Décision

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Amarouche c. Asus Computer International

2022 QCCQ 1660

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile »

 :

450-32-701545-212

 

DATE :

 30 mars 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

FATEH AMAROUCHE

Demandeur

c.

ASUS COMPUTER INTERNATIONAL

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                Invoquant un problème nécessitant une réparation en mai 2020 de l’ordinateur qu’il a acquis le 3 août 2018, le demandeur (l’Acheteur) réclame à la défenderesse (le Fabricant) 1 823,37 $.

[2]                Il détaille sa réclamation ainsi :

  • remboursement du prix payé le 3 août 2018[1]

1 610,68 $

  • frais d'envoi pour la première réparation le 8 mai 2020[2]

114,96 $

  • frais d'envoi pour la deuxième réparation le 6 octobre 2020[3]

97,73 $

[3]                Le Fabricant conteste la réclamation. Il invoque que la garantie conventionnelle d’un an n’était plus en vigueur lorsque l'Acheteur l’a informé du problème et que l'Acheteur a utilisé l’ordinateur plus d’un an sans difficulté.

LES FAITS PERTINENTS

[4]                Le 3 août 2018, le demandeur achète chez Best Buy (le Vendeur) un ordinateur du Fabricant[4].

[5]                Le 7 mars 2020, après un séjour à l'extérieur du pays[5], il constate que l’ordinateur ne démarre plus. Le 8 mai 2020, il se rend chez le Vendeur pour le faire réparer. Il doit payer les frais d’envoi de 114,96 $[6].

[6]                Lorsque le problème réapparaît en octobre 2020, le Vendeur le réfère au Fabricant à qui il envoie l’ordinateur[7]. Le Fabricant lui demande 1 000 $ pour la réparation, puis lui offre une réduction de 50 % sur ces frais de réparation, sans lui offrir de garantie. L'Acheteur refuse cette offre.

ANALYSE ET MOTIFS

[7]                Le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de cette réclamation en répondant à la question suivante :

7.1.           L’Acheteur a-t-il droit au montant qu’il réclame du Fabricant à la suite d’un problème à son l’ordinateur survenu après la période de la garantie conventionnelle?

La présence d’un vice caché

[8]                La garantie de qualité d’un bien vendu est énoncée à l’article 1726 du Code civil du Québec (C.c.Q), en ces termes :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[9]                Comme il s’agit en l’occurrence d’une vente par un vendeur professionnel, l’article 1729 C.c.Q. trouve application :

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.

[10]           À nulle part, la preuve ne révèle que l’Acheteur aurait fait une mauvaise utilisation de l’ordinateur.

[11]           La Loi sur la protection du consommateur[8] (L.P.C.) trouve également application, puisque le contrat est intervenu entre un consommateur et un commerçant.

[12]           Les articles 37 et 38 L.P.C. se lisent ainsi :

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[13]           Selon l’article 53 L.P.C., le consommateur a le droit d’exercer son recours contre le commerçant et contre le fabricant.

[14]           En vertu de l’article 272 L.P.C., la partie demanderesse peut demander notamment la résolution, ou la réduction de son obligation au contrat.

[15]           En l’espèce, la preuve démontre que l’Acheteur a informé le Vendeur en mai 2020[9] du problème à son ordinateur acheté en août 2018[10]. Il a pu en faire l’usage pendant les 21 premiers mois.

[16]           Selon l’article 1729 C.c.Q., il y a présomption du vice au moment de la vente, si la vente est faite par un vendeur professionnel, lorsque sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce.

[17]           Il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent[11].

[18]           L’Acheteur pouvait s’attendre à utiliser le bien acheté à l’état neuf, sans problème, pendant plusieurs années, au moins plus longtemps que la période écoulée entre la date de la livraison du bien en août 2018 et de la constatation des vices en mai 2020. Selon la représentante du Fabricant, la durée utile de l'ordinateur peut varier entre quatre et cinq ans.

[19]           Le Tribunal considère que le vice est survenu prématurément et entraîne un déficit d’usage.

La réparation demandée

[20]           L’Acheteur se dit prêt à remettre le bien et demande, à l’audience, l’annulation de la vente et le remboursement complet du prix payé[12].

