Lavoie-Couillard c. 9218-8069 Québec inc. (Kia Lévis) |
2018 QCCQ 8037 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-700348-177 |
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DATE : |
11 octobre 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PATRICK CHOQUETTE, J.C.Q. |
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MÉLISSA LAVOIE-COUILLARD Et FÉLIX-ANTOINE BERGERON |
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Partie demanderesse |
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c. |
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9218-8069 QUÉBEC INC. FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM KIA LÉVIS |
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Partie défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Les demandeurs, acheteurs d’un véhicule Kia Optima usagé de l’année 2012, réclament 1 136,81 $ au vendeur 9218-8069 QUÉBEC INC (Kia Lévis), pour des réparations requises à certaines composantes du véhicule, usées prématurément selon eux.
[2] Kia Lévis conteste; le véhicule a été vendu en bonne condition, mais les réparations ont été requises à la suite de l’usure normale et d’un entretien négligent du véhicule de la part des demandeurs.
[3] Le véhicule vendu par Kia Lévis est-il atteint d’un vice de qualité ou de durabilité au moment de la vente?
[4] Mélissa Lavoie-Couillard recherche un véhicule usagé et contacte Alexandre Marceau, une connaissance, qui agit comme représentant chez Kia Lévis.
[5] Les négociations se déroulent principalement par messages textes durant la période des fêtes 2015-2016.
[6] Mélissa Lavoie-Couillard affirme qu’Alexandre Marceau lui représente que le véhicule ne nécessite aucune réparation.
[7] Les représentations d’Alexandre Marceau, en lien avec la présente situation, extraites de l’échange de messages textes sont les suivantes :
Va sur mon site kialevis.com et clique sur inventaire, tu les as tous.
Sont vraiment propres ceux qu’on garde et tout est fait côté entretien et mécanique. (…) Oui, mais des fois si tu prends le moins cher et que tu dois changer les freins, les pneus et que tu dois mettre des pneus d’hiver… tu te rapproches du prix du mien.[1]
[8] Le contrat de vente est donc signé le 5 janvier 2016 et le véhicule est livré le 7 janvier. Il affiche alors un peu plus de 83 000 kilomètres.
[9] À la suite de l’inspection du concessionnaire, le véhicule est Certifié Kia ce qui donne également droit aux quatre premiers changements d’huile gratuits.
[10] Le véhicule est également doté d’une garantie du manufacturier valide jusqu’au 13 avril 2017 ou 100 000 kilomètres selon la première éventualité atteinte[2].
[11] Le 3 juin 2016, Mélissa Lavoie-Couillard envoie un message texte à Alexandre Marceau : « Quand vous vendez un véhicule vous faites les breaks right? »
[12] Alexandre Marceau lui répond la journée même : « À 50 % d’usure et plus ».
[13] Environ 18 mois après la vente et plus de 35 000 kilomètres parcourus, Mélissa Lavoie-Couillard se rend au garage VitroPlus de Repentigny le 5 juin 2017. Selon Benjamin Doyon, dirigeant du garage, les plaquettes et disques de freins avant sont hors d’état et rouillés; le véhicule ne peut reprendre la route.
[14] Félix-Antoine Bergeron, le conjoint de Mélissa Lavoie-Couillard, téléphone à Steve Audet chez Kia Lévis et demande sur-le-champ une compensation ce à quoi Steve Audet ne peut agréer, n’ayant pas vu le véhicule.
[15] Lors de l’instruction, Steve Audet, représentant du service technique, explique que les demandeurs ne se sont pas prévalus des quatre changements d’huile gratuits et, comme ils n’ont pas fait leur entretien chez Kia Lévis, il n’a pas revu le véhicule depuis 18 mois. Il n’est pas en mesure d’évaluer la demande que lui faisait Félix-Antoine Bergeron sur un ton pressant.
[16] Le 7 juin 2017, les demandeurs font changer le système de freinage avant au coût de 738,23 $ ainsi que les joints à rotule et barres stabilisatrices avant du véhicule pour le montant de 398,58 $[3].
[17] Les demandeurs en demandent le remboursement estimant que les composantes du véhicule n’ont pas servi pour un usage raisonnable.
