Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

8 décembre 2005

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

232908-61-0404      234799-61-0404      250117-61-0412

 

Dossier CSST :

123716367

 

Commissaire :

Me Lucie Nadeau

 

Membres :

Paul Duchesne, associations d’employeurs

 

Françoise Morin, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Pierre Taillon, médecin

______________________________________________________________________

 

232908          250117

234799

 

 

Garcia Isaias

Lallier Automobile Montréal inc.

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Lallier Automobile Montréal inc.

Garcia Isaias

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 232908-61-0404

[1]                Le 28 avril 2004, monsieur Garcia Isaias (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 avril 2004 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 20 février 2003 et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 11 octobre 2002. Elle confirme également les deux décisions qu’elle a rendues les 12 et 18 mars 2004 donnant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle déclare que le diagnostic de la lésion professionnelle est une entorse lombaire greffée sur des discopathies entraînant l’apparition de signes neurologiques; que la lésion est consolidée le 24 février 2004, que l’atteinte permanente à l’intégrité physique est de 2,2 % et que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles. En conséquence, la CSST reconnaît au travailleur le droit à une indemnité pour dommages corporels et le droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de travail.

Dossier 234799-61-0404

[3]                Le 25 mai 2004, la compagnie Lallier Automobile Montréal inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste cette même décision.

Dossier 250117-61-0412

[4]                Le 6 décembre 2004, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 1er décembre 2004 à la suite d’une révision administrative.

[5]                Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 14 septembre 2004 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 4 juin 2004.

[6]                L’audience s’est tenue à Laval le 20 septembre 2005 en présence du travailleur et de son procureur. L’employeur est également représenté par procureure. La CSST est intervenue au dossier mais elle a avisé le Tribunal de son absence. Lors de l’audience, le dépôt de notes de consultations médicales a été demandé au travailleur, ce qui fut fait le 26 septembre suivant. L’employeur avait un délai de deux jours pour soumettre des commentaires supplémentaires si nécessaire, ce qu’il n’a pas fait. Le dossier a donc été pris en délibéré le 28 septembre 2005.

 

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossiers 232908-61-0404 et 234799-61-0404

[7]                Le travailleur soulève un moyen préalable concernant la régularité de la procédure d’évaluation médicale et demande, en conséquence, d’annuler l’avis du Bureau d’évaluation médicale et de déclarer que la Commission des lésions professionnelles est liée par les conclusions émises par le médecin qui a charge du travailleur, le Dr Tinco Tran dans son rapport d’évaluation médicale du 22 janvier 2003. Le Dr Tran consolide la lésion le 21 janvier 2003 ; il évalue les séquelles permanentes à 22 % sur la base d’un diagnostic de hernies discales L2-L3 et L4-L5 avec radiculopathie. Il émet également des limitations fonctionnelles.

[8]                Subsidiairement il demande de retenir les conclusions émises par le Dr Yves Bergeron, physiatre, dans l’expertise médicale du 18 août 2005. Le Dr Bergeron retient un diagnostic de hernie discale L4-L5 avec antélisthésis entraînant une radiculopathie L5 et S1 gauche. Il est d’avis que la lésion n’est toujours pas consolidée.

[9]                Quant à l’employeur, il admet en cours d’audience la survenance de l’accident du travail du 11 octobre 2002[1]. Sa contestation vise les conséquences médicales de cette lésion. Il demande de retenir un simple diagnostic de contusion lombaire, de consolider la lésion le 22 octobre 2002 et de déclarer que la lésion professionnelle n’entraîne pas d’atteinte permanente à l’intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.

Dossier 250117-61-0412

[10]           Si les conclusions du Dr Tran sont retenues, le travailleur demande alors de reconnaître qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 4 juin 2004.

L’AVIS DES MEMBRES

[11]           Les deux membres issus des associations sont d’avis de ne pas faire droit au moyen de droit soulevé par le travailleur. Les circonstances particulières du dossier expliquent le délai que la CSST a pris pour soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale et la procédure ne peut être déclarée irrégulière.

[12]           Quant au fond, le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur. Même si le travailleur était déjà porteur d’une hernie discale, il a été en mesure de travailler en portant un corset et en prenant des anti-inflammatoires. Sa condition a été aggravée par l’accident du 11 octobre 2002. Il a droit à une atteinte permanente et à des limitations fonctionnelles en raison de cette aggravation de sa condition.

