Décision

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Desmarteau et Ministère du Conseil exécutif

2024 QCCFP 22

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

2000166

 

DATE :

20 décembre 2024

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Mathieu Breton

______________________________________________________________________

 

 

 

PIERRE DESMARTEAU

Partie demanderesse

 

et

 

ministère DU CONSEIL EXÉCUTIF

Partie défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 33, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F3.1.1)

______________________________________________________________________

 

  1.                Le 25 novembre 2024, M. Pierre Desmarteau dépose un recours en matière de mesures administratives ou disciplinaires à la Commission de la fonction publique (Commission) en vertu de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique[1] (LFP). Il conteste la décision de son employeur, le ministère du Conseil exécutif (ministère), de mettre fin à son stage probatoire effectué dans le cadre d’une promotion à titre de cadre, classe 3.
  2.                Le 26 novembre 2024, la Commission soulève d’office son absence de compétence pour entendre ce recours. Elle demande aux parties de lui transmettre par écrit, au plus tard le 10 décembre 2024, leurs arguments concernant la recevabilité du recours afin de rendre une décision sur dossier.
  3.                Le 9 décembre 2024, M. Desmarteau transmet un exposé, déjà envoyé à la Commission le 25 novembre 2024, une lettre ainsi que divers documents dont 11 pièces jointes et des organigrammes.
  4.                Dans cette lettre, il mentionne notamment :

[…]

En réponse à votre communication du 26 novembre 2024, permettezmoi de vous soumettre les arguments par lesquels je considère que mon échec au stage probatoire de deux ans (malgré les 38 mois en exercice) repose sur une évaluation inéquitable, sans transparence, et qui a résulté en une décision injustifiée, subite et abusive. Communiquée la veille du mois où se terminait ma probation, cette décision a pris effet dès le lendemain.

Il m’est difficile d’y trouver fondements alors que de mon parcours de gestionnaire on a, d’une part, relevé trois évaluations[…] de « rendements supérieurs aux attentes » et que, d’autre part, l’équipe performante, éclairée, motivée et stable que j’ai dirigée pendant plus de trois ans, compte de nombreuses réalisations reconnues et dont la portée est vaste et complexe.

[…]

[Transcription textuelle]

  1.                Il rapporte également d’autres éléments visant à démontrer que la décision de mettre fin à son stage probatoire n’est pas justifiée.
  2.                Pour sa part, le ministère soumet « que la Commission n’a pas compétence pour entendre l’appel de monsieur Desmarteau » puisqu’une « fin de stage probatoire dans le cadre d’une promotion constitue une mesure administrative et ne fait pas partie des décisions qui peuvent faire l’objet d’un appel en application de l’article 33 de la Loi sur la fonction publique. »
  3.                Le ministère réfère la Commission aux décisions X et Agence du revenu du Québec[2], Lessard et Ministère des Transports du Québec[3] ainsi que MachaalaniYared et Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale[4].
  4.                En outre, il demande que les 11 pièces jointes transmises, le 9 décembre 2024, par M. Desmarteau soient rejetées ou, subsidiairement, qu’une ordonnance soit rendue afin d’assurer la confidentialité de certaines d’entre elles.
  5.                La Commission accueille cette demande de rejet. Elle est d’avis que ces documents ne sont pas admissibles en preuve puisqu’ils sont non pertinents pour déterminer si elle a compétence. Ces documents doivent donc être retirés du dossier du greffe[5] et détruits.
  6.            De plus, la Commission juge qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur le recours de M. Desmarteau.

