Décision

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Brodeur c

Brodeur c. Airtour Voyages (1989) inc.

2009 QCCQ 16544

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

GRANBY

« Chambre civile »

N° :

460-22-003690-088

 

 

 

DATE :

18 novembre 2009

______________________________________________________________________

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS MARCHAND

 

______________________________________________________________________

 

 

MARIE-HÉLÈNE BRODEUR

-et-

DENIS ST-AMANT

Demandeurs

c.

AIRTOUR VOYAGES (1989) INC.

Défenderesse

 

-ET-

 

AIRTOUR VOYAGES (1989) INC.

Demanderesse en garantie

c.

TRANSAT TOURS CANADA INC.

Défenderesse en garantie

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Le Tribunal est saisi d'une requête introductive d'instance en résolution d'un contrat pour non-respect d'une demande faite par les demandeurs auprès de la défenderesse Airtour Voyages (1989) Inc..

[2]                Cette dernière a contesté la réclamation des demandeurs et a intenté un recours en garantie contre Transat Tours Canada Inc.

[3]                Après la tenue du procès, le Tribunal a déclaré que l'appel en garantie serait rejeté, pour les motifs exprimés verbalement à l'audition. D'ailleurs, le procureur de la demanderesse en garantie a reconnu que son recours en garantie était mal fondé en faits et en droit.

[4]                Toutefois, le Tribunal a pris en délibéré la demande de remboursement des frais judiciaires de la défenderesse en garantie Transat Tours Canada Inc.. Le procureur de la demanderesse en garantie déplore le fait que la défenderesse en garantie ne lui a fourni aucun document pertinent, avant l'audition du procès. S'il avait reçu les documents, préalablement au procès, il aurait révisé sa décision et probablement déposé un désistement de son recours.

[5]                Immédiatement, et d'entrée de jeu, le Tribunal rejettera l'appel en garantie, avec dépens, puisque la preuve démontre que la demanderesse en garantie avait en sa possession un document sur lequel apparaît la demande particulière présentée par les demandeurs à savoir, de réserver une chambre bien spécifique. En effet, sur la pièce P-1 déposée par les demandeurs, plusieurs mois avant l'audition du procès, on retrouve la mention d'une demande spéciale concernant une chambre bien spécifique. La défenderesse en garantie avait donc pris soin d'inscrire la demande faite par les demandeurs. En conséquence, Airtour Voyages (1989) Inc. ne peut plaider que la défenderesse en garantie n'avait pas pris en considération la demande.

Les faits

[6]                Les demandeurs se sont mariés le 7 décembre 2005 en Jamaïque, lors d'un séjour à l'Hôtel Sandals à Negril. Ils occupaient alors la chambre #5211 de l'édifice Paradise de ce site hôtelier.

[7]                À cette époque, ils ont eu l'occasion de visiter sommairement la chambre située en face du 5211. Cette chambre est magnifique et la vue est superbe. De celle-ci on voit le gazébo où ils se sont mariés.

[8]                Au printemps 2007, ils rêvent de retourner au même endroit, mais dans la chambre située en face de celle portant le numéro 5211 de l'hôtel Sandals à Negril, Édifice Paradise. Ils demandent alors des soumissions auprès de l'agence de Voyage Vasco Tours Mont-Royal ainsi qu'auprès de TMR Voyages Centre-Ville. La soumission de Vasco avoisine les $12,000.00, alors que celle de TMR oscille autour de $11,000.00.

[9]                Suite à une recommandation d'un de ses clients, la demanderesse entre en communication avec Nathalie Fontaine, préposée de Airtour Voyages (1989) Inc.. Dans le cadre de cet entretien, la demanderesse l'informe qu'ils désirent retourner à l'Hôtel Sandals Negril en Jamaïque et qu'elle souhaite ardemment habiter la chambre située en face de celle portant le numéro #5211 dans le bloc Paradise. Dame Fontaine fait les démarches et quelques temps plus tard, la demanderesse reçoit une réponse de Dame Fontaine qui lui mentionne que le coût total du forfait s'élève à $9,776.00.

[10]            La facture, datée du 28 juin 2007, fait état de deux forfaits tout inclus de trois semaines au Sandals Negril en chambre de luxe, à bord d'Air Transat. Entre parenthèses, se trouvent les mots suivants: «Demande: Édifice Paradise, chambre face à 5211, vue mer, balcon».

