Mercier Sincennes c. 9149-6406 Québec inc. (Climatisation Repentigny) |
2011 QCCQ 7640 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
730-32-006789-098 |
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DATE : |
27 mai 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
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ESTHER MERCIER SINCENNES |
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Partie demanderesse |
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c. |
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9149-6406 QUÉBEC INC. « Climatisation Repentigny » |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Madame Mercier Sincennes réclame le remboursement d'un dépôt de 500 $ qu'elle a versé pour l'achat d'un appareil de climatisation en invoquant les dispositions relatives à la vente itinérante et le fait d'avoir été induite en erreur.
[2] Climatisation Repentigny nie qu'il y ait eu vente itinérante et ajoute que le contrat proposé rencontrait les volontés de la demanderesse.
LA QUESTION EN LITIGE
[3] La question à trancher ici est la suivante:
a) La vente
réalisée le 15 juin 2009 constitue-t-elle une vente « itinérante »
au sens des articles
LES FAITS
[4] En 2009, madame Mercier Sincennes est une personne âgée de 82 ans qui demeure en résidence.
[5] Le 4 juin 2009, elle téléphone chez Climatisation Repentigny parce que son climatiseur ne fonctionne pas.
[6] Ce n'est pas la première fois que cela se produit. Au cours de l'année 2008, le technicien s'est présenté à au moins deux reprises (17 juin et 30 juillet) pour procéder à des réparations (factures de 98,77 $ et 725,12 $).
[7] Elle a d'ailleurs dû se priver de son climatiseur pendant plusieurs semaines de l'été 2008 à cause d'une pièce manquante.
[8] Il y a lieu de préciser que Climatisation Repentigny n'était pas le vendeur de cet appareil datant de quelques années.
[9] Lorsque le technicien Stéphane Duquette se présente le 4 juin 2009, madame Mercier Sincennes lui fait part de son mécontentement concernant cet appareil et qu'elle ne désire pas passer un été 2009 comme le fut l'été 2008.
[10] Monsieur Duquette lui mentionne que l'appareil est dû pour être remplacé parce qu'il commence à être âgé.
[11] Elle lui demande le prix d'un nouvel appareil mais monsieur Duquette lui mentionne que c'est son patron, monsieur Gignac, qui s'occupe de cela. Monsieur Duquette procède à la réparation de l'unité défectueuse pour un coût de 430,33 $.
[12] Peu après, le climatiseur arrête de nouveau. Le technicien Duquette le fait redémarrer en pesant sur le bouton « RESET », ce qui serait une procédure normale.
[13] Le 15 juin, monsieur Gignac se présente chez madame Mercier Sincennes pour discuter du prix d'un nouvel appareil. Il parle également au téléphone avec le fils de madame Mercier Sincennes qui vérifie ce qu'il en est et laisse sa mère décider si elle désire acquérir un nouveau climatiseur.
[14] Lors de cette rencontre, monsieur Gignac présente à madame Mercier Sincennes un contrat pour l'acquisition et l'installation d'un climatiseur mural 12 000 BTU pour le prix de 2 321,88 $. Elle signe ce contrat et verse un dépôt de 500 $. Elle témoigne qu'elle aurait voulu avoir un délai pour y penser mais qu'il fallait qu'elle signe tout de suite et verse le dépôt demandé.
[15] La preuve n'est pas claire si le climatiseur en place fonctionnait ou pas ce jour-là. Madame Mercier Sincennes dit que non, ce que monsieur Gignac contredit.
[16] Toujours est-il que le lendemain, le concierge de l'immeuble aurait fait redémarrer le climatiseur en pesant sur le bouton « RESET », ce qui dissuade madame Mercier Sincennes de remplacer son climatiseur.
[17] Elle téléphone chez Climatisation Repentigny pour annuler le contrat et demander son dépôt, ce qui est refusé par monsieur Gignac.
[18]
Le 18 juin, elle transmet à Climatisation Repentigny un avis écrit de
résolution en vertu de l'article
[19] Elle déclare que l'ancien climatiseur a très bien fonctionné jusqu'à ce qu'elle quitte cette résidence en 2010 et qu'il n'était donc pas justifié de le remplacer.
[20] Le nouvel appareil n'a pas été installé mais elle veut récupérer son dépôt de 500 $.
LES RÈGLES DE DROIT APPLICALBES
[21] Madame Mercier Sincennes invoque les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur concernant la vente itinérante pour résoudre son contrat parce que le contrat a été signé à son domicile.
[22] Climatisation Repentigny plaide pour sa part que, vu qu'il a été signé au domicile de madame Mercier Sincennes à la demande de celle-ci, les dispositions concernant la vente itinérante ne s'appliquent pas.
