Décision

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Procureur général du Québec c. Résidence St-Pascal

2022 QCCQ 7936

COUR DU QUÉBEC

Division administrative et d’appel

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

 :

200-80-009847-201

 

DATE :

7 novembre 2022 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

NATHALIE CHALIFOUR, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC 

Partie appelante 

 

c.

 

RÉSIDENCE ST-PASCAL 

Partie intimée 

 

et

 

VILLE DE QUÉBEC 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU QUÉBEC

Parties mises en cause 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]               L’appelant, le Procureur général du Québec (PG), agissant au nom de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, appelle d’une décision du Tribunal administratif du Québec (TAQ) déclarant un immeuble de Résidence St-Pascal (RSP) exempt de taxes foncières pour les rôles d’évaluation des années 2004 à 2021, à l’exception du rôle 2015 à 2018 (Décision)[1].

[2]               L’exemption de taxes de l’immeuble de RSP (Unité d’évaluation ou Bâtiment) résulte de l’application de l’article 204 (14) b) de la Loi sur la fiscalité municipale (LFM)[2].

[3]               En bref, cette disposition vise à exempter des taxes foncières les immeubles de certains établissements où sont exercées, conformément à un permis émis en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS)[3], des activités propres à la mission d’un centre de services communautaires, d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou d’un centre de réadaptation.

[4]               L’article 204 (14) a) et b) LFM se lit comme suit :

204. Sont exempts de toute taxe foncière, municipale ou scolaire :

()

14°  a)  un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement public au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2), d’une agence de la santé et des services sociaux visée par cette loi ou d’un établissement public au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

b)  un immeuble qui est compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement privé visé au paragraphe 3° de l’article 99 ou à l’article 551 de la première loi mentionnée au sous-paragraphe a du présent paragraphe ou visé à l’article 12 de la seconde et où sont exercées, conformément à un permis délivré à l’établissement en vertu de celle de ces lois qui lui est applicable, des activités propres à la mission d’un centre local de services communautaires, d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou d’un centre de réadaptation au sens de la première de ces lois ou d’un centre d’accueil au sens de la seconde;

(Soulignements ajoutés)

[5]               Étant un organisme à but non lucratif créé à l’initiative de la Fondation Robert-Giffard (Fondation RG) du Centre hospitalier Robert Giffard (CHRG)[4] pour l’hébergement et la réinsertion sociale de personnes avec des troubles mentaux, RSP se réclame de l’exemption de taxes foncières de son Unité d’évaluation[5].

[6]               Notons que depuis 2008, RSP a fait l’objet de reconnaissances par la Commission municipale du Québec ayant l’effet de l’exempter de taxes en vertu de l’article 244 (10) LFM[6].

[7]               Pour des raisons que le Tribunal ignore et qui n’ont pas été prouvées ni débattues auprès du TAQ, RSP a néanmoins saisi le TAQ de demandes d’exemption en vertu de l’article 204 (14) b) LFM, d’où la Décision.  

[8]               En vertu de l’article 159 de la Loi sur la justice administrative (LJA)[7], l’appel de la Décision a été autorisé par le Juge Jacques Tremblay aux fins des questions suivantes[8] :

  1. Le TAQ a-t-il erronément conclu que RSP est un « établissement privé » au sens de la LSSSS?
  2. Le TAQ a-t-il erronément conclu que RSP exerce des activités propres à celles d’un centre de réadaptation au sens de l’alinéa 5 de l’article 79 de la LSSSS?
  3. Le TAQ a-t-il erronément écarté l’exigence d’un permis clairement énoncé à l’article 204 (14) b) LFM?

[9]               Mentionnons immédiatement que l’appel est mal fondé et qu’il doit être rejeté.

L’irrecevabilité de l’appel au motif de sa tardivité

[10]          Le 23 mars 2021, le Juge Christian Boutin a rejeté une demande de RSP en irrecevabilité qui soulevait, sur la base de l’article 160 LJA, la tardivité de la demande pour permission d’appel du PG faite plus de trente (30) jours après la Décision[9].

[11]          En effet, en vertu de l’article 160 LJA, une demande pour permission d’appel d’une décision de la Section des affaires immobilières du TAQ doit être faite au greffe de la Cour du Québec dans les trente (30) jours de la décision.

[12]          La Décision ayant été rendue le 17 mars 2020 et la demande pour permission d’appel du PG timbrée le 13 juillet 2020, RSP en demandait le rejet.

[13]          RSP soulève à nouveau la question à titre de moyen préliminaire.

[14]          Le juge du fond n’étant généralement pas lié par le rejet d’une demande en irrecevabilité, RSP se dit à même de présenter une seconde fois sa demande en irrecevabilité.

[15]          Il est vrai que, bénéficiant d’une preuve complète, le juge du fond est délesté du poids de la prudence requise lors d’un moyen préliminaire en rejet et peut en décider autrement à la lumière de toute la preuve.

[16]          Cependant, encore faut-il que la reprise de l’exercice ne soit pas seulement un appel déguisé et qu’une preuve au fond puisse servir d’assise à une décision différente.

[17]          Or, en l’espèce, siégeant en appel du TAQ sur mémoire, le Tribunal ne dispose d’aucun autre élément que ceux débattus devant le Juge Boutin.

[18]          D’ailleurs, RSP se borne à faire valoir le même argumentaire dans l’espoir d’une décision différente.

[19]          N’ayant aucun nouvel élément pour justifier de trancher différemment la question déjà décidée, la demande en irrecevabilité de RSP doit être rejetée.