[11]            Au montant de $9,776.83 s'ajoute aussi une assurance médicale s'élevant à $190.00. Le départ est prévu pour le 1er décembre avec retour le 22 décembre 2007.

[12]            Ainsi, le 1er décembre, les demandeurs prennent l'avion à Montréal et se rendent en Jamaïque.

[13]            À leur arrivée au Sandals Negril, ils sont conduits à une chambre autre que celle demandée. En effet, la chambre située en face du #5211 est la chambre #5246. Il s'agit pour la demanderesse d'une chambre de rêve. Elle veut absolument y séjourner, avoir une vue sur le gazébo ainsi que sur la mer.

[14]            Donc, le 1er décembre 2007, vers 21h30, ils sont conduits à leur chambre par un chasseur et se rendent compte qu'il ne s'agit pas de celle portant le numéro 5246. En fait, il s'agit d'une chambre située au rez-de-chaussée, dont la vue est obstruée par les unités voisines. Les demandeurs sont extrêmement déçus et ne veulent aucunement dormir à cet endroit, puisqu'il y a présence de moisissure.

[15]            Le lendemain, ils se rendent à la réception et rencontrent Madame Pringle et lui font part de leur récrimination. Ils exigent d'être logés dans la chambre #5246, comme stipulé sur leur contrat. Ils communiquent avec leur conseillère Nathalie Fontaine de Airtour Voyages (1989) Inc. pour se plaindre de la situation.

[16]            Après plus ou moins trois heures d'attente, ils reçoivent partiellement satisfaction, puisque la direction accepte de les reloger. Ils sont alors dirigés vers une autre chambre qui n'est pas celle portant le numéro 5246. Il s'agit d'une chambre sombre, située à l'arrière de l'édifice, ne bénéficiant d'aucune vue intéressante. Leur intimité est particulièrement affectée par la présence d'un escalier à proximité. Pendant six jours, ils occuperont cette chambre.

[17]            Toutefois, à tous les jours, durant la première semaine de leur séjour, ils vont rencontrer les représentants de l'hôtel, afin d'obtenir la chambre portant le numéro 5246.

[18]            Entre le 2 et le 6 décembre, les demandeurs logent plusieurs appels téléphoniques auprès de Nathalie Fontaine pour finalement se faire dire qu'ils n'ont pas payé pour le type de chambre qu'ils désirent.

[19]            Le 7 décembre, date de leur deuxième anniversaire de mariage, les demandeurs se présentent à la réception de l'hôtel vers 10h00, afin d'obtenir une nouvelle chambre. Ce n'est que vers 15h00, qu'ils obtiennent partiellement satisfaction, en étant transférés dans une chambre située au 1er plancher, soit celle portant le numéro 2106. Cette chambre est située près d'un escalier, ce qui nuit à leur quiétude. Toutefois, ils abdiquent et ne font aucune autre démarche pour obtenir la chambre 5246. Ils vivent alors une grande déception.

[20]            Les demandeurs soutiennent que leur voyage a été particulièrement désastreux, frustrant et désappointant. Ils n'ont pu profiter d'une vue sur la mer ni sur le gazébo. Ils sont fortement désappointés et désenchantés.

[21]            La chambre qu'ils ont occupée à compter du 7 décembre est sensiblement de même superficie et de même qualité que celle portant le numéro 5246. Il n'existait pas de différence notable et très significative entre les deux chambres. Toutefois, la chambre 5246 avait une vue nettement supérieure à la 2106.

[22]            Les demandeurs déclarent qu'ils n'ont jamais reçu d'information concernant le fait que la chambre qu'ils désiraient n'était pas disponible. Ils sont partis pour la Jamaïque, convaincus qu'ils habiteraient la chambre 5246. Ils affirment que la conseillère Nathalie Fontaine ne leur a jamais mentionné qu'il n'y avait pas de garantie sur l'obtention de cette chambre spécifique.

[23]            La demanderesse ajoute qu'elle n'a jamais communiqué avec le représentant de Transat qui se trouvait en Jamaïque. Jamais, Nathalie Fontaine ne lui a mentionné ou laissé entendre qu'il se pourrait qu'ils n'obtiennent pas la chambre demandée. D'ailleurs, pour elle, une chambre de luxe représentait une chambre de haute qualité.