[13]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire. Le travailleur était déjà symptomatique d’une hernie discale avant cet accident. Il a pu poursuivre son travail normalement par la suite et ce n’est pas la chute banale du 11 octobre 2002 qui peut expliquer sa condition en janvier 2003. Le seul diagnostic à retenir est celui de contusion lombaire, consolidée le 22 octobre 2002, et ce, sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Les limitations fonctionnelles et l’atteinte permanente de même que la récidive, rechute ou aggravation de juin 2004 sont en relation avec sa condition personnelle.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[14]           Le travailleur est présentement âgé de 54 ans et il travaille comme mécanicien depuis environ 30 ans. Il est au service de l’employeur, un concessionnaire automobile Honda, depuis le 30 avril 2001. Il effectue des travaux de mécanique générale.

[15]           Il subit un accident du travail le 11 octobre 2002, accident qui n’est plus contesté. Ce jour-là, en enlevant un appareil de levage sous une auto, l’appareil cède, le travailleur trébuche et tombe par terre sur les fesses. À l’audience, il témoigne avoir ressenti une douleur aux fesses et au bas du dos. Quelques jours plus tard, il éprouve également une douleur à la jambe gauche.

[16]           Le travailleur a consulté un médecin quelques jours plus tard mais il a continué à travailler jusqu’au 17 janvier 2003, date à laquelle il a été mis à pied.

[17]           La Commission des lésions professionnelles doit aujourd’hui se prononcer sur tous les aspects médicaux de cette lésion professionnelle : le diagnostic, la date de consolidation, la nécessité de traitements, l‘existence d’une atteinte permanente et l’existence de limitations fonctionnelles.

[18]           Toutes ces questions ont fait l’objet d’un avis du Bureau d’évaluation médicale. Le procureur du travailleur soulève un moyen préalable concernant la régularité de la procédure d’évaluation médicale et demande de déclarer nul cet avis et, par conséquent, de déclarer que la CSST était liée par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur, soit le Dr Tran.

[19]           Rappelons d’abord les dispositions applicables concernant la procédure d’évaluation médicale. Les articles 224 et 224.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) énoncent, qu’aux fins de rendre des décisions, la CSST est liée par les conclusions du médecin qui a charge relativement aux cinq sujets énumérés à l’article 212 de la loi à moins qu’un membre du Bureau d’évaluation médicale rende un avis relativement à ces sujets, auquel cas la CSST devient liée par cet avis. Les sujets énumérés à l’article 212 sont ceux-ci :

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[20]           Tant l’employeur que la CSST ont le droit de contester le rapport médical du médecin qui a charge du travailleur. Dans le présent dossier, c’est la CSST qui a initié la procédure d’évaluation médicale suivant les articles 204, 205.1, 206 , 217 et 219 de la loi qui se lisent ainsi :

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

219. La Commission transmet sans délai au membre du Bureau d'évaluation médicale le dossier médical complet qu'elle possède au sujet de la lésion professionnelle dont a été victime un travailleur et qui fait l'objet de la contestation.

__________

1985, c. 6, a. 219; 1992, c. 11, a. 21.

 

 

[21]           Le travailleur fait valoir que le délai de la CSST pour présenter sa demande au Bureau d’évaluation médicale est tellement long qu’il vicie le processus. L’article 217 demande de soumettre les contestations au Bureau d’évaluation médicale «sans délai». L’article 219 prévoit que la CSST achemine le dossier médical complet «sans délai». Dans le présent dossier, il s’est écoulé un an avant que la CSST fasse la demande ce qui, plaide-t-il, compromet la stabilité des décisions et l’équité procédurale.

[22]           Depuis les amendements législatifs de 1992, la loi n’impose aucun délai à la CSST en matière de contestation des questions médicales. Bien sûr les termes «sans délai» expriment une volonté du législateur que la CSST agisse avec célérité. Comme le soulignait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Blais[3], aucune sanction n’est prévue toutefois en cas de défaut de transmettre sans délai les contestations prévues aux articles 206 et 212. Comme il s’agit d’une disposition procédurale, l’irrespect de cette règle ne devrait pas être interprété de façon à faire perdre l’exercice du droit qu’elle encadre. Cependant un délai injustifiable qui cause préjudice ou compromet la stabilité des décisions pourra amener le Tribunal à intervenir et entraîner la nullité de l’avis et de la décision de la CSST qui lui a donné suite. C’est ainsi que la Commission des lésions professionnelles a conclu dans l’affaire Morin et José & Georges inc.[4]invoquée par le travailleur. Il réfère également au jugement rendu dans Lapointe c. Commission des lésions professionnelles[5] pour faire valoir le principe d’équité procédurale tout en reconnaissant que la question soumise à la Cour d’appel dans cette affaire était différente de la présente.

[23]           Dans le dossier qui nous occupe, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure ainsi. Il est vrai qu’il y a un délai appréciable entre la production du rapport d’évaluation médicale du Dr Tran et la demande de la CSST au Bureau d’évaluation médicale. Toutefois ce délai apparaît justifiable compte tenu des circonstances particulières du dossier.

