Décision

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CANADA

Chambre de la sécurité financière c. Tietchop Meinkeu

2021 QCCDCSF 1

 

comité de discipline

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

canada

province de québec

 

 

 

N°:

CD00-1421

DATE:

4 janvier 2021

le comité :

Me Claude Mageau

M. Guy Julien, A.V.C.

M. Ndany Mabolia

Président

Membre

Membre

 

 

Syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

ALLIANCE CHANTALE TIETCHOP MEINKEU (numéro de certificat 210554, BDNI 3356861)

 

Partie intimée

décision sur CULPABILITÉ ET sanction

conformément à l’article 142 du code des professions, le comité a prononcé l’ordonnance suivante :

Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des nom et prénom de la consommatrice impliquée et de toute information permettant de l’identifier, de même que toute information personnelle et financière la concernant et concernant l’intimée, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier  (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

[1]          Le 3 décembre 2020, suite à son plaidoyer de culpabilité, pièce P-1 en liasse, l’intimée a été déclarée coupable par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « comité ») de l’unique chef d’infraction suivant :

la plainte

1.         À Longueuil, vers le 29 octobre 2016, l’intimée s’est placée en situation de conflit d’intérêts en empruntant une somme de 5 000 $ à S.S.T.D., contrevenant ainsi à l’article 18 du Code déontologie de la Chambre de la sécurité financière.

[2]           L’intimée n’étant pas alors présente, la secrétaire du comité, conformément à l’article 150 (2) du Code des professions, lui a fait signifier un avis de cette déclaration de culpabilité et l’a informée, de plus, que l’audition sur sanction serait tenue devant le comité le 14 décembre 2020, à 9h30, par visioconférence.
[3]           Le comité a effectivement tenu, tel que prévu, l’audition sur sanction le 14 décembre 2020, à laquelle l’intimée n’était cependant pas présente, nonobstant l’avis de convocation à cet effet.
[4]           Le comité a alors procédé en son absence conformément à l’article 144 du Code des professions.
[5]           Me Vivianne Pierre-Sigouin représentait le syndic et elle déclara ne pas avoir de témoin à faire entendre ni de document additionnel à produire.
LES FAITS
[6]           Les faits pertinents en l’espèce sont bien résumés à l’énoncé de faits/admissions factuelles signé par l’intimée, lequel document fait partie de la pièce P-1 en liasse et qui se lit comme suit :

« 1.      J'ai détenu un certificat d'exercice délivré par l'Autorité des Marché (sic) Financiers portant le numéro 210554 (BDNI 3356861), valide dans la discipline de l'assurance de personnes du 24 août 2015 au 25 juin 2019 et dans la discipline du courtage en épargne collective du 5 février 2016 au 21 juin 2019;

2.         Au cours de toute cette période j'ai été à remploi de Distribution Financière Sun Life à titre de représentante en assurance de personnes et de Placements Financiers Sun Life à titre de représentante de courtier en épargne collective;

3.         Au cours de cette même période Mme S.S.T.D. est devenue ma cliente, à laquelle j'ai fait souscrire une police d'assurance;

4.         Le ou vers le 29 octobre 2016, j'ai emprunté la somme de 5000$ de ma cliente S.S.T.D. par le biais d'un transfert de son compte bancaire détenu auprès de la RBC vers le miens (sic) détenu à la même institution financière;

5.         Le ou vers le 24 février 2017 j'ai remboursé à Mme S.S.T.D. la somme de 5000$ initialement prêtée en plus d'un montant de 100$ représentant des intérêts, le tout par le biais d'un dépôt à partir de mon compte personnel de la RBC vers celui de Mme S.S.T.D., à la même banque;

6.         Durant la période au cours de laquelle Mme S.S.T.S. (sic) était ma cliente, d'autres transactions du même type sont intervenues entre nous deux;

7.         Je comprends maintenant que le fait d'emprunter et de faire des prêts à des clients, tout en étant leur représentant, créer (sic) une situation de conflit d'intérêt et constitue une infraction déontologique au sens de l'article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