[24]            La preuve démontrera qu'une chambre de luxe au Sandals est le bas de gamme. Sur ce site hôtelier, il existe treize catégories de chambres différentes dont les prix fluctuent de façon marquée et substantielle. Les demandeurs ont eu de la difficulté avec les représentants hôteliers, puisque ceux-ci ne voulaient pas les surclasser, à cause du prix qu'ils avaient payés.

[25]            En somme, les demandeurs réclament la résolution du contrat intervenu entre les parties, puisqu'ils n'ont pas obtenu ce qu'ils avaient demandé, soit la chambre 5246. Ils plaident qu'il s'agit d'un élément important de la transaction et que celui-ci n'a pas été rencontré. Ils estiment donc avoir complètement raté leur vacance et demandent le remboursement de la somme de $9,966.83. Ils réclament $2,000.00 à titre de dommages pour troubles et inconvénients subis.

[26]            En défense, Dame Nathalie Fontaine déclare qu'elle a dix-neuf ans d'expérience dans le domaine du voyage, mais qu'elle connaît peu la Jamaïque. Elle a travaillé principalement pour des destinations telles Cuba et le Mexique.

[27]            Le 23 juin 2007, elle reçoit une demande de la demanderesse, afin de connaître le prix pour une chambre standard avec balcon et qu'elle désire la chambre située en face de la #5211 au Sandals Negril en Jamaïque.

[28]            Elle affirme qu'elle a déclaré à la demanderesse que si elle voulait la certitude d'obtenir une chambre avec vue sur la mer, elle devait payer environ $2,400.00 de plus par personne, soit tout près de $5,000.00 additionnels. Il n'y a jamais eu de rencontre entre les demandeurs et la conseillère Nathalie Fontaine. Tout a été réalisé, soit par la voie téléphonique ou par courriel. La seule rencontre fut pour la remise des documents, quelques semaines avant le départ.

[29]            La défenderesse soutient que les demandeurs ont payé pour une chambre standard de luxe et non pour une chambre surclassée. La preuve révèlera aussi que la chambre portant le numéro 5246 est de catégorie nettement supérieure aux chambres standard.

[30]            Elle reconnaît qu'elle a reçu des appels des demandeurs et leur a conseillé de communiquer avec le représentant de Transat en Jamaïque. Elle n'a toutefois pas communiqué avec Transat pour faire le suivi avec les demandeurs.

[31]            Les demandeurs n'ont pas pris connaissance de toutes les clauses inscrites dans la brochure, puisqu'ils n'y avaient pas accès. Nathalie Fontaine n'a pas vérifié sur Google, ni fait de recherches additionnelles sur la nature du site de Sandals Negril.

Prétention des demandeurs

[32]            Les demandeurs soutiennent que la Loi sur la protection du consommateur reçoit application. Ils soulèvent l'article 1435 du Code civil du Québec et les articles 16 , 17 , 40 , 42 et 263 de la Loi sur la protection du consommateur.

[33]            Ils sont des néophytes dans le domaine du voyage. Ils n'ont pas reçu toutes les informations pertinentes et ne savaient pas que l'hôtelier sur place a le dernier mot quant à la chambre qui leur est attribuée.

[34]            Ils allèguent qu'ils n'ont pas reçu ce qu'ils ont acheté et, par voie de conséquence, ils demandent la résolution du contrat de vente.

[35]            En défense, la défenderesse Airtour Voyages (1989) Inc. plaide que les demandeurs ne sont pas des néophytes. En 2005, ils ont vécu, pendant plusieurs jours au Sandals Negril en Jamaïque, ils connaissaient bien les lieux et savaient à quoi s'attendre. D'ailleurs, la preuve a démontré qu'en 2008, ils y sont retournés pour une semaine. Les demandeurs ont été satisfaits de tous les autres services mis à leur disposition. Il n'y a aucune preuve d'un préjudice quelconque. En fait, tout ce qu'ils ont manqué, est de ne pas avoir bénéficié d'une chambre avec vue sur le gazébo et sur la mer. Elle souligne que la dernière chambre que les demandeurs ont habitée était sensiblement de la même qualité que la 5246.