[23] Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes:
55. Un commerçant itinérant est un commerçant qui, en personne ou par représentant, ailleurs qu'à son adresse:
a) sollicite un consommateur déterminé en vue de conclure un contrat; ou
b) conclut un contrat avec un consommateur.
56. Les articles 58 à 65 s'appliquent au contrat de vente ou de louage de biens et au contrat de service conclu par un commerçant itinérant, à l'exception, toutefois, des contrats prévus par règlement.
57. Sous réserve de ce qui est prévu par règlement, ne constitue pas un contrat conclu par un commerçant itinérant, le contrat conclu à l'adresse du consommateur à la demande expresse de ce dernier, à la condition que ce contrat n'ait pas été sollicité ailleurs qu'à l'adresse du commerçant.
59. Le contrat conclu entre un commerçant itinérant et un consommateur peut être résolu à la discrétion de ce dernier dans les dix jours qui suivent celui où chacune des parties est en possession d'un double du contrat.
Ce délai est toutefois porté à un an à compter de la date de la formation du contrat dans l'un ou l'autre des cas suivants:
a) le commerçant n'est pas titulaire du permis exigé par la présente loi lors de la formation du contrat;
b) le cautionnement fourni par le commerçant n'est pas valide ou conforme à celui qui est exigé par la présente loi lors de la formation du contrat;
c) le contrat ne respecte pas l'une des règles de formation prévues par les articles 25 à 28 ou ne comporte pas l'une des indications prévues par l'article 58;
d) un Énoncé des droits de résolution du consommateur et un formulaire de résolution conformes au modèle de l'annexe 1 ne sont pas annexés au contrat lors de sa formation;
e) le commerçant ne livre pas le bien ou ne fournit pas le service dans les 30 jours qui suivent la date indiquée au contrat ou la date ultérieure convenue avec le consommateur pour la livraison du bien ou la prestation du service, sauf lorsque le consommateur accepte hors délai cette livraison ou cette prestation.
60. Le commerçant itinérant ne peut percevoir de paiement partiel ou total du consommateur avant l'expiration du délai de résolution prévu à l'article 59 tant que le consommateur n'a pas reçu le bien qui fait l'objet du contrat.
61. Le consommateur se prévaut de la faculté de résolution:
a) par la remise du bien au commerçant itinérant ou à son représentant;
b) en retournant au commerçant itinérant ou à son représentant le formulaire prévu à l'article 58; ou
c) par un autre avis écrit à cet effet au commerçant itinérant ou à son représentant.
62. Le contrat est résolu de plein droit à compter de la remise du bien ou de l'envoi du formulaire ou de l'avis.
Un contrat de crédit conclu par le consommateur, même avec un tiers commerçant, à l'occasion ou en considération d'un contrat conclu avec un commerçant itinérant, forme un tout avec ce contrat et est, de même, résolu de plein droit dès lors qu'il résulte d'une offre, d'une représentation ou d'une autre forme d'intervention du commerçant itinérant.
63. Dans les 15 jours qui suivent la résolution, les parties doivent se restituer ce qu'elles ont reçu l'une de l'autre.
Si le commerçant itinérant ne peut restituer au consommateur le bien reçu en paiement, en échange ou en acompte, il doit lui remettre le plus élevé de la valeur du bien ou de son prix indiqué au contrat.
Le commerçant itinérant assume les frais de restitution.
[24]
Les articles
7. Malgré l'article 57 de la Loi, le contrat conclu par un commerçant et dont l'objet est:
a) la vente d'une porte, d'une fenêtre, d'un isolant thermique, d'une couverture ou d'un revêtement extérieur d'un bâtiment;
b) le louage de services relativement à un bien mentionné au paragraphe a;
c) à la fois, la vente d'un bien mentionné au paragraphe a et le louage de services relativement à un tel bien;
constitue un contrat conclu par un commerçant itinérant même s'il a été conclu à l'adresse du consommateur à la demande expresse de ce dernier.
7.1. Malgré l'article 57 de la Loi, constitue un contrat conclu par un commerçant itinérant le contrat conclu à l'adresse du consommateur à la demande expresse de ce dernier, lorsque cette demande expresse fait suite à un contact initialement pris par le commerçant avec ce consommateur, par téléphone ou autrement, en vue d'être autorisé ou invité à passer chez le consommateur pour présenter son produit, pour faire une évaluation ou sous un quelconque prétexte.
