Décision

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Pelletier c. Financeit

2022 QCCQ 5211

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

 :

200-32-703821-198

 

DATE :

7 juin 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS LEBEL, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

GINETTE PELLETIER

 

Demanderesse

c.

 

FINANCEIT

-et-

9365-0786 QUÉBEC INC.

 

Défenderesses

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]                La demanderesse Ginette Pelletier (« madame Pelletier ») demande l’annulation du contrat d’achat de la fournaise intervenu le 20 novembre 2017 entre elle et la défenderesse 9365-00786 Québec inc., qui fait affaire sous le nom de Solutions efficacité écologique Québec (« SEEQ »).

[2]                Madame Pelletier demande également l’annulation du contrat de prêt d’argent conclu avec la défenderesse Financeit à l’occasion de l’achat de la fournaise auprès de SEEQ.

[3]                En plus de l’annulation des contrats, madame Pelletier réclame aux défenderesses la somme de 9 928,09 $, soit un montant qui correspond selon elle, à la valeur d’une fournaise qu’elle aurait dû avoir. Elle réclame aussi 5 000 $ pour les troubles et inconvénients subis.

[4]                Les défenderesses étaient absentes à l’audience.

QUESTIONS EN LITIGE

[5]                Le présent litige soulève les questions suivantes :

  • Madame Pelletier a-t-elle droit à l’annulation des contrats ?
  • La réclamation en dommages est-elle fondée ?

L’ANALYSE

[6]                La prépondérance de la preuve établit que la fournaise vendue et livrée est défectueuse et ne fonctionne pas convenablement.

[7]                Madame Pelletier a vécu avec la fournaise depuis son achat. Elle témoigne qu’elle ne fonctionne pas adéquatement depuis son installation.  

[8]                La fournaise est affligée d’un niveau sonore très important des sorties d’air et est même plus bruyante que l’ancienne fournaise. La situation est telle que madame Pelletier est réveillée la nuit par le bruit du système. 

[9]                Le rendement supérieur promis ne s’est jamais concrétisé et le système est mal balancé. De plus, les économies énergétiques promises ne se sont jamais concrétisées.

[10]           Bien que SEEQ soit intervenue à la suite de la réception de la mise en demeure chez madame Pelletier, elle n’a jamais été capable d’offrir un niveau de fonctionnement convenable de la fournaise.

[11]           De plus, un rapport d’inspection confirme l’état défectueux de la thermopompe.

[12]           En conséquence, madame Pelletier a raison de se plaindre que les garanties de bon fonctionnement, de durabilité et contre les vices cachés prévues aux articles 37, 38 et 53 L.p.c. ont été violées par SEEQ. Ces articles se lisent ainsi :

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[…]

53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[13]           En somme, la fournaise vendue n’a pas servi à un usage normal, et ce, pendant une durée raisonnable, et même, dès son installation.

[14]           Conformément à l’article 272 L.p.c., madame Pelletier est donc en droit de demander la résolution du contrat. Il s’agit du remède le plus approprié considérant la sévérité des problèmes qui affligent la fournaise.

[15]           Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire de trancher la question du droit de résolution du contrat pour les motifs de non-respect de l’article 58 L.p.c.

[16]           En conséquence, madame Pelletier devra donc donner à SEEQ la possibilité de venir reprendre la fournaise vendue.

[17]           En principe, de par la remise en état des parties, SEEQ doit aussi remettre à madame Pelletier sa vieille fournaise. Toutefois, considérant le temps écoulé entre le remplacement de la fournaise et le dépôt de la demande, il est prévisible que cette autre fournaise ne soit plus disponible.

[18]           Considérant les pouvoirs du Tribunal en matière de restitution des prestations (art. 1699 C.c.Q.), le Tribunal condamne SEEQ à payer une somme de 1 000 $ en lieu et place de la restitution de la vieille fournaise de madame Pelletier, considérant que cet appareil était encore fonctionnel mais approchait de sa fin de vie utile.

[19]           Madame Pelletier a également droit à la résiliation du contrat de prêt d’argent avec Financeit.

[20]           En fait, ce contrat a été conclu à l’occasion de l’achat de la fournaise alors même qu’elle a laissé un simple chèque spécimen au vendeur de SEEQ. 

[21]           La preuve démontre qu’elle n’a pas reçu une copie du contrat de prêt d’argent avant ses démarches auprès de Financeit en février 2018. Dans ce contexte, il s’agit d’un motif d’annulation, comme prévu à l’article 58 L.p.c.  

[22]           Au surplus, le Tribunal note que la signature apparaissant à ce contrat ne semble pas être celle de madame Pelletier, tout comme celle apparaissant à la lettre d’achèvement. Le Tribunal croit madame Pelletier lorsqu’elle dit ne pas avoir signé ces documents, bien qu’elle est consciente qu’elle devait financer l’achat de la fournaise.