[36]            Ils doivent prouver ce qu'ils avancent.

[37]            Les demandeurs ont finalement bénéficié des mêmes services que ceux obtenus en 2005. La chambre 2106 se situe dans la même catégorie que la chambre 5246, soit celle définie comme étant Grand Luxe Beach Front et ce, malgré qu'ils aient payé pour une chambre de bas de gamme, soit une chambre De Luxe seulement.

[38]            Les demandeurs ont bénéficié d'une chambre de catégorie supérieure à celle qu'ils ont payée. Aucun grossiste ne peut promettre une chambre spécifique. Tout ce qu'il peut garantir est l'attribution d'une chambre de catégorie pour laquelle le client a payé.

Analyse et décision

[39]            Il existe deux versions contradictions. La demanderesse affirme qu'elle n'a reçu aucune information sur le fait que l'attribution des chambres était à l'unique discrétion de l'hôtelier, alors que Nathalie Fontaine affirme avoir informé la demanderesse de ce fait.

[40]            La preuve prépondérante, vraisemblable et plausible joue en faveur des demandeurs. La Cour considère que les demandeurs n'avaient pas en leur possession tous les documents et brochures pertinents.

[41]            En plus, tout contrat qui réfère à une clause externe va à l'encontre des dispositions de l'article 1435 du Code civil du Québec, lequel stipule:

1435. La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties.

 

Toutefois, dans un contrat de consommation ou d'adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n'a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l'autre partie ne prouve que le consommateur ou l'adhérent en avait par ailleurs connaissance.

[42]            Il s'agit d'un contrat régi par la Loi sur la protection du consommateur.

[43]            Cette loi définit le mot «consommateur» comme étant une personne physique, sauf un commerçant qui se procure un bien ou un service pour les fins de son commerce[1].

[44]            Le mot «représentant» est défini comme étant une personne qui agit pour un commerçant ou un fabricant ou autre sujet duquel un commerçant ou un fabricant a donné des motifs raisonnables de croire qu'elle agit en son nom[2].

[45]            La Loi sur la protection du consommateur[3] énonce ce qui suit:

2. La présente loi s'applique à tout contrat conclu entre un consommateur et un commerçant dans le cours des activités de son commerce et ayant pour objet un bien ou un service.

 

10. Est interdite la stipulation par laquelle un commerçant se dégage des conséquences de son fait personnel ou de celui de son représentant.

 

16. L'obligation principale du commerçant consiste dans la livraison du bien ou la prestation du service prévus dans le contrat.

Contrat à exécution successive.

Dans un contrat à exécution successive, le commerçant est présumé exécuter son obligation principale lorsqu'il commence à accomplir cette obligation conformément au contrat.

 

17. En cas de doute ou d'ambiguïté, le contrat doit être interprété en faveur du consommateur.

 

40. Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.

Conformité à un message publicitaire.

 

41. Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

Commerçant ou fabricant lié.

 

42. Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d'un commerçant ou d'un fabricant à propos d'un bien ou d'un service lie ce commerçant ou ce fabricant.

 

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

 

263. Malgré l'article 2863 du Code civil, le consommateur peut, s'il exerce un droit prévu par la présente loi ou s'il veut prouver que la présente loi n'a pas été respectée, administrer une preuve testimoniale, même pour contredire ou changer les termes d'un écrit.

 

270. Les dispositions de la présente loi s'ajoutent à toute disposition d'une autre loi qui accorde un droit ou un recours au consommateur.

 

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

 a) l'exécution de l'obligation;

 b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

 c) la réduction de son obligation;

 d) la résiliation du contrat;

 e) la résolution du contrat; ou

 f) la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[46]            La jurisprudence est unanime à reconnaître que les forfaits voyages négociés avec une agence sont assujettis aux dispositions de la Loi sur la protection du consommateur.