[20]          Sans compter que la soussignée partage entièrement l’avis du Juge Boutin lorsqu’il explique ceci :

[49] Le Tribunal est également d’avis qu’il se dégage des décrets et arrêtés précités une intention de la part des autorités de protéger le public, ce qui comprend la préservation des droits des justiciables dans les circonstances exceptionnelles de la pandémie de COVID-19. À ce sujet, et comme le rappelait si bien M. le juge Huppé dans l’affaire Boisclair c. Oxfam-Québec, « le Tribunal ne peut faire abstraction du fait que la déclaration d’urgence sanitaire entraîne de profonds bouleversements dans le fonctionnement régulier de la société ». Il déplaît au Tribunal de devoir considérer que dans de telles circonstances, tout justiciable, et non pas uniquement le PG Québec, aurait dû déposer son appel à l’intérieur d’un délai de 30 jours de la décision attaquée, a fortiori lorsque celle-ci a été rendue quelques jours après le début de la crise sanitaire.

[50] S’agissant enfin de la question relative à l’impossibilité en fait d’agir, le Tribunal rappelle ici également les mots de M. le juge Huppé dans l’affaire Boisclair c. Oxfam-Québec précitée dans laquelle il indiquait que : « lorsqu’il apprécie la conduite des parties à un litige et de leurs avocats, le Tribunal doit tenir compte que la vie sociale tout entière est affectée par la crise actuelle et que les justiciables sont alarmés quotidiennement par la lutte contre la pandémie ». Aussi, le Tribunal est-il d’avis qu’il y a lieu de prendre en compte le contexte hors de l’ordinaire dans lequel la décision du TAQ a été rendue, à savoir quelques jours après la déclaration de l’état d’urgence et qu’il y a lieu de faire preuve de souplesse dans l’application de règles de droit susceptibles de faire perdre des droits aux justiciables dont fait partie le PG Québec.

(Soulignements ajoutés)

La norme d’intervention de la Cour du Québec

[21]          Avec raison, les parties s’entendent sur la qualification des questions en litige et sur la norme d’intervention du Tribunal.

[22]          Ainsi, les deux premières questions posées étant mixtes de fait et de droit, il s’agit d’appliquer la norme de l’erreur manifeste et déterminante.

[23]          Quant à la troisième question qui soulève une question de droit, il s’agit d’appliquer la norme de la décision correcte.

[24]          Les normes d’intervention de la Cour du Québec siégeant en appel ayant été longuement discutées depuis l’arrêt Vavilov[10] de la Cour suprême du Canada et cet aspect n’étant pas contredit par les parties, il n’est pas nécessaire de s’y attarder.

[25]          Rappelons seulement que la norme de la décision correcte exige la démonstration d’une erreur de droit ayant vicié l’analyse et influé sur l’issue du litige; une erreur de droit sans impact sur l’issue du litige ne commande donc généralement pas l’intervention du tribunal[11]. Le cas échéant, le tribunal a alors pleine latitude pour décider, sans déférence à l’égard de l’opinion du premier décideur[12].

[26]          En ce qui concerne les questions mixtes de fait et de droit, la jurisprudence est abondante au sujet de ce qui constitue une erreur manifeste et déterminante et de la déférence à laquelle est tenu un tribunal d’appel quant aux conclusions factuelles d’un premier décideur[13].

[27]          Soulignons que l’erreur doit être non seulement évidente et flagrante, mais doit aussi avoir un impact réel sur la solution retenue quant aux questions en litige. En d’autres mots, se tromper au sujet de certains faits n’est pas suffisant pour justifier un appel[14].

Le contexte factuel

[28]          Dans le cadre de la désinstitutionnalisation des services de santé et des services sociaux, la Fondation RG acquiert l’ancien Presbytère Saint-Pascal pour l’intégration sociale de certains patients du CHRG[15].

[29]          Le 9 février 2004, RSP est constituée[16]; la Fondation RG et RSP ont alors le même conseil d’administration, la même directrice générale et des règlements similaires[17].

[30]          Le 6 avril 2004, en vertu de l’article 108 de la LSSSS qui autorise un centre hospitalier à conclure des ententes de services, CHRG conclut avec RSP une entente intitulée Convention pour services d’hébergement (Convention) pour l’hébergement de seize (16) usagers au Presbytère Saint-Pascal[18]. En vertu de la Convention, RSP s’occupe du Bâtiment[19].

[31]          Parallèlement, CHRG conclut avec un autre organisme à but non lucratif, soit le Centre de jour Feu Vert inc. (CJFV), une entente intitulée Convention de services de soutien et d’assistance (Convention CJFV) pour des services de soutien et d’encadrement des usagers logeant dans le Bâtiment « de manière à contribuer à leur intégration et leur maintien dans la communauté »[20].

[32]          Le 25 août 2004, à la suite de difficultés financières en lien avec l’entretien du Bâtiment et ses frais d’opération, la Fondation RG vend le Bâtiment à RSP au prix de 1 $[21].

[33]          Depuis 2008, le Bâtiment a été considéré à deux reprises par la Commission municipale du Québec comme un centre de réadaptation pour permettre à des personnes psychiatrisées de réintégrer la société[22].

[34]          Bien que les décisions de la Commission municipale du Québec ne fassent pas preuve de manière irréfutable des activités de RSP, il n’en demeure pas moins qu’elles créent une présomption d’exactitude des faits[23]; présomption qui s’est avérée ici très forte quant aux activités de réadaptation exercées dans le Bâtiment et quant à la mission de RSP.

[35]          Les extraits suivants de la Décision permettent de comprendre l’interaction et l’interrelation entre le CHRG, la Fondation RG et RSP, de même que les fondements factuels ayant orienté la Décision :

[20] Ensuite, Mme Louise Arsenault témoigne avoir notamment travaillé à la Fondation Robert-Giffard, qui achète le presbytère Saint-Pascal pour l’intégration sociale de patients de l’hôpital Robert-Giffard, dans le cadre de l’opération désinstitutionalisation.

[21] Devant des difficultés financières qui surviennent, notamment de la découverte d’amiante dans le bâtiment et des coûts reliés à l’installation d’un ascenseur, la crainte de ne pas pouvoir assumer les paiements hypothécaires surgit.