[24]           Le Dr Tran émet son rapport d’évaluation médicale le 22 janvier 2003. C’est le 29 janvier 2004 que la CSST soumet une demande au Bureau d’évaluation médicale sur la base d’un rapport médical de son médecin désigné, le Dr Jacques Murray, chirurgien orthopédiste, rapport du 17 octobre 2003 reçu par la CSST le 14 novembre 2003. Toutefois le cheminement du dossier au cours de cette année qui s’écoule après le rapport d’évaluation médicale du Dr Tran s’explique par les faits suivants.

[25]           Dans son rapport d’évaluation médicale, le Dr Tran consolide la lésion au 21 janvier 2003 sur la base de diagnostics de hernies discales  lombaires L2-L3 et L4-L5 avec radiculopathies. L’employeur obtient une évaluation auprès du Dr André Gilbert, chirurgien orthopédiste, qui signe son rapport le 30 avril 2003. Celui-ci conclut à un diagnostic de hernie discale L4-L5 centro-latérale gauche. Il considère que la lésion n’est pas consolidée et il suggère d’envisager une chirurgie. L’employeur avise la CSST le 8 mai suivant qu’il ne soumet pas de demande au Bureau d’évaluation médicale.

[26]           Toutefois quelques jours plus tard la CSST reçoit copie des notes cliniques du Dr Tran, notes cliniques qui révèlent que le travailleur a consulté le Dr Tran un an avant l’accident d’octobre 2002 pour une symptomatologie semblable. Après avoir revu le dossier avec un comité de travail, l’agent de la CSST note ceci au dossier :

Les notes médicales antérieures démontrent la présence d’hernie discale L2-L3 , L4-L5. À acheminer au md [médecin] désigné de l’E [employeur] afin d’obtenir un complément suite à l’expertise du 03.04.30 par le Dr Gilbert (non reçue). Si aucune possibilité d’aller au BEM, revoir chef d’équipe pour 204.

 

 

[27]           Le procureur du travailleur reproche à la CSST d’être intervenu auprès du médecin de l’employeur pour obtenir un changement d’opinion. La soussignée ne peut retenir cet argument. Il apparaît clairement du rapport du Dr Gilbert qu’il n’avait pas à son dossier ces informations plus que pertinentes sur les antécédents du travailleur. Il rapportait uniquement un épisode de douleur lombaire, sans conséquence, survenu il y a quatre ou cinq ans à la suite de la manipulation d’une transmission de véhicule. Devant des informations nouvelles de cette nature, la CSST a jugé à bon droit qu’elle devait en informer le médecin désigné de l’employeur. Rien au dossier n’indique qu’elle est intervenue directement pour influencer l’opinion de ce dernier mais elle lui a transmis des éléments jusque-là inconnus susceptibles d’avoir un impact sur l’évaluation du dossier.

[28]           Après avoir pris connaissance des notes cliniques du Dr Tran, le Dr Gilbert conclut dans un rapport complémentaire du 2 juillet 2003 que le travailleur «était déjà symptomatique lorsque survient l’évènement invoqué d’octobre 2002 et que la hernie discale L4-L5 était très bien documentée tant sur le plan clinique que radiologique». Il conclut donc que la chute d’octobre 2002 n’a pas causé la hernie discale puisqu’elle était déjà présente et symptomatique.

[29]           Ce n’est que le 5 septembre que la représentante de l’employeur à cette époque[6] avise la CSST que l’employeur ne soumettra pas de demande au Bureau d’évaluation médicale. La CSST décide immédiatement d’enclencher elle-même la procédure de contestation médicale. Elle désigne le Dr Murray et l’examen a lieu le 9 octobre suivant. Elle obtient par la suite conformément à la loi deux rapports complémentaires, celui du Dr Tran et celui du Dr Denis Ladouceur qui assure lui aussi le suivi du travailleur. Puis le processus d’évaluation médicale suit son cours habituel.

[30]           Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles estime que le délai d’un an demeure acceptable. La CSST a obtenu des renseignements médicaux nouveaux et importants qu’elle a d’abord transmis à l’employeur. Constatant que l’employeur n’exerçait pas ses droits de contestation, la CSST a décidé de le faire elle-même ce que la loi lui permet. Le travailleur continuait d’être indemnisé, il n’a pas subi de préjudice de ce délai.

[31]           La Commission des lésions professionnelles a déjà reconnu des délais semblables comme justifiés par des circonstances particulières, entre autres, dans Agri-Aide Laurentides inc. et Prévost[7]dans laquelle un délai de neuf mois a été jugé acceptable de même que dans Tye-Sil Corporation ltée et St-Cyr[8], où il s’agissait d’un délai d’environ 12 mois.

