Amoi c. Saint-Jean Hyundai |
2020 QCCQ 9988 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
IBERVILLE |
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LOCALITÉ DE |
SAINT-JEAN-SUR-RICHELIEU |
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« Chambre civile » |
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N° : |
755-32-700691-191 |
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DATE : |
24 novembre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LUC POIRIER, J.C.Q. |
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MAIA PELAGIE AMOI |
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Partie demanderesse |
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c. |
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SAINT-JEAN HYUNDAI |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Monsieur Maia Pelagie Amoi demande l’annulation d’une vente d’un véhicule automobile, le remboursement du prix payé ainsi que le remboursement du coût de réparation dudit véhicule acheté auprès de Saint-Jean Hyundai (Hyundai) soulevant l’existence de vices cachés au véhicule au moment de l’achat.
[2] Hyundai conteste la réclamation de monsieur Amoi disant que les réparations que monsieur Amoi a dû faire au véhicule résultent de l’usure normale du bien et non d’un vice caché affectant le véhicule.
QUESTION EN LITIGE
[3] Le véhicule acheté par monsieur Amoi était-il affecté de vices cachés ?
CONTEXTE
[4] Le 4 avril 2017, monsieur Amoi fait l’achat d’un véhicule de marque Hyundai Santa Fe de l’année 2010 ayant 102 928 km. Le prix payé est de 9 886,70 $ (pièce P-5).
[5] Le 26 juillet 2017, monsieur Amoi entend un bruit provenant du véhicule. Il amène alors sa voiture chez Coiteux Hyundai qui fait certains travaux de réparations. Certains de ces travaux sont garantis, mais d’autres non. Monsieur Amoi débourse 456,82 $ pour les travaux non garantis (pièce P-1).
[6] Le 2 août 2017, le voyant «check engine» s’allume au tableau de bord et monsieur Amoi constate une odeur d’essence. Il va encore une fois chez Coiteux Hyundai qui fait certaines réparations qu’il doit payer au montant de 324,86 $ (pièce P-1).
[7] Le 25 août 2017, monsieur Amoi met en demeure Hyundai exigeant le remboursement des coûts assumés chez Coiteux Hyundai (pièce P-4).
[8] Pendant l’automne 2017, des discussions ont lieu entre les parties afin de trouver une solution qui satisferait monsieur Amoi. En décembre 2017, Hyundai fait donc une offre à monsieur Amoi qui consiste à lui installer gratuitement des pneus d’hiver et Hyundai s’engage à trouver un autre véhicule ayant moins de kilométrage d’ici le printemps.
[9] Certains travaux sont également faits sur le véhicule sans frais. Il est important de noter que les discussions et démarches sont faites sans admissions de part et d’autre.
[10] Au mois d’avril 2018, Hyundai trouve un véhicule satisfaisant pour monsieur Amoi. Il s’agit d’un Hyundai Tucson 2012. Monsieur Amoi accepte de changer de véhicule. Les conditions ne sont cependant pas explicitées au Tribunal.
[11] Malheureusement pour les parties, avant qu’elles puissent finaliser la transaction concernant le véhicule Tucson, une benne à ordures heurte le véhicule dans la cour du concessionnaire Hyundai à Saint-Jean-sur-Richelieu. La transaction n’aura jamais lieu.
[12] Les derniers problèmes dont monsieur Amoi fait mention sont survenus le 22 août 2020 quand un étrier de freins se brise.
[13] À ce jour, le véhicule est toujours utilisé par la famille de monsieur Amoi. Cependant, la confiance en ce véhicule n’y est pas et c’est la raison pour laquelle le demandeur demande l’annulation de la transaction.
ANALYSE
[14] D’entrée de jeu, le Tribunal désire souligner qu’il a pris en considération toutes les pièces qui ont été produites lors de l’audition ainsi que tous les témoignages qui ont été rendus, et ce, même s’il n’y sera pas nécessairement fait référence dans la décision.