[22] La Fondation vend donc l’immeuble à Résidence Saint-Pascal, au prix de 1 $, le 25 août 2004. Celle-ci est incorporée sous la troisième partie de la Loi sur les compagnies depuis le 9 février 2004. Les deux organisations ont le même conseil d'administration, la même directrice générale et des règlements similaires.

[23] Le Tribunal constate que cette opération ne coupe pas le lien de Robert-Giffard avec ses patients qui sont logés à la Résidence Saint-Pascal.

[24] En relation avec le fardeau de la preuve, il est important de souligner que Résidence Saint-Pascal est une corporation sans but lucratif.

[25] Mme Arsenault corrobore le témoignage de M. Larue sur les revenus de Résidence Saint-Pascal qui proviennent uniquement des loyers ; elle précise que quand un résident est hospitalisé à Robert-Giffard, il conserve sa chambre aux frais de Robert-Giffard et maintenant du CIUSSS. C’est une autre indication du lien entre Robert-Giffard et ses patients qualifiés de locataires de Résidence Saint-Pascal.

[26] À titre illustratif, quand un mur intérieur a besoin d’être réparé, c’est en principe elle qui doit y voir, mais si le bris est causé par un résident en psychose par exemple, c’est le CIUSSS qui paie. C’est une autre confirmation du lien entre les locataires et Robert-Giffard.

[27] Les relations entre Résidence Saint-Pascal et le Centre hospitalier Robert-Giffard sont encadrées par une Convention pour services d’hébergement; celle du 6 avril 2004 et ses modifications du 8 février 2005 sont au dossier.

[28] Cette convention très détaillée porte notamment sur son objet : fournir les services d’hébergement à 16 usagers référés par le Centre hospitalier Robert-Giffard, CHRG.
On y précise les obligations de la propriétaire, Résidence Saint-Pascal, et du CHRG, les accès des usagers à la ressource, le transfert de l’immeuble, le transfert et la résiliation de la convention ainsi que d’autres questions de natures administrative et interprétative.

[29] En somme, conformément à la Convention pour services d’hébergement qu’elle a signée, Résidence Saint-Pascal ne s’occupe que du bâtiment.

[30] Précisons tout de suite que Robert-Giffard est maintenant connue comme étant l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (désigné sous le nom de Robert-Giffard dans cette décision pour fin de clarté) qui relève du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, le CIUSSS.

[31] Tout ce qui concerne la vie à l’intérieur de la résidence relève du Centre de jour Feu Vert inc. (Feu Vert) ; la Convention de services de soutien et d’assistance conclue entre le Centre hospitalier Robert-Giffard et le Centre de jour Feu Vert le 23 janvier 2004 est au dossier. Il y est écrit à l’article 1.1, que :

« Le CHRG peut conclure des ententes pour la prestation de certains services de santé ou de services sociaux conformément à l’article 108 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c.S-4,2); »

[32] La convention contient des listes très détaillées des obligations de chacun ainsi que des clauses de natures interprétative et administrative.

[33] Quant aux relations entre Résidence Saint-Pascal et Feu Vert, il est notamment stipulé à l’article 4.2.20, que :

« Le responsable avisera le propriétaire de l'immeuble et le représentant du CHRG désigné au suivi administratif de la ressource, de toute réparation qu'il juge nécessaire à l'immeuble suite à une situation dont il a connaissance et procédera avec diligence lorsque la sécurité des occupants et la salubrité des lieux sont en cause. »

[34] Malgré que la convention indique 16 usagers souffrant de problèmes de santé mentale, précisons que la résidence peut en héberger jusqu’à 17 tout au plus. Ils poursuivent leurs traitements en processus de réadaptation pour acquérir une plus grande autonomie ; par la suite, Résidence Saint-Pascal pourra par exemple les amener à vivre de façon plus indépendante dans une maison de transition.

[35] Feu vert est en lien avec les locataires pour leurs soins corporels de même quant à leurs besoins personnels comme le transport pour différents rendez-vous médicaux. Il en est de même pour leurs effets personnels comme les cigarettes, etc. Le Tribunal constate que les locataires n’ont pas une autonomie complète ; ils sont en voie de l’acquérir mais en attendant, ils sont toujours en lien avec Robert-Giffard.

[36] Robert-Giffard détient le pouvoir de contrôle sur Résidence Saint-Pascal et sur ses locataires. Celle-ci doit accepter tous ceux que l’hôpital lui envoie et ne peut pas en accueillir d’autres.

[37] Robert-Giffard détient aussi le contrôle sur le contenu du bâtiment, du mobilier, de la fourniture de cuisine etc. Le lien si non le contrôle de Robert-Giffard sur Résidence Saint-Pascal tout autant qu’à l’égard de ses locataires est toujours présent.

[38] Ensuite, Mme Céline Aubé témoigne. Elle est directrice générale de Feu vert qui existe depuis une quarantaine d’années. Elle l’est aussi d’un autre organisme.

[39] Elle confirme que le rôle de Feu vert est vraiment de s’occuper des résidents, de tous leurs besoins quotidiens dont les repas et leur médication ; bref, d’assurer leur bien-être. Une autre preuve que Robert-Giffard maintient un fort lien personnel, si non essentiel, avec les locataires; ce lien dépasse l’hébergement.

[40] Elle décrit l’objectif de Résidence Saint-Pascal comme étant celui de rendre les locataires plus autonomes. Par exemple, de rendre possible leur déménagement dans des appartements supervisés. C’est notamment le but visé pour ceux qui occupent les studios ; la résidence en contient trois. Elle confirme que des locataires y habitent depuis longtemps ; certains y vivent depuis le début.

[41] Quant aux frais de service et d’hébergement, c’est le CIUSSS qui fait la gestion d’une entente qui détermine le montant d’argent pour les services de soutien et d’assistance.