[23]           Dans un tel cas, madame Pelletier disposait d’un délai de 1 an à partir de la réception du contrat (soit vers le 18 février 2018). Elle s’est prévalue de cette option en temps approprié, puisque l’avis de résiliation est daté du 12 février 2019.

[24]           Analysons maintenant les actions en dommages de madame Pelletier.

[25]           Madame Pelletier réclame 9 928,09 $, soit un montant qui correspond à la valeur d’une nouvelle fournaise. Cette réclamation n’est pas fondée. En effet, si le Tribunal faisait droit à cette demande, cette situation aurait pour conséquence d’enrichir indument madame Pelletier. Elle ne peut obtenir l’annulation des contrats mais forcer les défenderesses à lui fournir une fournaise sans payer aucune contrepartie.

[26]           Madame Pelletier réclame aussi aux défenderesses 5 000 $ pour le stress subi, les conséquences du mauvais fonctionnement de la fournaise, les difficultés de communication auprès des entreprises en cause ainsi que des circonstances préoccupantes liées à la protection des renseignements personnels dans les entreprises.

[27]           À la lumière de la preuve, le Tribunal conclut que madame Pelletier a subi des troubles et inconvénients de la part de SEEQ qui justifient une indemnisation. En effet, le fonctionnement de la fournaise a sérieusement troublé la quiétude et le repos de madame Pelletier.

[28]           De plus, les problèmes de la fournaise ont été très stressants et ont nécessité un investissement de temps important pour elle.

[29]           Par ailleurs, les problèmes de la fournaise ne relèvent pas de Financeit, qui est simplement le prêteur ici. De plus, la lecture des courriels avec Financeit ainsi que le témoignage de madame Pelletier ne laisse pas entrevoir une faute dans sa conduite.

[30]           Quant aux craintes de madame Pelletier sur l’usage de ses renseignements personnels sensibles par les compagnies en cause, il s’agit d’une crainte qui demeure essentiellement subjective et spéculative. Il n’y a pas de preuve de perte ou d’accès à ces renseignements par des tiers.  

[31]           Les préoccupations de madame Pelletier ne franchissent pas le niveau nécessaire pour constituer la démonstration d’un préjudice moral compensable[1].

[32]           En conséquence et de sa discrétion, le Tribunal condamne SEEQ à payer à madame Pelletier la somme de 1 500 $ à titre de compensation pour les troubles et inconvénients.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la demande;

RÉSOUT judiciairement le contrat d’achat de la fournaise daté du 20 novembre 2017 (contrat d’achat-facture 7025) entre 9365-00786 Québec inc. (SEEQ) et Ginette Pelletier;

RÉSOUT judiciairement le contrat de prêt d’argent daté du 30 novembre 2017 (numéro d’identification du prêt : 6050112) entre Financeit et Ginette Pelletier;

LIBÈRE Ginette Pelletier de toutes les obligations prévues aux termes de ces deux contrats à l’endroit 9365-00786 Québec inc. (SEEQ) et Financeit;

ORDONNE à Financeit de restituer à Ginette Pelletier la totalité des sommes prélevées à son compte bancaire, avec intérêts calculés au taux légal de 5% et l’indemnité additionnelle sur chaque paiement prélevé;

ORDONNE à 9365-0786 Québec inc. (SEEQ) de venir reprendre possession et la pleine propriété de la fournaise se trouvant présentement dans l’immeuble de Ginette Pelletier situé au 3467, Place du Trianon, Québec (Québec)  G1X 2G1, et ce, sans causer de bris dans ledit immeuble, dans un délai maximum de soixante (60) jours suivant le dépôt du jugement et ORDONNE à 9365-0786 Québec inc. (SEEQ) de remettre les lieux dans l’état dans lequel ils se trouvaient avant l’installation de l’appareil à ses frais;

ORDONNE à 9365-0786 Québec inc. (SEEQ) de donner à Ginette Pelletier un préavis écrit de 10 jours avant de se présenter chez elle;

À défaut par 9365-00786 Québec inc. (SEEQ) de s’exécuter dans le délai imparti, PERMET à Ginette Pelletier de disposer du bien à sa convenance et sans indemnité à 9365-00786 Québec inc. (SEEQ);

CONDAMNE 9365-00786 Québec inc. (SEEQ) à payer à Ginette Pelletier la somme de 2 500 $ à titre de dommages avec intérêts calculés au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 12 février 2019, date de la mise en demeure;

CONDAMNE solidairement les défenderesses 9365-00786 Québec inc. (SEEQ) et Financeit à payer à la Ginette Pelletier les frais de justice correspondant aux droits de greffe exigibles pour le dépôt de la demande.

 

 

__________________________________

FRANÇOIS LEBEL, J.C.Q.

 

 

 

 


[1]  Mustapha c. Culligan du Canada Ltée, [2008] 2 R.C.S. 114

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