[15] La partie qui fait valoir un droit doit démontrer par prépondérance de preuve le bien-fondé de ses prétentions, comme le prévoient les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec, qui se lisent ainsi :
«2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. 2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.»
[16] La Loi sur la Protection du consommateur donne à monsieur Amoi, comme à tous consommateur, une protection accrue face aux commerçants. Les articles 37 et 38 de cette loi se lisent ainsi :
«37. un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné. 38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.»
[17] L’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur prévoit les dispositions spécifiques pour le vendeur qui connaît l’existence d’un vice caché ou qui ne peut l’ignorer comme le vendeur professionnel qu’est Hyundai.
«53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire. Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte. Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut. Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.»
[18] Les preuves que doit faire le consommateur afin de bénéficier des protections de la Loi sur la Protection du consommateur sont de prouver la présence d’un déficit d’usage sérieux et prouver qu’il ignorait cette condition au moment de la vente. La Cour d’appel du Québec a réitéré ces conditions dans la décision de Fortin c. Mazda Canada inc.[1] :
«[70] En définitive, je considère que les articles 37, 38 et 53 L.p.c. forment un tout cohérent en matière de défaut caché[18] comprenant les présomptions nécessaires à l’établissement des garanties qu’ils énoncent[19]. Le recours basé sur la garantie de l’article 37 L.p.c. exige du consommateur la preuve d’un déficit d’usage sérieux et celle de l'ignorance de cette condition au moment de la vente. Pour le reste, les présomptions contenues à la loi se chargent d’établir les autres facteurs traditionnels propres à la détermination du défaut caché.»
[19] L’article 159 de la Loi sur la Protection du consommateur impose une garantie minimale que les concessionnaires vendant des véhicules d’occasions doivent fournir au consommateur :
«159. La vente ou la location à long terme d’une automobile d’occasion comporte une garantie de bon fonctionnement de l’automobile: a) durant six mois ou 10 000 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie A; b) durant trois mois ou 5 000 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie B; c) durant un mois ou 1 700 kilomètres, selon le premier terme atteint, si l’automobile est de la catégorie C.»
[20] Le contrat de vente entre les parties (pièce P-5) reproduit au paragraphe 3 les garanties minimales prévues par la Loi.
Il faut cependant se référer à l’article 160 de la Loi sur la Protection du consommateur afin de connaître à quelle catégorie d’automobile appartient le véhicule qui vient d’être vendu.
«160. Pour l’application de l’article 159, les automobiles d’occasion sont réparties selon les catégories suivantes: a) une automobile est de la catégorie A lorsqu’au plus deux ans se sont écoulés depuis la date de la mise sur le marché, par le fabricant, de ses automobiles du même modèle et de la même année de fabrication jusqu’à la date de la vente ou de la location à long terme visée audit article, pourvu que l’automobile n’ait pas parcouru plus de 40 000 kilomètres; b) une automobile est de la catégorie B lorsqu’elle n’est pas visée dans le paragraphe a et qu’au plus trois ans se sont écoulés depuis la date de la mise sur le marché, par le fabricant, de ses automobiles du même modèle et de la même année de fabrication jusqu’à la date de la vente ou de la location à long terme visée audit article, pourvu que l’automobile n’ait pas parcouru plus de 60 000 kilomètres; c) une automobile est de la catégorie C lorsqu’elle n’est pas visée dans les paragraphes a ou b et qu’au plus cinq ans se sont écoulés depuis la date de la mise sur le marché, par le fabricant, de ses automobiles du même modèle et de la même année de fabrication jusqu’à la date de la vente ou de la location à long terme visée audit article, pourvu que l’automobile n’ait pas parcouru plus de 80 000 kilomètres; d) une automobile est de la catégorie D lorsqu’elle n’est visée dans aucun des paragraphes a, b ou c.»
La lecture de cet article nous permet de conclure que le véhicule acheté par monsieur Amoi est dans la catégorie D et qu’aucune garantie spécifique n’est applicable. Reste la garantie légale.