[25] La Loi contient également les définitions suivantes applicables dans le présent cas:
1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
a) «adresse»:
i. du commerçant: le lieu de son établissement ou bureau indiqué dans le contrat ou celui d'un nouvel établissement ou bureau dont il a avisé postérieurement le consommateur, sauf une case postale;
ii. du fabricant: le lieu d'un de ses établissements au Canada, sauf une case postale;
iii. du consommateur: le lieu de sa résidence habituelle indiqué dans le contrat ou celui d'une nouvelle résidence dont il a avisé postérieurement le commerçant;
[26] Le contrat à l'étude ayant été conclu « ailleurs qu'à l'adresse du commerçant », les dispositions de la Loi sur la vente itinérante s'appliquent-elles à la défenderesse (article 55)? L'exception prévue à l'article 57 trouve-t-elle application ici?
[27] Pour que l'exception de l'article 57 s'applique, il faut que le contrat « n'ait pas été sollicité ailleurs qu'à l'adresse du commerçant »; il faut donc que le contrat ait été sollicité à l'adresse du commerçant.
[28] Ces articles ont fait l'objet de plusieurs décisions de nos tribunaux.
[29]
Dans un premier temps, c'est au commerçant de prouver que l'exception
contenue à l'article
[30]
L'exception de l'article
[31]
À l'inverse, sont assujetties à l'application des dispositions de la Loi
sur la protection du consommateur sur la vente itinérante les contrats signés
au domicile du consommateur lorsque la présence à l'adresse de celui-ci n'a pas
été demandée à l'adresse du commerçant ou que les exceptions des articles
[32] Ainsi, l'application de la Loi dépendra des circonstances particulières à chaque cas.
ANALYSE ET DÉCISION
[33] Dans la présente affaire, j'en viens à la conclusion que Climatisation Repentigny était un commerçant itinérant le 15 juin 2009 lorsque monsieur Gignac a fait signer le contrat au domicile de madame Mercier Sincennes.
[34] Puisque madame Mercier Sincennes ne désirait que connaître le prix d'un nouveau climatiseur lorsqu'elle a interrogé le technicien Duquette à ce sujet, ce prix aurait très bien pu lui être communiqué par téléphone, ce qui lui aurait fourni l'opportunité de réfléchir à son achat.
[35]
De plus, la demande d'information de madame Mercier Sincennes a été
faite « ailleurs qu'à l'adresse du commerçant », soit, à son
domicile, d'où la non-application de l'exception de l'article
[36] En se présentant au domicile de celle-ci pour lui donner ces informations et lui faire signer le contrat sur le champ, monsieur Gignac est devenu un commerçant itinérant.
[37] Tel que l'écrivait feu Me Claude Masse dans son traité Loi sur la protection du consommateur - Analyse et commentaires[5], c'est la vulnérabilité du consommateur à son domicile qui a amené le législateur à légiférer sur les contrats qui y sont signés (page 372):
« La vulnérabilité des consommateurs y est particulièrement évidente, et ce, pour trois raisons principales:
1- L'expérience démontre que le consommateur est particulièrement influençable lorsqu'il fait face à un commerçant itinérant. Ce dernier apporte parfois une présence humaine à des personnes seules ou isolées. Il est difficile de refuser une offre après dix ou vingt minutes de conversation. On ne veut pas déplaire et, surtout, on ne peut rompre le contact et se réfugier chez soi…puisque l'on s'y trouve déjà;
2- Le commerçant itinérant ne vend le plus souvent qu'une seule gamme de produits et il est impossible pour le consommateur de comparer sur le champ avec des produits semblables ou avec les prix concurrents;
3- … »
[38] Ici, madame Mercier Sincennes avait le droit de résoudre son contrat comme elle l'a fait le 18 juin 2009 et de récupérer son dépôt.
[39] Sa décision de résoudre le contrat était d'autant plus justifiée que son appareil a fonctionné sans problème jusqu'à ce qu'elle quitte cette résidence un an plus tard, ce qui met en doute la pertinence de le remplacer en juin 2009.
[40]
Il y a également lieu de prendre en considération le fait qu'elle venait
de verser pas moins de 1 254,22 $ à la défenderesse en réparations de
toutes sortes depuis un an, ce qui lui donnait droit d'avoir un appareil
fonctionnel au moins pour une durée raisonnable (article
[41] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[42] ANNULE le contrat intervenu entre les parties le 15 juin 2009;
[43]
CONDAMNE 9149-6406 Québec inc. (« Climatisation Repentigny »)
à rembourser à madame Esther Mercier Sincennes la somme de 500 $, avec
intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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__________________________________ RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
19 mai 2011 |
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[1] L.R.Q. c. P-40.1, articles 55 à 65
[2]
Ray Résidentiel inc. c. Petosa
[3]
Denis c. Rénovations Jacques Normandin inc.
[4]
Systèmes techno-pompes inc. c. La Manna
[5] 1999, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, 1545 pages
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.