[32]           Le moyen de droit soulevé par le travailleur est donc rejeté. La procédure d’évaluation médicale qui a conduit à l’avis du Bureau d’évaluation médicale n’est pas viciée.

[33]           La Commission des lésions professionnelles doit donc décider des questions médicales à la lumière de la preuve factuelle et médicale prépondérante au dossier. La première question à trancher, à la lumière de laquelle les autres seront déterminées, est celle du diagnostic. Le travailleur demande de reconnaître un diagnostic de hernie discale en s’appuyant sur les opinions des Drs Tran et Ladouceur qui ont traité le travailleur et du Dr Yves Bergeron, dans son expertise médicale du 18 août 2005. L’employeur prétend qu’il s’agit uniquement d’une contusion lombaire en invoquant les opinions des Drs Gilbert et Murray.

[34]           D’emblée la Commission des lésions professionnelles écarte l’opinion émise par le Dr Albert Gaudet, orthopédiste, agissant pour le Bureau d’évaluation médicale dans l’avis qu’il rend le 24 février 2004. Le Dr Gaudet retient un diagnostic «d’entorse lombaire greffée sur des discopathies entraînant l’apparition de signes neurologiques» pour les motifs suivants :

Considérant qu’avant son fait accidentel, le patient était totalement asymptomatique;

 

Considérant par contre divers examens radiologiques qui mettent en évidence des signes neurologiques qui n’ont rien à avoir avec celui d’entorse lombaire;

 

Considérant que le diagnostic retenu par la CSST est celui d’entorse lombaire;

 

 

[35]           Il est plutôt étonnant de voir que le Dr Gaudet s’appuie sur le diagnostic retenu par la CSST. La CSST est liée par le diagnostic du médecin traitant en vertu de l’article 224 de la loi alors que le rôle du membre du Bureau d’évaluation médicale est justement de trancher cette question à travers les opinions contradictoires et d’infirmer, confirmer ou substituer sa propre conclusion (art. 221 de la loi) à celles qui ont été émises.

[36]           Son diagnostic est difficile à comprendre. Tel que le signale le Dr Bergeron, les signes neurologiques sont-ils apparus à la suite de l’entorse ou à la suite des discopathies? Son opinion n’est pas claire.

[37]           De plus, sa prémisse sur le fait que le travailleur était totalement asymptomatique n’est pas supportée par la preuve. Le Dr Gaudet avait pourtant en mains l’expertise du Dr Murray qui fait état des antécédents du travailleur. La preuve démontre que le travailleur était déjà porteur d’une hernie discale avant l’accident d’octobre 2002, ce que reconnaît d’ailleurs le procureur du travailleur.

[38]           En effet, un an avant la chute d’octobre 2002, le travailleur consulte le Dr Tran. Le 18 octobre 2001, le Dr Tran rapporte un mal de dos depuis 1½ an avec sciatalgie gauche. Il note que le travailleur a mal lorsqu’il tousse, respire, éternue. À l’examen, il note des mouvements limités dans tous les axes et une manœuvre de mise en tension radiculaire (élévation de la jambe tendue) positive à gauche à 60°. Comme le commente le Dr Gilbert dans son rapport du 2 juillet 2003, le tableau clinique militait en faveur d’une irritation radiculaire assez caractéristique d’une hernie discale pour que le Dr Tran demande une résonance magnétique et un électromyogramme. Le Dr Tran prescrit ce jour-là le port d’un corset et des anti-inflammatoires.

[39]           Nous n’avons pas au dossier le rapport de l’électromyogramme. Celui de la résonance effectuée le 1er décembre 2001 y est. Le radiologiste conclut à des changements dégénératifs L2-L3, L3-L4 ainsi que L4-L5 sans sténose spinale ou foraminale significative. Il décrit une légère hernie discale antérieure L2-L3 et une hernie postéro-médiane focale L4-L5.

[40]           Le 18 février 2002, le Dr Tran pose un diagnostic de hernies discales L2-L3 et L4-L5. Il prescrit de la physiothérapie et un arrêt de travail. Le travailleur revoit le Dr Tran en mars et en juin 2002. À cette dernière visite, le Dr Tran réitère le diagnostic de hernie discale L4-L5.