CONTEXTE ET ANALYSE

  1.            Le 30 novembre 2022, M. Desmarteau est promu cadre, classe 3, au ministère. Il y occupait auparavant un emploi de niveau professionnel d’agent de recherche et de planification socioéconomique[6].
  2.            Conformément à l’article 15 de la LFP, le Conseil du trésor prévoit à l’article 27 de la Directive concernant la classification et la gestion des emplois de cadres et de leurs titulaires (630)[7] qu’un employé promu à un emploi d’encadrement doit réussir un stage probatoire d’une durée de 24 mois.
  3.            En vertu de l’article 12 du Règlement sur le classement des fonctionnaires[8], en cas d’échec d’un stage probatoire effectué lors d’une promotion, l’employé réintègre la classe d’emplois qu’il détenait avant ce stage.
  4.            Le 31 octobre 2024, le ministère met fin au stage probatoire de M. Desmarteau. Une lettre lui indique :

[…]

Le 30 novembre 2022, vous avez été nommé à titre de cadre classe 3 (63003) au ministère du Conseil exécutif, plus précisément à la Direction de l’intelligence d’affaires et de la gestion de projets.

Nous avons constaté que vous n’avez pu démontrer les habiletés nécessaires pour remplir les fonctions que nous vous avions confiées. La présente confirme donc l’échec de votre stage probatoire. De ce fait, nous mettons fin à celui-ci à compter du 1er novembre 2024.

Vous avez été informé verbalement de votre nouvelle affectation à compter du 4 novembre 2024 à la Direction de l’informatique du ministère du Conseil exécutif. À cet effet, je vous invite à communiquer avec […] pour discuter de cette nouvelle attribution.

[…]

[Transcription textuelle]

  1.            Le 25 novembre 2024, M. Desmarteau dépose un recours à la Commission, en vertu de l’article 33 de la LFP, afin de contester cette décision.
  2.            Cette disposition énonce :

33. Un fonctionnaire non régi par une convention collective peut interjeter appel devant la Commission de la fonction publique de la décision l’informant :

1o de son classement lors de son intégration à une classe d’emplois nouvelle ou modifiée;

2o de sa rétrogradation;

3o de son congédiement;

4o d’une mesure disciplinaire;

5o qu’il est relevé provisoirement de ses fonctions.

Un appel en vertu du présent article doit être fait par écrit et reçu à la Commission dans les 30 jours de la date d’expédition de la décision contestée.

Le présent article, à l’exception du paragraphe 1o du premier alinéa, ne s’applique pas à un fonctionnaire qui est en stage probatoire conformément à l’article 13.

  1.            La décision visée par ce recours, soit de mettre fin à un stage probatoire effectué lors d’une promotion, est une mesure administrative qui ne fait pas partie des mesures pouvant être contestées conformément à cet article.
  2.            En effet, selon le libellé de cette disposition, seules une mesure disciplinaire et certaines mesures administratives mentionnées expressément peuvent faire l’objet d’un recours par un employé non régi par une convention collective[9].
  3.            La Commission a déjà constaté son absence de compétence pour entendre un recours contestant la décision de mettre fin à un stage probatoire effectué dans le cadre d’une promotion[10].
  4.            Elle a notamment établi que cette mesure ne peut pas constituer une rétrogradation[11] ni un congédiement déguisé[12]. Elle a également déterminé que cette décision ne peut pas non plus faire l’objet d’un recours en vertu de l’article 127 de la LFP[13].
  5.            La Commission souligne qu’elle est un tribunal administratif qui n’a qu’une compétence d’attribution. Elle ne peut donc exercer que la compétence qui lui est accordée expressément par le législateur[14] :

[…]

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. […]

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]

Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions – notamment de délai – il peut être introduit […].

[…]

  1.            En somme, la Commission considère qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur le recours de M. Desmarteau.
  2.            Par ailleurs, le ministère demande le rejet des 11 pièces jointes transmises, le 9 décembre 2024, par M. Desmarteau au motif qu’elles seraient non pertinentes pour déterminer si la Commission a compétence pour entendre le recours.
  3.            Subsidiairement, le ministère demande qu’une ordonnance soit rendue afin d’assurer la confidentialité de certaines d’entre elles. Il mentionne :

[…]

3. Les commentaires de M. Desmarteau sont accompagnés de 11 pièces jointes au soutien de ses prétentions, dont les fichiers informatiques sont numérotés de 1 à 11;