[47]            Dans Mainville & als c. Tours Mont-Royal & als [4] l'honorable Raymond P. Boyer, J.C.Q., concernant les obligations d'un grossiste et d'un agent de voyage, écrit ce qui suit:

L'obligation de résultat à laquelle sont tenus le grossiste et l'agent de voyages est celle pour la satisfaction de laquelle le débiteur est tenu de fournir au créancier un résultat précis, fixé à l'avance. (BAUDOUIN Jean-Louis, Les Olibations, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais, 1993, p.26, no36) En l'espèce, il s'agissait du séjour promis au Holiday Inn Sunspree Resort de Puerto Vallarta avec tous les services mentionnés dans la publicité. Le transport aérien n'était qu'accessoire à l'obligation de fournir l'hébergement promis. Que se passe-t-il si le débiteur de l'obligation fait défaut de remplir une partie de son contrat? Baudouin répond à cette question en ces termes:

«Si.. l'objet de l'obligation est divisible, la situation est plus complexe. En principe, le créancier doit alors considérer l'obligation comme partiellement exécutée et poursuivre le débiteur pour la seule portion manquante. Toutefois, lorsque l'exécution en une seule et même fois est de l'essence du contrat ou en considération principale de l'engagement, ou encore lorsqu'une exécution partielle n'a aucun intérêt pour lui, le créancier peut considérer l'exécution partielle comme équivalente à une inexécution totale. Il s'agit là d'une question de fait, abandonnée à l'appréciation souveraine des tribunaux qui tiennent compte des circonstances particulières à chaque espèce.» (Ibidem, p.428, no 767)

[48]            Airtour Voyages (1989) Inc. avait donc une obligation de résultat.

[49]            Dans Brault & als c. Voyages duSuroît & als [5], le juge Raymond P. Boyer mentionne ce qui suit:

Le Code civil reconnaît la validité d’une clause externe lorsque le contrat y renvoie, même dans un contrat de consommation.  En revanche, dans ce dernier cas cette clause est considérée nulle si elle n’a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou que l’on fasse la preuve qu’il en avait déjà connaissance.  Dans le contexte d’une obligation de résultat en droit civil, l’exécution contractuelle déficiente engendrera malgré tout avis d’exonération la responsabilité du voyagiste quant au dommage causé vis-à-vis du créancier qui n’a pas eu connaissance lors de la formation du contrat.

[50]            Or, la preuve prépondérante démontre que les demandeurs n'ont jamais été informés de la clause inscrite dans la brochure publicitaire de Vacances Transat, laquelle se lit comme suit:

Attribution des chambres et des cabines:

Seuls les hôteliers et les compagnies de croisière sont responsables de l'attribution des chambres ou des cabines, en fonction de la catégorie réservée. Si le client le désire, il pourra, une fois à destination ou sur le navire, changer de catégorie de chambre ou de cabine, à ses frais, en fonction de la disponibilité et selon les conditions de l'hôtelier ou de la compagnie de croisière.

[51]            Cette clause ne faisait aucunement partie de la pièce P-1, laquelle constitue le contrat intervenu entre les parties.

[52]            L'honorable Yves Morier, J.C.Q., dans une décision rendue le 31 janvier 2003[6], écrit ce qui suit:

[2]                 Une des considérations essentielles requise par les requérantes et exprimée à Madame Poirier, représentante de l'Agence de voyages Destination Sans Frontières Inc. avant l'achat de ce forfait, était qu'elles désiraient une chambre côté jardin au Suez.

[…]

[9]                 Avant de vendre ces forfaits, l'intimée Poirier avait l'obligation d'informer, de conseiller et d'attirer l'attention des requérantes sur les vices qui pouvaient affecter ces forfaits.

[…]

[14]             Par ailleurs, il n'y a pas eu inexécution totale des obligations de l'intimée Poirier et il ne s'agit pas d'une situation donnant lieu au remboursement intégral des forfaits.

[53]            À noter que dans la présente affaire, les demandeurs n'ont aucunement affirmé que s'ils avaient su, avant le départ, qu'ils n'habiteraient pas la chambre 5246, ils ne seraient pas allés en Jamaïque. La Cour n'a reçu aucune preuve à ce sujet.

[54]            Certes, la chambre 5246 constituait un élément important pour les demandeurs, mais le but du voyage n'était pas d'aller vivre uniquement dans cette chambre pendant 21 jours, mais aussi de profiter des autres services offerts sur place ainsi que de la température.