[41]           Contrairement à certaines annotations du Dr Tran, il appert cependant du témoignage du travailleur, corroboré par celui de M. Daniel Brunet, directeur des opérations chez l’employeur, que le travailleur ne s’est jamais absenté du travail d’avril 2001 à janvier 2003. M. Brunet n’a pas fait de vérification de l’état de santé du travailleur au moment de l’embauche. Il a constaté en novembre ou décembre 2001 que le travailleur portait un corset lombaire. Le travailleur n’a pas reçu d’autres traitements à l’automne 2001 que le port d’un corset et la prise d’anti-inflammatoires (Vioxx). Il affirme qu’il était fonctionnel et capable de faire son travail.

[42]           Questionné sur les raisons de ces consultations médicales en octobre 2001, le travailleur explique qu’il venait de commencer un nouveau travail et qu’il avait de la douleur à la jambe gauche. Il a consulté le Dr Tran par prévention pour savoir s’il pouvait forcer. Il affirme qu’il a surtout consulté en raison de la douleur à la jambe gauche et non pour un mal de dos. Il décrit une douleur au mollet gauche au site d’une ancienne morsure de chien dont il été victime alors qu’il était enfant. Il avait eu la jambe immobilisée six ou sept mois. Par la suite, il n’a jamais été incommodé par cette blessure. Graduellement il a commencé à ressentir un peu de douleur à cette région lors d’efforts ou pendant l’hiver. Il décrit une sensation de pression au niveau de la cicatrice.

[43]           Ces explications du travailleur ne peuvent être retenues. Il affirme qu’il n’avait pas mal au dos mais cela est contredit par les notes cliniques du Dr Tran, tant dans ce qu’il rapporte comme plaintes du travailleur que dans ce qu’il constate à l’examen. Il exerçait son nouvel emploi depuis six mois (avril 2001), il ne venait pas de débuter. L’explication de ses douleurs à la jambe gauche par l’ancienne morsure n’est pas plausible. Cela remonte à plus de 40 ans et ne lui a pas causé de problème par la suite. Le Dr Tran ne fait aucune mention de cette morsure ou de plaintes à ce sujet. De plus, lorsque le travailleur est examiné par le Dr Gilbert, il ne fait pas part des consultations et des examens subis en octobre 2001.

[44]           Le travailleur tente de minimiser voire de nier, comme il l’a fait auprès du Dr Murray, qu’il a eu des problèmes lombaires à l’automne 2001 mais la preuve le démontre de manière probante. Il a consulté pour une condition de lombosciatalgie gauche, des examens ont été prescrits de même que des soins.

[45]           Le procureur du travailleur plaide cependant que la chute survenue en octobre 2002 a précipité l’évolution de la condition préexistante du travailleur. C’est la principale question que pose le débat diagnostique. Il s’appuie entre autres sur l’opinion du Dr Bergeron qui conclut ainsi :

Le mécanisme accidentel a évidemment traumatisé la région lombaire inférieure. Le patient était déjà symptomatique et porteur d’une hernie discale. Le mécanisme du fait accidentel a détérioré cette lésion préexistante.

 

 

[46]           Or la soussignée ne peut retenir cette opinion. Bien que le Dr Bergeron procède à une revue détaillée du dossier, il n’explique pas en quoi et comment la chute sur les fesses du 11 octobre a pu modifier le cours d’évolution de la condition antérieure du travailleur. À la lumière de l’ensemble de la preuve médicale et des faits mis en preuve, la Commission des lésions professionnelles, à l’instar du Dr Gilbert, retient un simple diagnostic de contusion lombaire. La preuve médicale contemporaine à l’incident du 11 octobre 2002 et le fait qu’il ait pu poursuivre un travail comportant des exigences physiques pendant plus de trois mois militent en ce sens.

[47]           La première consultation médicale a lieu le 15 octobre 2002[9] à la Clinique médicale Concorde. Le Dr Brizard fait état d’une chute sur les fesses[10]. Il rapporte une douleur lombaire gauche et une douleur à la cuisse gauche. À l’examen, il observe une limitation dans toutes les amplitudes de mouvements, des manœuvres de mise en tension radiculaires positives à gauche (tripode et Lasègue à 45°). Il pose des diagnostics de contusion, d’entorse lombaire et d’irritation radiculaire gauche.

[48]           Dès le lendemain, le travailleur revoit un médecin, le Dr Joubarne, qui émet une attestation médicale pour la CSST. Il diagnostique une contusion lombaire post-chute. Il obtient une radiographie de la colonne lombosacrée qui révèle de discrets becs ostéophytiques à L3, L4 et L5 et un pont ostéophytique entre L3 et L4, ce que le Dr Joubarne interprète comme des signes d’arthrose. Il prescrit des anti-inflammatoires et mentionne que le patient se sent apte à travailler. Il recommande donc un retour au travail. 