[42] La preuve soumise par Résidence Saint-Pascal révèle que sous l’autorité de l’hôpital Robert-Giffard, Feu vert s’occupe des résidents abstraction faite du bâtiment et qu’elle n’a que la charge de son bâtiment adapté exclusion faite des personnes qui y demeurent.

[43] Les activités de l’un et l’autre sont toutefois liées ; elles ont des objectifs communs ou complémentaires, soit d’assurer des services de qualité aux locataires tel que prévu dans leurs conventions avec Robert-Giffard.

(…)

[71] Compte tenu de la situation de Résidence Saint-Pascal telle que précédemment décrite, reste à voir si elle satisfait aux exigences de la Loi pour obtenir l’exemption de taxes auquel elle prétend avoir droit pour son unité d’évaluation en vertu de l’article 204.14 b) LFM.

[72] Pour obtenir l’exemption, tel que mentionné au paragraphe 12 de la présente décision, elle doit donc faire la preuve que son immeuble :

a)      est compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement privé visé au paragraphe 3 de l’article 99 de la LSSSS.

[73] Selon le ministère, Résidence Saint-Pascal n’est pas un tel établissement.

[74] Le Tribunal conclut que selon la preuve, elle en est pourtant un.

b)      y sont exercés des activités conformément à un permis qui est délivré en vertu de celle de ces lois qui lui est applicable.

[75] Le ministère soutient que parce qu’elle ne détient pas un tel permis, Résidence Saint-Pascal ne satisfait pas à la deuxième condition.

[76] Selon la preuve, le Tribunal conclut qu’elle satisfait à cette condition en exerçant ses activités sous l’autorité de Robert-Giffard qui détient un tel permis et avec qui est liée par une convention de services autorisée par 108 LSSSS.

c)      et que ces activités sont propres à la mission d’un centre local de services communautaires, d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou d’un centre de réadaptation au sens de la première de ces lois.

[77] La preuve démontre que les activités que l’on retrouve à la résidence sont propres à celles d’un centre hospitalier et de réadaptation.

(Certains soulignements ont été ajoutés en sus de ceux déjà au texte original)


Analyse

[36]         Contrairement à la pratique habituelle en matière d’interprétation d’une exception, une exemption de taxes ne commande pas une interprétation restrictive[24].

[37]          En effet, la fiscalité ne répond pas uniquement à l’impératif de recueillir des fonds. Elle sert aussi de moyens pour encourager l’implication collective et faciliter les entreprises à vocation sociale. Partant, il faudra favoriser une interprétation large et généreuse de certaines exemptions, selon leur finalité, de manière à permettre l’atteinte de l’objectif.

[38]          Analysant l’exemption de l’article 204 (17) LFM applicable aux institutions religieuses, la Cour d’appel écrit ce qui suit à ce sujet dans le récent arrêt Procureure Générale du Québec (Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire («MAMROT»)) c. Fondation internationale Azzahra inc.[25] :

[51] « (…) une exemption de taxes ne doit pas recevoir une interprétation nécessairement restrictive, mais plutôt une interprétation téléologique qui tient compte à la fois du but recherché par une politique de levée de fonds et du but recherché par une politique d’exemption des œuvres sociales décrites à la loi, l’un de ces buts ne devant pas primer l’autre. »

[52] Appliquant cette approche dans Buanderie centrale de Montréal Inc., le juge Gonthier a étendu les exemptions des par. 204 (14) et 236 (1.1) LFM à deux institutions qui ne répondaient pas précisément aux critères d’exemption énoncés et qui ne pouvaient non plus se prévaloir de la théorie de l’alter ego avec les hôpitaux membres qui en bénéficiaient. Pour le juge Gonthier, il fallait néanmoins aller au-delà d’une interprétation stricte afin de faire prévaloir l’objet même de l’exemption pour ainsi l’accorder aux institutions en cause.

[53] Si on applique cette même approche au par. 204 (17) LFM, le concept d’institution religieuse n’a pas à recevoir une interprétation pointilleuse et stricte qui déjoue l’objectif de l’exemption. Une approche flexible et contextuelle qui tient compte de l’objet de l’exemption doit plutôt être favorisée. (…)

(Soulignements ajoutés)

[39]          Notons aussi l’arrêt Procureure Générale du Québec c. Ville de Montréal et Fonds de développement de l’École Rudolf Steiner de Montréal (Rudolf)[26], dans lequel la Cour d’appel met en lumière l’historique de la méthode interprétative devant être adoptée au sujet de l’article 204 (15) LFM.

[40]          Bien que cet arrêt se soit particulièrement intéressé à la notion d’alter ego et que cette théorie ne fasse pas partie des motifs de la Décision, certains enseignements sont pertinents.

[41]          Il convient de reproduire les passages suivants de cet arrêt, alors que la Cour d’appel adhère aux approches interprétatives adoptées par les tribunaux inférieurs saisis du problème avant elle :

[69] La Cour du Québec et la Cour supérieure ont rejeté cet argument. Elles ont considéré qu’en raison des arrêts Buanderie centrale de Montréal, Corporation NotreDame de BonSecours et Partagec inc., il était raisonnable pour le TAQ de privilégier une interprétation contextuelle qui tient compte de l'objectif poursuivi par le législateur qui a créé l'exemption, et de permettre à une société alter ego de bénéficier de l’exonération prévue à l’article 204 (15) L.F.M. La Cour supérieure écrit :

[37]       Selon la demanderesse, l’arrêt Placer Dome de la Cour suprême force le respect d’une mention expresse législative et l’intention du Législateur doit être reconnue.

[38]       La Cour du Québec décide que l’application littérale du texte de l’article 204(15) de la Loi sur la fiscalité municipale n’est pas appropriée en l’instance et que cela irait à l’encontre de la finalité de la Loi. Le juge Landry refuse de considérer que la conclusion du TAQ est déraisonnable. Il conclut :

116  Fort est de constater que la trilogie écarte l'application littérale du texte qui crée l'exemption selon les circonstances pour privilégier une approche plus contextuelle qui tient compte de l'objectif poursuivi par le législateur en créant l'exemption ainsi que des particularités des organisations corporatives en cause.

