Décision

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Gagnon Desmarais c. 9266-8318 Québec inc. (Auto Max Économie)

2015 QCCQ 10210

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-141633-141

 

DATE :

Le 16 octobre 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE ALAIN BREAULT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SAMUEL GAGNON DESMARAIS

[…]Granby (Québec) […]

 

Demandeur

c.

 

9266-8318 QUÉBEC INC.,

faisant affaires sous le nom de « Auto Max Économie »,

5015, rue Buchan,

Montréal (Québec) H4P 1S4

 

-et-

 

JALAL ADHAMI

[…]Côte-Saint-Luc (Québec) […]

 

Défendeurs

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Samuel Gagnon Desmarais (« le Demandeur ou M. Gagnon ») réclame solidairement des dommages-intérêts totalisant 7 000 $ à la société 9266-8318 Québec Inc. (« Auto Max ») et à Jalal Adhami  (« M. Adhami »), et ce, à la suite de l’achat d’un véhicule automobile au sujet duquel il allègue que des vices cachés l’affectaient au moment de la vente.

[2]           Les défendeurs contestent la réclamation. Principalement, ils plaident que le véhicule n'avait aucun vice caché au moment de la vente et que les ennuis et dommages subis résultent essentiellement d'un usage abusif de la part de M. Gagnon.

LE CONTEXTE

[3]           Le 13 septembre 2013, au prix total de 4 640 $, tel que mentionné au contrat, le Demandeur achète auprès d’Auto Max un véhicule automobile de marque BMW, de l’année 2004,  le modèle 320I (« la BMW »).

[4]           L’odomètre indique alors 171 850 km.

[5]           Le Demandeur explique qu’il s’est intéressé au véhicule automobile après avoir pris connaissance d’une annonce parue dans un site Internet spécialisé. Déjà propriétaire d’une motocyclette qu’il utilise presque tous les jours, il recherchait une automobile surtout pour l’hiver.

[6]           Le Demandeur, en compagnie de son père, se présente donc au garage qu’Auto Max exploite à Montréal. Il y rencontre M. Adhami, le seul actionnaire et principal dirigeant et représentant de l’entreprise.

[7]           La BMW est inspectée par le demandeur et par son père qui a de bonnes connaissances en mécanique. Un essai routier, quoiqu'assez court (pendant 5 à 10 minutes) est aussi effectué. Rien de particulier n’est observé ou mentionné.

[8]           M. Gagnon décide d’acheter immédiatement la BMW. Aucune inspection n’est requise auprès d’un tiers garagiste. De fait, peu de temps après la conclusion de la transaction, il repart avec la BMW vers Granby, ville où il travaille et habite.

[9]           Le ou vers le 24 novembre 2013, à la fin de son quart de travail et peu de temps après avoir démarré la BMW pour se rendre chez lui, le Demandeur est intercepté par les policiers. Une épaisse fumée noire est expulsée par le tuyau d’échappement. 

[10]        Il laisse donc le véhicule automobile sur le terrain de stationnement d’un restaurant situé tout près de son lieu de travail. Puis, le lendemain matin, il le fait remorquer jusqu’au garage « Clinique du pneu ».

[11]        Le Demandeur précise que la BMW avait été utilisée à ce moment-là sur une distance de seulement 1 037 km.

[12]        La preuve[1] révèle que le moteur de la BMW était « saisi », c’est-à-dire qu’il ne pouvait plus « tourner » ou démarrer. Le tuyau d’échappement regorgeait d’huile. Le moteur était devenu inutilisable.

[13]        Une évaluation[2] établit le coût des réparations à 6 328,28 $, incluant le prix (1 716 $) pour acheter un moteur BMW 2.2l usagé (136 000 km) offrant une garantie d’un an.

[14]        Le Demandeur communique rapidement avec M. Adhami. Il lui expose le problème vécu avec la BMW et lui propose ou demande de payer les pièces seulement (5 000 $). Ce dernier refuse catégoriquement. Il considère que M. Gagnon, à tort, a refusé de se procurer une garantie contractuelle qui lui avait été offerte au moment de l’achat : une garantie d’un an disponible pour le prix de 150 $ seulement. 

[15]        Le 5 décembre 2013, M. Gagnon transmet une mise en demeure[3] à Auto Max. Cette dernière la reçoit le lendemain. Le demandeur réitère la problématique vécue au sujet de la BMW et l’informe que la réparation proposée est de remplacer le moteur.

[16]        Auto Max ne répond pas à la mise en demeure. Elle ne délègue personne non plus pour inspecter le véhicule automobile. La preuve ne révèle pas davantage, du moins clairement, qu’elle acceptait que la BMW soit remorquée, à ses frais, à son garage.

[17]        Le Demandeur, finalement, demande à un autre garagiste d’effectuer les réparations pertinentes. Elles sont exécutées par Atelier Autotek inc. au prix total de 5 179,10 $[4], un montant inférieur souligne le demandeur par rapport au coût évalué au départ.

