Lavers c. Garage René Laflotte | 2023 QCCQ 371 | ||||||
COUR DU QUÉBEC | |||||||
« Division des petites créances » | |||||||
CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | SAINT-FRANÇOIS | ||||||
LOCALITÉ DE | SHERBROOKE | ||||||
« Chambre civile » | |||||||
N° : | 450-32-701653-214 | ||||||
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DATE : | 23 janvier 2023 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | MARTIN TÉTREAULT, J.C.Q. | |||||
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BRIAN LAVERS
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Demandeur
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c.
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GARAGE RENÉ LAFLOTTE
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Défenderesse | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] M. Lavers réclame 4 428,55 $ de Garage René Laflotte (« Garage ») en raison des problèmes qu’il a vécus suite à une réparation effectuée sur le moteur de son véhicule en septembre 2020.
[2] Le montant réclamé correspond principalement au prix payé au Garage pour la réparation effectuée, aux frais de remorquage de son véhicule ainsi qu’à ceux liés à l’obtention d’une opinion sur la cause des problèmes affectant son véhicule.
[3] Garage conteste en invoquant que ses travaux se limitaient à la réparation des injecteurs et que les problèmes affectant le véhicule seraient liés à d’autres parties de ce dernier.
[4] Il appartient à la personne qui veut faire valoir un droit d’en faire la preuve de façon probable[1]. Cette preuve peut être plus difficile lorsque les parties n’ont pas signé de contrat et que tout repose sur des témoignages oraux. C’est le cas ici.
[5] En effet, bien que M. Lavers soit un consommateur au sens de Loi sur la protection du consommateur[2] et que le Garage soit un commerçant, aucune évaluation écrite n’a été remise avant l’exécution des réparations sur le véhicule de M. Lavers, et ce, malgré les termes de l’article
168. Avant d’effectuer une réparation, le commerçant doit fournir une évaluation écrite au consommateur. Le commerçant ne peut se libérer de cette obligation sans une renonciation écrite en entier par le consommateur et signée par ce dernier.
L’évaluation n’est pas requise lorsque la réparation doit être effectuée sans frais pour le consommateur.
Un commerçant ne peut exiger de frais pour faire une évaluation à moins d’en avoir fait connaître le montant au consommateur avant de faire l’évaluation.
[6] De plus, aucun contrat n’a été signé avant l’exécution des réparations.
[7] La seule preuve de celles-ci consiste en une facture datée du 28 septembre 2020[3]. Cette dernière décrit sommairement les pièces qui auraient été remplacées et les coûts de main-d’œuvre pour les réparations effectuées. Ces dernières ne sont aucunement décrites.
[8] À titre de consommateur, M. Lavers bénéficiait de la garantie offerte par l’article
176. Une réparation est garantie pour trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint. La garantie prend effet au moment de la livraison de l’automobile.
[9] Dans son ouvrage portant sur les garanties offertes par la LPC, l’auteur Luc Thibaudeau, maintenant juge à la Cour du Québec, résume ainsi le fardeau de preuve du consommateur pour bénéficier de cette présomption ainsi que celui du commerçant qui entend renverser cette présomption :
« […] Techniquement, le fardeau du consommateur consiste à démontrer que si le véhicule fait défaut de fonctionner durant cette période, c’est en raison d’une réparation ou d’une pièce remplacée défectueuse. Par contre, la preuve de l’absence du résultat attendu à la suite de la réparation, lorsque démontrée par le consommateur, fait présumer de ce lien causal et de la responsabilité du commerçant-réparateur. Le commerçant peut renverser cette présomption en démontrant que le non-fonctionnement est dû à un fait extrinsèque ou la faute du consommateur. »[4]
[10] Ici, le témoignage non contredit de M. Lavers démontre que le véhicule ayant fait l’objet de réparations au Garage est tombé en panne le premier jour où M. Lavers en a pris possession, soit le 22 octobre 2020[5].
[11] Comme le véhicule n’avait pas parcouru 5,000 kilomètres, M. Lavers pouvait bénéficier de la présomption d’application de la garantie prévue à l’article
[12] Il revenait alors au Garage de démontrer que le non-fonctionnement du véhicule était dû à un fait extrinsèque ou à la faute de M. Lavers. Il n’a pas réussi.