[49]           Deux semaines plus tard, le 30 octobre, le travailleur revoit le Dr Tran qui rapporte la chute. Il fait état d’une sensation de «papillons» dans la jambe gauche. Il diagnostique alors une hernie discale lombaire avec sciatalgie gauche empirée tout en notant que le travailleur peut continuer à travailler. Il demande un électromyogramme qui est effectué le 30 décembre 2002 et qui suggère une radiculopathie L5 et S1.

[50]           Dans les faits, le travailleur a poursuivi son travail du 11 octobre 2002 jusqu’au 17 janvier 2003. Le travailleur témoigne qu’il a cessé de travailler le 17 janvier 2003 parce qu’il n’était plus capable et qu’il avait avisé M. Brunet la veille de ses douleurs. En contre-interrogatoire, il reconnaît qu’il a été mis à pied ce jour-là en raison d’un manque de travail et que c’est pour ce motif qu’il a cessé de travailler.

[51]           Le travailleur affirme que d’octobre 2002 à janvier 2003, la douleur augmente de jour en jour. Avant octobre 2002 sa douleur au dos était davantage une sensation de fatigue. Il prenait des anti-inflammatoires au besoin s’il ressentait plus de douleurs dépendamment du type de travaux qu’il effectuait. Depuis l’accident d’octobre 2002, il a des douleurs dans la région fessière, douleurs qui s’intensifient lors la défécation. En après-midi, il ressent des fourmillements dans la jambe gauche. Ce sont des symptômes qu’il n’avait pas ressentis auparavant. Les douleurs tant à la jambe gauche qu’au dos sont plus aiguës suivant son témoignage.

[52]           Pourtant il ne revoit pas de médecin en novembre, décembre et jusqu’au 21 janvier 2003 croyant, dit-il, que cela allait passer. Cela est difficile à concilier avec l’affirmation que les douleurs s’amplifient de plus en plus.

[53]           Mais cela est surtout difficilement explicable compte tenu qu’il réussit à faire toutes ses tâches au travail suivant son horaire habituel de 40 heures par semaine. L’employeur a déposé copie des bons de travail du travailleur, ce qui permet de constater le temps effectué et la nature des travaux mécaniques qu’il a faits. On constate d’abord que le travailleur a pu effectuer ses tâches normales de mécanicien du 11 octobre 2002 au 17 janvier 2003. Il a pris une semaine de vacances du 9 au 16 décembre pendant laquelle il a effectué une croisière.

[54]           Le témoignage de M. Brunet, qui n’a pas été contredit par le travailleur, démontre également que le travail est assez exigeant physiquement et qu’il implique la manipulation de poids de manière fréquente. M. Brunet dépose les programmes d’entretien des différents types de véhicules Honda. Il estime que 75 % des travaux de mécanique exigent d’enlever les pneus, soit les quatre soit deux. Le poids d’une roue de la «Civic» est de 20 livres (incluant la jante) alors que celui d’une Odyssey est de 60 livres. Au surplus, il souligne que le mois de novembre est une période très achalandée pour les changements de pneus. Non seulement le travailleur a-t-il été en mesure de faire tous ces travaux mais il l’a fait en obtenant à plusieurs reprises un boni de productivité, tel que démontré par le dépôt de ses cartes de temps. Cela signifie qu’il a effectué les travaux requis dans un temps inférieur à celui estimé pour le faire. Dans la semaine du 4 novembre, il atteindra même un taux de productivité de 141,4 %.

[55]           C’est après sa mise à pied, le 21 janvier 2003, que le travailleur consulte à nouveau le Dr Tran. Curieusement celui-ci émet le jour-même un rapport final consolidant la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le lendemain, il signe son rapport d’évaluation médicale.

[56]           Il est clair qu’à la fin de janvier 2003 la condition du travailleur est aggravée. Le travailleur consulte en neurochirurgie, le Dr Denis Ladouceur, le 7 février 2003. Ce dernier retient un diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche. Il obtient une tomodensitométrie et fait état par la suite de discopathie et d’ostéophytes. Il prescrit des blocs facettaires. Le 30 avril 2003, lorsque le Dr Gilbert examine le travailleur, il observe plusieurs signes cliniques d’un état clinique aigu (hypoesthésie importante dans le territoire de L5, manœuvres de mise en tension fortement positives et diminution du réflexe achilléen gauche). À l’audience, le Dr Gilbert témoigne et explique que la condition du travailleur lui a semblé tellement aiguë qu’il a adressé une lettre au Dr Ladouceur le jour même. Il ne comprenait pas que le Dr Tran ait consolidé la lésion sans avoir prescrit de traitements.

[57]           Les examens qui suivront, celui du Dr Murray en octobre 2003, celui du Dr Gaudet en février 2004 et celui du Dr Bergeron en avril 2005, confirment, à des degrés divers, une radiculopathie et une irritation radiculaire.