8.         Le ou vers le 17 juin 2019, j'ai remis ma démission à Distribution Financière Sun Life et à Placements Financiers Sun Life:

9.         Mon certificat d'exercice de l'Autorité des Marchés Financiers n'est plus actif depuis le 25 juin 2019 et je n'ai pas l'intention de le réactiver à l'avenir. »

(c’est l’auteure qui souligne)

REPRÉSENTATIONS DE LA PROCUREURE DU SYNDIC
[7]           La procureure du syndic recommande au comité qu’une courte période de radiation temporaire d’un à trois mois soit ordonnée à l’intimée compte tenu des faits pertinents en l’espèce.
[8]           Étant donné que cette radiation temporaire est de courte durée, elle suggère qu’elle soit effective uniquement advenant la réinscription de l’intimée, le cas échéant.
[9]           Elle requiert aussi du comité qu’une ordonnance de paiement des déboursés conformément à l’article 151 du Code des professions soit ordonnée de même qu’un avis de publication de la présente décision conformément à l’article 156 (7) du Code des professions.
[10]        Elle explique aussi qu’elle a transmis à l’intimée les détails de cette recommandation afin qu’elle en soit informée avant l’audition du 3 décembre 2020, où le plaidoyer de culpabilité a été produit et accepté par le comité.
[11]        Me Pierre-Sigouin énumère par la suite les différents facteurs subjectifs et objectifs pertinents en l’espèce.
[12]        En ce qui concerne les facteurs subjectifs, elle identifie les suivants comme étant atténuants, à savoir :

-                    Au moment de la commission de l’infraction, l’intimée avait moins d’un an d’expérience à titre de représentante en assurance de personnes;

-                    Elle n’est plus inscrite actuellement comme représentante, ayant débuté des études en médecine et n’ayant pas l’intention de revenir dans l’industrie;

-                    L’intimée n’a démontré aucune intention malveillante;

-                    Elle n’a aucun antécédent disciplinaire;

-                    Elle a plaidé coupable à l’infraction reprochée;

-                    Il existe un faible risque de récidive;

-                    Aucun préjudice n’a été occasionné à la consommatrice, l’intimée ayant remboursé intégralement la somme empruntée en plus d’une somme représentant les intérêts.

[13]        À titre de facteurs subjectifs aggravants, elle souligne :

-                    Un manque de collaboration de la part de l’intimée lors de l’enquête du syndic;

-                    La consommatrice était une amie et du même pays d’origine que l’intimée et avait beaucoup confiance en l’intimée.

[14]        À titre de facteurs objectifs pertinents, elle suggère les suivants :

-                    La gravité objective de l’acte posé : il s’agit d’une infraction qui va au cœur même de l’exercice de la profession, car elle compromet l’indépendance du représentant;

-                    Le conflit d’intérêts brise la confiance entre un représentant et son client, et démontre un manque de probité de la part du représentant.