[39]       Aux yeux du Tribunal cette conclusion est possible et justifie qu’un organisme soit vu comme le titulaire du permis à des fins fiscales.

(Soulignements ajoutés)

[42]          Le droit à l’exemption fiscale de l’article 204 LFM doit donc être interprété d’une façon compatible avec son but social, en tenant compte de la finalité de la loi d’encourager certains organismes à vocation sociale, comme par exemple les institutions religieuses, les écoles ou les organismes offrant des services sociaux.

[43]          Cest fort de ces principes d’interprétation de l’article 204 LFM que les questions en appel doivent être analysées.

  1.  Le TAQ a-t-il erronément conclu que RSP est un « établissement privé » au sens de la LSSSS?

[44]          Selon le PG, RSP n’étant pas titulaire d’un permis du ministre de la Santé et des Services sociaux (Ministre) pour exercer ses activités ne peut être qualifiée d’« établissement privé » et ne rencontre pas la première exigence de l’article 204 (14) b) LFM.

[45]          Rappelons les termes de l’alinéa b) de l’article 204 (14) LFM :

b)  un immeuble qui est compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement privé visé au paragraphe 3° de l’article 99 [de la LSSSS] (…) et où sont exercées, conformément à un permis délivré à l’établissement en vertu de celle de ces lois qui lui est applicable, des activités propres à la mission d’un centre local de services communautaires, d’un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou d’un centre de réadaptation au sens de la [LSSSS];

(Soulignements ajoutés)

[46]          Se référant à l’article 437 de la LSSSS qui prévoit que nul ne peut exercer des activités propres à un centre hospitalier, à un centre d’hébergement et de soins de longue durée ou à un centre de réadaptation à moins d’être titulaire d’un permis du Ministre, le PG y voit l’empêchement pour RSP de revendiquer avoir droit à l’exemption fiscale de l’article 204 (14) b) LFM.

[47]          RSP ne serait pas un « établissement » au sens de la LSSSS, mais bien seulement un fournisseur de services d’hébergement pour le compte du CHRG. La Décision reviendrait à faire profiter RSP d’une exemption fiscale sur la base d’activités qu’elle exercerait sans permis, le cas échéant, donc illégalement.

[48]          Pour sa part, RSP argue qu’il s’agit d’appliquer la LFM et que c’est l’article 204 (14) b) LFM qui fixe les conditions donnant ouverture à l’exemption, non la LSSSS.

[49]          Selon RSP, l’article 204 (14) b) LFM ne référant qu’au paragraphe 3° de l’article 99 LSSSS, la délivrance d’un permis en vertu de l’article 437 LSSSS ne ferait pas partie des conditions requises pour donner ouverture à l’exemption.

[50]          RSP a raison.

[51]          D’ailleurs, la question telle que formulée par le PG porte à méprise.

[52]          En effet, le TAQ n’a pas décidé que RSP est un établissement privé au sens de la LSSSS, ce qui aurait pu mener à la question de l’absence d’un permis. Le TAQ a plutôt seulement tranché que RSP est « un établissement privé visé au paragraphe 3° de l’article 99 LSSSS ».

[53]          L’article 99 de la LSSSS se lit comme suit :

Est un établissement privé tout établissement:

  non constitué en personne morale;

  constitué en personne morale à but lucratif;

  constitué en personne morale sans but lucratif et exerçant des activités propres à la mission d’un centre mentionné aux paragraphes 2°, 4° ou 5° de l’article 79 pourvu que les installations maintenues par l’établissement ne puissent permettre d’héberger plus de 20 usagers.

(Soulignements ajoutés)

[54]          Afin de comprendre la portée de cet article, notons que l’article 79 de la LSSSS auquel il réfère se lit comme suit :

Les services de santé et les services sociaux sont fournis par les établissements dans les centres suivants:

  un centre local de services communautaires;

  un centre hospitalier;

  un centre de protection de l’enfance et de la jeunesse;

  un centre d’hébergement et de soins de longue durée;

  un centre de réadaptation.

(Soulignements ajoutés)

[55]          Tenant compte de l’article 99 LSSSS, le TAQ a donc commencé son analyse de la cause en appliquant les trois critères suivants[27] :

i)       être une personne morale sans but lucratif;

ii)     que des activités propres à la mission d’un centre mentionnées aux paragraphes 2°, 4° ou 5° de l’article 79 de la LSSSS soient exercées dans le Bâtiment; ici, des activités de centre de réadaptation; et

iii)    avoir une capacité d’accueil limitée à l’hébergement d’au plus vingt (20) usagers.

[56]          RSP étant une personne morale sans but lucratif et sa capacité d’accueil étant limitée à dix-sept (17) usagers, la première question qui s’est posée au TAQ est celle de l’exercice d’activités propres à la mission d’un centre de réadaptation.

[57]          Le TAQ en a conclu positivement en ces termes :

[84]            Résidence Saint-Pascal prétend se conformer à l’alinéa 5 de l’article 79 : à titre de centre de réadaptation pour des personnes souffrant de problèmes de santé mentale.

[85]            La preuve factuelle révèle que son immeuble spécialement aménagé et entretenu à cette fin, conformément à la convention, est consacré à loger des personnes atteintes de problèmes de santé mentale. Ainsi, de Robert-Giffard où elles sont traitées, elles deviennent des locataires de Résidence Saint-Pascal, une mesure adaptée à la poursuite de leur traitement ou à l’évolution positive de leur santé mentale.

[86]            Elles y sont en voie de franchir une nouvelle étape, soit d’acquérir une plus grande autonomie pour enfin habiter dans une maison de transition par exemple. À cette étape, ces personnes sont accompagnées par Feu Vert dans l’immeuble de Résidence Saint-Pascal ; elles en sont les seuls locataires.