[18] Steve Audet de Kia Lévis dépose le rapport d’inspection préalable du véhicule[4] démontrant que l’usure des freins avant est d’à peu près 40 % et celle des freins arrière d’environ 10 %.
[19] Le rapport démontre également :
Enlever les roues, inspection détaillée du système de freinage avant et arrière et valider fonctionnement adéquat. (…)
Nettoyage du système de freinage aux quatre roues, ajustement du frein à main, déglaçage des cordons rouillés, lubrification des pivots d’étrier et application d’un anti-seeze sur les plaquettes et porte-plaquettes[5].
[20] Steve Audet produit la copie du calendrier d’entretien du fabricant, lequel est non seulement accessible sur le site internet KIA mais également dans le manuel du propriétaire livré dans chaque véhicule[6]. Le système de freinage doit être vérifié aux quatre mois ou 8 000 kilomètres.
[21] Les demandeurs se sont, quant à eux, limités à quelques changements d’huile et n’en apportent aucune facture pour attester les travaux d’entretien sur le véhicule.
[22] Selon Steve Audet, il est probable que l’absence d’entretien et d’inspection du véhicule en fonction du style de conduite ait contribué à une plus grande usure des freins durant cette période.
[23] Quant aux composantes du rouage avant, les demandeurs ont été négligents de ne pas faire inspecter le véhicule avant l’échéance de la garantie du manufacturier soit le 17 avril 2017 ou à l’atteinte de 100 000 kilomètres.
[24] Cette réclamation doit être étudiée en fonction des dispositions suivantes du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur[7], relativement à la garantie de qualité et de durabilité.
Code civil du Québec :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1727. Lorsque le bien périt en raison d’un vice caché qui existait lors de la vente, la perte échoit au vendeur, lequel est tenu à la restitution du prix; si la perte résulte d’une force majeure ou est due à la faute de l’acheteur, ce dernier doit déduire, du montant de sa réclamation, la valeur du bien, dans l’état où il se trouvait lors de la perte.
1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l’acheteur.
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
1730. Sont également tenus à la garantie du vendeur, le fabricant, toute personne qui fait la distribution du bien sous son nom ou comme étant son bien et tout fournisseur du bien, notamment le grossiste et l’importateur.
1731. La vente faite sous contrôle de justice ne donne lieu à aucune obligation de garantie de qualité du bien vendu.
1732. Les parties peuvent, dans leur contrat, ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets, ou l’exclure entièrement, mais le vendeur ne peut, en aucun cas, se dégager de ses faits personnels.
1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.
Cette règle reçoit exception lorsque l’acheteur achète à ses risques et périls d’un vendeur non professionnel.
Et des dispositions suivantes de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) :
34. La présente section s’applique au contrat de vente ou de louage de biens et au contrat de service.
35. Une garantie prévue par la présente loi n’a pas pour effet d’empêcher le commerçant ou le fabricant d’offrir une garantie plus avantageuse pour le consommateur.
36. Dans le cas d’un bien qui fait l’objet d’un contrat, le commerçant qui transfère la propriété du bien à un consommateur doit libérer ce bien de tout droit appartenant à un tiers, ou déclarer ce droit lors de la vente. Il est tenu de purger le bien de toute sûreté, même déclarée, à moins que le consommateur n’ait assumé la dette ainsi garantie.
37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l’article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l’article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
261. On ne peut déroger à la présente loi par une convention particulière.
262. À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
[25] Ces dispositions allègent le fardeau du consommateur qui n’est pas tenu de faire une preuve directe d’un vice caché, mais que le bien n’a pas servi pendant une durée raisonnable considérant les critères énumérés à l’article 38 de la LPC.
[26] Dans un arrêt récent de la Cour d’appel du Québec, on n’y explique que pour les contrats de consommation, les articles 37 et 38 LPC créent une présomption de responsabilité; le commerçant et le fabricant ne peuvent plaider leur ignorance d’un vice dont l’existence est prouvée ou présumé lors de la vente. Leur seule défense est de prouver que le bien n’était affecté d’aucun défaut caché lorsqu’il a été mis sur le marché.