[21]           Selon la Cour d’appel, même si le choix de la sanction appartient au consommateur, le remède doit être approprié et le Tribunal a discrétion pour accorder un autre remède, si le consommateur ne fait pas un choix approprié[13] :

Le recours choisi par le consommateur, en vertu de l'article 272, doit cependant être approprié puisque le législateur mentionne « selon le cas ». À cet égard, je partage l'opinion de la professeure Nicole l'Heureux1 :

Le consommateur peut opter pour la sanction de son action parmi une gamme de recours. Le remède demandé doit être approprié, en ce sens qu'il est soumis aux règles d'inexécution des obligations du Code civil notamment, celui qui demande la nullité du contrat doit offrir de remettre ce qu'il a reçu. S'il n'est pas en mesure de le faire, il doit opter pour une autre sanction. Si le consommateur ne fait pas une action appropriée, le tribunal a discrétion pour accorder un autre remède implicitement inclus dans celui demandé par le consommateur. L'inexécution des obligations légales peut donner lieu à la réduction des obligations contractuelles du consommateur, à la résolution, à la résiliation ou à la nullité du contrat (art. 272, art. 1590 C.c.Q.). S'il accorde la nullité, il doit tenter de remettre les parties dans l'état antérieur, et le consommateur doit remettre le bien reçu à moins qu'il en soit incapable par la faute du commerçant.

                         

1. N. L'heureux, Droit de la consommation, 4e éd., Éd. Yvon Blais, 1993, no 380, p. 363.

[22]           La résolution de la vente constitue un recours approprié lorsque le vice possède une gravité exceptionnelle qui requiert des travaux correctifs majeurs ou lorsqu’il cause un problème chronique et permanent.

[23]           En l'espèce, la preuve ne démontre pas la gravité exceptionnelle du vice ni la cause du problème au bien acheté.

[24]           Selon l’estimation faite par le Fabricant, le coût des réparations est de 1 000,82 $[14]. En l'absence d'autre preuve quant à la durée de vie, le Tribunal retient que le Fabricant reconnaît une durée de vie jusqu'à cinq ans.

[25]           Le Tribunal considère que le remède approprié, incluant la diminution du prix payé et les frais réclamés, est de 1 000 $ en considérant le coût de la réparation.

[26]           Les dommages-intérêts autres que ceux résultant du retard dans l'exécution d'une obligation de payer une somme d'argent portent intérêt au taux convenu ou, à défaut de toute convention, au taux légal[15], soit 5 % par an[16], à compter de la mise en demeure ou à toute autre date postérieure que le tribunal estime appropriée, eu égard au préjudice et aux circonstances. Dans le présent dossier, le Fabricant a reçu la mise en demeure[17] le 16 février 2021[18].

[27]           Habituellement, les frais de justice sont dus à la partie qui a eu gain de cause, à moins que le tribunal en décide autrement[19]. Il n’y a pas lieu, en l’espèce, de déroger à la règle usuelle.

[28]           Selon l’article 343 du Code de procédure civile, les frais de justice portent intérêt au taux légal à compter du jour du jugement qui les accorde et sont payables à la partie à laquelle ils sont accordés.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]           ACCUEILLE en partie la demande;

[30]           CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 1 000 $ avec intérêts au taux de 5 % l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter du 16 février 2021, soit la date de réception de la mise en demeure, ainsi que les frais de justice de 106 $.

 

 

__________________________________

MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

Date d’audience :

17 mars 2022

 


[1]  Pièce P-1.

[2]  Pièce P-3.

[3]  Pièce P-5.

[4]  Pièce P-1.

[5]  Pièce P-2.

[6]  Pièce P-3.

[7]  Pièce P-5.

[8]  Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1.

[9]  Pièce P-3.

[10]  Pièce P-1.

[11]  Jeffrey Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, p. 165.

[12]  Voir le procès-verbal d'audience du 17 mars 2022, à 11:26:35.

[13] Beauchamp c. Relais Toyota inc., [1995] R.J.Q. 741 (C.A.); voir également Nichols c. Toyota Drummondville (82 inc.), [1995] R.J.Q. 746, 749 (C.A.).

[14]  Pièce P-6.

[15]  Article 1618 du Code civil du Québec.

[16]  Loi sur l'intérêt, L.R.C. (1985), c. I-15, art. 3.

[17]  Pièce P-8.

[18]  Pièce P-10.

[19]  Article 340 du Code de procédure civile.

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