[58]           Cependant comme l’a expliqué le Dr Gilbert, il est difficile de relier ce tableau clinique à la chute sur les fesses d’octobre 2002. Dans son rapport complémentaire du 2 juillet 2003, après avoir pris connaissance des notes cliniques du Dr Tran, il écrit :

[…]

 

À ce stade-ci de la démarche médico-administrative, il faut convenir que monsieur Garcia était déjà symptomatique lorsque survient l’événement invoqué d’octobre 2002 et que la hernie discale L4-L5 était très bien documentée tant sur le plan clinique que radiologique.

 

L’événement n’a donc pas donné naissance à cette hernie, mais aurait pu tout simplement modifier l’évolution en aggravant quelque peu son intensité douloureuse et son caractère invalidant. D’ailleurs, on est en droit de se questionner sérieusement sur la réelle répercussion de cette chute sur toute l’évolution subséquente en tenant compte du fait que monsieur Garcia est demeuré au travail jusqu’au 17 janvier 2003. Il faut également se questionner à savoir si l’évolution de la symptomatologie n’aurait pas été la même sans le fait accidentel invoqué. Il ne faut pas oublier que monsieur Garcia, après sa première consultation à Domus-Medica, avait été autorisé par l’urgentologue à retourner à son travail régulier dès le lendemain. C’est donc dire que les manifestations cliniques étaient à toute fin pratique inexistantes ou très peu significatives.

 

[…]

 

 

[59]           À l’audience, le Dr Gilbert explicite davantage sa pensée. Il note que le tableau décrit en octobre 2001 est semblable à celui qu’il a observé mais avec moins d’intensité, soit des douleurs lombaires avec un phénomène sciatalgique. Il est d’opinion qu’on ne peut établir de relation entre l’état du travailleur à la fin de janvier 2003 et l’incident d’octobre 2002 principalement en raison des efforts physiques constants que le travailleur a faits pendant cette période. Il estime qu’il est difficile d’établir que cet événement a modifié l’évolution de la pathologie préexistante du travailleur.

[60]           Le Dr Murray était également de cet avis en écrivant que l’événement relativement banal du 11 octobre 2002 n’a pas causé d’aggravation permanente au problème lombaire du travailleur qui présentait déjà avant cet événement une symptomatologie reconnue par son médecin traitant.

[61]           Dans un rapport complémentaire du 9 décembre 2003, le Dr Tran rétorque que peu importe les conditions personnelles préexistantes, le travailleur «était complètement asymptomatique avant l’événement du 11-10-2002 et était 100 % fonctionnel». Cette affirmation est inexplicable lorsque l’on prend connaissance de ses propres notes cliniques. De même l’affirmation qu’il fait dans son rapport d’évaluation médicale est contredite par la preuve. Il écrit : «Monsieur Garcia a travaillé une semaine après son accident jusqu’au 17-01-2003 avec beaucoup de peine et mauvaise performance». La preuve démontre qu’il a travaillé plus de trois mois après l’incident d’octobre 2002, et ce, avec de bien bonnes performances.

[62]           En résumé, ce n’est pas la chute d’octobre 2002 qui est responsable de l’état du travailleur observé à la fin janvier 2003 et par la suite. C’est plutôt l’évolution de la pathologie personnelle dont souffre le travailleur depuis décembre 2001.

[63]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer la date de consolidation de la lésion professionnelle du 11 octobre 2002. La notion de consolidation est ainsi définie à l’article 2 de la loi :

 « consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

 

 

[64]           Compte tenu du diagnostic retenu, une contusion lombaire, la Commission des lésions professionnelles estime que la lésion était consolidée le 22 octobre 2002. C’est la date prévisible de consolidation inscrite par le Dr Joubarne sur l’attestation médicale du 16 octobre 2002. Celui-ci indique d’ailleurs à ses notes cliniques que le «patient se sent en forme apte au retour au travail». Cela apparaît être un délai raisonnable pour un simple diagnostic de contusion. Le Dr Gilbert est d’avis que la lésion est consolidée le lendemain de la chute ou le jour même compte tenu qu’il s’agit uniquement d’un phénomène douloureux transitoire.

[65]           Les autres médecins ont évidemment consolidé la lésion plus tard, allant du 21 janvier 2003 suivant le Dr Tran jusqu’à prétendre que la lésion n’est toujours pas consolidée selon le Dr Bergeron. Cependant ces opinions reposent sur des diagnostics qui ne sont pas retenus comme en relation avec la lésion professionnelle d’octobre 2002.