[15]        La procureure termine finalement ses représentations en révisant une série de décisions déjà rendues par le comité[1].
[16]        À ce sujet, elle souligne, tout en laissant au comité la discrétion de déterminer la durée et la radiation temporaire, que la décision rendue dans l’affaire Nikkhoo[2], où le comité a ordonné une radiation temporaire d’un mois constitue, selon elle, la décision qui s’apparente le plus au dossier de l’intimée.
ANALYSE ET MOTIFS
[17]        L’infraction reprochée à l’intimée en est une ayant une gravité objective importante, car être en conflit d’intérêts compromet l’indépendance du représentant vis-à-vis son client, brise le lien de confiance avec celui-ci et est au cœur même de l’exercice de la profession.
[18]        L’intimée, au moment de la commission du geste reproché, avait moins d’un an d’expérience à titre de représentante.
[19]        La consommatrice à qui l’intimée avait fait souscrire une police d’assurance était une amie, les deux étant du même pays d’origine.
[20]        Le prêt de 5 000 $ qui avait été fait à l’intimée par la consommatrice a été remboursé intégralement, comme en fait foi la pièce P-12, qui démontre le remboursement à la consommatrice le 24 février 2017.
[21]        L’intimée n’est plus inscrite comme représentante auprès des autorités réglementaires depuis le mois de juin 2019, et ce, après avoir donné sa démission auprès de son employeur.
[22]        L’intimée a débuté des études en médecine et a déclaré ne pas avoir l’intention de revenir dans l’industrie.
[23]        Elle n’a pas d’antécédent disciplinaire et elle a plaidé coupable à l’infraction reprochée.
[24]         Il n’y a qu’une consommatrice impliquée en l’espèce.
[25]        La procureure du syndic recommande une courte radiation temporaire de l’ordre d’un à trois mois.
[26]        Le comité est d’accord avec la suggestion du syndic.
[27]        Le comité considère qu’une radiation temporaire d’un mois comme dans l’affaire Nikkhoo[3] constitue en l’espèce une sanction raisonnable.
[28]        En effet, le comité, après révision et analyse des circonstances propres au présent dossier, et prenant en considération les éléments tant objectifs que subjectifs, considère que la condamnation de l’intimée à une période de radiation temporaire d’un mois est une sanction juste et appropriée en l’espèce[4].
[29]        De plus, cette période de radiation d’un mois étant de courte durée, celle-ci ne sera exécutoire qu’au moment où l’intimée reprendra son droit de pratique, le cas échéant, et que les autorités réglementaires compétentes émettront un certificat à son nom.
[30]        Enfin, le comité ordonnera la publication d’un avis de la décision aux frais de l’intimée conformément à l’article 156 (7) du Code des professions et la condamnera au paiement des déboursés conformément à l’article 151 dudit code.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

RÉITÈRE l’ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion des nom et prénom de la consommatrice impliquée et de toute information permettant de l’identifier, de même que toute information personnelle et financière la concernant et concernant l’intimée, étant entendu que la présente ordonnance ne s’applique pas aux échanges d’information prévus à la Loi sur l’encadrement du secteur financier  (RLRQ, c. E-6.1) et à la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2);

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité de l’intimée sous l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimée prononcée à l’audience du 3 décembre 2020 pour avoir contrevenu à l’article 18 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, chapitre D-9.2, r.3);

ET STATUANT SUR LA SANCTION :

ORDONNE sous l’unique chef d’infraction la radiation temporaire de l’intimée pour une période d’un mois;

ORDONNE que cette période de radiation temporaire ne commence qu’à courir, le cas échéant, qu’au moment où l’intimée reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission à son nom d’un certificat par les autorités réglementaires compétentes;

ORDONNE à la secrétaire du comité de faire publier, aux frais de l’intimée, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans les lieux où cette dernière a eu son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où elle a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’article 156 (7) du Code des professions (RLRQ, c. C-26);

ORDONNE à la secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où l’intimée reprendra son droit de pratique et que les autorités réglementaires compétentes ou toute autre autorité émettront un certificat à son nom;

CONDAMNE l’intimée au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (RLRQ, c. C-26).

 

 

 

(s) Claude Mageau

 

ME CLAUDE MAGEAU

Président du comité de discipline

 

 

(s) Guy Julien

 

M. GUY JULIEN, A.V.C., A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Ndany Mabolia

 

M. NDANY MABOLIA

Membre du comité de discipline

 

 

Me Vivianne Pierre-Sigouin

CDNP AVOCATS INC.

Avocats de la plaignante

L’intimée étant absente.

Dates d’audience : 3 et 14 décembre 2020

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

A0520



[1]      Chambre de la sécurité financière c. Ferland, 2020 QCCDCSF 25 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Nikkhoo, 2019 QCCDCSF 59 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Chantal, 2019 QCCDCSF 36 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Daigle, 2019 QCCDCSF 31 (Décision sur sanction), 2018 QCCDCSF 86 (CanLII); Chambre de la sécurité financière c. Létourneau, 2012 CanLII 97211 (QC CDCSF); Chambre de la sécurité financière c. Dominique, 2007 CanLII 90470 (QC CDCSF).

[2]      Chambre de la sécurité financière c. Nikkhoo, préc. note 1.

[3]      Chambre de la sécurité financière c. Nikkhoo, préc. note 1.

[4]      Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA).

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