[87]            Le Tribunal en conclut que l’unité d’évaluation satisfait donc à la première condition en ce que des activités propres à la mission d’un centre de réadaptation tel que mentionné à l’article 79 paragraphe 5°, y sont exercées.

(Soulignements ajoutés)

[88]           Le TAQ n’a pas appliqué l’article 99 LSSSS en vase clos sans tenir compte de l’ensemble de la LSSSS. Il a appliqué l’article 204 (14) b) LFM qui ne réfère qu’à l’article 99 LSSSS.

[89]           De plus, en vertu de l’article 204 (14) b) LFM, la question d’un permis ne se pose que dans un second temps, comme nous le verrons en traitant de la seconde et de la troisième question en litige.

[90]           Le Tribunal ne constate donc aucune erreur manifeste et déterminante justifiant son intervention quant à l’approche du TAQ de commencer son analyse en se concentrant que sur le paragraphe 3° de l’article 99 LSSSS. Au contraire.

  1. Le TAQ a-t-il erronément conclu que RSP exerce des activités propres à celles d’un centre de réadaptation au sens de l’alinéa 5 de l’article 79 de la LSSSS?

[91]           Cette seconde question formulée par le PG est également trompeuse.

[92]           En effet, après avoir conclu être en présence d’un établissement privé visé au paragraphe 3° de l’article 99 LSSSS, le TAQ s’est demandé si RSP se devait ou non d’être elle-même titulaire d’un permis délivré en vertu de la LSSSS en lien avec les activités exercées dans son immeuble.

[93]           Le TAQ se pose la question en ces termes :

[99] La question à laquelle le Tribunal doit répondre est celle de savoir si le permis doit nécessairement être détenu par l’établissement au nom duquel l’unité d’évaluation est inscrite au rôle, Résidence Saint-Pascal, ou s’il peut l’être


au nom de l’établissement qui détient et exerce le contrôle sur elle, Robert Giffard.

(Soulignements ajoutés)

[94]           Selon le PG, l’intention du législateur serait de ne faire bénéficier de l’exemption que l’établissement qui exerce effectivement et directement des activités de centre de réadaptation, et ce, conformément à un permis émis par le Ministre.

[95]           Le PG souligne qu’à la suite de l’arrêt de la Cour suprême du Canada connu sous le nom de La Champenoise, l’article 204 (14) LFM a fait l’objet d’une modification législative en 1995 pour que soit ajoutée l’exigence d’un permis[28].

[96]           En effet, le législateur a voulu empêcher que La Champenoise se répète et qu’un centre d’accueil privé pouvant accueillir des centaines d’usagers puissent profiter de l’exemption pour l’ensemble d’une unité d’évaluation malgré que seulement quelques personnes y soient logées conformément à un permis délivré en vertu de la LSSSS[29].

[97]           Mais, le TAQ en a tenu compte dans son analyse des faits et son application de l’article 204 (14) b) LFM.

[98]           Les paragraphes suivants de la Décision permettent de mettre en lumière le raisonnement du TAQ et ce qui l’a amené à conclure en faveur de RSP :

[100] Simplifions le texte de loi pour en soustraire ce qui peut être considéré comme superflu ici. Le texte se lirait ainsi :

« b) un immeuble qui est compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’un établissement privé visé au paragraphe 3° de l’article 99 [...] où sont exercées, conformément à un permis délivré à l’établissement [….] des activités propres à […] un centre de réadaptation au sens de la première de ces lois ou d’un centre d’accueil au sens de la seconde; […] ».

[101] On peut noter que le législateur n’a pas écrit « cet établissement » ni « un établissement ». Mais dans la mesure où dans le texte de l’alinéa b), il n’est question que de l’unité d’évaluation en cause et de l’établissement au nom de qui elle est inscrite au rôle, il peut paraître difficile de soutenir une interprétation autre que de conclure que le permis doit être détenu par la personne au nom de qui l’unité est inscrite.

[102] C’est une interprétation littérale et stricte qui amène à conclure que ce ne peut être que Résidence Saint-Pascal qui doit détenir le permis. C’est la conclusion à laquelle le ministère arrive.

[103] Une interprétation plus large ou libérale de l’amendement peut aussi être de faire simplement en sorte qu’un permis qui ne vise qu’une partie d’unité d’évaluation ne puisse pas être étendu à une autre partie de cette unité qui ne se qualifie pas. C’est le cas de la Champenoise où la Cour accorde à 456 personnes, la portée d’un permis émis pour 20.

[104] Elle détient un permis pour un certain nombre de lits et la Cour Suprême accorde l’exemption à toute l’unité ; c’est ce que l’amendement vise à éviter, soit de considérer une activité comme étant autorisée par un permis alors qu’il n’y en a pas puisque le permis ne couvre spécifiquement qu’une partie de l'unité d'évaluation, 20 lits sur 456.

[105] La situation est différente ici car c’est dans toute l’unité d’évaluation que sont exercées les activités conformément au permis détenu par Robert-Giffard. Résidence Saint-Pascal n’est qu’un établissement qui exécute le mandat de Robert-Giffard auprès de ses patients et suivant ses directives quant à l’hébergement et ce, dans tout le bâtiment.

[106] La preuve révèle que la résidence est le fruit d’un achat suivi d’une rénovation pour répondre aux besoins de Robert-Giffard dans le cadre de sa mission.

[107] La relation entre Résidence Saint-Pascal et Robert-Giffard prouve que ses activités s’inscrivent dans celles qu’autorise le permis que détient Robert-Giffard. Cette constatation respecte l’objectif visé par l’amendement à la Loi, soit de faire disparaître l’ambiguïté qui a permis l’arrêt de la Cour Suprême dans La Champenoise.