[66]           Il en va de même pour les questions de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Le travailleur n’en conserve pas de la contusion subie le 11 octobre 2002. Celles qui sont élaborées par les Dr Tran, Gaudet et Bergeron relèvent de la condition personnelle et déjà symptomatique du travailleur et non pas de l’événement relativement banal du 11 octobre 2002, suivant d’ailleurs les opinions des Drs Murray et Gilbert.

[67]           La lésion professionnelle du 11 octobre 2002 a donc entraîné une contusion lombaire qui était consolidée le 22 octobre suivant, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Compte tenu de ses conclusions, le travailleur était capable d’exercer son emploi à cette date, ce qu’il a d’ailleurs fait, et son droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint en vertu de l’article 57 de la loi.

[68]           Finalement, il reste à disposer de la contestation du travailleur dans le dossier 250117-61-0412. Le travailleur allègue avoir subi le 4 juin 2004 une récidive, rechute ou aggravation. Ce jour-là, le travailleur consulte le Dr Yves Troyanov, rhumatologue. Celui-ci ne pose pas de diagnostic précis mais il dirige le travailleur en physiatrie. Le 14 juillet suivant, le travailleur rencontre le Dr Bouthillier, physiatre, qui note un blocage lombaire avec irritation radiculaire gauche dans le territoire L5-S1. Le Dr Bouthillier assure le suivi sur la base de ce diagnostic. Une épidurale foraminale sera administrée au travailleur en octobre 2004 et une évaluation est demandée pour évaluer la pertinence d’une intervention chirurgicale étant donné le listhésis et la hernie discale L4-L5 démontrée à la résonance magnétique effectuée le 4 octobre 2004.

[69]           La loi inclut la notion de récidive, rechute ou aggravation dans celle de lésion professionnelle sans pour autant en définir les termes. La jurisprudence a établi que les notions de récidive, rechute ou aggravation signifient, dans leur sens courant, une reprise évolutive, une réapparition ou recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.  La preuve doit établir, de façon prépondérante, une relation entre la lésion initiale et la lésion alléguée par le travailleur comme constituant une récidive, rechute ou aggravation. 

[70]           Compte tenu des conclusions auxquelles en arrive le Tribunal relativement à la lésion professionnelle du 11 octobre 2002, il est clair que la symptomatologie présentée par le travailleur en juin 2004 n’est pas en relation avec la contusion qu’il a subie le 11 octobre 2002 et qui a été consolidée après quelques jours sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitations fonctionnelles. Les problèmes que présente le travailleur en juin 2004 s’inscrivent dans la continuité et l’évolution de sa condition personnelle. Sa requête est donc rejetée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossiers 232908-61-0404 et 234799-61-0404

REJETTE la requête de monsieur Garcia Isaias, le travailleur;

ACCUEILLE la requête de Lallier Automobile Montréal inc., l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 avril 2004 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle  le 11 octobre 2002;

DÉCLARE que le diagnostic de cette lésion professionnelle est une contusion lombaire;

DÉCLARE que la lésion professionnelle est consolidée le 22 octobre 2002, sans nécessité de traitements après cette date;

DÉCLARE que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de sa lésion professionnelle;

DÉCLARE qu’en conséquence le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 22 octobre 2002 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

Dossier 250117-61-0412

REJETTE la requête du travailleur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er décembre 2004 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 4 juin 2004.

 

 

__________________________________

 

Lucie Nadeau

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Charles Magnan

Représentant du travailleur

 

 

Me Céline Servant

BÉCHARD, MORIN ET ASS.

Représentante de l’employeur

 

 

Me Martine St-Jacques

PANNETON LESSARD

Représentante de la Commission de la santé et de la sécurité du travail

 



[1]          Compte tenu de cette admission, le représentant du travailleur a retiré son moyen préalable concernant le hors délai de l’employeur pour demander la révision de la décision d’admissibilité. 

[2]          L.R.Q., c. A-3.001

[3]          C.L.P. 114971-05-9903, 9 septembre 1999, F. Ranger

[4]          [2001] C.L.P. 443

[5]          C.A. Montréal 500-09-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle, 03LP-313

[6]          Mme Pelletier, de la firme AON.

[7]          C.L.P. 133153-61-0003, 29 août 2000, S. Di Pasquale

[8]          C.L.P. 87035-73-9703, 14 décembre 2000, C.-A Ducharme

[9]          Les notes de cette consultation qui ont été produites après l’audience semblent incomplètes, il paraît y manquer la première page. Le Tribunal réfère donc à ce qu’en rapporte le Dr Bergeron dans son expertise.

[10]         Il rapporte que la chute serait survenue le jour même plutôt que le 11 octobre mais l’employeur ayant admis que l’événement a eu lieu, il n’y a pas lieu de s’attarder à cette question de date.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.