Arpin c. 9281-2122 Québec inc. |
2018 QCCQ 7188 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
TROIS-RIVIÈRES |
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« Chambre civile » |
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N° : |
400-32-014046-176 |
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DATE : |
4 octobre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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JANIE CLAUDE ARPIN |
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Demanderesse |
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c. |
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9281-2122 QUÉBEC INC. Et 9206-9608 QUÉBEC INC. |
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Défenderesses Et 9206-9608 QUÉBEC INC. Tierce intervenante |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse reproche aux parties défenderesses 9281-2122 Québec inc., une agence de voyages faisant affaire sous la dénomination sociale Voyage Vasco MRC de Maskinongé (Voyage Vasco) et 9206-9608 Québec inc., un grossiste en voyages (Cap Évasion), de ne pas l’avoir informée de l’exigence des autorités douanières indonésiennes de détenir un passeport dont la date d’expiration était de plus de six mois de la date du départ.
[2] Elle leur réclame la somme de 10 000 $ composée du remboursement du forfait voyage de 2 779 $ et des dommages et intérêts pour troubles et inconvénients de 7 221 $.
[3] Les défenderesses nient responsabilité et prétendent n’avoir commis aucune faute. Par ailleurs, Voyage Vasco appelle en garantie Cap Évasion.
MISE EN CONTEXTE
[4] Au printemps 2016, Caroline Valois, qui est agente de voyages pour Voyage Vasco prévoit participer à un voyage de familiarisation pour agent de voyages en Indonésie en octobre 2016 organisé par Cap Évasion. Elle en discute avec la demanderesse, qui est une bonne connaissance, et lui offre de participer au voyage à titre d’accompagnatrice. Le voyage est prévu du 12 octobre 2016 au 23 octobre 2016 et prévoit une escale au Qatar entre Montréal et Bali.
[5] Le 23 avril 2016, madame Valois procède à l’achat de son billet au montant de 2 499 $ ainsi qu’à celui de la demanderesse à titre d’accompagnatrice au montant de 2 779 $. Elle obtient le numéro de carte de crédit de la demanderesse et procède le jour même au versement d’un acompte de 500 $ pour celle-ci. Le 23 avril 2016, Cap Évasion émet une facture à l’ordre de Voyage Vasco pour l’achat des deux forfaits de madame Valois et de la demanderesse.
[6] Dans les semaines précédant le départ, le représentant de Cap Évasion, Zaki Adjali, transmet plusieurs correspondances par courriel aux agents de voyages qui participent au voyage. Ces correspondances sont transmises à madame Valois, mais aucune d’elles n’est transmise à la demanderesse.
[7] Lors de ces correspondances, M. Adjali demande aux agents de voyages participants de transmettre leur passeport ainsi que ceux des accompagnateurs et fait notamment mention de vérifier que les passeports sont valides six mois après la date de retour. En réponse à ces correspondances de M. Adjali, madame Valois transmet copie de son passeport et celui de la demanderesse.
[8] Le 12 octobre 2016, la demanderesse et madame Valois s’envolent de Montréal vers leur escale du Qatar à bord de Qatar Airways. Monsieur Adjali accompagne le groupe d’environ 20 personnes.
[9] Le 14 octobre 2016, le groupe embarque sur leur vol de correspondance de Qatar à Bali et arrive à Bali le même jour. Au moment où la demanderesse se présente aux douanes et exhibe son passeport, un douanier l’informe qu’il y a un problème. Trois personnes, qui semblent être vraisemblablement du personnel des douanes ou des agents de sécurité, viennent alors chercher la demanderesse et l’amènent au bureau du responsable.
[10] Monsieur Adjali, ayant appris la situation, se rend dans le bureau du responsable et tente de discuter avec celui-ci afin que la demanderesse puisse être admise. Or, l’intervention de M. Adjali s’avère être infructueuse et il informe la demanderesse que celle-ci ne peut rester en Indonésie étant donné que son passeport expire dans moins de six mois. Il mentionne qu’elle doit donc retourner au Canada et lui fournit son numéro de téléphone cellulaire en cas de problème puis laisse la demanderesse pour rejoindre le groupe.
[11] La demanderesse se retrouve seule et est escortée par trois responsables de la sécurité qui l’accompagnent pour un embarquement sur un vol de retour au Qatar. On lui confisque son passeport pendant toute la durée du vol. Une fois arrivée au Qatar, elle doit attendre que tous les passagers aient quitté l’avion avant d’en sortir accompagnée encore une fois par trois responsables de la sécurité qui l’accompagnent jusqu’au comptoir de Qatar Airways.
[12] La demanderesse apprend alors qu’il lui sera impossible d’avoir un vol à destination du Canada avant 24 heures et qu’il lui est interdit de demeurer à l’aéroport plus de 12 heures. Elle est donc laissée à elle-même et doit trouver un hôtel. Son passeport est toujours confisqué par les responsables de Qatar Airways.
[13] Après avoir réussi à rejoindre madame Valois et M. Adjali qui lui mentionnent à quel point ils sont désolés de la situation, la demanderesse réussit néanmoins à trouver un vol vers Boston le jour même puis une correspondance de Boston à Montréal. Elle est de retour à Montréal le samedi 15 octobre 2016.
ANALYSE
[14] En vertu des règles de preuve applicables en matières civiles, la partie qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve prépondérante des faits qui soutiennent sa prétention[1].
a) Les parties défenderesses ont-elles manqué à leurs obligations envers la demanderesse?