[27] Pour bénéficier de la présomption de responsabilité découlant de ses articles, le consommateur doit donc satisfaire les deux conditions suivantes :
1. Qu’il a acquis le bien d’un commerçant;
2. Que le bien n’a pas servi à l’usage auquel il est normalement destiné ou n’a pas servi à un usage normal pendant une durée raisonnable eu égard au prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.[8]
[28] Évidemment, le premier élément de la condition s’applique puisque Kia Lévis est un commerçant assujetti à la Loi sur la protection du consommateur.
[29] Quant à la deuxième condition, le Tribunal est d’avis que Kia Lévis a prouvé que le véhicule n’était affecté d’aucun défaut caché lorsqu’il a été mis sur le marché. Voici pourquoi.
[30] Alexandre Marceau a correctement représenté la situation à l’occasion des négociations ayant mené à la vente. Il s’agit d’un véhicule 2012 ayant déjà parcouru plus de 83 000 kilomètres, mais ayant subi une inspection mécanique permettant qu’il soit « Certifié Kia ».
[31] Les freins avant ne sont changés qu’à 50 % d’usure et plus alors que le certificat d’inspection atteste que les freins avant n’ont atteint que 40 % d’usure.
[32] Les vérifications du mécanicien de Kia démontrent l’inspection détaillée du système de freinage avant et arrière ainsi que le nettoyage de ses composantes.
[33] De façon contemporaine à la vente, il n’y a donc pas de traces de rouille aux plaquettes et aux disques, ni d’usure qui nécessiterait le remplacement du système de freinage, ni du rouage avant.
[34] Les demandeurs, quant à eux, bénéficiaient d’une possibilité de quatre changements d’huile gratuits dont ils n’ont pas jugé opportun de se prévaloir chez Kia Lévis.
[35] Ils prétendent avoir fait procéder à certains changements d’huile durant la période des 18 mois, mais n’ont pas documenté ces opérations ni l’entretien du véhicule.
[36] En juin 2016, soit six mois après l’achat et un an avant le remplacement des freins, Mélissa Lavoie-Couillard questionne Alexandre Marceau dans un message texte quant à l’état des freins, ce qui semble toutefois rester lettre morte.
[37] Le calendrier d’entretien du véhicule démontre que l’inspection du système de freinage, requise aux quatre mois ou 8 000 kilomètres, aurait permis de prévenir toute usure prématurée des composantes des freins ou du roulement avant.
[38] Les demandeurs n’ont pas acheté un véhicule neuf et ils ne peuvent s’attendre à ce qu’il en soit ainsi pour les composantes en cause.
[39] Il est évident que les freins n’étaient pas usés de la sorte uniquement après seulement 35 000 kilomètres d’usure, selon ce que Benjamin Doyon semble croire.
[40] Le véhicule a servi 18 mois et pour plus de 35 000 kilomètres sans autre preuve que l’affirmation de changement d’huile et sans se prévaloir du service gratuit offert par Kia Lévis.
[41] Considérant la preuve du bon état du système de freinage et du roulement avant lors de l’inspection mécanique préalable à sa vente et l’absence de fausses représentations, les demandeurs n’ont pas réussi à démontrer une usure prématurée des freins ou des composantes du système de rouage avant qui engagerait la responsabilité de Kia Lévis.
[42] REJETTE la demande;
[43] CONDAMNE Mélissa Lavoie-Couillard et Félix-Antoine Bergeron au paiement des frais judiciaires limités à la somme de 150 $ représentant les droits de greffe quant au dépôt de la contestation.
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Date d’audience : |
30 juillet 2018 |
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[1] Pièce P-4.
[2] Étiquette assortie au contrat D-4.
[3] Facture P-7.
[4] D-1.
[5] Les demandeurs n’ont pas eu connaissance du rapport pré-inspection avant d’avoir intenté les présentes procédures.
[6] D-6.
[7] RLRQ, c. P-40.1
[8] CNH Industrial Canada Limited c. Promutuel Verchères, société mutuelle d’assurances générales, 2017 QCCA 154 et Renaud c. Auto Jean Yan, 2017 QCCQ 2403.
AVIS :
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