[21] Pour l’application de la Loi sur la protection du consommateur la preuve à faire par le consommateur est la preuve d’un déficit d’usage sérieux et l’ignorance de cet état au moment de l’achat. Le Tribunal a d’ailleurs fait référence à la décision Fortin c. Mazda Canada inc. à cet effet.
[22] En plus de l’application de la Loi sur la protection du consommateur, l’acheteur peut également bénéficier de la protection du Code civil du Québec dont les dispositions s’appliquent même lorsque la Loi sur la protection du consommateur trouve application.
[23] Ainsi, l’article 1726 du Code civil du Québec se veut-il le reflet des articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur :
«1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus. Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.»
[24] De même, les articles 1728 et 1729 du Code civil du Québec permettent aux acheteurs de bénéficier d’une présomption de connaissance d’un vice lorsque la détérioration survient d’une façon prématurée par rapport à des biens identiques ou de même espèces :
«1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l’acheteur. 1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.»
[25] Ces articles ont une similitude imparfaite mais une similitude tout de même avec l’article 53 de la Loi sur la protection du consommateur.
[26] Quelle est la preuve offerte par monsieur Amoi quant au déficit d’usage ? Bien que monsieur Amoi ait expliqué certains problèmes vécus, il doit, comme le rappelle la Cour d’appel dans Martin c. Pierre St-Cyr Auto Caravanes ltée[2], prouver plus que la simple présence d’un déficit d’usage. Le déficit d’usage doit être grave.
[27] À titre d’exemple, le bris d’un étrier de frein en août 2020. Bien que ce bris puisse être désagréable il ne peut s’agir d’un déficit d’usage grave. Le Tribunal rappelle que le véhicule acheté est de l’année 2010 et que certains bris sont inévitables sur un véhicule usagé.
[28] La preuve à faire en vertu du Code civil du Québec est plus difficile que la preuve exigée en vertu de la Loi sur la protection du consommateur. Ainsi, la Cour d’appel du Québec dans Leroux c. Gravano[3] :
«[40] Pour se prévaloir de la garantie légale contre les vices cachés, quatre conditions doivent donc être respectées : (i) que le bien soit affecté d’un vice grave, l’intensité de cette gravité ayant été définie par la jurisprudence à partir des expressions « impropre à l’usage » et « diminuent tellement son utilité »; (ii) que le vice existait au moment de la vente; (iii) que le vice soit caché, qualité qui s’évalue objectivement et qui est accompagnée d’une obligation de s’informer; et (iv) que le vice soit inconnu de l’acheteur, qualité qui s’évalue subjectivement et dont le fardeau de preuve appartient au vendeur.
[29] Encore une fois, le Tribunal doit souligner la faiblesse de la preuve offerte par monsieur Amoi quant à la gravité du vice rendant le véhicule impropre à l’usage ou diminuant tellement son utilité.
[30] La preuve qui est offerte par monsieur Amoi ne permet pas au Tribunal de conclure que le véhicule Santa Fe avait un mauvais fonctionnement ou détérioration prématurée par rapport aux biens de pareille espèce.
[31] Bien que le Tribunal soit conscient que monsieur Amoi a certainement vécu des désagréments lorsque le véhicule, après quelques mois, a subi des bris, le Tribunal ne peut en venir à la conclusion qu’il s’agit d’un bien qui s’est usé de façon prématurée.
[32] Les factures provenant de chez Coiteux Hyundai (pièce P-1) font état de réparations qui, somme toute, sont de nature d’usure normale pour un véhicule de 107 000 km ayant au moment des événements 7 ans.
[33] Le Tribunal ne peut conclure que le véhicule est atteint d’un vice caché et c’est pourquoi la réclamation de monsieur Amoi sera rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] REJETTE la réclamation de la partie demanderesse, monsieur Maia Pelagie Amoi;
[35] SANS frais de justice compte tenu de la situation.
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__________________________________ LUC POIRIER, J.C.Q. |
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Date d’audition : 17 septembre 2020
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.