandeur est exagérée.

[46]       De plus, il estime qu’il ne doit aucun montant au demandeur, puisque celui-ci aurait pu constater les défauts dont il se plaint.

[47]       Enfin, monsieur Bertin estime que le véhicule acheté par le demandeur ne peut être couvert par une garantie, en raison du kilométrage affiché à l’odomètre et de l’âge du véhicule.

[48]       L’article 1726 C.c.Q. prévoit que le vendeur doit garantir que le bien vendu est exempt de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait payé si haut prix, s’il les avait connus.

[49]        L’article 1729 C.c.Q. prévoit que l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée si la vente est effectuée par un vendeur professionnel.

[50]       Est-ce que la défenderesse a divulgué au demandeur les réparations effectuées et les défectuosités non réparées sur le véhicule avant la conclusion du contrat d’achat?

[51]       Le Tribunal estime que la version du demandeur est plus crédible.

[52]       En effet, les messages texte produits par le demandeur corroborent son témoignage : il était à la recherche d’un véhicule usagé, qui avait peu de rouille et qui n’avait pas besoin de réparations significatives.

[53]       Le courriel du 29 novembre 2016[5] du demandeur confirme que le demandeur souhaite avoir un véhicule dont la carrosserie était en bon état avec peu de rouille et sans dommages  et qui n’avait pas besoin de réparations.

[54]       De plus, la version du demandeur est plus crédible lorsqu’il explique que l’étiquette qui lui a été remise par la défenderesse lors de la conclusion du contrat d’achat est l’étiquette P-10 qui ne mentionne aucune réparation effectuée et à venir du véhicule.

[55]       Le témoignage du demandeur est crédible lorsqu’il explique que le document D-14 produit par la défenderesse n’a pas été communiqué au demandeur avant l’achat.  Ce document, qui mentionne, entre autres, que la traction AWD est défectueuse, est contredit par l’annonce Kijiji publiée par la défenderesse qui précise que le véhicule a une traction AWD sans aucune mention de défectuosité.

[56]       La preuve prépondérante révèle que le demandeur a effectué un examen attentif du véhicule avant l’achat. Comme il ne s’y connait pas, il a pris la peine de le faire inspecter dans un garage de la région.

[57]       La preuve prépondérante révèle que la défenderesse, qui est un vendeur professionnel, a caché au demandeur que le véhicule acheté avait été réparé et qu’il avait encore besoin de réparations, et ce, malgré le fait que le demandeur lui ait indiqué clairement rechercher un véhicule qui avait peu de rouille et qui n’avait pas besoin de beaucoup de réparations.

[58]       Elle révèle aussi que des réparations esthétiques quant à la carrosserie du véhicule ont été effectuées avant la vente, et qu’après quelques lavages du véhicule la peinture ainsi appliquée s’est enlevée laissant paraître la rouille.

[59]       Le demandeur a donc prouvé que le véhicule acheté de la défenderesse était atteint d’un vice caché et qu’il n’aurait pas acheté ce véhicule ou n’aurait pas donné un si haut prix s’il l’avait connu.

[60]       Le Tribunal estime de plus que la défenderesse connaissait le vice caché et ne pouvait l’ignorer.

[61]       Quel est le montant auquel le demandeur a droit?

[62]       Il ne faut pas oublier que le demandeur a fait parvenir une mise en demeure à la défenderesse le 4 avril 2017. Toutefois, les courriels envoyés par le demandeur à partir du 29 décembre 2016, avise de façon non équivoque la défenderesse du problème que le véhicule éprouve.

[63]       Par conséquent, le Tribunal ne peut tenir compte des réparations effectuées avant le 29 décembre 2016.

[64]       Par conséquent, le demandeur a prouvé avoir droit au remboursement de la réparation effectuée le 22 février 2017 sur le véhicule, soit un montant de 2 493,17 $.

[65]       Il a également droit à recevoir un dédommagement pour la rouille sur le véhicule. En l’absence d’une preuve concluante quant à la valeur de ce dédommagement, et utilisant son pouvoir discrétionnaire, le Tribunal fixe ce dédommagement à 500 $.

[66]       L’article 38 de la Loi sur la protection du consommateur (L.p.c.) prévoit que le bien acheté doit pouvoir servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard, entre autres, aux dispositions du contrat. Or, la preuve prépondérante permet de conclure que tel n’est pas le cas. Comme la défenderesse a failli à cette obligation, le demandeur a droit à des dommages-intérêts punitifs de 1 000 $ (art. 272 L.p.c.).

[67]       Il a également droit à des dommages compensatoires de 1 000 $ pour les troubles et inconvénients subis.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[68]       ACCUEILLE en partie la demande;

[69]       CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 4 993,17 $ avec intérêts au taux légal ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., et ce, à compter de la date de la mise en demeure (4 avril 2017);

[70]       AVEC FRAIS DE JUSTICE DE 200 $.

 

 

__________________________________

HERMINA POPESCU, J.C.Q.

 

 

 

 

Date d’audience :

Le 12 février 2018

 



[1]     Pièce P-4

[2]     Pièce P-10

[3]     Pièce P-10

[4]     Pièce P-8

[5]     Pièce P-4

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