[18]        Par sa demande judiciaire, il réclame 7 000 $ pour les motifs suivants :

·        6 328 $ pour remettre le véhicule en état ;

·        671,72 $ au titre de frais de déplacement et d’indemnité pour une perte de jouissance ;

[19]        Les défendeurs contestent la réclamation. Pour l’essentiel, ils s’appuient sur trois éléments pour la contrer.

[20]        D’abord, ils plaident que la vente de la BMW n’est pas protégée par la garantie de bon fonctionnement prévue à la Loi sur la protection du consommateur[5] (« L.P.C »). Le véhicule automobile avait plus de 5 ans et l’odomètre indiquait plus de 80 000 km au moment de son achat par le Demandeur.

[21]        Par ailleurs, disent-ils, M. Gagnon a refusé à tort de se procurer la garantie contractuelle qui lui a été offerte au moment de l’achat. Cette garantie, d’une durée d’un an, couvrait les troubles au moteur et aurait permis des réparations jusqu’à concurrence de 3 000 $. 

[22]        Enfin, les défendeurs sont convaincus que les troubles vécus par le Demandeur résultent d’une conduite abusive de la BMW. En particulier, ils soulignent que la BMW était une voiture manuelle, donc sportive, propre à favoriser les excès de vitesse. D’ailleurs, disent-ils, après l’achat, le Demandeur a quitté le garage avec beaucoup « de vitesse ».

ANALYSE ET MOTIFS

[23]        Le contrat de vente intervenu entre les parties, un commerçant et un consommateur, est assujetti à la L.P.C et aux dispositions supplétives du Code civil du Québec (« C.c.Q »), entre autres, les articles 1726 et 1729 C.c.Q. qui énoncent ce qui suit :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.

[24]        En l’instance, Auto Max et M. Adhami ont raison de plaider que le Demandeur ne bénéficie pas de la garantie de bon fonctionnement (art. 159 L.P.C.), le véhicule automobile ayant parcouru plus de 80 000 km et étant sur le marché depuis plus de cinq ans (art. 160 (d) L.P.C.).

[25]        Par contre, ils font erreur en soutenant que, parce que le Demandeur a refusé de se procurer une garantie conventionnelle additionnelle (au prix de 150 $ seulement), il est dépouillé de son recours judiciaire.

[26]        Un consommateur, en effet, n’est pas obligé en principe de se procurer une garantie conventionnelle. Cela relève de la stricte liberté contractuelle. Le refus de se procurer une garantie additionnelle n’enlève rien aux autres droits et garanties dont le consommateur peut bénéficier autrement en vertu de la loi.

[27]        De fait, ici, M. Gagnon pouvait invoquer la garantie légale de qualité qui s'applique à tous les biens vendus, y compris les voitures d’occasion.

[28]        Les articles 37 et 38 L.P.C. sont libellés comme suit :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[29]         La garantie légale de qualité inclut une garantie d'usage normal (art. 37 L.P.C.) et une garantie de durabilité raisonnable (art. 38 L.P.C.). En appréciant les défauts de la voiture d'occasion, le Tribunal doit tenir compte de certains critères, essentiellement le prix payé, les stipulations du contrat et les conditions dans lesquelles le véhicule a été utilisé[6].

[30]        En l’espèce, les problèmes de fonctionnement du moteur sont survenus un peu plus de deux mois à la suite de l’achat et seulement après que la BMW eut été conduite sur une distance de 1 037 km, plus ou moins.

[31]        De nos jours, il est anormal que le moteur d’un véhicule automobile fabriqué en 2004 cesse complètement de fonctionner et doive être remplacé après 173 000 km, plus ou moins.

[32]        En somme, la situation vécue par le Demandeur reflète la présence d’un vice caché important au moment de la vente. L’année de fabrication de la BMW, son usure ou le prix payé, par eux-mêmes, ne peuvent pas justifier que, seulement quelques semaines ou mois après l’achat (en septembre 2013), le véhicule automobile soit devenu inutilisable pour les fins auxquelles il était destiné.

[33]        Les défendeurs avancent que les problèmes de fonctionnement du moteur s’expliquent par une conduite abusive du véhicule automobile par le Demandeur. M. Adhami affirme être convaincu de cela, précisant que la BMW était une automobile sportive et que M. Gagnon semblait apprécier la vitesse.

[34]        Certes, la conduite abusive d’une voiture d’occasion peut exclure l’application des garanties légales (art. 161 L.P.C.). Encore faut-il cependant prouver cet usage abusif (art. 2803 C.c.Q.). Le fardeau de le prouver reposait sur les épaules des défendeurs.

[35]        Or, cette preuve n’a pas été faite en l’espèce.