4. Le ministère constate que plusieurs de ces documents, qui sont de la propriété du ministère, constituent des correspondances confidentielles ou contiennent des renseignements confidentiels et hautement sensibles, y compris des renseignements qui sont protégés par le secret professionnels liant l’avocat à son client;

5. Il s’agit plus particulièrement des pièces jointes numérotées 3, 4, 5, 6, 8 et 9;

6. Or, il est dans l’intérêt public de préserver la confidentialité de ces documents;

7. Au surplus, il apparait à la face même de ces documents que leur production à la Commission n’est pas pertinente dans le cadre de la question qui est soumise aux parties, à savoir si la Commission est compétente pour entendre le recours;

8. Nous soumettons respectueusement que l’ensemble des pièces produites par M. Desmarteau pour appuyer ses commentaires devraient être rejetées;

9. Subsidiairement, si la Commission considère pertinent d’accepter ces pièces et de conserver ces pièces jointes, nous demandons que la Commission rende, sans délai, une ordonnance pour que les pièces numéros 3, 4, 5, 6, 8 et 9 soient déposées sous pli confidentiel et ne puissent pas être accessibles par des tiers;

[…]

[Transcription textuelle]

  1.            La Commission accueille la demande de rejet du ministère puisqu’elle est d’avis que les 11 pièces jointes transmises, le 9 décembre 2024, par M. Desmarteau ne sont effectivement pas pertinentes pour déterminer si elle a compétence. Il s’agit notamment d’un compte rendu d’une réunion, de courriels et d’évaluations du rendement.
  2.            Par conséquent, ces documents sont non admissibles en preuve. La Commission juge donc qu’ils doivent être retirés du dossier no 2000166 et détruits.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE :

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour statuer sur le recours de M. Pierre Desmarteau;

ACCUEILLE la demande de rejet, présentée par le ministère du Conseil exécutif, visant les 11 pièces jointes transmises, le 9 décembre 2024, par M. Pierre Desmarteau;

ORDONNE au greffe de retirer du dossier no 2000166 et de détruire les 11 pièces jointes transmises, le 9 décembre 2024, par M. Pierre Desmarteau.

 

 

 

Original signé par :

 

 

 

__________________________________

Mathieu Breton

 

 

 

M. Pierre Desmarteau

Partie demanderesse

 

Me Natacha Lavoie

Procureure du ministère du Conseil exécutif

Partie défenderesse

 

Date de la prise en délibéré :

11 décembre 2024

 


[1]  RLRQ, c. F3.1.1.

[2]  X et Agence du revenu du Québec, 2015 QCCFP 8.

[3]  Lessard et Ministère des Transports du Québec, 2014 QCCFP 20.

[4]  MachaalaniYared et Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2012 QCCFP 38.

[5]  Dossier no 2000166.

[6]  Classe d’emplois no 105.

[7]  C.T. 219127 du 10 avril 2018 et ses modifications.

[8]  RLRQ, c. F3.1.1, r. 2.1.

[9]  Makanga et Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, 2023 QCCFP 24, par. 24.

[10]  Lamarche et Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 2015 QCCFP 18, par. 27; X et Agence du revenu du Québec, préc., note 2; Lessard et Ministère des Transports du Québec, préc., note 3; MachaalaniYared et Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, préc., note 4.

[11]  MachaalaniYared et Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, préc., note 4. Voir également le troisième alinéa de l’article 28 de la Directive concernant l’attribution de la rémunération des fonctionnaires, C.T. 211312 du 3 avril 2012 et ses modifications.

[12]  X et Agence du revenu du Québec, préc., note 2; Lessard et Ministère des Transports du Québec, préc., note 3, par. 19 à 33.

[13]  Lamarche et Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, préc., note 10, par. 27; Lessard et Ministère des Transports du Québec, préc., note 3, par. 38 à 43.

[14]  Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale – Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421423.

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