[13] En effet, bien que le véhicule de M. Lavers, un Chevrolet Silverado 2003, avait parcouru plus de 330,600 kilomètres, avait été mis au rencart environ un an avant que les réparations soient effectuées et que d’autres parties de celui-ci devaient faire l’objet de réparations, le Garage n’a pas réussi à démontrer que les réparations d’une valeur de plus de 4 000 $ effectuées sur le véhicule ne visaient qu’à examiner une partie du moteur et à remplacer des injecteurs.
[14] Les versions quant à ce qui aurait été discuté avant l’exécution des réparations sur le véhicule sont contradictoires. Selon le propriétaire du Garage, M. René Laflotte, et son fils Kevin, il aurait été clairement précisé à M. Lavers que les réparations qu’ils s’apprêtaient à effectuer ne visaient qu’à « partir » le moteur et non lui permettre de bien fonctionner compte tenu des nombreuses réparations à effectuer.
[15] M. Lavers affirme pour sa part que les réparations devaient lui permettre d’utiliser le véhicule, et ce, malgré le fait que d’autres réparations restaient à effectuer.
[16] Le Tribunal préfère la version de M. Lavers à celle de MM. Laflotte.
[17] En effet, il apparaît illogique que M. Lavers ait accepté de verser un montant substantiel pour effectuer une réparation qui ne lui permettrait pas d’utiliser le véhicule, surtout en tenant compte de ses ressources financières limitées et de ses besoins de transport dans le cadre de son travail.
[18] De plus, il serait également peu logique que M. Lavers ait pris possession de son véhicule alors que celui-ci n’était pas en mesure de fonctionner.
[19] Comme le Garage a manqué à ses obligations en vertu de la LPC, M. Lavers pouvait exercer un des recours prévus par l’article
[20] Dans un jugement rendu en 2021, la juge Sophie Lapierre, j.c.q., résume les éléments dont le Tribunal peut tenir compte pour accorder le remède approprié :
[30] Le Tribunal peut user de sa discrétion et accorder le remède approprié. Il y a lieu de tenir compte du contexte de l’affaire, du préjudice subi par le consommateur, de la bonne foi du commerçant, de la possibilité de la remise en état des parties, ainsi que de la nécessité des travaux et de la raisonnabilité de leur prix.[7]
[Références omises]
[21] Dans le présent cas, le Tribunal considère approprié d’accorder la totalité de la somme réclamée par M. Lavers pour la réparation de son véhicule, soit 3 884,32 $[8].
[22] En effet, ce dernier a cessé de fonctionner le jour même de sa prise de possession par M. Lavers.
[23] Il est improbable que M. Lavers aurait accepté de payer pour l’exécution de réparations qui n’allaient avoir aucun résultat.
[24] Le Garage devra également rembourser le coût des remorquages assumé par M. Lavers au montant de 390,91 $.
[25] Quant aux coûts d’expertise de 126,42 $, ceux-ci ne seront pas octroyés puisque le document déposé ne correspond pas à un rapport d’expertise et ne contient pas d’information sur les causes du problème observé sur le véhicule[9]. Quant aux frais de poste, ceux-ci devront être attribués selon les règles applicables aux frais de justice à la division des petites créances.
[26] Le montant accordé par le présent jugement (4 275,23 $) portera intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle à compter du 1er décembre 2020, date d’envoi de la mise en demeure P-5 qui n’a pas été réclamée par le Garage.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[27] ACCUEILLE en partie Demande;
[28] CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 4 275,23 $ avec intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[29] AVEC LES FRAIS DE JUSTICE en faveur de la partie demanderesse.
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| __________________________________ Martin Tétreault, J.C.Q. |
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[1] Art.
[2] RLRQ, c. P-40.1, art. 1 al. 1(e) (« LPC »).
[3] Pièce D-2.
[4] Luc THIBAUDEAU, Guide pratique de la société de consommation : les garanties, t. 2, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, par. 969.
[5] Pièce P-2, p. 2. Il est à noter que M. Lavers croyait qu’il s’agissait du 15 octobre, mais la facture de remorquage confirme que la prise de possession a eu lieu une semaine plus tard.
[6] Luc THIBAUDEAU, préc., note 4, par. 1484; Richard c. Time inc.,
[7] Atelier mécanique LL inc. c. Allard,
[8] Il est à noter que c’est le montant qui a été réclamé par M. Lavers et non celui apparaissant à la pièce D-2.
[9] Pièce P-4.
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