[15] L’achat d’un forfait voyage est un contrat de service au sens du Code civil du Québec (C.c.Q.) aux termes duquel l’agence de voyages est tenue aux obligations du prestataire de services prévues à l’article 2100 du Code civil du Québec :
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[16] Ce contrat de service est également régi par la Loi sur la protection du consommateur (LPC) qui prévoit les dispositions suivantes :
16. L’obligation principale du
commerçant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prévu
dans le contrat.
…
40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.
41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.
[17] La Cour d'appel du Québec[2] présente les cinq principales obligations de l’agence de voyages comme suit:
- Une obligation d'information et de conseil;
- Une obligation relative au choix de prestataires;
- Une obligation de conformité;
- Une obligation de sécurité;
- Une obligation d'assistance.
[18] L’agence de voyages a donc une obligation de renseignement envers son client et ne peut passer sous silence un fait important susceptible d’empêcher le client de bénéficier de son voyage. Ceci dit, cette obligation de renseignement de l’agence de voyages est tempérée par l‘obligation du client de s’informer. Ces obligations doivent être appréciées en fonction des faits propres à chaque affaire et selon la preuve présentée.
[19] La demanderesse en était à son premier voyage à vie et s’en remettait entièrement aux conseils et renseignements que lui fournissait madame Valois, agente de voyages à l’emploi de la défenderesse Voyage Vasco.
[20] La demanderesse n’a jamais été une destinataire apparaissant aux correspondances et communications transmises par Cap Évasion. Toutes ces communications, correspondances et courriels ont été transmis de Cap Évasion à madame Valois. Or, celle-ci n’a jamais fait suivre ces correspondances à la demanderesse et reconnaît ne lui avoir jamais mentionné qu’elle devait avoir un passeport dont la date d’expiration était de plus de six mois suivant la date de son retour pour pouvoir séjourner à Bali.
[21] Aucun des documents remis à la demanderesse soit la facture de Cap Évasion à Voyage Vasco et l’itinéraire du voyage ne fait mention de l’exigence d’un passeport valide dans les six mois suivant la date de retour.
[22] C’est en sa qualité d’agent de voyages à l’emploi de Voyage Vasco que madame Valois réserve et achète son billet et de celui de la demanderesse. L’achat du billet de la demanderesse est donc intervenu dans le cadre d’un contrat intervenu entre elle et Voyage Vasco, par le biais de son employée, madame Valois. Or, en vertu de l’article 1463 du Code civil du Québec, Voyage Vasco est tenue de réparer le préjudice causé par la faute de son employée dans l’exécution de ses fonctions.
[23] L'agence de voyages et le grossiste ont une obligation de résultat envers leurs clients et ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure ou la faute d'un tiers. Il est important de noter que les grossistes et les fournisseurs de services ne sont pas considérés comme des tiers à l’endroit de l’agent de voyages[3].
[24] L’ensemble de la preuve amène le Tribunal à conclure que les parties défenderesses ont manqué à leurs obligations envers la demanderesse, et comme ils n’ont pu démontrer que leurs manquements sont dus à un cas de force majeure ou dus à la faute d’un tiers, ils sont solidairement responsables des dommages subis par la demanderesse.
b) La demanderesse a-t-elle droit aux sommes réclamées?
[25] La demanderesse n’a jamais pu profiter de son voyage et, par conséquent, elle est en droit d’être remboursée de la totalité du coût d’achat de son voyage de 2 779 $.
[26] Par ailleurs, la preuve démontre que la demanderesse a été grandement affectée par les événements. Ce qui devait s’avérer un premier voyage de rêve a tourné au cauchemar pour elle. Elle s’est retrouvée interceptée par des agents des douanes et laissée seule dans un pays étranger où elle s’est vue confisquer son passeport sans savoir de quelle façon elle pourra retourner au Canada et si elle doit en assumer les coûts de transport. Elle a dû elle-même entreprendre les démarches nécessaires pour trouver un vol vers Boston. Suite à son retour, elle a souffert d’anxiété, a eu des troubles de sommeil et a dû prendre de la médication.
[27] Pour l’ensemble de la preuve présentée, le Tribunal considère qu’en plus du remboursement du coût d’achat de son voyage, la demanderesse est en droit d’être compensée pour les dommages subis qui sont la conséquence directe et immédiate des manquements des parties défenderesses pour lesquels le Tribunal accorde une compensation de 5 000 $.
c) L’appel en garantie doit-il être accueilli?
[28] Toutes les communications, correspondances et courriels de monsieur Adjali de Cap Évasion ont été transmis à madame Valois. Or, celle-ci n’a jamais fait suivre ces correspondances à la demanderesse et reconnaît ne lui avoir jamais mentionné qu’elle devait avoir un passeport dont la date d’expiration était plus de six mois suivants la date de son retour pour pouvoir séjourner à Bali, malgré que monsieur Adjali ait fait mention de vérifier que les passeports sont valides six mois après la date de retour.
[29] Compte tenu de ce qui précède, la demande en garantie doit donc être rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
[30] ACCUEILLE en partie la demande;
[31] REJETE la demande en garantie;
[32] CONDAMNE solidairement les défenderesses à payer à la demanderesse la somme de 7 779 $ avec intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du délai d’expiration de la mise en demeure, soit le 3 janvier 2017;
[33] CONDAMNE solidairement les défenderesses à payer à la demanderesse les frais de justice de 185 $ correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande.
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__________________________________ PIERRE ALLEN, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
22 juin 2018 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.