[108] C’est donc le lien entre Robert-Giffard et Résidence Saint-Pascal qui est primordial ; en hébergement, elle offre un endroit adapté à ses patients au stade où ils en sont rendus quant à l’évolution de leur santé mentale. C’est ce que démontre la preuve du lien continu de Résidence Saint-Pascal avec ses locataires choisis par l’hôpital Robert-Giffard lui-même.

[109] Il faut donc voir l’amendement à l’article 204.14 b) LFM dans son contexte : une réaction spécifique à l’arrêt de la Cour Suprême dans La Champenoise, et ne pas lui donner une portée plus grande que celle qu’il a réellement. En somme il vise à ne pas permettre d’élargir la portée de l’exemption et à ne pas la réduire en l’interprétant trop strictement, mais plutôt en lui donnant plein effet.

(…)

[117] Le Tribunal conclut donc que Résidence Saint-Pascal est un établissement qui est propriétaire d’un bâtiment transformé pour accueillir un maximum de 17 personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Elles y sont dans un processus de réadaptation dans la continuité de leurs traitements par Robert-Giffard qui en a le contrôle.

[118] Ces personnes obtiennent des services d’hébergement par Résidence Saint-Pascal en collaboration avec le Centre de jour Feu Vert inc. tous deux liés au Centre hospitalier Robert-Giffard par des conventions sous l’autorité de l’article 108 LSSSS. Ils travaillent ensemble, en complémentarité, pour offrir aux locataires les services auxquels ils ont droit en vertu de leurs conventions avec Robert-Giffard, même s’ils ne sont pas légalement liés entre eux.

[119] Résidence Saint-Pascal exerce donc ses activités conformément à l’article 437 LSSSS, avec l’autorisation du permis de Robert-Giffard et de sa convention sous l’autorité de l’article 108 LSSSS.

(…)

[124] Quoiqu’il en soit, la preuve révèle que Robert-Giffard contrôle tout ce qui concerne la résidence : sa qualité, son contenu mais surtout l’admission des patients à titre de locataires et leur libération ou leur départ. C’est aussi dans le moindre détail, qu’elle met à leur disposition jusqu’aux menus objets et accessoires utiles ou nécessaires à leurs soins et besoins.

[125] Voilà qui contribue à justifier de donner plein effet à la Loi et qui confirme que le permis de centre hospitalier octroyé à Robert-Giffard suffit pour conclure que Résidence Saint-Pascal poursuit ses activités en raison d’un permis accordé à un établissement au sens de l’article 204.14 b).

(…)

[127] La troisième et dernière condition à satisfaire est la suivante. Est-ce que les activités exercées sont propres à la mission d’un […] centre de réadaptation au sens de la LSSSS ?

(…)

[129] Le Tribunal constate que Robert-Giffard ne se prévaut pas de cette option ; il choisit plutôt de procéder sous l’autorité de l’article 108 LSSSS qui prévoit qu’un établissement peut conclure avec un organisme ou toute autre personne, une entente pour la prestation de services professionnels en matière de services de santé ou de services sociaux. C’est ce qu’il fait avec Résidence Saint-Pascal et Feu Vert.

[130] C’est ainsi que les activités de Résidence Saint-Pascal s’inscrivent dans la mission d’un centre hospitalier dont des patients sont en réadaptation conformément à l’article 84 LSSSS, satisfaisant ainsi à la troisième condition.

(Soulignements et emphases ajoutés)

[99]           Ainsi, le TAQ a pris soin d’analyser le texte de l’article 204 (14) b) LFM, de même que la modification législative de 1995[30].

[100]       Ayant conclu que des activités propres à la mission d’un centre de réadaptation sont exercées dans le Bâtiment et qu’elles résultent de la Convention entre RSP et le CHRG, le TAQ a conclu que le critère de la nécessité du permis était rencontré.

[101]       En effet, le CHRG étant titulaire d’un permis de centre hospitalier et ayant agi en exécution de sa propre mission, qui inclut de la réadaptation de patients, il est apparu au TAQ que la finalité de l’article 204 (14) b) LFM était rencontrée.

[102]       Certaines particularités de la Convention sur lesquelles le TAQ insiste sont révélatrices du rôle et de la mission de RSP et des éléments ayant fondé la Décision, soit :

i)        que l’ensemble du Bâtiment est réservé exclusivement aux usagers de CHRG;

ii)      que le personnel du CHRG doit avoir un libre accès au Bâtiment en tout temps;

iii)    que RSP doit se conformer à la LSSSS et ses règlements;

iv)    que le CHRG contribue financièrement de façon mensuelle à payer RSP pour l’hébergement des usagers; et

v)     que RSP ne peut vendre son Bâtiment sans aviser le CHRG et s’assurer que l’acheteur éventuel assume toutes ses obligations aux termes de la Convention[31].

[103]       Le TAQ a considéré que la raison d’être de RSP et de l’acquisition par elle du Bâtiment s’inscrivent dans la recherche d’un objectif commun à CHRG et à la Fondation RG, soit celui de permettre l’accompagnement et la réinsertion sociale progressive de personnes souffrant de troubles de santé mentale dans un milieu de vie à l’extérieur de l’hôpital.

[104]       Le Tribunal ne décèle aucune erreur manifeste et déraisonnable dans la Décision de s’être attardée à la vocation du Bâtiment de RSP et d’avoir privilégié une interprétation souple à l’article 204 (14) b) LFM de manière à tenir compte de sa finalité.

[105]       Comme souligné par la Cour d’appel dans l’arrêt Rudolf, choisir une interprétation de l’article 204 LFM qui soit favorable au contribuable ne constitue pas une erreur révisable quand l’objectif recherché par l’exemption fiscale est rencontré[32].

  1. Le TAQ a-t-il erronément écarté l’exigence d’un permis clairement énoncé à l’article 204 (14) b) LFM?

[106]       Le TAQ a considéré que le centre de réadaptation exploité dans le Bâtiment est opéré conformément au permis dont jouit le CHRG.