[36]        D’une part, la thèse des défendeurs ne repose que sur l’affirmation de M. Adhami, affirmation qui ne demeure toutefois ni appuyée ni corroborée par une preuve indépendante ou par expertise. En fait, il n’y a aucune preuve directe qui démontre la thèse des défendeurs et ceux-ci ont refusé ou ils ont considéré non nécessaire de faire inspecter la BMW après avoir reçu la mise en demeure du Demandeur.

[37]        D’autre part, la preuve non contredite révèle que M. Gagnon n’utilisait pas la BMW sur une base régulière. Le véhicule automobile a été acheté pour n’être utilisé que pendant la saison hivernale. Le nombre peu élevé de kilomètres depuis l’achat (1 037 km, plus ou moins) confirme sa version.

[38]        En définitive, le consommateur moyen, bénéficiaire de la garantie légale de qualité qui inclut une garantie d'usage normal (art. 37 L.P.C.) et une garantie de durabilité raisonnable (art. 38 L.P.C.) ne s’attend pas à ce que le moteur de son véhicule automobile d’occasion cesse complètement de fonctionner dans les conditions précitées.

[39]        En l’espèce, Auto Max étant présumée connaître le vice caché, le Demandeur a droit, outre un remboursement pour le coût des réparations, à une indemnité pour tous les dommages dont il a souffert (art. 1728 C.c.Q. et 272 L.P.C.).

[40]        Le recours du Demandeur contre M. Adhami ne sera toutefois pas accueilli. Ce dernier est un représentant d’Auto Max. Il n’est pas personnellement impliqué dans le contrat de vente en tant que partie. Il n’existe donc aucun lien de droit direct entre lui et M. Gagnon.

[41]        Tout cela étant dit, envers Auto Max, M. Gagnon avait le fardeau de prouver et convaincre que les indemnités qu’il recherche sont bien fondées.

[42]        En bref, les dommages - intérêts auxquels il a droit sont seulement ceux qui sont une suite directe et immédiate de la faute d’Auto Max (art. 1607 C.c.Q.). Il ne peut non plus s’enrichir indûment au détriment de la partie adverse.

[43]        Dans Légère c. 131666 Canada inc.[7], traitant du coût des réparations auxquels un acheteur avait droit à la suite de la découverte d’un vice caché, le juge Pierre Isabelle, J.C.S., écrit :

[120]   Dans l'arrêt Lahaie et al c. Laperrière et al, la Cour d'appel explique la façon dont doit être traitée la question de la réduction du prix de vente d'un immeuble lorsqu'un acheteur choisit un tel remède dans le cadre d'une action en vice caché.

[121]  En résumé, la réduction du prix s'évalue en fonction du coût des réparations qui seront nécessaires pour remédier au vice et pour remettre l'immeuble dans son état. Par contre, l'acheteur ne peut s'enrichir aux dépens du vendeur et dans ce contexte, le montant de la réclamation doit être raisonnable en considérant le prix de vente de l'immeuble.

[44]        Accorder au Demandeur le montant total des réparations qu’il réclame (6 328 $) ou qu’il a effectivement payé (5 179,10 $) lui permettrait dans les deux cas d’obtenir un dédommagement supérieur au prix d’achat de sa BMW indiqué au contrat (4 620 $). Cela est déraisonnable. Le Demandeur obtiendrait un enrichissement indu à l’encontre d’Auto Max.

[45]        Le Tribunal, prenant surtout en compte le prix de vente ou d'achat de la BMW, arbitre l’indemnité à laquelle il a droit à la somme de 2 750 $.

[46]        Par ailleurs, pour les autres indemnités recherchées (671,72 $), la preuve n’est pas très étoffée. Le demandeur n’a produit aucun reçu pour les frais importants de taxi qu’il réclame. En revanche, les explications fournies au sujet des pertes de temps et des ennuis subis sont convaincantes. Le Tribunal, dans sa discrétion, lui accorde 200 $ pour tous les éléments constituant cette réclamation.

[47]        Au final, la créance de M. Gagnon est établie à la somme de 2 950 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur ;

REJETTE la réclamation du demandeur contre le défendeur Jalal Adhami, mais sans frais judiciaires;

CONDAMNE la défenderesse 9266-8318 Québec Inc. (« Auto Max Économie ») à payer au demandeur la somme de 2 950 $, avec les intérêts au taux de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la date d’assignation, et les frais judiciaires de 167 $.

 

 

 

__________________________________

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

 

 

 

Date d'audience : 13 octobre 2015

 



[1]     Déclaration écrite pour valoir témoignage (Maxime Cliche).

[2]     Pièce P-2.

[3]     Pièce P-4.

[4]     Pièce P-5.

[5]     L.R.Q., c. P-40.1. 

[6]     Nicole L'HEUREUX, Droit de la consommation, 5e édition, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2000, p. 72.

[7]     (C.S., 2012-05-03), 2012 QCCS 1850, SOQUIJ AZ-50853300.

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