[55]            Un forfait vacances forme un tout. À défaut d'exécution substantielle de l'obligation de fournir, de façon simultanée et complète, les éléments et biens permettant de profiter de vacances, il y a alors bris de contrat. Ce n'est pas le cas dans la présente affaire. Le Tribunal partage plutôt l'opinion du juge Morier précédemment mentionnée.

[56]            Le Tribunal considère que l'obligation est divisible; l'occupation d'une chambre est une chose et les services offerts sur place en sont une autre. Il peut parfois arriver que l'inexécution d'une des obligations affecte les autres obligations. Par exemple, une chambre infecte peut perturber tout le voyage, ce qui n'est pas le cas. Les demandeurs ont reçu une chambre de bonne qualité et ils ont pu bénéficier de tous les autres services offerts.

[57]            La résolution n'est donc pas possible, puisqu'elle donnerait ouverture à l'enrichissement sans cause. Une grande partie du contrat a été respectée et la remise en état n'est aucunement possible.

[58]            C'est plutôt l'octroi des dommages, en application de l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur qui est la sanction appropriée.

[59]            Le fait que les demandeurs aient bénéficié d'une chambre de qualité supérieure à ce qu'ils avaient payé, ne peut être retenu comme moyen pour exonérer la défenderesse de sa responsabilité et de ses obligations envers les demandeurs.

[60]            Le Tribunal conclut qu'il y a lieu d'accorder des dommages aux demandeurs et ce, en application de l'article 272 de la Loi sur la protection du consommateur et de l'article 1457 du Code civil du Québec[7], puisque la défenderesse n'a pas donné toute l'information pertinente aux demandeurs concernant la probabilité d'occuper la chambre 5246.

Le montant des dommages

[61]            Les demandeurs ont payé $9,776.00 pour leur forfait de trois semaines en Jamaïque.

[62]            Tel que mentionné précédemment, les demandeurs n'ont pas été informés adéquatement de la probabilité que leur demande ne soit pas accueillie par l'hôtelier.

[63]            Le Tribunal prend en considération le fait que durant la première semaine de leurs vacances, les demandeurs ont été fortement indisposés et perturbés par l'impossibilité d'occuper la chambre 5246.

[64]            Toutefois, pendant les deux dernières semaines de leurs vacances, ils ont pu profiter de leur séjour, ayant fait le deuil de la chambre.

[65]            Le Tribunal statue que le tiers du montant de $9,776.83 apparaît une indemnité juste, appropriée et équitable. La Cour accordera donc $3,258.94.

[66]            À ce montant, le Tribunal ajoutera $600.00 pour troubles, ennuis  et inconvénients subis par les demandeurs.

PAR CES MOTIFS, LA COUR:

ACCUEILLE EN PARTIE la demande;

REJETTE la demande de résolution du contrat, sans frais;

ACCORDE des dommages-intérêts aux demandeurs;

CONDAMNE la défenderesse AIRTOUR VOYAGES (1989) INC. à payer aux demandeurs la somme de $3,858.94 avec intérêts au taux légal en plus de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation et les dépens;

REJETTE la demande en garantie contre TRANSAT TOURS CANADA INC., avec dépens contre la demanderesse en garantie.

 

 

__________________________________

François Marchand, J.C.Q.

 

GAUDET GALIPEAU PARCEL, AVOCATS

Me Benoît Galipeau

Procureurs des demandeurs

 

ROBERT D. BRISEBOIS, AVOCAT

Me Robert D. Brisebois

Procureur de la défenderesse, demanderesse en garantie

 

UNTERBERG, LABELLE, LEBEAU, AVOCATS

Me Paul Unterberg

Procureurs de la défenderesse en garantie

 

Date d’audience :

19 juin 2009

 



[1] L.R.Q., chapitre P-40.1, art. 1, par. e)

[2] L.R.Q., chapitre P-40.1, art. 1, par. o)

[3] L.R.Q., chapitre P-40.1

[4] Mainville & als c. Tours Mont-Royal & al, C.Q., 7 février 1996, AZ-96031104

[5] Brault & als c. Voyages du Suroît & als, REJB 2001-25361

[6] Landry & als c. Poirier & als, C.Q., Saint-Hyacinthe, 750-32-005216-026, jugement du 31 janvier 2003

[7] Jean Carl Jorizo & als c. Transat Tours Canada Inc.& als, C.Q., AZ-50222857

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