[107]       Selon le TAQ, RSP rencontre les exigences requises pour être exemptée de taxes puisqu’elle agit en vertu de sa Convention avec le CHRG et que ce dernier est titulaire d’un permis de centre hospitalier.

[108]       Le TAQ n’a donc pas écarté l’exigence d’un permis énoncé à l’article 204 (14) b) LFM. Il l’a appliqué en tenant compte des objectifs de l’exemption fiscale et de l’ensemble des faits.

[109]       Avec raison, RSP mentionne que l’article 204 (14) b) LFM n’emploie pas un langage limitatif tel que « seuls les centres de réadaptation visés à l’article 79 de la LSSSS détenteurs d’un permis délivré en vertu de l’article 437 de la LSSSS sont exempts des taxes municipales ».

[110]       Rappelons les arrêts de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel précédemment discutés quant à l’interprétation de l’article 204 LFM de manière à favoriser l’atteinte de ses objectifs[33].

[111]       Le PG adopte une interprétation trop stricte et restrictive de l’article 204 (14) LFM qui ne tient pas compte de ses objectifs et de la jurisprudence ayant reconnu la nécessité d’une application souple, large et généreuse de la disposition.

[112]       Le Tribunal ne constate ici aucun motif d’intervention pour réformer la Décision du TAQ.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande en irrecevabilité de Résidence St-Pascal;

REJETTE l’appel du Procureur général du Québec;

LE TOUT, AVEC LES FRAIS DE JUSTICE.

 

 

 

 

 

__________________________________

NATHALIE CHALIFOUR, J.C.Q.


 

Me Marc-André Maltais 

Lavoie Rousseau (Justice – Québec) 

Avocat de la partie appelante 

 

Me Louis St-Martin 

Me Guillaume Renauld 

Therrien Couture Joli-Cœur 

Avocats de la partie intimée 

 

Me Olivier Gauthier 

Giasson & Associés 

Avocat de la Ville de Québec 

 

Me Isabelle Massicotte

Baril & Avocats 

Avocate du Tribunal administratif du Québec 

 

 

Date d’audience :

20 septembre 2022

 


[1] Résidence St-Pascal c. Ville de Québec et Ministère des Affaires Municipales et de l’Habitation, 2020 QCTAQ 03101.

[2] RLRQ c F-2.1.

[3] RLRQ c S-4.2.

[4] CHRG est connu sous le nom de Institut universitaire en santé mentale de Québec et est affilié à l’Université Laval. Il fait maintenant partie du CIUSSS de la Capitale Nationale.

[5] R-4, Mémoire de la partie intimée (ci-après : M.I.), pp. 89-105; Lettres patentes R-4, M.I., p. 6 et pp. 89-105.

[6] RSP c. Ville de Québec, CMQ-61201, R-10, M.I., pp. 133-140; RSP c. Ville de Québec, CMQ-61201, R-12, M.I., pp. 148-154.

[7] RLRQ c J-3.

[8] Procureur général du Québec c. Résidence St-Pascal, 2021 QCCQ 8014.

[9] 2021 QCCQ 2305.

[10] Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 37 (ci-après : Vavilov).

[11] Kosoian c. Société de transport de Montréal, 2019 CSC 59, par. 88.

[12] Vavilov, préc., note 10; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, par. 8 (ci-après : Housen).

[13] Gercotech inc. c. Kruger inc. Master Trust (CIBC Mellon Trust Company), 2019 QCCA 1168, par. 8 et 41; Cegerco inc. c. Équipements JVC inc., 2018 QCCA 28 (ci-après : Cegerco) par. 44-47.

[14] Audet c. Payette, 2018 QCCA 309, par. 9.

[15] Décision, par. 20, Mémoire de la partie appelante (ci-après : M.A.) p.26.

[16] Décision, par. 22, M.A., p. 26; R-1, M.I., p. 43.

[17] Décision, par. 22, M.A., p. 26.

[18] R-6, M.I., pp.114-123; Décision, par. 27-31, M.A., p. 27. Notons qu’en février 2005 des modifications mineures sans intérêt pour la présente affaire furent apportées à la Convention.

[19] Décision, par. 29, M.A., p. 27.

[20] MEC-4, M.A., pp. 126-150; Voir le paragraphe 2 de la Convention intitulé « Objet de la convention ».

[21] Décision, par. 22, M.A., p. 26; R-5, M.A., p. 216.

[22] R-10, par. 24-28, M.I., p.139; R-12, par 15-20, M.I., p. 152.

[23] Association des propriétaires de Boisés de la Beauce c. Le Monde Forestier, 2009 QCCA 48; Gestion Finance Tamalia inc. c. Gestion Lebski inc., 2012 QCCA 161.

[24] Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, pp. 15-18 (ci-après : Notre-Dame de Bon-Secours); Buanderie centrale de Montréal inc. c. Montréal (Ville de), [1994] 3 R.C.S. 29 (ci-après : Buanderie Centrale).

[25] 2017 QCCA 240 (ci-après : Azzahra).

[26] 2016 QCCA 2108 (ci-après : Rudolf).

[27] Décision, M.A., p. 34, par. 80.

[28] Notre-Dame de Bon-Secours, préc., note 24.

[29] Ibid.; Débats de l’Assemblée nationale, Journal des débats, 35e lég., 1er sess., vol. 34, no 5, 1er février 1995, M.A., pp. 202-206.

[30] Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, LQ 1995, c.7, M.A., p.76.

[31] R-6, M. I., pp. 114-123; Décision, par. 36-37, 41 et 124, M. A., pp. 22-44.

[32] Rudolf, préc., note 26, par. 69-71.

[33] Notre-Dame de Bon-Secours, préc., note 24; Buanderie Centrale, préc., note 24; Azzahra, préc., note 25; Rudolf, préc., note 26.

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